Pourquoi le monde occidental commence-t-il à s’intéresser à l’histoire de l’art de l’Europe centrale et de l’Est ? Pour mieux répondre à cette question, il faut en formuler une autre : quand est-ce que celle-ci arrive à infiltrer le grand discours (dominant) de l’histoire de l’art ? Car la chronologie joue un rôle important dans ce processus.
Ainsi, 1989, année de la chute du Mur apparaît comme un seuil incontestable sinon d’une percée de l’historiographie de l’Europe centrale et de l’Est, du moins d’un certain changement de regard concernant ces territoires. Certes, l’intérêt pour l’art de ces pays s’était fait sentir avant, avec surtout l’attention accrue qu’on lui a prêtée dans les années 1980 ; pourtant ce n’est qu’après l’ouverture de l’ancien bloc communiste, apportée par cette année charnière, que commence à se développer véritablement l’historiographie de cet art jusqu’alors très peu pris en compte.
Symptomatique pour cette chronologie de la pierre blanche, est l’approche de Thomas DaCosta Kaufmann telle qu’elle se précise dans les deux livres qu’il a publiés sur l’art en Europe centrale, le premier peu de temps avant la chute du Mur, le second quelques années après. Voici ce qu’il écrit dans la préface du premier ouvrage : “La présente bibliographie annotée de l’art de l’Europe centrale […] demande quelques mots d’explication sur ses principes de sélection et d’organisation, particulièrement parce que le matériel contenu ici risque d’être inconnu à beaucoup de lecteurs”…