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Article de revue

Fictions et dévotion au xviie siècle : une pédagogie de l'imaginaire

Pages 95 à 110

Notes

  • [1]
    François de Sales, Œuvres, Annecy, 1892-1918, t. XIII, p. 162.
  • [2]
    Somme contre les Gentils, IV, 11, 5, trad. D. Moreau, Paris, GF-Flammarion, 1999, p. 107.
  • [3]
    Traité de la connaissance de Dieu, I, 4, Œuvres complètes de Bossuet, éd. Migne, Paris, J.-P. Migne, 1867, t. I, p. 946.
  • [4]
    Divi Thomae Aquinatis […] Summa Theologica, Secunda Secundae Partis, Rome, ex typographia Forzani et S., 1894, qu. 180, art. 5 ad. 2, p. 1167 : « quia connaturale est homini, ut species intelligibiles in phantasmatibus videat ». Nous traduisons.
  • [5]
    Voir par exemple P. Le Loyer, Discours des spectres, l. II, chap. 8, Paris, N. Buon, 1608, p. 145 ; P. Ragueneau, La Vie de la Mère Catherine de Saint Augustin, Paris, Fl. Lambert, 1671, p. 5.
  • [6]
    Origène, Contre Celse, trad. M. Borret, Paris, Cerf, « Sources chrétiennes », 1967, p. 203.
  • [7]
    Saint Jean de la Croix, Montée du Carmel, l. II, chap. 11, Œuvres complètes, Paris, Éd. du Seuil, 1947, p. 174.
  • [8]
    Saint Thomas d’Aquin, Somme théologique, Paris, S. Chappelet, 1625, p. 465.
  • [9]
    Saint François de Sales, Traité de l’amour de Dieu, l. III, chap. XI, Œuvres, éd. A. Ravier, Paris, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », 1969, p. 512.
  • [10]
    L’expression est de J.-P. Camus : Direction à l’Oraison mentale [1617], Lyon, P. Rigaud, 1623, p. 481 : « L’imagination est une faculté mitoyenne entre les sens et l’entendement ».
  • [11]
    « Nihil est aliud imaginatio […] quam plaga inflicta per sensus » (saint Augustin, Epist. 7, dans Patrologie latine, éd. Migne, t. 33, col. 69. Cité dans E. Gilson, Introduction à l’étude de saint Augustin, Paris, Vrin, 1987, p. 73.
  • [12]
    Saint Thomas d’Aquin, Somme théologique, I, q. 84, a. 7, ad. 3.
  • [13]
    Voir notamment P.-A. Fabre, Ignace de Loyola : le lieu de l’image. Le problème de la composition de lieu dans les pratiques spirituelles et artistiques jésuites de la seconde moitié du xvie siècle, Paris, Vrin, 1992 ; A. Demoustier, « L’originalité des Exercices spirituels », dans L. Giard et L. de Vaucelles (éd.), Les Jésuites à l’âge baroque (1540-1640), Grenoble, J. Millon, 1996 ; R. Dekoninck, Ad imaginem. Statuts, fonctions et usages de l’image dans la littérature spirituelle jésuite du xviie siècle, Genève, Droz, 2005, p. 137 sq.
  • [14]
    Saint Ignace de Loyola, Exercices spirituels. Texte définitif (1548), éd. J.-Cl. Guy, Paris, Éd. du Seuil, « Points-Sagesses », 1982, p. 84.
  • [15]
    Ibid., p. 86-87.
  • [16]
    J.-Cl. Guy, « Avertissement », ibid., p. 7.
  • [17]
    N. Caussin, La Cour sainte, Paris, D. Bechet, 1664, t. I, p. 463.
  • [18]
    Ibid.
  • [19]
    Ibid., t. III, Préface n.p.
  • [20]
    Ibid., « Le Dessein et l’ordre de ce livre », t. I, p. 19.
  • [21]
    Voir saint François de Sales, Œuvres, éd. A. Ravier, p. 46-67. On peut rapprocher par exemple la neuvième des méditations salésiennes de la méditation ignacienne sur deux étendards : 1ère semaine, 4e jour.
  • [22]
    J.-P. Camus, Direction à l’Oraison mentale, éd. cit., p. 158.
  • [23]
    Ibid., p. 33 et 157.
  • [24]
    Ibid., p. 77 : « La Méditation est comme la lecture d’un livre, action successive ».
  • [25]
    Ibid., p. 76, suivant une définition empruntée à « S. Bernard, Richard, & Hugues de S. Victor ».
  • [26]
    Ibid., suivant une définition empruntée à « Saint Thomas ».
  • [27]
    Ibid., p. 234. De fait, suivant une croyance déjà entérinée par les Aphorismes d’Hippocrate (section V, aph. XLIV), la vis imaginativa était encore tenue au xviie siècle pour particulièrement efficace chez la femme enceinte, au point d’agir sur son foetus, comme le montre dans le roman d’Héliodore la naissance prodigieuse de Chariclée, fille blanche d’une reine noire ayant longtemps contemplé un tableau figurant Andromède.
  • [28]
    Expression reprise à Fr. de Grenaille, L’Honnête fille, éd. A. Vizier, Paris, Champion, 2003, p. 376.
  • [29]
    Voir sur ce point l’article de N. Oddo centré sur l’œuvre de J. de Cartheny, « L’émergence du roman dévot en France à la fin du xvie siècle », dans Fr. Wild (éd.), Genre et société. Europe xvi-xvii, Université de Nancy II, 2000, p. 199-213.
  • [30]
    Il s’agit évidemment d’une tendance et non d’une rupture avec un ancien régime de représentation. Ainsi Henry du Lisdam publie à Lyon, en 1609, Le Thabor de l’Ame devote, puisant encore abondamment dans les ressources de l’allégorie, puisque la montagne sacrée représenterait ici la félicité éternelle réservée à l’âme chrétienne.
  • [31]
    Comme l’observe Benoist Gonon dans l’avis « Au Lecteur » de La Chasteté récompensée, Bourg-en-Bresse, Jean Tainturier, 1643.
  • [32]
    J.-P. Camus, Agathonphile ou les martyrs siciliens, Paris, Cl. Chappelet, 1623, p. 838.
  • [33]
    On se reportera au bel ouvrage de S. Robic-de Baecque pour compléter et préciser ces aperçus : Le Salut par l’excès. Jean-Pierre Camus (1584-1652) : la poétique d’un évêque romancier, Paris, Champion, 1999.
  • [34]
    J.-P. Camus, Agathonphile, « Éloge des histoires dévotes », éd. cit., p. 851.
  • [35]
    Ibid., p. 128.
  • [36]
    Ibid., p. 132.
  • [37]
    Ibid., p. 175.
  • [38]
    Ibid., « Éloge des histoires dévotes », p. 852-853.
  • [39]
    J.-P. Camus, Traité de la réformation intérieure, selon l’esprit du B. François de Sales, Paris, S. Huré, 1631, p. 284.
  • [40]
    Ibid., p. 281.
  • [41]
    Ibid., p. 283.
  • [42]
    Ibid., p. 285.
  • [43]
    Ibid., p. 283.
  • [44]
    Fr. de Fouet, Floriane, son Amour, sa Pénitence et sa Mort, Paris, M. Guillemot, 1601 ; A. de Nervèze, La Victoire de l’amour divin sous les Amours de Polidore et de Virgine, Paris, A. du Brueil et T. Du Bray, 1608 ; G. Ranquet, L’Exil de la volupté, ou l’Histoire de Thays égyptienne convertie par Pafnuce, Lyon, C. Morillon, 1611 ; N. Piloust, Le Tableau des déserts enchantez, s.l.n.d. [priv. 13 août 1614] ; H. du Lisdam, Les Sainctes inconstances de Léopolde et de Lindarache, Paris, Fr. Huby, 1619 ; J. Gaffarel, Cléolthée ou les chastes adventures d’un Candien et d’une jeune Natolienne, Paris, « Par la Société », 1624.
  • [45]
    Fr. de Fouet, op. cit., f. 4.
  • [46]
    La Floriane de François de Fouet est ainsi suivie d’un petit texte : L’Ame de ce corps, ou le sens moral de ceste histoire, lequel d’ailleurs, le fait est assez significatif du peu d’attention portée à la dimension herméneutique du roman, apparaît mal placé à la fin de ce livre, puisqu’il se rapporte à un autre texte, Les Légitimes Amours, et Fortunes guerrières de Doris, Paris, N. Buon, 1600.
  • [47]
    N. Piloust, Le Tableau des déserts enchantez, f. VIII r°-v°.
  • [48]
    Ibid., f. XI v°.
  • [49]
    Ibid., f. IX r°-v°.
  • [50]
    Desmarets de Saint-Sorlin, Rosane. Histoire tirée de celle des Romains et des Perses, Paris, Vve Le Gras, s.d. [priv. 14 mars 1639], Préface, f. ã : « L’esprit humain est de sa nature si curieux d’apprendre des histoires meslées d’avantures admirables, & s’y porte avec tant d’ardeur & de plaisir, que de tout temps ceux qui ont voulu luy imprimer quelque creance, & qui ont meslé des contes estranges parmy leurs discours, ont tousjours obtenu de luy ce qu’ils desiroient ».
  • [51]
    Fénelon, De l’éducation des filles, chap. VI, Œuvres, éd. J. Le Brun, Paris, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », 1983-1997, t. I, p. 123.
  • [52]
    Fr. Ogier, Jugement et censure du livre de la Doctrine curieuse de François Garasse, Paris, s.n., 1623, p. 6.
  • [53]
    Ibid., p. 25, 62, 131 et passim.
  • [54]
    P.-V. Faydit, La Télémacomanie, Eleuthérople, Pierre Philalèthe, 1700, p. 3.
  • [55]
    Fancan, Le Tombeau des romans [Paris, 1626], éd. Fr. Greiner, Presses Universitaires de Reims, 2003, p. 45. Notons que Fancan se contente dans son livret de renvoyer dos à dos l’histoire et le roman au cours d’une argumentation pro et contra.
  • [56]
    Fr. de Grenaille, L’Honnête fille, éd. cit., p. 365.
  • [57]
    J.-L. Vivés, Livre de l’institution de la femme chrestienne, trad. P. de Changy, [d’après l’éd. de J. Kerver, Paris, 1542], Le Havre, Lemale et Cie, 1891. Voir spécialement le chap. V (« Quelle escriptures elle doit lire »), p. 39 sq.
  • [58]
    Fr. de Grenailles, op. cit., p. 369-370 : « une fille qui a le cœur plein de tendresse se laisse volontiers toucher à ce qui la flatte, et pensant quelquefois prendre du miel, elle prend du poison ».
  • [59]
    P. Nicole, Les Visionnaires [1667], Cologne, P. Marteau, 1683, p. 257.
  • [60]
    Ibid.
  • [61]
    Ibid., p. 262.
  • [62]
    Ibid.
  • [63]
    Sur ce point voir supra notre préface au présent volume.
  • [64]
    J. Frain du Tremblay, Nouveaux Essais de morale, Paris, D. Hortemels, 1691.
  • [65]
    A.-P. Jacquin, Entretiens sur les romans [Paris, Duchesne, 1755], Genève, Slatkine Reprints, 1970, p. 121.
  • [66]
    J. Vernette, Le New Age, Paris, Puf, 1993, p. 113-114.

