Une œuvre particulière, Les Aïeux d’Adam Mickiewicz (1798-1855), a posé les fondements de l’essor original du théâtre polonais et a marqué durablement la culture et la spiritualité du pays. Sous l’influence de ce “poème dramatique”, le théâtre devenait le centre spirituel et intellectuel de la vie nationale, où se serait réalisée la quête du sens de la vie et de la mort, où l’homme pourrait se mesurer à sa vocation terrestre et prométhéenne. Ce drame romantique des années 1821-1832 – que l’on a mis en scène pour la première fois en 1901 seulement –, ainsi que les remarques du poète sur le théâtre faites au Collège de France, ont inspiré des générations successives de metteurs en scène, de réformateurs, d’acteurs. Cela est vrai encore de nos jours, mais d’une manière indirecte, car on n’arrive plus à trouver une forme théâtrale adéquate au drame dans la nouvelle réalité postcommuniste et postmoderniste. Par contre, la ritualité complexe et secrète des Aïeux sert toujours de matrice aux différentes recherches actuelles. Parfois contradictoires, quelquefois complémentaires.
L’origine du rite, qui a donné le titre au chef-d’œuvre de Mickiewicz, est populaire. C’était, souvenons-nous, la mode lancée par Johann Gottfried von Herder (1744-1803), de rechercher l’esprit d’une culture dans le folklore, les mœurs et les croyances du peuple. Mickiewicz voulait renouveler le théâtre, le réinventer en quelque sorte, comme dans la Grèce antique, en partant d’un rituel religieux. Il a eu recours au rite funéraire des Aïeux populaire sur les terres biélorusses, pays de son enfance…