Si l’on insiste souvent sur les émerveillements offerts à la fin du XIXe siècle par l’électricité, qui contribue au scintillement des villes et offre un éclat supplémentaire aux spectaculaires attractions des fêtes populaires, on évoque moins, en revanche, les multiples effets sonores qui contribuaient également à la liesse générale. « On peut dire qu’on en a eu alors de la fête plein les yeux ! Et plein la tête aussi ! Bim et boum ! Et boum encore ! […] Et nous voilà tous dans la mêlée, avec des lumières, du boucan, et de tout ! » s’enthousiasme ainsi Bardamu à la fin du Voyage au bout de la nuit, alors qu’il se promène dans une fête foraine, s’enivrant tout à la fois de sensations visuelles et auditives. Mais comment étudier cet environnement sonore, si riche mais également si fugace ? Il est vrai que s’engager dans une archéologie du passé sonore n’est pas chose aisée : Alain Corbin, dans Les Cloches de la terre, insiste sur les difficultés de l’historien à appréhender un monde désormais englouti. S’engager dans une étude consacrée aux bruits du boniment, au monde sonore que représentent et entretiennent les bonimenteurs, revient donc à marcher sur un fil d’équilibriste, celui-là même peut-être que regardaient les badauds s’arrêtant devant une baraque foraine. Dans cette tâche, les travaux de Martin Barnier nous seront d’une grande aide, ainsi que ceux qu’Olivier Balaÿ consacre aux espaces sonores urbains au XIXe siècle.
Les bonimenteurs – le mot employé au XIXe siècle était plus précisément celui de bonisseur – intervenaient dans les fêtes foraines, mais aussi dans les cabarets ou sur les grands boulevards, pour attirer l’attention des passants et les inviter à rejoindre un spectacle en cours, quand ce n’est pas eux-mêmes qui animaient et constituaient littéralement le spectacle…