1Quand on parcourt la littérature catholique de la seconde moitié du xvie et du début du xviie siècle, des livres spirituels aux lourds traités de théologie, en passant par les textes apologétiques, les sermons et les hagiographies, on peut être frappé par le caractère concret du propos : ce qui au siècle précédent s’exprimait encore régulièrement à travers les pâles concepts de la scolastique trouve désormais plus souvent à s’illustrer par des images frappantes, de vives anecdotes. Les élans de l’âme chrétienne, les finesses et les règles de l’ascèse, la métaphysique abstraite, les dogmes et les sacrements, tout cela, chez de nombreux auteurs, prend forme et s’incarne dans des parallèles, des symboles ingénieux ou des exemples comme pour mieux toucher le lecteur dans sa sensibilité. L’Introduction à la vie dévote, mais aussi le Traité de l’amour de Dieu sont les meilleurs témoins de ce courant d’évolution. On sait d’ailleurs que François de Sales, directeur de conscience, autorisait l’usage de l’imagination dans les oraisons. Il le faisait, certes, avec modération, mais en reconnaissant implicitement l’utilité d’un tel recours : « cette imagination – écrit-il ainsi à son amie la baronne de Chantal en avril 1606 – doit être fort simple, et comme servant d’esguille pour enfiler dans notre esprit ses affections et résolutions [1] ». Certains chrétiens allèrent beaucoup plus loin dans leur emploi de l’imaginaire, comme ces auteurs de textes narratifs à sujet pieux, François de Fouet (Floriane, son Amour, sa Pénitence et sa Mort (1601)), Louis de Richeome (Le Pèlerin de Lorette, 1604) et Antoine de Nervèze (La Victoire de l’amour divin, 1608) qui, deux décennies avant Camus, jetèrent les fondements de la littérature dévote sous le règne d’Henri IV. Le mariage audacieux qu’ils opèrent dans leurs œuvres entre le message religieux et la prose fictionnelle ne manifeste-t-il pas de manière spectaculaire le rôle nouveau confié à l’imagination dans le salut chrétien ?

