Notes
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[1]
Voir la section « Figures de l’écrivain », dans G. Quinsat (éd.), Le Grand atlas des littératures, Paris, Encyclopædia Universalis, 1990, p. 186-259.
-
[2]
A. Viala, Naissance de l’écrivain, Paris, Éd. de Minuit, 1985.
-
[3]
Voir M. Foucault, « Qu’est-ce qu’un auteur ? » [1969], Dits et écrits (1954-1985), Paris, Gallimard, 1994, t. I, p. 789-820.
-
[4]
Voir G. Brown, A Field of Honor : Writers, Court Culture and Public Theater in French Literary Life from Racine to the Revolution, New York, Columbia University Press, 2002.
-
[5]
Ce qui suit reprend en partie un article paru dans les actes d’un colloque intitulé « Anonymity and Pseudonymity », organisé par les Universités John Hopkins et d’Oxford en novembre 2010. Voir J. Goodman, « The mask of collectivity : compositional practices at the Comédie-Italienne », Modern Language Notes, vol. 126, n° 4, sept. 2011, p. 812-824. D’une manière plus générale, la lecture de ces actes est vivement conseillée.
-
[6]
A. Viala, op. cit., p. 270-290.
-
[7]
Registres de la Comédie-Italienne, Bibliothèque de l’Opéra-Comique, manuscrits, série TH/OC, 42-51. Les compositeurs sont aussi désignés comme « auteurs » dans les registres, mais, suivant les définitions ci-dessus, ce ne sont pas des écrivains.
-
[8]
Voir I. Mattozzi, « Carlo Goldoni e la professione di scrittore », Studi e problemi di critica testuale, n° 4, 1972, p. 95-153.
-
[9]
A. Fabiano, Histoire de l’Opéra Italien en France (1752-1815), Paris, CNRS, 2006, p. 45-69.
-
[10]
Voir Chr. Biet & C. Triau, Qu’est-ce que le théâtre ?, Paris, Gallimard, 2006, p. 9 et 64-65.
-
[11]
Voir ibid., p. 450-465, notamment p. 456-57.
-
[12]
C. Goldoni, Tutte le Opere, éd. G. Ortolani, Milan, Mondadori, 1935, t. I, p. 450. Dans un souci de cohérence, j’ai modernisé l’orthographe des citations tirées de cette édition.
-
[13]
Voir C. Tournier, Manuel d’improvisation théâtrale, Genève, Éd. de l’Eau vive, 2003 ; T. Fitzpatrick, The Relationship of oral and literate performance processes in the commedia dell’arte : beyond the improvisation/memorisation divide, Lewiston, Edwin Mellen Press, 1995.
-
[14]
« Prologue », dans L.-F. Delisle, Le Faucon et les Oies de Boccace [1725], Montpellier, Espaces 34, 2003, p. 95.
-
[15]
F. Scala, Il Teatro delle favole rappresentative [1618], « Il finto marito », Milan, Il Polifilo, 1976, p. CX-CXI : « L’arte vera del ben far le commedie credo io che sia di chi ben le rappresenta, perché se l’esperienza è maestra delle cose, ella può insegnare, a chi ha spirito di ben formare e meglio rappresentare i suggetti recitabili, il ben distenderli ancora. [E] Chi può sapere meglio i recetti dell’arte che i comici stessi ? Che ogni giorno gli mettono in pratica esercitandola ? » (ma traduction).
-
[16]
Sur l’emploi de ce terme, voir S. Spanu, Le Répertoire et la dramaturgie de la Comédie-Italienne de Paris durant la seconde moitié du XVIIIe siècle, thèse de doctorat, Université de Paris IV, décembre 2010.
-
[17]
Voir A. Fabiano, « Gli allestimenti goldoniani alla Comédie-Italienne tra autorialità ed attorialità », Problemi di critica goldoniana, n° XVI, 2009, p. 239-50.
-
[18]
Cf. la production collective dans les ateliers d’art : voir N. Heinich, Être artiste : les transformations du statut des peintres et des sculpteurs, Paris, Klincksieck, 1996.
-
[19]
S. Spanu emploie un schéma temporel similaire dans sa thèse (op. cit.).
-
[20]
C. Goldoni, op. cit., t. I, p. 453.
-
[21]
Voir R. Chartier, « Georges Dandin ou le social en représentation », Annales. Histoire, Sciences Sociales, n° 2, 1994, p. 277-290.
-
[22]
Voir par exemple les résumés de la trilogie des Amours d’Arlequin et de Camille écrits par Desboulmiers, dont les canevas originaux ont été perdus : J. Desboulmiers, Histoire Anecdotique et raisonnée du Théâtre Italien, depuis son rétablissement en France, jusqu’à l’année 1769, Paris, Desventes Deladoué, 1770, t. VII, p. 5-44.
-
[23]
BnF, ms. Fr. 9254. Dans le catalogue on lit ce qui suit : « Les Vingt-deux Infortunes d’Arlequin, pièce ital. Pr., de la composition de Goldony, pensonnier [sic] du Roy. – Les Métamorphoses d’Arlequin, sujet ital. 3, orné de machines, de changements et de deux ballets (par Goldoni). Th. Ital., 1758. – La Bague magique, com. Ital. 3, pr. (aut., par Goldoni). Th. Ital., 1770 » (H. Omont, Catalogue de manuscrits français, Ancien supplément français, t. I, Paris, E. Leroux, 1895-1896, p. 337-8). Pour une première discussion de ces textes, voir P. Toldo, « Tre commedie francesi inedite di Carlo Goldoni », Giornale storico della letteratura italiana, n° 29, 1897, p. 377-392.
