Lorsqu’il rend compte de l’exposition rétrospective consacrée en 1875 à Antoine-Louis Barye, l’écrivain américain Henry James ressent un certain malaise : « Cette exposition [...], écrit-il, est, à bien l’observer, un minutieux déploiement de cruauté. Tous les animaux de Barye – ou presque tous – mettent quelque chose en pièce, dévorent, combattent, baignent dans le sang. “L’œuvre de M. Barye, ou la beauté plastique de la férocité” – cela aurait fait un bon titre pour l’ensemble ». Ce commentaire pourrait s’appliquer à nombre de sculptures animalières réalisées entre 1830 et 1900 : après Barye, Emmanuel Frémiet, Auguste Caïn, Georges Gardet, Louis de Monard poursuivent l’œuvre du maître et représentent des bêtes féroces se livrant à des combats farouches – voire s’attaquant aux hommes. Les places et jardins publics parisiens en conservent encore aujourd’hui – malgré les fontes réalisées sous l’Occupation – des témoignages spectaculaires. Au jardin des Plantes, l’ours d’Emmanuel Frémiet plante ses griffes dans la chair du Dénicheur d’ourson qui vient de capturer (et d’étrangler) son petit. Au jardin du Luxembourg, le Lion de Nubie d’Auguste Caïn se tient fièrement campé, une autruche morte entre ses pattes. La violence qui anime une large part de la sculpture animalière au XIXe siècle ne peut manquer de surprendre le public d’aujourd’hui, à notre époque où les espèces sauvages sont protégées, voire pour certaines, en voie de disparition.
Le présent article se concentre sur la représentation des animaux sauvages – il exclut donc la question des animaux domestiques (chiens, chats, chevaux), comme celle des animaux fantastiques ou de l’animal utilisé comme motif décoratif – thèmes qui connurent également une grande fortune au XI…