2C’est autour de cette question des fonctions de l’imagination, particulièrement de son utilité dans la réalisation d’une pédagogie chrétienne passant par la littérature narrative, que s’articuleront les analyses et les réflexions suivantes. Évidemment, dans les limites d’un article, il ne s’agira pas de prétendre à l’exhaustivité ; mais, tout en ouvrant quelques pistes de recherche, de souligner l’influence sur le champ de la littérature religieuse d’une anthropologie de l’imaginaire propre à la France du temps d’Henri IV et de Louis XIII.

Théorie(s) chrétienne(s) de l’imagination

3De nombreuses divergences ponctuelles peuvent séparer les hommes d’Église et les théologiens traitant de l’imagination au xviie siècle ; cependant il est relativement aisé de dégager de leurs points de vue un même socle théorique : une sorte de credo minimum assignant des fonctions et une place précises à la virtus imaginativa dans l’économie générale de l’âme humaine. À partir d’une tradition aristotélicienne et scolastique encore vivace en leur temps, tous ou presque subordonnent l’imagination à la perception sensorielle, parce que, comme l’observe Thomas d’Aquin, « l’intellect humain, même s’il peut se connaître lui-même, tire toutefois de l’extérieur le point de départ de sa connaissance [2] » (Contre les gentils, IV, 11). Bossuet, dans son Traité de la connaissance de Dieu et de soi-même (I, 4), souligne le rôle mimétique de l’imagination reprenant le message des sens pour le présenter à la pensée :

4

Toutes les fois qu’un objet, une fois senti par le dehors, demeure intérieurement, ou se renouvelle dans ma pensée avec l’image de la sensation, qu’il a causée dans mon âme, c’est ce que j’appelle imaginer. [3]

5Mais l’image est supposée jouir aussi d’une certaine autonomie vis-à-vis des sensations provenant du monde extérieur ; aussi, conformément à la doxa aristotélicienne postulant que l’on ne saurait penser sans image (De l’Ame, III, 8), elle apparaît aussi comme un instrument utile à l’expression des idées ; car « il est dans la nature humaine de voir les idées intelligibles dans les images. [4] »

6Elle est par ailleurs sensible au pouvoir de suggestion des passions, et donc source de rêveries plaisantes dont le pouvoir d’illusion peut détourner qui s’y abandonne de la claire perception de la réalité et de la vérité morale. À cet égard de nombreux théologiens et démonologues font de l’imagination un moyen de tentation au service du diable, singe de Dieu et grand maître des illusions. [5]

7Enfin, elle peut être revêtue de la dignité d’une fonction métaphysique, ouvrant l’esprit à des intuitions supérieures. Saint Jean de la Croix, à la suite des néoplatoniciens, mais aussi de certains Pères de l’Église comme Origène [6] (Contre Celse, I, 48), pense ainsi que Dieu, « à l’aide [des] images [intérieures] […] révèle souvent à l’âme beaucoup de choses [et] lui enseigne une sagesse profonde, comme on le voit à chaque pas dans la Sainte Écriture. [7] » Dans sa Somme Théologique, le père Garasse, illustrant cette même idée, parle, en citant Philon le Juif, de la vision de Moïse qui lui donne une claire représentation du mystère de la Trinité [8]. Beaucoup d’auteurs, dont saint Jean de la Croix lui-même, s’accordent cependant pour placer Dieu et les mystères de la religion au-delà de l’imaginable.

8Envisagé du point de vue de sa coopération avec les autres facultés, l’imagination est caractérisée régulièrement par sa situation de charnière entre les sens et l’entendement. François de Sales, inscrivant sa réflexion dans le sillage de celle de saint Thomas d’Aquin, rappelle dans le Traité de l’amour de Dieu, que sa fonction est d’extraire de l’objet concret une représentation abstraite et universelle afin de l’imprimer dans la pensée sous la forme d’une « espèce intelligible » :

9

Ce que nous entendons ne s’unit pas […] à notre entendement sinon par le moyen d’une autre représentation et image, très délicate et spirituelle, que l’on nomme espèce intelligible. [9]

10Placée dans cet entre deux, l’imagination, « faculté mitoyenne [10] », se trouve, selon les auteurs soit rejetée du côté du corps et envisagée avec méfiance : c’est là le point de vue de saint Augustin – voyant dans l’imagination « une plaie infligée [à l’esprit] par les sens [11] », et de ses héritiers manifestant une même méfiance pour la « folle du logis » (Malebranche) ; soit estimée pour son utilité dans l’acquisition des connaissances : c’est là le point de vue de saint Thomas d’Aquin notant que « l’intellect a besoin de l’imagination. [12] » C’est, semble-t-il, cette seconde option qui emporte la faveur de nombreux catholiques du xviie siècle naissant.

L’imagination dans les livres de spiritualité

11Ignace de Loyola et, derrière lui, les jésuites ont certainement joué un rôle de premier plan dans la diffusion d’une pratique religieuse accordant beaucoup à l’imaginaire. Ses Exercices spirituels, de nombreuses études l’ont déjà mis en lumière [13], proposent au chrétien engagé dans la voie d’une réforme intérieure de méditer sur des tableaux, semblables aux loci des anciens arts de la mémoire. Loyola parle de « composition de lieu » pour désigner ce type de méditation qui se développe en prenant appui sur une « vision imaginaire [14] ». L’effort imposé au méditant pour se remémorer et se représenter avec les yeux de l’imagination vise à le faire passer d’une piété formelle à l’expérience d’une foi vécue, le transportant sur un mode affectif et visionnaire à l’intérieur même de son sujet de méditation. Le premier jour des Exercices, il est par exemple invité à suivre « la bienheureuse Vierge de la bourgade de Nazareth […] enceinte déjà depuis neuf mois et monté sur une ânesse » et « son compagnon Joseph, avec une petite servante et un bœuf » sur la route de Bethléem, puis à « assister à la naissance du Christ. » Les conseils ignaciens insistent sur la nécessité de s’immerger dans ce tableau animé comme pour mieux s’imprégner de son atmosphère. Aussi le méditant est-il incité à endosser le rôle d’un personnage évangélique et à s’imaginer qu’il se trouve aux côtés de Marie, de Joseph, de leur servante et du Christ « enfant qui vient juste de naître », « comme un petit pauvre, les servant selon leurs besoins avec le plus grand respect. [15] » Au reste, le tableau dans les Exercices obéit constamment à une scénographie qui l’arrache à son statisme et le place dans un déroulement dramatique. Il faut observer de ce point de vue qu’il vient toujours après un récit ou une histoire esquissée dans une prière préparatoire ou un prélude. Envisagées dans cette dimension diachronique les quatre semaines des Exercices forment aussi une suite d’épisodes comportant des temps forts (représentation de l’enfer ; des deux étendards de Jésus-Christ et de Lucifer ; cène et crucifixion …) appelant une forte implication du méditant avançant pas à pas sur le chemin exigeant d’une imitatio Christi.