-
[24]
La paternité des deux premiers canevas a été définitivement réfutée par des recherches récentes. Voir P. Ranzini, « I canovacci goldoniani per il Teatro Italiano secondo la testimonianza di un “Catalogo delle robbe”, inedito », Problemi di critica goldoniana, n° IX, 2003, p. 7-168 ; A. Scannapieco, « Scrittoio, scena, torchio : per una mappa della produzione goldoniana », Problemi di critica goldoniana, n° VII, 2000.
-
[25]
C. Goldoni, op. cit., t. XII, p. 1216 : « Senza dubbio […] l’abbozzo originale del Goldoni » (ma traduction).
-
[26]
A. Scannapieco, op. cit., p. 121. Voir aussi A. Fabiano, Histoire de l’Opéra Italien en France (1752-1815), Paris, CNRS, 2006, p. 49-50.
-
[27]
C. Goldoni, op. cit., t. I, p. 450-451 (je souligne).
-
[28]
J. Desboulmiers, cité dans P. Colombi, « Su due adattamenti di testi Goldoniani al “Théâtre Italien” », Studi Goldoniani, n° 7, 1985, p. 155-166.
-
[29]
Cf. la discussion par P. Zumthor de la « fonction en quelque sort publicitaire » remplie par le nom d’un auteur même à l’époque médiévale (Essai de poétique médiévale, Paris, Éd. du Seuil, 2000, p. 85).
-
[30]
B. Pascal, Pensées, fr. 56, Œuvres complètes. II, éd. M. Le Guern, Paris, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », 1998, t. II, p. 561. Je remercie Alain Cantillon de m’avoir signalé ce lien.
-
[31]
Voir dans le présent volume l’article de V. Lochert.
-
[32]
Sur l’auteur-vedette et son emploi dans les médias, voir deux articles parus dans Argumentation et Analyse du Discours, n° 3 (« Ethos discursif et image d’auteur »), 2009 : M. Mendes Gallinari, « La “clause auteur” : l’écrivain, l’éthos et le discours littéraire », http://aad.revues.org/index663.html ; R. Amossy, « La double nature de l’image d’auteur », http://aad.revues.org/index662.html.
-
[33]
Une équipe de l’Université de Paris IV vient de terminer un projet qui consiste à chercher des preuves d’une intention d’auteur dans toutes ces pièces, dans le but d’établir un vrai corpus de canevas goldoniens – une tâche rendue très complexe par la fluidité d’attribution que nous avons étudiée. Les résultats doivent paraître chez Marsilio très bientôt. Voir aussi A. Scannapieco, op. cit., p. 121.
-
[34]
S. Spanu, « Les acteurs-auteurs post-goldoniens », Revue des études italiennes, n° 53 (« Carlo Goldoni et la France »), t. I, 2007, p. 51-60.
-
[35]
A. Fabiano, Histoire de l’Opéra Italien en France (1752-1815), Paris, CNRS, 2006, p. 45-69 ; id., « Gli allestimenti goldoniani alla Comédie-Italienne tra autorialità ed attorialità », Problemi di critica goldoniana, n° XVI, 2009, p. 239-50.
-
[36]
I. Østenstad, « Quelle importance a le nom de l’auteur ? », Argumentation et Analyse du Discours, n° 3, 2009 ; http://aad.revues.org/index665.html.
-
[37]
J. Meizoz, Postures littéraires. Mises en scène modernes de l’auteur, Genève, Slatkine, 2007 ; D. Maingueneau, « Auteur et image d’auteur en analyse du discours », Argumentation et Analyse du Discours, n° 3, 2009, http://aad.revues.org/index660.html ; R. Amossy, La Présentation de soi. Ethos et identité verbale, Paris, Presses Universitaires de France, 2010.
1Le phénomène que l’on appelle l’anonymat repose essentiellement sur une négation. Il implique la rupture du lien entre un nom d’auteur et une œuvre, le plus souvent écrite. De nos jours ce lien, constitutif de l’auctorialité, est attendu et même revendiqué, ce qui fait de l’anonymat un objet d’intérêt et de curiosité. Mais cela n’a pas toujours été le cas. Même si un malentendu répandu présente l’anonymat comme un choix, lié à la clandestinité, nous savons qu’à une époque ancienne, l’anonymat de la littérature était en fait la norme [1]. Ce n’est que quand l’auteur commence à représenter un rôle social bien délimité que l’anonymat acquiert sa nouvelle dimension de jeu de cache-cache. C’est avec la « naissance de l’écrivain [2] » qu’auteur et public trouvent intérêt à établir des liens entre un nom et un texte, pour des raisons légales, financières, et aussi interprétatives [3]. Et d’autres, du coup, et pour les mêmes raisons, cherchent à dissimuler ces liens.
2Le cas qui nous intéressera ici renvoie à une tradition, celle de la commedia dell’arte, où l’anonymat est une sorte de norme. Mais ce cas peut aussi paraître assez anachronique, puisqu’il advient dans un contexte auctorial très éloigné de la situation d’anonymat « normatif » esquissée ci-dessus. Dans les années 1760, l’auteur littéraire est depuis longtemps une figure sociale, et Beaumarchais et sa « Société des auteurs dramatiques » réussiront bientôt à solliciter les premières lois pour protéger le droit d’auteur au théâtre [4]. Dans ce contexte, un auteur italien très carriériste arrive à la Comédie-Italienne de Paris, décidé à y dupliquer la trajectoire stellaire qu’il a déjà connue à Venise. C’est de la tension entre son ambition personnelle et la vieille tradition à laquelle il se confronte que nous allons traiter ici – ou comment cet auteur essaie de s’instituer en auteur renommé dans une tradition théâtrale où le métier d’écrivain n’existait quasiment pas. L’année est 1763 ; le lieu est l’Hôtel de Bourgogne ; et l’auteur est Carlo Goldoni [5].
