L’art moderne, selon la tradition historienne, s’inaugure au Quattrocento à partir de l’œuvre de Giotto en laquelle va se développer la représentation de la troisième dimension sur les deux du support. Avec la perspective, telle qu’elle est décrite dans le De pictura d’Alberti, cette représentation va rencontrer une étape orientée vers son achèvement géométral. Nous pouvons considérer que cette évolution est corrélative de l’incidence du discours de la science dans tous les champs du savoir, c’est-à-dire du traitement concerté du réel par le symbolique.
C’est ainsi qu’Hubert Damisch érige la perspective en paradigme ce qui veut dire qu’elle est partie prenante de la révolution scientifique, le passage du monde clos à l’univers infini. Elle excède ainsi son espace de savoir régional. Damisch nous donne l’exemple du traité de Piero della Francesca, De Prospectiva Pingendi qui peut prêter à deux lectures divergentes : selon l’histoire de l’art, selon celle des sciences. Selon la première, sa théorie purement déductive, paraît archaïque par rapport à sa pratique picturale. Selon la seconde, du point de vue de l’histoire des mathématiques, par sa réduction des problèmes de la géométrie de l’espace en ceux de la géométrie plane, il « instruit une géométrie à venir qui procédera à la relève dans l’ordre du concept ». Autrement dit, une pratique qui dans son effectuation prend la valeur d’un acte qui dépasse l’intention délibérée du praticien, est une pratique théorique qui précède la théorie…