12Au reste, il faut s’empresser d’ajouter que cette expérience spirituelle n’est jamais abandonnée à l’imaginaire. La méditation ignatienne s’organise en plusieurs points. Dans chacun d’eux s’exerce l’une des trois facultés : la mémoire, l’intelligence et la volonté formant ensemble « les puissances de l’âme ». La mémoire rappelle les faits à l’aide de l’imagination, qui les représente à l’intelligence. Celle-ci par un examen attentif en tire les conséquences pratiques. Enfin la volonté mobilisant les forces de l’âme entraîne celle-ci vers l’objectif convoité. Ainsi le père de l’ordre jésuite propose une utilisation cadrée des ressources de l’imagination, seule capable de neutraliser ses effets pervers afin de la transformer en un instrument efficace de l’ascèse chrétienne.

13Les Exercices, qui ont longtemps circulé sur un mode confidentiel et à l’usage des seuls directeurs de conscience, ne constituent pas véritablement un texte à lire : « ils n’ont pas à être lus mais à être pratiqués avec quelqu’un les ayant déjà faits lui-même. [16] » Ne peut-on voir cependant en eux comme le palimpseste de ces nombreux livres de spiritualité qui au début du xviie siècle offrent au lecteur de bénéficier d’une forme nouvelle de pédagogie ? Il est certain, en tout cas, qu’ils ont souvent agi comme un modèle sur leur élaboration. La filiation paraît évidente pour les auteurs jésuites dont les textes visent explicitement à prolonger les pratiques pieuses, comme Louis de Richeome (Le Pelerin de Lorette (1604)), Paul de Barry (La Solitude de Philagie (1632)), ou Nicolas Caussin, auteur à succès dont La Cour sainte (1624) fut rééditée quatorze fois de son vivant et traduite dans plusieurs langues étrangères. Celui-ci insiste sur les mérites de la lecture spirituelle :

14

Pour arroser vos oraisons, & les retenir en perpetuelle vigueur, il est besoin que comme vous parlez à Dieu dans l’exercice de la prière, il vous parle dans les livres, & par la bouche des Predicateurs. Pour ce sujet faites estat d’employer tous les jours quelque partie du temps à la lecture d’un livre dévot, tant de préceptes que d’exemples. [17]

15Il définit également un bon usage du livre appelant une lecture intensive, et une mobilisation des sentiments et de l’imagination, seuls capables d’entraîner un progrès moral, voire une conversion en profondeur :

16

N’allez point butinant cela d’une curiosité passagere, qui devore tout et demeure perpetuellement affamée ; mais collez-vous de pensée et d’affection sur ce que vous lisez, en telle sorte que vous demeuriez imbu & coloré d’une ferme teinture. [18]

17En plein accord avec l’esprit des Exercices, il envisage d’ailleurs les efforts du lecteur sur un mode militant et héroïque. Le livre est pour lui pareil à un champ de bataille où le chrétien doit mener contre ses passions une lutte impitoyable. Pour évoquer ce combat, Caussin reprend les mots de César : « Veni, vide, vince, venez, voyez, vainquez. » Le fait de venir équivaut pour lui à mobiliser son énergie avec « une forte resolution d’entreprendre l’affaire de [son] salut ». Le verbe voir désigne l’acte réflexif d’une fine introspection capable d’identifier clairement l’adversaire moral. La victoire s’édifie sur « la force » et « la subtilité » dirigeant l’imagination :

18

Il faut [en effet] gagner tant qu’on peut son imagination, la desabuser, luy faire entendre qu’elle fait les tristes objets beaucoup plus horribles qu’ils ne sont & qu’elle se figure aussi de grandes beautez & de grandes douceurs en la jouyssance de certaines choses, qui traînent apres soy bien de l’amertume. [19]

19L’imaginaire, comme on le voit ici, est une source d’illusions dont il faut savoir se défier ; il est aussi un moyen de pousser le lecteur vers le meilleur de lui-même. Aussi La Cour sainte a-t-elle été composée comme un diptyque comportant, dans sa première partie des préceptes et des réflexions, et offrant au lecteur, dans sa seconde, des histoires exemplaires d’hommes et de femmes illustres que Caussin compare avec un « miroir » où « ceux qui se contempl[ent] » verraient « au lieu de leurs visages, la representation de la divinité. [20] »

20Les jésuites ne travaillent pas seuls à la promotion de cette littérature édifiante. On pense aussi, bien sûr, à deux figures emblématiques du catholicisme français au début du xviie siècle : François de Sales, nommé à juste titre dès le début de cette étude, et Jean-Pierre Camus, deux grands admirateurs d’Ignace de Loyola dont la spiritualité a marqué d’ailleurs profondément leurs propres œuvres. Il n’est que de se reporter au début de l’Introduction à la Vie Dévote (1609) [21] pour constater la prégnance de cet héritage dans la pensée de l’évêque de Genève. On trouve là une dizaine de méditations manifestement inspirées de celles des Exercices tant pour les thèmes abordés que pour la manière de les envisager par la mobilisation des affects, de la volonté et de l’imagination. Camus, dans sa Direction à l’Oraison mentale, tout en se donnant pour le disciple de François de Sales [22], place ses réflexions dans le sillage des Exercices. Il les loue comme un « incomparable livre » ou « un livre divin [23] » et il leur emprunte beaucoup pour définir ce qu’il nomme l’« oraison active », c’est-à-dire celle qui utilise « les forces et facultez de notre ame », et « toutes ses puissances, imaginative, appetitive et intellectuelle » pour « deracin[er] nos pechez, & extirp[er] nos vices. » On note aussi qu’il recommande la pratique d’une « lecture spirituelle » qu’il associe, par analogie, à la « méditation [24] », c’est-à-dire à « un discours de l’entendement qui se fait intérieurement pour eschauffer la volonté, ou la porter à quelque bien [25] » et qu’il fait préluder à la contemplation, donnée pour « un fixe, tranquile, & amoureux regard sans aucune vanité de discours. [26] » L’imagination joue un rôle crucial dans son oraison, plus que chez son maître, et plus encore peut-être que chez Ignace de Loyola :

21

Servons-nous de ceste forte & puissante imagination dont nous lisons de si prodigieux effets dans les histoires.
Si elle a tant de force, que d’inspirer des marques au port corporel des femmes enceintes, comme l’histoire Ethiopique d’Heliodore nous faict voir en Cariclée, & l’experience nous demonstre tous les jours, combien seront plus vehementes les impressions qu’elle pourra faire en nos esprits… [27]