3Il faut d’abord régler quelques problèmes de terminologie, concernant en particulier les termes auteur et écrivain. Même si on a tendance à employer le mot auteur pour désigner un créateur de texte, je suivrai ici les distinctions d’Alain Viala et je prendrai auteur comme un terme plus général, qui s’applique à n’importe quel producteur ou « originateur », et qui est souvent lié à une notion d’autorité. Le mot écrivain, en revanche, est plus précis, et suppose un jugement de valeur. C’est le producteur d’un texte, et d’un texte ouvertement littéraire : quelqu’un qui se place dans le champ littéraire, qui parfois y fait carrière, et qui se crée une image d’auteur auprès du public [6]. Enfin, pour mon propos, il faut un troisième terme, pour désigner simplement celui qui crée un texte, qui s’occupe du métier pratique d’écrire, sans nécessairement arriver au statut reconnu d’écrivain. Ce dernier, je l’appelle le scripteur.
4Cela posé, il faut aussi préciser qu’à la Comédie-Italienne au XVIIIe siècle, il existe bien sûr des écrivains. Les héritiers de Marivaux qui écrivent en français et les librettistes des opéras-comiques, dont le célèbre Favart, sont tous désignés comme « auteurs » dans les registres administratifs du théâtre [7]. En tant qu’auteurs de textes, qui sont reconnus comme tels et qui font carrière au sein du monde théâtral, ce sont des écrivains. Mais ce ne sont pas ces écrivains qui nous concernent ici. On s’intéresse plutôt à l’autre branche de la production des Comédiens-Italiens : leurs spectacles traditionnels improvisés, créés selon les pratiques de la commedia dell’arte, où il n’y a pas vraiment d’écrivain à proprement parler, et où, pourtant, Goldoni se trouve contraint à travailler.
5Quand Goldoni part de Venise en 1762, il y jouit d’une réputation bien établie. Il a consacré les quarante ans de sa carrière dramatique à se façonner une image d’auteur dans les deux sens, pratique et symbolique, indiqués ci-dessus. En premier lieu, à travers une réforme de la comédie, il a rétabli le rôle central du scripteur dans une tradition dell’arte où une telle figure manquait. Mais ce qui est le plus significatif pour mon propos, c’est son souci très marqué de la valeur symbolique : l’acquisition du capital culturel qui le fera passer du statut d’écrivailleur à celui de véritable écrivain, et qui lui assurera une gloire éternelle [8]. Son arme principale est celle de la publication. Il veille sur l’édition de ses comédies, surtout l’édition Pasquali (1760-1770) dans laquelle les pièces sont encadrées d’extraits autobiographiques qui constitueront les fondations des Mémoires qu’il rédigera en français en 1787. Ces traces écrites sont le moyen de transformer Goldoni en un nom connu, célèbre, digne d’être retenu par la postérité.
6Son invitation à Paris lui offre l’occasion d’étendre son public et d’assurer son statut social par un lien avec la cour de France. Mais les Premiers Gentilshommes en charge de la Comédie-Italienne ont conçu cette invitation, ce « projet Goldoni [9] », comme une partie d’un programme de musicalisation du théâtre : outre les comédies italiennes qu’il finit par y créer, il devait déployer ses talents de librettiste pour écrire des opéras italiens. Malheureusement, au dernier moment, l’Opéra retire à la troupe italienne le privilège de donner des spectacles musicaux en italien, de telle sorte que Goldoni se trouve coincé dans le « genre italien », donc dans un style qui forme une part toujours plus mineure du répertoire de la troupe depuis son réengagement en France en 1716. Ce genre italien suit les traditions de la commedia dell’arte : des pièces largement improvisées, à canevas, en italien, fondées sur les masques. C’est du théâtre italien comme le public français l’attend et le demande.
7Cette production à canevas constitue un phénomène éphémère, fugace, qui laisse très peu de traces écrites. Elle est créée par une série d’auteurs – scripteur, compositeur, dessinateur et comédiens – mais personne ne peut la revendiquer comme sienne, et s’en déclarer seul l’auteur. Bien sûr, jusqu’à un certain point, c’est le cas pour toute production théâtrale : le théâtre est toujours éphémère et collaboratif [10]. Mais les pratiques de la Comédie-Italienne, ancrées dans une culture collective et orale, se présentent comme un cas-limite, qui amplifie le phénomène et les problèmes qui en découlent. Le spectacle en tant que tel est un énoncé collectif et donc en quelque sorte anonyme. Non pas parce que l’on cache ou que l’on ignore le nom d’auteur, mais parce que, en pratique, il n’y a pas un auteur au sens conventionnel du terme. Il n’y a qu’un scripteur qui esquisse les quelques lignes d’un canevas, et qui, même si on arrive à l’identifier, est encore plus insignifiant que son équivalent au théâtre écrit. Et tout cela pose un vrai problème à Goldoni, qui n’a pas d’autre moyen que ses écrits pour s’établir et pour imposer son autorité, sa réputation et son nom, et qui doit se montrer quelque chose de plus qu’un simple scripteur s’il veut valoriser son statut d’écrivain.
