“Je pense que l’art est une obsession de la vie, déclare Francis Bacon en mai 1966, et après tout, comme nous sommes des êtres humains, notre plus grande obsession, c’est nous-mêmes. Ensuite, peut-être les animaux, et ensuite les paysages”. Aussi reprend-il la hiérarchie traditionnelle des sujets en art, en la modifiant sur un point : il place la figure de l’homme au centre de sa recherche picturale et réalise en effet, au cours de son existence, essentiellement des portraits et des autoportraits.
Il s’inspire à cette fin d’images représentant aussi bien des animaux que des êtres humains, issues de tableaux ou de films, de manuels médicaux ou d’autres ouvrages dont celui de Muybridge notamment, The Human Figure in Motion (1887). Il traque l’extrême mobilité du visage et le corps en mouvement, cherche à les éloigner l’un et l’autre de la simple apparence, déjà prise en charge par la photographie, et travaille à les étirer, à les tordre, à les déformer.
S’il lui arrive de peindre des bêtes, – des oiseaux ou des chiens, des taureaux, des singes –, il s’intéresse avant tout à l’animalité de l’homme, au sens où la définit Jean-François Chevrier dans un article intitulé “Une étrange parenté” : “L’animalité est un mot des philosophes, qui en avaient besoin pour définir l’homme, définir les limites internes de l’humain, le point, le moment où l’homme en amont de son apparition se perd, le moment où le mot “homme” ne peut plus être appliqué à la réalité de l’homme en général ou d’un homme en particulier : l’animalité est en somme une ouverture […] dans l’identité prêtée à l’homme par son semblable, une sorte de réserve mise à une reconnaissance, un trouble de l’identité spéculaire”…