Histoires et romans dévots : raconter pour convertir

22En parallèle de ces livres pieux ou « édificatifs [28] » où se définit une gestion prudente de l’imaginaire et des passions, se développe une veine qui fait porter par le récit l’essentiel de l’effort pédagogique. Raconter pour convertir est déjà, certes, une démarche ancienne – le siècle précédent compte déjà quelques fictions chrétiennes [29], celles de Guillaume Michel (La Forest de Conscience, 1516), de Jean Bouchet (Les Triomphes de la noble et amoureuse dame, 1530) ou de Jehan de Carthény (Le Voyage du chevalier errant, 1557) – ; il est cependant une nouveauté dans les fictions dévotes que l’on publie à partir du règne de Henri IV : elles s’émancipent de l’allégorie [30] qui, depuis le Moyen Âge, dominait jusque là dans ce type de textes, et se présentent comme des histoires, c’est-à-dire comme des récits contraints par la règle de la véridicité. Il existe à cet égard une continuité évidente entre les histoires tragiques, les hagiographies, les occasionnels, et les histoires dévotes que produisent des écrivains comme Jean Pierre Camus ou René de Ceriziers. Encore ne faut-il pas les confondre : l’histoire dévote n’est pas exactement le décalque de l’histoire vraie qui peut prendre la forme répulsive du « canard » entraînant le lecteur dans les bas fonds de faits divers sanglants. Si elle peut intégrer de nombreux passages d’un réalisme cru ou jouer sur le registre de la violence pour évoquer un héroïsme du martyre, elle vise surtout à tirer parti des vertus positives de l’exemple. Sa relation avec la véridicité de l’histoire n’est donc pas toujours évidente, même si certains auteurs déclarent écrire dans un style naïf et se tenir au plus près des faits, comme « fidelle[s] Secretaire[s] [31] ». L’exemple, pour imprimer efficacement un désir d’émulation vertueuse dans l’imagination du lecteur ne peut en effet reproduire purement et simplement ce qui a été : il procède toujours plus ou moins d’une récriture idéalisante et avantageuse du réel, quand il n’est pas le produit de l’invention. Au reste l’histoire servant de cadre à cet exemple retouché est souvent soumise elle-même à un mouvement de dérive vers le régime d’une représentation romanesque supposée lui donner plus d’attrait. Agathonphile, l’une des premières œuvres narratives de Jean-Pierre Camus le montre ainsi à la recherche d’un équilibre difficile entre la fiction divertissante et l’histoire. Dans l’Eloge des histoires dévotes qu’il place à la fin des aventures de ses martyrs siciliens, il donne d’ailleurs spontanément à « ce genre d’escrire Historique » toutes les caractéristiques du roman : il vante son pouvoir de suggestion, son charme exercé sur l’activité imaginaire du lecteur entraîné presque malgré lui dans les complications d’une intrigue palpitante :

23

Est-il aucune pasture plus agreable à l’esprit humain, que la suitte continuë d’un discours historique, au fil duquel il se laisse emporter avidement comme charmé par la suavité d’un parfum dont la douceur l’occupe si fort, qu’il en oublie toute autre pensée : la variété des événemens, la multiplicité des différens succez, la diversité des accidens attachez les uns aux autres, sont autant de chainons frottez d’aymans qui lient le cœur, & r’amassent l’attention avec un empressement d’autant plus puissant, qu’il est moins perceptible. [32]

24Pour Camus une question importante est évidemment de savoir comment, tout en concédant aux exagérations et à la fantaisie du roman, il pourra continuer à témoigner d’une vérité et diriger le plaisir du lecteur vers une fin morale. Il recourt pour y parvenir à une riche palette de procédés en tous genres [33] : d’abord il n’a pas inventé librement son « histoire dévote » : « Le fond en est très-véritable – nous dit-il –, & tout tiré des veines inespuisables & de ces mines d’or des Annales Ecclésiastiques. [34] » Il pousse par ailleurs ses héros dans la voie édifiante du martyre et de la sainteté et met constamment en lumière les enjeux moraux de leurs actions dans de longues digressions émaillées de références aux Saintes Écritures. En parallèle de leurs tribulations, il développe un contre-discours fait pour désenchanter le lecteur tenté de s’abandonner naïvement au charme d’une intrigue aux couleurs sentimentales. Quand Agathon loue la beauté de son amante Tryphine, le prêtre Phylargyrippe ne manque pas, par exemple, de lui expliquer, dans un discours teinté de pyrrhonisme, qu’il s’agit là d’une réalité insaisissable « dont chacun parle sans l’avoir jamais veu » parce qu’elle « dépend plutost de l’opinion que de la vérité [35]. » Aussi la présente-t-il, au bout de ce raisonnement, comme « une chimère qui n’a de la subsistance que dans le vuide de la creuse imagination des Amans. [36] » Contant au couple des deux jeunes gens l’histoire ancienne de ses amours, le même Philargyrippe les dénonce comme une forme de folie :

25

une chaisne si dure […] en laquelle bien que les forçats soient volontaires, on vogue néantmoins sur une mer d’inconstances, de jalousies, de perfidies, de souspirs, de regrets, d’inquiétudes, de soupçons, de désirs qui font souvent invocquer la mort, comme le port de tant de tourmens. [37]

26Enfin pour justifier les nombreux passages procédant manifestement de sa seule fantaisie, Camus déclare qu’il faudrait les prendre dans un sens « parabolique » :

27

Si qu’il n’y a rien en tout le cours de cette œuvre qui ne soit vray, soit en faict, soit en allégorie, ou moralité et dont on ne puisse tirer de l’instruction. [38]

28Ce contrôle scrupuleux de l’imaginaire fictionnel visant à neutraliser ses effets délétères n’est pas sans évoquer, mais transposées sur un plan littéraire, les diverses procédures par lesquelles Camus, dans son Traité de la réformation intérieure, appelle le chrétien à « nettoyer [son] imagination [39] » par une « forte, mais douce attention sur nostre fin dernière qui est Dieu [40] » ; par l’opposition constante « des bonnes pensées aux mauvaises [41] » ; par l’exercice critique d’une « ferme attention [42] » sachant séparer le bon grain de l’ivraie. Le rapprochement de sa conception de l’ascèse chrétienne et de sa poétique, à condition de ne pas conduire à confondre sans nuances deux perspectives distinctes, a sans doute le mérite de montrer que cet ami des jésuites concevait aussi ses histoires dévotes comme un « règlement de nostre imagination [43] ».

