La critique de la représentation comme restriction du champ d’action et des possibles de l’expérimentation artistique est au centre des préoccupations de nombreux artistes appartenant au courant historique des avant-gardes russes. Que ce soit Malévitch invitant à trouer l’espace de la toile pour faire apparaître l’espace du repos éternel ou Maïakovski invitant à faire des rues un nouveau terrain de jeu et d’expression ou encore Rodtchenko appelant à briser le décor en carton pâte des arts anciens, tous veulent redéfinir les rapports entre l’art et la vie soit en ouvrant l’art à la vie en rendant l’art suffisamment transparent pour qu’il laisse apparaître la vie nouvelle, ou en subordonnant l’art à la vie. L’approche constructiviste aura choisi la deuxième option comme en témoigne Le Manifeste réaliste de Naum Gabo et Pevsner (1920), texte qui est traversé dans son entier par l’exigence d’indexer l’art au monde nouveau : « Pas un seul des nouveaux systèmes artistiques ne résistera à la pression des exigences de la nouvelle culture naissante, tant que ne seront pas posées les bases mêmes de l’art sur le socle solide des lois réelles de la vie ». De nombreux artistes aux positions distinctes dans le champ artistique ont répondu à cet appel à redéfinir les buts et visées de l’art pour mieux refléter la nouvelle vie. Une nouvelle vie qui se présente comme une célébration de la culture industrielle, de ces grands ensembles de métal et d’acier qui viendraient asseoir la modernité soviétique triomphante…