8Pour bien comprendre les implications de la rencontre de Goldoni avec ce système déjà démodé dans les années 1760, il faut considérer trois pratiques. La première est celle de l’improvisation. Si l’acteur est toujours une sorte d’auteur par sa contribution corporelle à un spectacle, c’est encore plus évident dans la commedia dell’arte [11]. L’acteur qui improvise est le créateur suprême : son corps est à l’origine des actions offertes au public. Goldoni parle sans cesse des problèmes qu’un tel poids créatif du comédien pose au scripteur, évoquant « l’inconvénient des comédies à sujet » : « L’acteur qui joue de sa tête, parle quelquefois à tort et à travers, gâte une scène et fait tomber une pièce [12]. » Mais en fait l’improvisation à la commedia n’offre pas la liberté complète que l’on imagine. Si les dialogues ne sont souvent pas pré-écrits, cela n’empêche pas qu’un spectacle soit en partie prémédité, créé selon un processus très précis. Puisqu’un comédien joue le même personnage pendant toute sa vie, il crée une bibliothèque personnelle de discours et de gestes, dans laquelle il peut choisir à chaque moment [13]. Ce n’est pas à dire que le comédien n’est pas du tout auteur, mais l’objet dont il est auteur, le lazzo ou le geste, est encore plus éphémère que le spectacle entier. Ainsi se crée une situation paradoxale : le lazzo ne peut pas être anonyme puisqu’il engage le corps du comédien, qui en est le propriétaire, mais il n’en est auteur que dans le moment même de sa représentation. Si on veut capturer cette création fugace, il faut la transformer en une autre forme, texte ou image, qui aura son propre auteur. La présence d’un lazzo dans un texte ou un canevas devient ainsi anonyme : elle n’est plus qu’une trace du passé ou une instruction pour l’avenir. La description elle-même a un auteur, mais l’objet-événement n’en a plus.
9Il faut prendre en compte en second lieu le phénomène de recyclage des idées et des titres. Encore une fois, c’est une pratique que l’on trouve partout dans l’écriture théâtrale. Elle est évoquée dans le Prologue du Faucon et les Oies de Boccace de Delisle, où le personnage qui incarne la Commedia s’adresse ainsi à L’auteur :
Il n’est pas facile d’en trouver de nouveaux [sujets], mais quand même il y aurait un génie assez fécond pour en inventer tous les jours, vous trouveriez bientôt qu’il se copie lui-même. L’invention ne vous plaît que la première fois ; dès qu’on la répète, elle vieillit pour vous, et vous trouveriez de l’imitation dans la seule idée d’inventer. [14]
11Or au théâtre italien le recyclage est ouvert, répandu, et même inhérent au genre dell’arte. Quand il faut créer des dizaines de nouveautés chaque saison, dans une structure dramatique déjà assez limitée par elle-même, trouver du matériel vraiment nouveau n’est pas facile. Ce qu’on fait alors, c’est de récrire. Les mêmes titres apparaissent dans les registres de la troupe tout au long du siècle. Mais on les remanie constamment : légèrement pour convenir à de nouveaux comédiens, ou plus radicalement, par exemple en cousant ensemble deux canevas éculés. Quand la plus grande part du matériel provient ainsi du passé, de la tradition, et que son auteur, s’il existe, est effacé par le temps, le scripteur d’une certaine version d’un canevas paraît bien différent d’un véritable auteur-créateur.
12Enfin, pour compliquer encore les choses, toute cette création se réalise dans une dynamique de collaboration. En fait, le scripteur en tant que tel n’est pas vraiment un rôle qui existe de façon indépendante dans les troupes dell’arte. Ce sont le plus souvent les comédiens qui créent les canevas, et l’idée qu’il faut être comédien pour savoir écrire pour la scène est prégnante, comme l’affirme Flaminio Scala dans le Prologue de son Finto Marito :
Je crois que le vrai art de bien faire les comédies appartient à ceux qui les jouent bien, puisque si l’expérience est le maître des choses, elle peut aussi enseigner, à celui qui a l’esprit de bien créer et mieux représenter des sujets jouables, l’art de les bien élaborer. [E] Qui connaît mieux les recettes de l’art que les comédiens eux-mêmes ? Qui chaque jour les pratiquent sur scène ? [15]
14De plus, créer seul est très rare : ces acteurs-auteurs [16] travaillent ensemble et s’aident entre eux [17]. Sous le masque de la Comédie-Italienne, tous ces créateurs présentent leurs pièces en restant chacun effectivement anonyme dans la foule, sans qu’aucun n’ait le droit de se proclamer auteur définitif. Dans le cadre traditionnel de l’anonymat, ces pièces sont sans auteur, et donc anonymes, au moment de leur représentation [18].
15Comment peut-on donc parler des pièces de Goldoni à la Comédie-Italienne ? Comment les critiques peuvent-ils se permettre de juger de son succès ? Et comment Goldoni lui-même a-t-il pu construire son image d’auteur et se garantir une réputation d’écrivain ? Je voudrais suggérer qu’il y va de la question du temps, et de l’arme dont Goldoni s’est déjà servi en Italie : celle de la publication. On peut considérer que la vie d’une pièce a trois temps : la période de la composition, la représentation, et l’au-delà : tout ce qui vient après, critique, publication, etc. [19] C’est dans ce troisième temps que Goldoni doit travailler pour assurer son nom. Tout comme un lazzo peut avoir un auteur sur le moment, mais rester anonyme sur la durée, une pièce à canevas, normativement anonyme, peut acquérir un nom d’auteur une fois sortie du moment et du contexte de sa représentation. Et c’est la parole écrite qui effectue cette transformation, et qui permet donc à Goldoni de créer la fiction d’un scripteur de canevas comme individu significatif et doté d’autorité.