29Beaucoup d’auteurs ne s’embarrassaient pas de tant de précautions : citons, entre autres noms possibles, ceux de François de Fouet, d’Antoine de Nervèze, de Gabriel Ranquet, de Nicolas Piloust, de Henry du Lisdam ou de Jacques Gaffarel [44]. Tous, comme Camus dans son Agathonphile et ses autres romans, mêlent à leurs intrigues sentimentales et dévotes des propos édifiants, des conseils moraux et des mises en garde ; mais il faut reconnaître aussi qu’ils montrent beaucoup moins de suspicion à l’égard de leur matière romanesque, comme si ses ressources pouvaient être finalement exploitées sans dommage afin de « dorer la pilule » du message chrétien ou lui apporter plus de douceur. Cette confiance, toute horatienne, dans l’utilité de la fiction ou dans sa capacité à marier l’utile et l’agréable, reflète évidemment une vision optimiste de la nature humaine, sans doute héritée de l’humanisme renaissant : l’idée que cette nature n’aurait pas été radicalement viciée à la suite du péché originel, mais porterait encore en elle un dynamisme salutaire. Ainsi leurs histoires dévotes – qui mériteraient d’ailleurs plutôt le titre de romans – déroulent régulièrement un même fil d’Ariane conduisant, par de nombreuses épreuves, des passions profanes à leur dépassement vers l’amor Dei. Entre Eros et Agapê, nous suggèrent-ils, comme Camus, mais avec beaucoup moins de précautions, il existerait des chemins sinueux, de douloureuses voies de passage, autorisant que l’on puisse écrire sur les désordres amoureux. Nervèze, dans La Victoire de l’amour divin, dépeint ainsi la transformation progressive de deux amants, Polidore et Virgine, qui finissent, elle, par se retirer dans un couvent, lui, dans un ermitage. Ranquet, dans L’Exil de la volupté, s’attarde d’abord, sans trop de scrupules, sur la vie de débauche d’une courtisane, Thays, avant de relater par le menu les détails de sa fascination passionnelle pour l’ermite Pafnuce, puis sa conversion au christianisme. François de Fouet qui, dans sa Floriane, conte l’histoire de la déchéance et de la rédemption d’une courtisane, déclare sans ambages dans son épître dédicatoire que la vertu peut bien naître « au milieu de l’impudicité. [45] » Dans ces différentes œuvres la représentation des passions, pour peu qu’elle soit reliée à une fin chrétienne, est toujours donnée comme le moyen le plus efficace d’agir sur le lecteur. Les données réflexives et rationnelles ne sont pas absentes, mais toujours secondaires et parfois explicitement rejetées au second plan [46]. Nicolas Piloust s’expliquant sur son projet d’écrivain dans l’avant-propos de son Tableau des déserts enchantez attache étroitement le rôle bénéfique de ses histoires à leur pouvoir de contagion émotionnelle retentissant profondément sur la conduite du lecteur :

30

Plusieurs considereront que les vies, les meurs & les morts d’autruy redigées par escrit, gravent communément diverses passions & mouvemens en l’esprit du Lecteur : car si elles sont pleines de nouveaux acci-/dens, il ne se peut qu’il ne les admire, & si remplies d’estranges, il les craint & redoute pour luy : si confits de delices, il luy semble les lisant y participer aux douceurs : bref selon le bonheur ou malheur il reçoit de l’esmotion, & ceste emotion ne luy peut que grandement profiter : car si bonne elle luy est agreable, si apprehensive, elle luy faict eviter ce que le vivant ou mourant n’a sçeu, ou par imprudence ou par malheur, & par ainsi il peut reformer ses actions sur l’imperfection […]. [47]

31Pour l’essentiel, ses analyses empruntent à la psychologie d’Aristote, filtrée par saint Thomas d’Aquin – à propos de la « crainte » et des « délices » du lecteur on pense inévitablement à la distinction scolastique entre les parties irascible et appétitive de l’âme (Som. Théol., I, q. 81, a. 2) – ou à sa théorie de la catharsis, ici remodelée suivant la voie d’une pédagogie chrétienne. L’originalité, toute relative, du point de vue de Nicolas Piloust apparaît en fait surtout à travers ce qu’il ne dit pas ou dit très peu : il faut attendre la fin de ses déclarations pour le voir inviter le lecteur à « ratiociner en [s]a memoire ce [qu’il] aur[a] leu [48] ». Jusque là l’accent est constamment placé sur les vertus pathétiques de son texte, instrument efficace d’une connaissance par empathie faite pour « remplir » l’ « âme […] ensemble de merveille, de pitié, de désir, de crainte, & de joye » afin de lui servir de « phanal, de but, & d’exemple pour toute [l]a vie [49] ».

32Il appartiendra à d’autres auteurs d’aller un peu plus loin dans la voie de cette esthétique de la délectation et du choc sensible, comme Desmarest de Saint-Sorlin plaçant la curiosité et l’imagination au fondement de sa poétique du roman moral dans sa préface de Rosane [50] et, beaucoup plus tard, Fénelon recommandant dans son Traité de l’éducation des filles, la lecture d’histoires agréables ou extraordinaires tirées des Saintes Écritures, parce que

33

ménagées discrètement, [elles] feraient entrer avec plaisir dans l’imagination des enfants, vive et tendre, toute une suite de religion, depuis la création du monde jusqu’à nous, qui leur en donnerait de très nobles idées, et qui ne s’effacerait jamais. [51]

La critique des « visionnaires »

34Au siècle de l’augustinisme triomphant, cette pédagogie à accomplir avec les yeux de l’imagination s’attire bientôt les foudres de nombreux censeurs. Il est évidemment impossible dans les limites d’un article d’entrer dans le détail de leurs points de vue critiques ou de dérouler l’histoire de la longue polémique qui les oppose à leurs adversaires. Tout au plus s’agira-t-il de tracer ici un panorama rapide destiné à isoler les principaux motifs de leur hostilité.

35Les premières passes d’armes s’engagent dès les années 1620. Elles ne concernent pas directement la veine des romans dévots ; mais préparent pour ainsi dire le terrain de la défiance qu’on leur opposera. Garasse, apologiste exubérant, mêlant volontiers à son argumentation les anecdotes et les contes à rire, provoque alors l’irritation de nombreux chrétiens choqués par les audaces de sa verve toute pamphlétaire. L’un d’eux, François Ogier, oppose à sa Doctrine curieuse des beaux esprits de ce temps (1623) un Jugement et censure (1623), où il pointe les maladresses, les sottises et les erreurs du trop fougueux père jésuite. Au début de son petit livre il place un chapitre concernant les « Contes facétieux » ; il y accuse Garasse d’utiliser des histoires ridicules, « dignes du Décaméron et de Boccace » pour défendre la cause de la religion [52]. Les fondements de ces reproches, on le voit, se rapportent à la question du décorum de l’écriture apologétique. Ogier n’est pas opposé à l’emploi religieux d’histoires ou de fictions – en honnête homme, amateur de belles lettres, il cite volontiers Homère, Virgile et d’autres auteurs antiques [53] –, sauf quand elles apparaissent manifestement déplacées, et donc choquantes, par leur tonalité comique ou leur grossièreté. Cette règle de la convenance et, plus largement, de l’adaptation (englobant les relations multiples et variables qui unissent la forme d’un texte, son contenu, les circonstances de sa production, et les personnes des auteurs et de leur public) est une des lignes de force de la critique des histoires dévotes, qui traverse tout le xviie siècle. Ainsi dans la Télémacomanie ou la censure et critique du roman intitulé « Les Avantures de Télémaque » (1700), l’abbé Pierre-Valentin Faydit ne manque pas de se récrier contre Fénelon parce qu’il a pratiqué un genre indigne de son rang et de ses fonctions :

