L’esthétique cinématographique de l’hallucination s’inscrit dans deux traditions figuratives. Elle emprunte bien entendu aux surréalistes leur appétence pour l’onirique et l’iconographie qui lui est associée : le rêve, l’imaginaire et l’intérêt pour l’inconscient donnent lieu chez les surréalistes à des explorations littéraires (l’écriture automatique s’en inspire), picturales (Salvador Dalí, Hallucination partielle. Six apparitions de Lénine sur un piano, 1931) et filmiques (Luis Buñuel, Un chien andalou, 1929). Mais elle entretient aussi des rapports privilégiés avec une esthétique de la folie, de l’étrange, de l’inquiétant, particulièrement investie par les plasticiens mais aussi les cinéastes expressionnistes et caligaristes comme Karl-Heinz Martin, Robert Wiene ou Paul Leni. Ces deux ancrages expliquent la prévalence des hallucinations filmiques dans le genre du cinéma fantastique, espace propice aux représentations psychiques et fantomatiques.
Si l’hallucination filmique navigue sur les flots de certaines avant-gardes picturales européennes des années 1910-1920, elle présente des caractéristiques spécifiquement cinématographiques, que nous souhaitons examiner ici. Deux films hollywoodiens classiques retiendront notre attention. À rapprocher du genre fantastique, ils appartiennent à l’imposant corpus des adaptations de la nouvelle de Robert L. Stevenson publiée en 1886, L’étrange cas du Dr. Jekyll et de Mr. Hyde / The Strange Case of Dr. Jekyll and Mr. Hyde. Le premier es…