16Dans ses Mémoires et dans sa correspondance, Goldoni revendique la paternité de plusieurs canevas créés pendant sa collaboration avec la Comédie-Italienne. Il prétend avoir « donn[é] dans l’espace de ces deux années vingt-quatre pièces dont les titres et les succès bons ou mauvais se trouvent dans l’Almanach des Spectacles [20] ». Comme les références aux productions « de Goldoni » et « de Collalto » dans la presse écrite, cet acte d’attribution ne contredit pas tout ce qu’on vient d’exposer. Il nous montre plutôt comment on agissait face à l’anonymat, et à quel point nous avons du mal à comprendre des textes anonymes ou à en parler. Car c’est une réaction qui vaut pour les lecteurs du milieu du XVIIIe siècle, sur un seuil entre deux traditions d’anonymat et d’attribution, comme pour nous aujourd’hui. Quand on transforme l’événement théâtral – fugace, collectif, anonyme – en une forme écrite, fixe et rédigée, comme un compte-rendu, il nous faut quelque chose de reconnaissable [21]. Quand il manque un lien entre un texte et un nom, le moyen le plus facile de capturer l’événement par l’écrit est de privilégier le seul élément qui corresponde en quelque sorte à un texte : le canevas, avec son possible scripteur. Cette re-production a un nouvel auteur, le critique, et ne représente nullement le véritable événement théâtral. Mais elle reste la seule façon de faire entrer le canevas dans le monde écrit, et, ce faisant, d’y afficher un nom d’auteur [22].
17Une brève étude de cas servira à expliciter ce transfert depuis l’anonymat jusqu’au monde des auteurs. Il s’agit d’un canevas en manuscrit, conservé à la Bibliothèque nationale de France [23]. Trois petites pièces sont reliées ensemble dans un même volume : Les Vingt-deux infortunes d’Arlequin, Les Métamorphoses d’Arlequin et La Bague Magique. Toutes les trois sont attribuées à Goldoni, mais on ne s’intéressera ici qu’à la troisième [24]. Dans ses Mémoires Goldoni revendique en effet la paternité de La Bague Magique ; le manuscrit, en revanche, n’est pas signé, et superpose deux niveaux d’écriture. Un texte tracé par une première main, probablement celle d’un copista, est recouvert de bouts de papier écrits par une deuxième main (elle aussi anonyme), qui emploie une mise en page et même une langue différente, et qui change le contenu de la pièce : du dialogue italien devient de la prose française, des scènes sont coupées en deux, des pages sont entièrement couvertes de papier blanc. On y trouve même deux pages qui semblent être complètement déplacées dans la logique de l’intrigue. Ortolani les identifie comme un fragment tiré du début de la pièce : c’est « sans doute […] l’esquisse originale de Goldoni [25] ». Mais l’écriture de ces deux pages intercalées ressemble fortement à celle de la première version du texte qui figure ailleurs dans le manuscrit, et le fait que des éléments de la deuxième version soient collés à l’envers de chacune des deux pages suggère qu’en fait, cette section a gardé sa position originale dans la première version de la pièce, et qu’elle a simplement été oubliée lors du remaniement.
18Même si la première main recopie fidèlement une version originelle de Goldoni (ce qui est loin d’être sûr), la version publiée cent cinquante ans plus tard sous son nom incorpore tout ce qu’a ajouté la deuxième main, qui à son tour aurait pu disposer (ou non) de l’autorité goldonienne. Pourtant, on a reproduit ce canevas comme l’œuvre de Goldoni pendant plus d’un siècle. Ainsi le document premier – anonyme, collectif, remanié, flexible – donne une image éclairante de ce phénomène qu’est la production à canevas. Puis, comme tout canevas, quand on le transfère dans le monde de l’imprimé, et qu’on y affiche un nom d’auteur (ici Goldoni), on perd toute cette subtilité : on perd l’anonymat. Reste que même avant sa publication au vingtième siècle, le titre est identifié avec le nom de Goldoni, dans différents comptes rendus comme dans ses propres Mémoires. Ce n’est plus alors qu’un texte, par un auteur.
19Mon but en esquissant l’étude de ce cas n’a rien à voir avec la recherche d’un nom d’auteur perdu, et il ne s’agit pas non plus simplement d’exposer le danger qu’il y a à travailler avec des noms dans ce contexte. Je veux plutôt examiner comment l’anonymat normatif peut être exploité par un écrivain : comment l’anonymat, qui paraît un obstacle insurmontable pour un auteur qui cherche à faire reconnaître son nom, peut en fait être son outil le plus efficace. Si l’attribution dans ce contexte est compliquée, si elle pose des problèmes pour la compréhension de la paternité et de la création, si elle rend difficile la construction de l’œuvre d’un individu, et occulte les créateurs multiples d’un objet temporel pour le transformer en un texte plat sur le modèle traditionnel, alors tout cela en fait un outil parfait pour quelqu’un qui cherche à se représenter en scripteur, et à partir de cela, en auteur de textes, et contribuer ainsi à l’établissement de sa réputation d’écrivain en France.
20On a déjà vu avec l’exemple du lazzo comment un objet change radicalement quand on y affiche un nom dans un contexte écrit. L’effacement de toute autre contribution est déjà une des caractéristiques des versions des pièces de Goldoni publiées en Italie, et il s’en sert pour reprendre l’autorité sur ces pièces et sur son image. Mais ici, dans le cadre des productions dell’arte, ce qui est frappant, c’est que la simple attribution, dans la presse ou ailleurs, peut avoir le même effet d’effacement des autres contributeurs.
