Dans mes créations, la relation de face à face est souvent amplifiée ou mise en jeu. L’amplification est produite formellement par le filmage en gros plan et la diffusion sur scène des visages des interprètes. Une mise en jeu a lieu quand le sujet même est la confrontation des fonctions constitutives de la représentation scénique (auteur, acteur, metteur en scène et spectateur).
Certains spectacles déjouent avec humour les attentes des spectateurs en ne leur donnant pas à voir ce qu’ils attendent, ceux qu’ils sont venus écouter : les interprètes. L’usage de la vidéo permet de mettre en jeu une absence temporaire ou entière des acteurs. Cela produit une amplification de la fiction.
La vidéo permet de sonder les potentialités dramatiques de l’absence. Un acteur jouant un rôle peut changer de statut et devenir un autre à l’image, diffusée simultanément sur le plateau alors qu’il s’en est absenté. Elle permet aussi de distribuer un ou plusieurs rôle(s) virtuellement alors que les acteurs ne sont pas là.
Dans L’Hypothèse de Robert Pinget, un auteur, Mortin, se cache derrière son personnage, “l’auteur”. La pièce commence par une analyse policière des hypothèses pouvant expliciter la disparition de cet auteur et de son manuscrit. Cette enquête s’emmêle et s’envenime peu à peu, jusqu’à devenir un véritable procès dans lequel Mortin se démultiplie en une infinité de doubles. Dans notre mise en scène, ce personnage était diffracté en cinq présences : Elodie Brémaud (violoncelle), Cécile Saint Paul (gestes), Raphaël Potier (l’auteur jeune), Boris Lémant (l’auteur vieux), Marc Bertin (l’enquêteur)…