L’art est écriture de l’espace, même si, bien entendu, on ne peut réduire la création à cette seule caractéristique. Dans le cadre de mes recherches, je choisis d’aborder la dimension spatiale de l’œuvre d’art en étudiant ce que je nomme les figures géographiques ou topiques (de topos, le lieu en grec). Je propose une théorie sensible de celles-ci dans l’art occidental. En l’associant à l’adjectif géographique, je donne un sens nouveau au mot figure, polysémique par nature. Modèle de la forme, la figure géographique a une fonction de structure. Elle est toujours à la source d’une problématique du sens, d’un questionnement. Pli du réel, la figure géographique entretient des liens intimes avec l’espace. Utilisées dans les différentes formes d’art, les figures sont souvent des “métaphores vives” (l’expression a été proposée, on le sait, par Paul Ricœur) qui font plus qu’illustrer : elles déterminent le sens des représentations. Les figures interviennent dans ce que je définis comme l’interspatialité par des processus combinatoires, une interspatialité inséparable d’un autre concept, celui d’intertemporalité. Mon article est une présentation de quelques aspects majeurs de mes travaux récents.
À la question “L’espace vous paraît-il limité ou illimité ?” posée par Gaston Diehl, Henri Matisse répond, en juin 1949 : “L’espace a l’étendue de mon imagination”. Cette réponse est une remarquable introduction au sujet qui nous occupe : les relations subtiles et complexes entre l’art et l’espace, un espace perçu et représenté, un espace à la fois source et support de création…