21Un premier exemple est celui du Fils d’Arlequin perdu et retrouvé. Le récit traditionnel nous présente une pièce apportée en France par Zanuzzi, dont le succès a inspiré l’invitation de Goldoni à Paris. En fait, on sait maintenant que les négociations concernant sa venue avaient commencé bien avant le succès de cette pièce et que, de plus, ce n’est pas sa version de la pièce qui a eu tant de succès auprès du public parisien, mais plutôt une version à ariettes, remaniée par la troupe [26]. Néanmoins Goldoni tient à en parler dans ses Mémoires comme de « son » Fils d’Arlequin, et à en recevoir les éloges. Ce n’est que dans le contexte d’une représentation à la cour, assez mal reçue, qu’il se permet de reconnaître l’apport des comédiens ; évidemment il s’agit de les rendre responsables de l’échec :
Cette pièce qui avait eu beaucoup de succès à Paris, n’en eut aucun à Fontainebleau. […] les comédiens y avaient mêlé des plaisanteries du Cocu imaginaire. […] J’étais fâché de voir tomber à la Cour la première pièce que l’on y donnait de moi. [27]
23D’un autre côté, il existe des pièces que Goldoni préfère oublier, en les écartant de son récit officiel, et en profitant de l’autorité supérieure de la parole écrite quand il s’agit de la postérité. C’est le cas pour son canevas d’Arlequin charbonnier : une pièce à spectacle avant tout, donnée quelques années après son départ de la troupe, dont il ne parle pas du tout. Et c’est aussi le cas avec L’Isle des foux, une « parodie » de son Arcifanfano, attribuée à Anseaume. Comme Le Fils d’Arlequin, c’est un remaniement de sa pièce, mais contrairement au Fils, la réception n’en a pas été éclatante. Goldoni, donc, ne la revendique pas, et le critique Julien Desboulmiers reconnaît la sagacité de cette décision publicitaire, en écrivant que « la seule chose sensée qu’il ait fait est de n’y pas mettre son nom [28] ». Le lien qui unit Goldoni à sa pièce n’est donc pas totalement effacé, ce qui relativise le succès de sa stratégie, mais elle n’en reste pas moins significative [29].
24Ainsi, quand Goldoni impose son nom sur une pièce à laquelle il n’a contribué que pour une part, c’est un acte d’usurpation analogue à ceux que commente Pascal dans ses Pensées. Pour Pascal, toute prise de pouvoir commence avec une telle usurpation [30] ; pour légitimer et perpétuer ce pouvoir, il faut ensuite faire oublier ces origines violentes. Dans le cas de Goldoni, cela implique d’inclure ces titres dans son œuvre pour les faire apparaître comme légitimement siens, et c’est bien la stratégie qu’on a notée ici.
25Mais il existe une autre forme d’usurpation. Ce n’est pas seulement l’auteur qui peut utiliser son nom [31]. On peut considérer que le nom d’un auteur est une sorte de marque, dans les deux sens artisanal et moderne. L’image associée à cette marque est formée par ce que l’auteur produit ou revendique (ou même oublie). Mais quand une marque agit comme une garantie de qualité, ce n’est plus seulement son propriétaire légitime qui à intérêt à l’utiliser [32]. Or il advient, dans le cas de Goldoni, que d’autres exploitent la situation d’anonymat, la flexibilité de l’attribution et le pouvoir de la parole écrite que nous avons étudiés, en se servant de la marque Goldoni à leur profit.
26Le résultat est que le corpus goldonien en France est très fluide. Il y a toutes sortes de pièces, avant et après les deux ans de collaboration officielle, qui portent des traces de Goldoni, et qui peuvent être liées à son nom. Certaines montrent une volonté d’auteur, un engagement de sa part, même si elles ne font pas partie de son corpus officiel [33]. D’autres, dites « d’après Goldoni », sont ouvertement inspirées de ses œuvres, mais sans que Goldoni ait contribué personnellement au projet de les remettre sur scène à Paris. Ces pièces, qui incluent des traductions et des parodies, sont particulièrement intéressantes pour mon argumentation.
27Zanuzzi, Collalto et d’autres auteurs ont puisé dans les œuvres italiennes de Goldoni pour nourrir leur travail, en s’inspirant librement de ses idées. Pour ne donner que deux exemples, Collalto ajoute un jumeau à une pièce de Goldoni pour créer ses Trois gémeaux vénitiens, et Rosa Bacelli retravaille le personnage de la mère dans son Festin de Pierre pour refléter les traits de la mère du Bourru bienfaisant goldonien [34]. De plus, dans le cadre du « projet Goldoni », évoqué brièvement ci-dessus, plusieurs pièces liées à son nom ont été données avant son arrivée à Paris, y compris une version de sa Buona Figliuola – le même titre qu’on a repris quinze ans plus tard au moment où on pensait réengager Goldoni à l’Hôtel de Bourgogne [35]. À chaque fois, la critique remarquait ce lien, et utilisait le nom de Goldoni. Andrea Fabiano, qui a beaucoup écrit sur la question de ces pièces à moitié goldoniennes, considère tout cela comme une manière de préparer le public et la troupe à un nouveau style. De notre point de vue, il est inévitable d’y voir aussi l’exploitation par les Premiers Gentilshommes d’une situation d’anonymat normatif, dans le but de ce qui est quasiment, en termes modernes, le montage d’une campagne publicitaire.
