L’idée de proposer une réflexion sur les différents aspects de la culture et de l’art de la période allant de la fin du XIXe au début du XXe siècle est, à mon avis, particulièrement heureuse et féconde, spécialement si on pense à l’extraordinaire production culturelle de cette période en Russie. À cet égard, on peut tracer un parcours idéal à partir de la “découverte”, dans la deuxième moitié du XIXe siècle, des diverses manifestations de la culture populaire, une découverte à laquelle suivit une floraison artistique assez riche et diversifiée, qui deviendra l’objet de la recherche scientifique entre les deux siècles. À ce phénomène est lié un intérêt constant pour la peinture naïve, pour la tradition orale et pour la langue vivante comme moyen d’expression de cette tradition. D’un côté des artistes comme Natalja Gontcharova, comme Kazimir Malevitch cherchaient dans les images de la peinture sacrée (en particulier dans les icônes rurales) et dans des illustrations fantastiques d’un monde fabuleux (les peintures sur bois, les lubki) une primauté de la pureté des formes ; de l’autre les “travailleurs du mot”, les poètes, les hommes de lettres, comme aussi les linguistes, cherchaient dans la langue vivante et dans les formes primitives du langage le matériau primordial de la production artistique et de la nature profonde du mot.
Les poètes inventent des langues poétiques qui leur sont propres à chacun, mais qui se basent sur l’existence d’une grammaire universelle. Grâce à cette grammaire, il est possible de reconnaître ce qu’on n’a jamais entendu…