Ma démarche de recherche-création coïncide avec la rencontre du « paradigme numérique » et la tentative de son incorporation au fondement de mon écriture scénique. J’ai abordé le numérique sur scène après mes trente ans, au moment où les ordinateurs grand public devenaient assez puissants pour calculer les images et les sons en temps réel et s’immiscer dans l’ici et maintenant du jeu des acteurs, à l’aube des années 2000. Je propose ici, du point de vue du metteur en scène, de rendre compte de l’évolution de la manière d’écrire scéniquement mes spectacles entre 2000 et 2007, en spécifiant les recherches qui l’ont influencée. Je décrirai ma participation au lancement d’un chantier de recherche d’ambition nationale encore en cours et je formulerai quelques remarques sur les fragilités qui peuvent surgir dans un « laboratoire technologique de mise en scène ».
Ma rencontre avec l’univers numérique est liée à l’utilisation de l’image sur le plateau théâtral. Il s’agissait d’un travail sur les transformations économiques et politiques liées aux évolutions du capitalisme et notamment à l’impact des nouvelles technologies (quelques mois après la création du spectacle, l’éclatement de la « bulle Internet » déclenchait plusieurs années de crise mondiale). Le spectacle, H Manifeste[s], construit en miroir d’un site internet, mettait en scène la dissolution du personnage de Madame H dans la société d’hypercommunication. Pendant un monologue, trois caméras fixes filmaient l’actrice du plateau vers le plateau (mini caméra située sur une télévision constituant un élément du décor, …