Dans cet article je vais rassembler des recherches, des analyses, des réflexions que j’ai pu faire depuis quarante ans à différentes époques. Son propos est de distinguer deux mouvements essentiels de l’avant-garde européenne à l’orée du XXe siècle - le suprématisme et le constructivisme nés, l’un dans l’Empire Russe en 1913-1915, l’autre en URSS, en 1921-1922. Faire cette distinction est une nécessité non seulement d’ordre strictement historique (celui de l’histoire de l’art), mais encore plus d’ordre théorique, philosophique et conceptuel. Pourquoi faut-il encore aujourd’hui, cent ans après la naissance du suprématisme et du constructivisme, appeler à respecter ce qui nous a été légué par les œuvres et les écrits, en particulier de leurs principaux fondateurs et coryphées, Malévitch et Rodtchenko ? Parce qu’il faut constater que le constructivisme a de façon impérieuse pris le dessus tout au long du XXe siècle dans les différentes contrées européennes, faisant oublier que ce mouvement était né tout d’abord comme constructivisme soviétique, son nom apparaissant pour la première fois en 1921 avec un « Groupe de travail des constructivistes » à l’intérieur de l’Institut de la culture artistique (Inkhouk), groupe qui organise deux expositions pionnières à Moscou, celle de la « Société des jeunes artistes » (Obmokhou) en mai et, en septembre, celle intitulée 5x5 =25 (5 œuvres de 5 artistes – Varst [Varvara Stépanova], Vesnine, Lioubov Popova, Rodtchenko, Alexandra Exter). Les catalogues de ces deux expositions ne portent pas encore la mention « constructiviste », celle-ci apparaîtra explicitement, pour la première fois publiquement, en janvier 1922 lors de l’exposition moscovite « Constructivistes » qui présentait les sculptures des frères Guéorgui et Vladimir Stenberg et de Médounetsk…