Parler de frontières entre le cinéma et le rêve est à première vue une entreprise périlleuse. Le rêve hante l’image depuis longtemps et, pour s’en convaincre, le seul détour par l’exposition consacrée à la lanterne magique par la cinémathèque française, en 2009, et dont il nous reste un remarquable catalogue, suffit. Les artistes surréalistes se sont quant à eux appliqués à mettre en avant ce qui rapproche le cinéma du rêve. Ainsi les poèmes cinématographiques (en prose) d’un Philippe Soupault reposent-ils sur des caractéristiques formelles qui, selon lui, sont celles du rêve : le cinéma « ignore l’espace, le temps, bouleverse la pesanteur... un nouveau serviteur est à la disposition de son [celle du poète] imagination ». Et pourtant lorsque Georg Wilhelm Pabst veut filmer le rêve d’un patient et son analyse, Sigmund Freud refuse car, selon toute logique, la résurgence du souvenir qui ne pourrait se faire qu’en images sonorisées (sons de paroles et figures) vit d’abord sous un régime échappant à la mimésis — il y est question d’inconscient et de refoulement. Le rapport de Freud à l’image est une question complexe ; il ne sera évoqué ici qu’au regard du film de Pabst, Les Mystères d’une âme / Geheimnisse einer Seele (1926).
La représentation du rêve dans le cinéma des premiers temps, qu’il s’agisse de Méliès ou des premiers films américains, fait apparaître à l’écran une pseudo-réalité figurée comme telle : les procédés tels que le fondu au noir, le fondu-enchaîné, la surimpression, voire l’incrustation, délimitent un seuil spatial dans la mimésis que le spectateur doit franchir en « s’identifiant », ne serait-ce que provisoirement, avec le sujet endormi…