Au début du XXe siècle, les poèmes symbolistes de Marinetti sont empreints d’une véritable inspiration cosmique. Ses recueils La Conquête des étoiles (1902) et Destruction (1904) mettent en scène le spectacle grandiose et sublime des forces déchaînées de la Nature. L’univers n’est qu’un creuset d’énergie dynamique soumis à une constante métamorphose. Aux yeux de Marinetti, l’art lui-même est action : créer équivaut à réaliser des condensations et des libérations d’énergie en fonction d’une accélération du devenir. C’est ainsi que l’homme peut participer au “dynamisme universel”. Le rêve d’Icare, que semblent atteindre les premiers aviateurs, est au cœur de la pensée de Marinetti lors de la fondation du futurisme. Dès 1909, il dédie sa pièce Les Poupées électriques à l’aviateur américain Wilbur Wright. Il ne s’agit pas uniquement d’adapter l’art au nouveau monde de la technologie, mais de penser la véritable mutation anthropologique que l’avènement de la machine produit chez l’homme. En proclamant la nouvelle ère de l’ “homme multiplié”, Marinetti écrit : “Nous pouvons prévoir dès aujourd’hui un développement du bréchet sur la face externe du sternum, qui sera d’autant plus considérable que l’homme futur sera meilleur aviateur, comme cela arrive au meilleur voilier chez les oiseaux”. Son roman Mafarka le futuriste, publié en 1910, est le récit allégorique d’un héros nietzschéen qui enfante, sans le concours de la femme, une créature ailée : Gazourmah. D’un symbolisme flamboyant, le roman aboutit à la scène de l’envol final où Gazourmah s’élève dans l’espace céleste pour détrôner le soleil, selon une mythologie que l’on retrouvera peu après, dans une tout autre formulation, chez les cubo-futuristes russes…