28Ainsi, pour Goldoni, soucieux qu’il était de contrôler son image, l’usurpation de son nom comme outil publicitaire risquait de diluer la qualité que représentait son nom-marque, mais le profit qu’il tirait de l’instabilité de l’attribution à la Comédie-Italienne était assez élevé pour constituer un contrepoids. C’est cette double logique qui doit, me semble-t-il, retenir l’attention.
29Car quand un auteur devient un acteur dans le champ littéraire, un écrivain reconnu, il commence à construire son rapport à la société. La clé qui lui permet cette construction est son nom : le nom privé qui se transforme en nom connu, et qui devient finalement une marque [36]. Ce nom d’auteur n’est qu’une image : chaque texte qu’on lui attribue contribue à former son identité, et profite à son tour de cette identité. Ce n’est pas une idée nouvelle : après les réflexions de John R. Searle et de Roland Barthes sur le nom d’auteur, les analystes du discours, tels que Dominique Maingueneau, Ruth Amossy et Jérôme Meizoz [37], ont beaucoup écrit dans cette perspective. Ils identifient l’ethos que crée un texte, l’image d’auteur qu’engendrent les interprétations des lecteurs, et la posture d’auteur qui en résulte. Mais le cas de Goldoni est celui d’un auteur qui n’est pas seulement conscient de cette image publique, qui n’est pas seulement capable de l’exploiter et de la façonner à travers ses textes, mais qui parvient à ce résultat sans même s’appuyer sur un texte. Paradoxalement, il fabrique son nom en n’employant rien d’autre que la construction qu’est ce nom lui-même, et tout cela dans un contexte d’anonymat, qui pour l’essentiel facilite cette tentative – ce qui n’est pas moins paradoxal.
Notes
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[1]
Voir la section « Figures de l’écrivain », dans G. Quinsat (éd.), Le Grand atlas des littératures, Paris, Encyclopædia Universalis, 1990, p. 186-259.
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[2]
A. Viala, Naissance de l’écrivain, Paris, Éd. de Minuit, 1985.
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[3]
Voir M. Foucault, « Qu’est-ce qu’un auteur ? » [1969], Dits et écrits (1954-1985), Paris, Gallimard, 1994, t. I, p. 789-820.
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[4]
Voir G. Brown, A Field of Honor : Writers, Court Culture and Public Theater in French Literary Life from Racine to the Revolution, New York, Columbia University Press, 2002.
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[5]
Ce qui suit reprend en partie un article paru dans les actes d’un colloque intitulé « Anonymity and Pseudonymity », organisé par les Universités John Hopkins et d’Oxford en novembre 2010. Voir J. Goodman, « The mask of collectivity : compositional practices at the Comédie-Italienne », Modern Language Notes, vol. 126, n° 4, sept. 2011, p. 812-824. D’une manière plus générale, la lecture de ces actes est vivement conseillée.
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[6]
A. Viala, op. cit., p. 270-290.
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[7]
Registres de la Comédie-Italienne, Bibliothèque de l’Opéra-Comique, manuscrits, série TH/OC, 42-51. Les compositeurs sont aussi désignés comme « auteurs » dans les registres, mais, suivant les définitions ci-dessus, ce ne sont pas des écrivains.
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[8]
Voir I. Mattozzi, « Carlo Goldoni e la professione di scrittore », Studi e problemi di critica testuale, n° 4, 1972, p. 95-153.
-
[9]
A. Fabiano, Histoire de l’Opéra Italien en France (1752-1815), Paris, CNRS, 2006, p. 45-69.
-
[10]
Voir Chr. Biet & C. Triau, Qu’est-ce que le théâtre ?, Paris, Gallimard, 2006, p. 9 et 64-65.
-
[11]
Voir ibid., p. 450-465, notamment p. 456-57.
-
[12]
C. Goldoni, Tutte le Opere, éd. G. Ortolani, Milan, Mondadori, 1935, t. I, p. 450. Dans un souci de cohérence, j’ai modernisé l’orthographe des citations tirées de cette édition.
-
[13]
Voir C. Tournier, Manuel d’improvisation théâtrale, Genève, Éd. de l’Eau vive, 2003 ; T. Fitzpatrick, The Relationship of oral and literate performance processes in the commedia dell’arte : beyond the improvisation/memorisation divide, Lewiston, Edwin Mellen Press, 1995.
-
[14]
« Prologue », dans L.-F. Delisle, Le Faucon et les Oies de Boccace [1725], Montpellier, Espaces 34, 2003, p. 95.
-
[15]
F. Scala, Il Teatro delle favole rappresentative [1618], « Il finto marito », Milan, Il Polifilo, 1976, p. CX-CXI : « L’arte vera del ben far le commedie credo io che sia di chi ben le rappresenta, perché se l’esperienza è maestra delle cose, ella può insegnare, a chi ha spirito di ben formare e meglio rappresentare i suggetti recitabili, il ben distenderli ancora. [E] Chi può sapere meglio i recetti dell’arte che i comici stessi ? Che ogni giorno gli mettono in pratica esercitandola ? » (ma traduction).
-
[16]
Sur l’emploi de ce terme, voir S. Spanu, Le Répertoire et la dramaturgie de la Comédie-Italienne de Paris durant la seconde moitié du XVIIIe siècle, thèse de doctorat, Université de Paris IV, décembre 2010.
-
[17]
Voir A. Fabiano, « Gli allestimenti goldoniani alla Comédie-Italienne tra autorialità ed attorialità », Problemi di critica goldoniana, n° XVI, 2009, p. 239-50.
