Ce n’est pas sans raison que l’on glose sur la tendance joyeusement décomplexée des productions américaines à se donner comme pur spectacle, voué au divertissement de l’âme, au délassement de la pensée ou — ce qui semble aujourd’hui revenir au même – à la jubilation des sens. Cette superficialité de l’image et du propos est souvent qualifiée de postmoderne. Sans nous attarder sur l’emploi de cette notion complexe et problématique à bien des titres, contentons-nous de dire qu’elle correspond en effet à un trait commun : le renoncement apparent à nous parler du monde.
Pour la défense de cette esthétique essentiellement hollywoodienne, d’aucuns argueront de la franchise du procédé : ici les vessies ne se donnent pas pour des lanternes, et personne ne prétend à autre chose. Ainsi Vincent Amiel et Pascal Couté ont-ils raison de souligner, parallèlement à la fausseté patentée de ce cinéma, son absence d’effet illusionniste. Il y aurait de l’ “irréalisme naïf” dans cette façon de faire : personne n’est dupe, donc tout serait sauf. Et les auteurs d’en conclure que les productions contemporaines engendrent des “images sans épaisseur”, “un cinéma bi-dimensionnel qui ne possède aucune consistance propre”.
Illusion contre “bidimensionalité” : la métaphore est intéressante. Nous allons voir qu’elle est aisée à filer. Car, à côté de ces plates images hollywoodiennes — dont le vernis souvent trahit la facticité –, est ainsi défini un cinéma illusionniste, jouant de la possibilité de donner une impression de profondeur : également bidimensionnel en ce qu’il ne serait pas “réaliste”, mais cherchant à tromper, un temps, le regard du spectateur…