36

Qu’auroient dit les Saints et doctes Evêques de l’ancienne Eglise Gallicane, s’ils avoient vû un de leurs confrères s’amuser à écrire & à composer des romans ? [54]

37Ceux qui mêlent la piété et le divertissement romanesque encourent aussi le reproche de ne pas respecter la ligne de démarcation devant nécessairement séparer l’histoire du roman. Celle là est toujours caractérisée par son contenu véritable ; celui-ci est souvent condamné parce qu’il est une « fable », c’est-à-dire, écrit par exemple Fancan, citant Tertullien (De Testimonio animae, 6), une fiction « qui veut par un sacrilège intolérable abysmer la vérité, fille du soleil & sœur de la Nature. [55] » Cette logique puriste va évidemment de pair avec une conception particulière de la religion exigeant que l’on ne transige jamais avec la vérité : la vérité telle qu’elle est écrite par le doigt de Dieu dans le livre de la création et révélée dans les Saintes Écritures. Ainsi François de Grenaille, dans L’Honnête fille [56] comme, au siècle précédent, l’Espagnol Jean-Louis Vivès dans l’Institution de la femme chrestienne [57], bannit le roman de l’éducation féminine et recommande la lecture de l’histoire sainte. À cela s’ajoute ce soupçon, pesant aussi sur le théâtre, que les livres d’amour, même si leurs auteurs s’efforcent de donner des couleurs dévotes à leurs intrigues, distillent un poison virulent dans le cœur de ceux qui les lisent [58] ; « empoisonneurs publics [59] » ils auraient, de toutes manières pour effet, de déchaîner les passions et de corrompre les mœurs.

38Enfin les arguments théologiques pèsent également lourd dans ces attaques. L’une des critiques les plus explicites sur ce point est celle que lance Pierre Nicole contre Desmarest de Saint-Sorlin blâmé dans la Première Visionnaire (1667) pour être à la fois romancier et théologien [60], de se régler en esprit sur les mouvements de son imagination [61], et de suivre le moine Pélage dans l’hérésie en s’abandonnant aux suggestions de sa concupiscence [62]. La référence au pélagianisme permet de mieux comprendre a contrario la position doctrinale des romanciers qui, comme Camus, tissaient leurs intrigues sur la trame des amours profanes. Certes, le soupçon d’hérésie pour la plupart d’entre eux est au fond injustifié ; mais il apparaissait certainement dans l’esprit des jansénistes ou des tenants d’un augustinisme dur, qu’ils accordaient beaucoup trop aux passions, à l’imagination et à leur direction volontaire dans leur pratique de la littérature. Comment admettre, du point de vue d’un solitaire de Port-Royal, tenant l’intervention de la grâce pour la condition sine qua non du salut, qu’à partir d’une histoire d’amour, comme Agathonphile, puisse se développer un long itinéraire semé d’épreuves conduisant finalement au martyre et à la sainteté ? Un tel parcours ne menait-il à minimiser les effets du péché originel et à exalter le rôle du libre arbitre ? Ce qui était peut-être encore admissible dans le contexte spirituel de la France de François de Sales et du Père Yves de Paris, celle de l’« humanisme dévot », selon l’expression forgée par Henri Brémond, ne le sera plus après le tournant du siècle où se tarit la veine du roman pieux [63]. On écrit alors non plus des romans, mais des histoires édifiantes souvent inspirées de l’hagiographie. À la fin du siècle, Jean Frain du Tremblay exprime parfaitement l’esprit de son époque quand il écrit « [qu’] on ne sçauroit […] rien escrire pour la Morale de Jesus Christ, que l’on ne parle contre l’imagination [64]. »

39Les premières décennies du xviiie siècle verront persister la même méfiance exprimée encore en termes vifs par l’abbé Jacquin dans ses Entretiens sur les romans, publiés en 1755 :

40

Oui, ils sont parfaitement inutiles ces jeux frivoles de l’imagination, inutiles pour la Religion. Cette proposition ne demande point de preuves, malgré tout ce qu’on peut dire de Saint Jean Damascene, à qui on attribue l’Histoire de Barlaam et de Josaphat. Ce ne sera jamais avec les armes du mensonge, qu’on défendra cette forteresse fondée sur la vérité même. [65]

41Le débat cependant est loin d’être clos. Il n’est que de penser à la vogue du roman édifiant au siècle romantique, de Chateaubriand à Sienkiewicz, ou aux nombreux péplums italiens et américains des années 1950 illustrant des idées catholiques et puritaines. Mais peut-être est-on arrivé depuis la fin du xxe siècle à un moment de rupture entre la littérature chrétienne et l’imagination. Si celle-ci, en effet, continue de pactiser avec une pédagogie d’inspiration religieuse, c’est semble-t-il plus volontiers en dehors du cadre institutionnel de l’Église, dans des livres de fiction illustrant la fécondité actuelle de ces nouvelles spiritualités affiliées au vaste courant New Age. C’est à cette mouvance qu’appartiennent par exemple les succès planétaires que sont les livres de Paulo Coelho ou de James Redfield. Il semble que la position des chrétiens face au développement luxuriant et anarchique de cette littérature aille désormais surtout dans un sens critique. Ainsi le père Jean Vernette, spécialiste des sectes et des nouveaux phénomènes religieux, insistait naguère sur les limites d’une spiritualité aimantée par l’imaginaire :

42

Le désir qui pousse l’homme vers la mystique ou vers Dieu comme lieu d’assouvissement de son état de manque peut aussi l’égarer sur des objets imaginaires ou des idoles, sur des dieux taillés à sa mesure […]. Les vrais Maîtres spirituels disent unanimement en différents langages, qu’il faut toujours aider le désir à se libérer des objets imaginaires sur lesquels il est en péril de se fixer. [66]


