Un bleu mer qui fait pleine page, envahit la couverture du livre. Entering the City Borders, Reaching the Boat est une immersion, presque une noyade. Dans le bas de la couverture une rangée de têtes émerge. L’eau est bleue sombre. Il fait nuit probablement. S’enchaînent ensuite sur papier glacé façon magazine, des images plein cadre de corps parfois dans le chaos, parfois hors de danger, dans une halte à la durée indéfinie, « des corps entre deux », dit Ezra Nahmad. Dans une embarcation tractée en terre ferme, marchant en file indienne ou furtifs et peu nombreux pour passer les obstacles, les corps sont embarqués dans une épopée dangereuse.
Il s’agit presque exclusivement de captures d’écran/arrêts sur image en provenance de documents visuels récupérés dans les reportages télévisés sur l’exode migratoire de l’été 2015, visionnés sur des sites grecs, turcs, russes, voire français ou britanniques. Ezra Nahmad les a regardés à l’envers, à l’endroit, à toute vitesse, au ralenti, plusieurs fois, pour interrompre le défilement sur une image déterminée. Opérer ce choix, s’arrêter, repérer un sens, lui donner un nouveau cadrage, bidouiller, reconstruire. Ezra Nahmad opère une exploration formelle des matériaux médiatiques, questionne les réactions de ce côté-là de la Méditerranée.
Dégradées à dessein, les images affichent des textures troublantes. Pixellisation, compression, bruit numérique et artifices en tout genre s’incrustent dans la matière d’image quitte à déstructurer la composition, faire basculer le tout dans une matrice binaire…