Réalisée par l’artiste Martha Rosler en 1975, la vidéo Semiotics of the Kitchen suggère une véritable mise en scène de l’abécédaire, et souligne de fait un motif singulièrement pertinent pour penser les démarches artistiques féministes des récentes décennies. Dans le champ des pratiques expérimentales en arts visuels dans lequel s’inscrit alors Martha Rosler, l’usage de formes minimales, banales et répétées, revient fréquemment. Cette tendance se traduit dans les œuvres qui mobilisent le corps en danse mais aussi dans la performance et la vidéo, suivant des stratégies de dissection du mouvement en unités élémentaires. On peut penser par exemple au film Hand Movie (1966) de la chorégraphe new-yorkaise Yvonne Rainer où s’enchaîne, en plan fixe, une succession régulière de mouvements de doigts et de positions de la main : écarts, pliures, croisements, poing fermé, etc. Ce minimalisme dans le traitement du corps se tourne aussi vers l’usage d’objets, et tout particulièrement d’objets domestiques. Dans le solo Carnation (1964), Lucinda Childs manipule lentement et avec minutie un panier à salade dont l’usage est rapidement subverti : elle s’en coiffe, puis insère des bigoudis et des éponges en mousse colorée entre ses tiges métalliques. Sans qu’il s’agisse dans ces œuvres d’abécédaires à proprement parler, le fait de mettre en scène les gestes quotidiens « à la lettre » ou de manière littérale est une stratégie qui revient très fréquemment au cours des décennies 1960 puis 1970.
À la manière d’un mode d’emploi à usage domestique, l’abécédaire féministe annoncé dan…