Ligeia 2007/2 N° 77-80

Couverture de LIGE_077

Article de revue

Expositions

Page 285

Olivier Debré : Grands formats, Musée des Beaux-arts d’Angers

1Sa formation d’architecte lui fait fréquenter le Corbusier tandis que sa rencontre avec Picasso, en 1941, est déterminante. Aidé par son milieu, il va travailler dans de nombreux pays, réalisant une carrière officielle et internationale. Pour cette exposition, des tableaux de grands formats et des toiles sans châssis ont été sortis de l’atelier pour la première fois. Une sélection de dessins de 1945 à 1956, dont certains évoquent Dachau, complète l’ensemble. L’exposition montre que dans les années 60, développant une étroite connexion avec la nature, il trouve sa voix originale au cœur de l’abstraction lyrique. Il marche alors sur ses grands formats étendus dans la nature et accueille la trace des évènements naturels, pluie, vent, sable, cailloux sans se soucier de pérennité. Des Nymphéas de Monet à ses paysages, le vide des paysagistes orientaux, le grand format et la gestuelle des Américains s’immiscent. Monochrome rouge des Tilleuls, 1986-89, évoque l’univers coloré de Rimbaud. Sa vision se situe entre une norme contemplative fluide et délavée de la surface, où l’on plonge, et le caprice d’une matière qui ponctue la marge. Un résultat parfois décoratif qui le distancie de Mark Rothko, plus perfectionniste, qu’il a rencontré en 1959.

Anselm Kiefer “Chute d’étoiles”, Monumenta 2007/ Grand Palais

2L’artiste s’est mesuré à l’art des ingénieurs de la nef du Grand Palais, créant un “Labyrinthe Kieférien” pour cette exposition dont José Alvarez est le commissaire. La matérialité de ses tableaux s’est déployée en une installation bétonnée décomposée en 10 modules : 7 sont baptisés par l’artiste “maison” à thèmes et 3 sont des tours dont l’une écroulée au sol. Le temps défraîchit les fougères, pollue, brutalise l’histoire - la mémoire d’un peuple encore marqué par la Shoa et le nazisme - “métabolisée” par le dialogue de Kiefer avec la pensée de Paul Celan et Ingeborg Bachmann. C’est ce qui nourrit cette construction monumentale et cinématographique réclamant de se laisser prendre à un jeu d’associations libres, comme l’artiste le demande. Le paysagiste n’a pas vaincu l’architecte de lumière. L’horizon mental aux nuances cendrées inflige tout son poids et, comme une idée fixe, le premier plan surdimensionné dans la construction imageante, révèle une mémoire saturée, en crise.

Weegee dans la collection Berinson, Musée Maillol

3Usher Fellig, dit Weegee en 1938, est un enfant émigrant à New York en 1910. Initié au métier de photographe, il collabore entre 1935 et 1945 au Daily News, à l’Herald Tribune, au PM Daily,… Il est le premier photographe à obtenir l’autorisation d’utiliser une radio à ondes courtes pour recevoir les messages de la police. Non seulement, il réalise plus de 5000 images de criminalité américaine qui influencent autant les films noirs qu’Andy Warhol qui s’inspire de ses photographies d’accident. Il capture aussi les apparitions de la jet set. En 1941, la Photo League de New York organise l’exposition : “Weegee : Murder is my Business”. Le MOMA lui achète des images et il conquiert ainsi sa place dans le monde de l’art. En 1945, paraît “Naked City” qui sera porté à l’écran par Universal Picture. Ce sont ces 10 années de photoreportage qui ont été retenues pour cette exposition. 228 vintages où la symbolique de l’ombre et de la lumière, l’introduction post-dadaïste de l’écriture dans l’image, la douleur sociale transparaissent à travers une ambiance formelle qui aseptise l’horreur, la violence, le misérabilisme, la mort. Il fédère l’Amérique en la transformant en spectacle et en vitrine.

Roy Lichtenstein : Evolution, Pinacothèque de Paris

4L’artiste américain ré-inaugure la Pinacothèque de Paris. L’exposition comporte 97 œuvres réalisées entre 1966 et 1997, issues de collections privées et de la Roy Lichtenstein Foundation, N. Y. Le motif, traité en collage puis en peinture, s’extériorise en une sculpture inter active qui viendrait en réponse au cubisme obsédant de Picasso dont Lichtenstein tente de s’extraire. Il s’évade ensuite de la manière impersonnelle Pop Art, de “son effet trame”, à travers une série faite à partir de Van Gogh, où il retrouve l’énergie de la touche peinte. Cela montre aussi que les peintres américains nourris par l’Europe retombent parfois dans un formalisme épuisant. Lichtenstein y échapperait, grâce au rowlux, une matière moirée se confondant avec l’impression de mer qu’elle figure dans le cadre du tableau. Cette matière à la visualité mouvante montre la voie d’une nouvelle beauté transcendantale même si manufacturée par le monde moderne d’où s’échappe ce pavillon, l’Oval Office, la séduction féminine Hollywoodienne des éléments iconographiques nationaux et neufs qui s’imposent au monde.

Zwy Milshtein, Orangerie du Luxembourg

5Sous une lumière naturelle d’atelier, cette rétrospective présente des peintures, sculptures, estampes, céramiques peintes et un vaste ensemble d’œuvres récentes. Son point fort est le Tryptique : Quo Vadis, 1991. Dans une Russie reculée, Staline et Lénine, ces icônes, explosent un univers familial qui se recompose envers et contre tout, désormais griffé, éclaboussé par la promiscuité, la terreur, béni par la neige, les images d’Epinal, l’écriture et guéri provisoirement par la vodka, l’humour, l’amour, la solitude créative. Des milliers de lignes survivent à l’imagination, défient le chaos d’associations libres, donnent à presque chaque forme un visage. L’écriture prend de plus en plus de place dans son œuvre actuellement, tout comme les titres fondent les images.

bb.footer.alt.logo.cairn

Cairn.info, plateforme de référence pour les publications scientifiques francophones, vise à favoriser la découverte d’une recherche de qualité tout en cultivant l’indépendance et la diversité des acteurs de l’écosystème du savoir.

Avec le soutien de

Retrouvez Cairn.info sur

18.97.9.175

Accès institutions

Rechercher

Toutes les institutions