Un nom et un adjectif scintillent aux frontons des centres d’art et des musées, les médias en raffolent, le ministère de la Culture le soutient ardemment, les très grands collectionneurs se l’arrachent : partout, en 2021, l’art contemporain brille en majesté. La formule a le mérite d’être claire, si évidente qu’elle en devient incontestable : l’art contemporain ne peut être que l’art de nos contemporains, soit l’expression artistique adaptée à notre (post)modernité. Cette locution s’entoure d’une aura qui dispense souvent d’interroger, de questionner, (expressions chères aux artistes « contemporains ») la pertinence de cette trouvaille verbale, d’en débusquer les éventuelles contradictions et non-dits, les faux-semblants, ou, en suivant le fil rouge de sa sémantique, d’envisager ses consonances tant politiques qu’économiques ou ontologiques.
Un art contemporain, par et pour nous, serait un parangon de démocratie, rien d’étonnant à ce qu’il soit ouvert à toutes sortes de supports : on y croise des roues de bicyclettes, une italienne qui s’ouvre les veines, une vache coupée en tranches mais aussi une baraque à moules, bref des installations, voire des environnements et des performances, quelques vidéos, un peu moins de peintures et sculptures mais, en cherchant bien, probablement le raton laveur cher à Prévert. Tout ceci paradant dans le « white cube » des galeries et sur les catalogues en papier glacé, il est hors de question de penser une seconde qu’il s’agirait de n’importe quoi…