-
[18]
Cf. la production collective dans les ateliers d’art : voir N. Heinich, Être artiste : les transformations du statut des peintres et des sculpteurs, Paris, Klincksieck, 1996.
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[19]
S. Spanu emploie un schéma temporel similaire dans sa thèse (op. cit.).
-
[20]
C. Goldoni, op. cit., t. I, p. 453.
-
[21]
Voir R. Chartier, « Georges Dandin ou le social en représentation », Annales. Histoire, Sciences Sociales, n° 2, 1994, p. 277-290.
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[22]
Voir par exemple les résumés de la trilogie des Amours d’Arlequin et de Camille écrits par Desboulmiers, dont les canevas originaux ont été perdus : J. Desboulmiers, Histoire Anecdotique et raisonnée du Théâtre Italien, depuis son rétablissement en France, jusqu’à l’année 1769, Paris, Desventes Deladoué, 1770, t. VII, p. 5-44.
-
[23]
BnF, ms. Fr. 9254. Dans le catalogue on lit ce qui suit : « Les Vingt-deux Infortunes d’Arlequin, pièce ital. Pr., de la composition de Goldony, pensonnier [sic] du Roy. – Les Métamorphoses d’Arlequin, sujet ital. 3, orné de machines, de changements et de deux ballets (par Goldoni). Th. Ital., 1758. – La Bague magique, com. Ital. 3, pr. (aut., par Goldoni). Th. Ital., 1770 » (H. Omont, Catalogue de manuscrits français, Ancien supplément français, t. I, Paris, E. Leroux, 1895-1896, p. 337-8). Pour une première discussion de ces textes, voir P. Toldo, « Tre commedie francesi inedite di Carlo Goldoni », Giornale storico della letteratura italiana, n° 29, 1897, p. 377-392.
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[24]
La paternité des deux premiers canevas a été définitivement réfutée par des recherches récentes. Voir P. Ranzini, « I canovacci goldoniani per il Teatro Italiano secondo la testimonianza di un “Catalogo delle robbe”, inedito », Problemi di critica goldoniana, n° IX, 2003, p. 7-168 ; A. Scannapieco, « Scrittoio, scena, torchio : per una mappa della produzione goldoniana », Problemi di critica goldoniana, n° VII, 2000.
-
[25]
C. Goldoni, op. cit., t. XII, p. 1216 : « Senza dubbio […] l’abbozzo originale del Goldoni » (ma traduction).
-
[26]
A. Scannapieco, op. cit., p. 121. Voir aussi A. Fabiano, Histoire de l’Opéra Italien en France (1752-1815), Paris, CNRS, 2006, p. 49-50.
-
[27]
C. Goldoni, op. cit., t. I, p. 450-451 (je souligne).
-
[28]
J. Desboulmiers, cité dans P. Colombi, « Su due adattamenti di testi Goldoniani al “Théâtre Italien” », Studi Goldoniani, n° 7, 1985, p. 155-166.
-
[29]
Cf. la discussion par P. Zumthor de la « fonction en quelque sort publicitaire » remplie par le nom d’un auteur même à l’époque médiévale (Essai de poétique médiévale, Paris, Éd. du Seuil, 2000, p. 85).
-
[30]
B. Pascal, Pensées, fr. 56, Œuvres complètes. II, éd. M. Le Guern, Paris, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », 1998, t. II, p. 561. Je remercie Alain Cantillon de m’avoir signalé ce lien.
-
[31]
Voir dans le présent volume l’article de V. Lochert.
-
[32]
Sur l’auteur-vedette et son emploi dans les médias, voir deux articles parus dans Argumentation et Analyse du Discours, n° 3 (« Ethos discursif et image d’auteur »), 2009 : M. Mendes Gallinari, « La “clause auteur” : l’écrivain, l’éthos et le discours littéraire », http://aad.revues.org/index663.html ; R. Amossy, « La double nature de l’image d’auteur », http://aad.revues.org/index662.html.
-
[33]
Une équipe de l’Université de Paris IV vient de terminer un projet qui consiste à chercher des preuves d’une intention d’auteur dans toutes ces pièces, dans le but d’établir un vrai corpus de canevas goldoniens – une tâche rendue très complexe par la fluidité d’attribution que nous avons étudiée. Les résultats doivent paraître chez Marsilio très bientôt. Voir aussi A. Scannapieco, op. cit., p. 121.
-
[34]
S. Spanu, « Les acteurs-auteurs post-goldoniens », Revue des études italiennes, n° 53 (« Carlo Goldoni et la France »), t. I, 2007, p. 51-60.
-
[35]
A. Fabiano, Histoire de l’Opéra Italien en France (1752-1815), Paris, CNRS, 2006, p. 45-69 ; id., « Gli allestimenti goldoniani alla Comédie-Italienne tra autorialità ed attorialità », Problemi di critica goldoniana, n° XVI, 2009, p. 239-50.
-
[36]
I. Østenstad, « Quelle importance a le nom de l’auteur ? », Argumentation et Analyse du Discours, n° 3, 2009 ; http://aad.revues.org/index665.html.
-
[37]
J. Meizoz, Postures littéraires. Mises en scène modernes de l’auteur, Genève, Slatkine, 2007 ; D. Maingueneau, « Auteur et image d’auteur en analyse du discours », Argumentation et Analyse du Discours, n° 3, 2009, http://aad.revues.org/index660.html ; R. Amossy, La Présentation de soi. Ethos et identité verbale, Paris, Presses Universitaires de France, 2010.