Date de mise en ligne : 28/03/2013

https://doi.org/10.3917/licla.079.0095

Notes

  • [1]
    François de Sales, Œuvres, Annecy, 1892-1918, t. XIII, p. 162.
  • [2]
    Somme contre les Gentils, IV, 11, 5, trad. D. Moreau, Paris, GF-Flammarion, 1999, p. 107.
  • [3]
    Traité de la connaissance de Dieu, I, 4, Œuvres complètes de Bossuet, éd. Migne, Paris, J.-P. Migne, 1867, t. I, p. 946.
  • [4]
    Divi Thomae Aquinatis […] Summa Theologica, Secunda Secundae Partis, Rome, ex typographia Forzani et S., 1894, qu. 180, art. 5 ad. 2, p. 1167 : « quia connaturale est homini, ut species intelligibiles in phantasmatibus videat ». Nous traduisons.
  • [5]
    Voir par exemple P. Le Loyer, Discours des spectres, l. II, chap. 8, Paris, N. Buon, 1608, p. 145 ; P. Ragueneau, La Vie de la Mère Catherine de Saint Augustin, Paris, Fl. Lambert, 1671, p. 5.
  • [6]
    Origène, Contre Celse, trad. M. Borret, Paris, Cerf, « Sources chrétiennes », 1967, p. 203.
  • [7]
    Saint Jean de la Croix, Montée du Carmel, l. II, chap. 11, Œuvres complètes, Paris, Éd. du Seuil, 1947, p. 174.
  • [8]
    Saint Thomas d’Aquin, Somme théologique, Paris, S. Chappelet, 1625, p. 465.
  • [9]
    Saint François de Sales, Traité de l’amour de Dieu, l. III, chap. XI, Œuvres, éd. A. Ravier, Paris, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », 1969, p. 512.
  • [10]
    L’expression est de J.-P. Camus : Direction à l’Oraison mentale [1617], Lyon, P. Rigaud, 1623, p. 481 : « L’imagination est une faculté mitoyenne entre les sens et l’entendement ».
  • [11]
    « Nihil est aliud imaginatio […] quam plaga inflicta per sensus » (saint Augustin, Epist. 7, dans Patrologie latine, éd. Migne, t. 33, col. 69. Cité dans E. Gilson, Introduction à l’étude de saint Augustin, Paris, Vrin, 1987, p. 73.
  • [12]
    Saint Thomas d’Aquin, Somme théologique, I, q. 84, a. 7, ad. 3.
  • [13]
    Voir notamment P.-A. Fabre, Ignace de Loyola : le lieu de l’image. Le problème de la composition de lieu dans les pratiques spirituelles et artistiques jésuites de la seconde moitié du xvie siècle, Paris, Vrin, 1992 ; A. Demoustier, « L’originalité des Exercices spirituels », dans L. Giard et L. de Vaucelles (éd.), Les Jésuites à l’âge baroque (1540-1640), Grenoble, J. Millon, 1996 ; R. Dekoninck, Ad imaginem. Statuts, fonctions et usages de l’image dans la littérature spirituelle jésuite du xviie siècle, Genève, Droz, 2005, p. 137 sq.
  • [14]
    Saint Ignace de Loyola, Exercices spirituels. Texte définitif (1548), éd. J.-Cl. Guy, Paris, Éd. du Seuil, « Points-Sagesses », 1982, p. 84.
  • [15]
    Ibid., p. 86-87.
  • [16]
    J.-Cl. Guy, « Avertissement », ibid., p. 7.
  • [17]
    N. Caussin, La Cour sainte, Paris, D. Bechet, 1664, t. I, p. 463.
  • [18]
    Ibid.
  • [19]
    Ibid., t. III, Préface n.p.
  • [20]
    Ibid., « Le Dessein et l’ordre de ce livre », t. I, p. 19.
  • [21]
    Voir saint François de Sales, Œuvres, éd. A. Ravier, p. 46-67. On peut rapprocher par exemple la neuvième des méditations salésiennes de la méditation ignacienne sur deux étendards : 1ère semaine, 4e jour.
  • [22]
    J.-P. Camus, Direction à l’Oraison mentale, éd. cit., p. 158.
  • [23]
    Ibid., p. 33 et 157.
  • [24]
    Ibid., p. 77 : « La Méditation est comme la lecture d’un livre, action successive ».
  • [25]
    Ibid., p. 76, suivant une définition empruntée à « S. Bernard, Richard, & Hugues de S. Victor ».
  • [26]
    Ibid., suivant une définition empruntée à « Saint Thomas ».
  • [27]
    Ibid., p. 234. De fait, suivant une croyance déjà entérinée par les Aphorismes d’Hippocrate (section V, aph. XLIV), la vis imaginativa était encore tenue au xviie siècle pour particulièrement efficace chez la femme enceinte, au point d’agir sur son foetus, comme le montre dans le roman d’Héliodore la naissance prodigieuse de Chariclée, fille blanche d’une reine noire ayant longtemps contemplé un tableau figurant Andromède.
  • [28]
    Expression reprise à Fr. de Grenaille, L’Honnête fille, éd. A. Vizier, Paris, Champion, 2003, p. 376.
  • [29]
    Voir sur ce point l’article de N. Oddo centré sur l’œuvre de J. de Cartheny, « L’émergence du roman dévot en France à la fin du xvie siècle », dans Fr. Wild (éd.), Genre et société. Europe xvi-xvii, Université de Nancy II, 2000, p. 199-213.
  • [30]
    Il s’agit évidemment d’une tendance et non d’une rupture avec un ancien régime de représentation. Ainsi Henry du Lisdam publie à Lyon, en 1609, Le Thabor de l’Ame devote, puisant encore abondamment dans les ressources de l’allégorie, puisque la montagne sacrée représenterait ici la félicité éternelle réservée à l’âme chrétienne.
  • [31]
    Comme l’observe Benoist Gonon dans l’avis « Au Lecteur » de La Chasteté récompensée, Bourg-en-Bresse, Jean Tainturier, 1643.
  • [32]
    J.-P. Camus, Agathonphile ou les martyrs siciliens, Paris, Cl. Chappelet, 1623, p. 838.
  • [33]
    On se reportera au bel ouvrage de S. Robic-de Baecque pour compléter et préciser ces aperçus : Le Salut par l’excès. Jean-Pierre Camus (1584-1652) : la poétique d’un évêque romancier, Paris, Champion, 1999.
  • [34]
    J.-P. Camus, Agathonphile, « Éloge des histoires dévotes », éd. cit., p. 851.
  • [35]
    Ibid., p. 128.
  • [36]
    Ibid., p. 132.
  • [37]
    Ibid., p. 175.
  • [38]
    Ibid., « Éloge des histoires dévotes », p. 852-853.
  • [39]
    J.-P. Camus, Traité de la réformation intérieure, selon l’esprit du B. François de Sales, Paris, S. Huré, 1631, p. 284.
  • [40]
    Ibid., p. 281.
  • [41]
    Ibid., p. 283.
  • [42]
    Ibid., p. 285.
  • [43]
    Ibid., p. 283.
  • [44]
    Fr. de Fouet, Floriane, son Amour, sa Pénitence et sa Mort, Paris, M. Guillemot, 1601 ; A. de Nervèze, La Victoire de l’amour divin sous les Amours de Polidore et de Virgine, Paris, A. du Brueil et T. Du Bray, 1608 ; G. Ranquet, L’Exil de la volupté, ou l’Histoire de Thays égyptienne convertie par Pafnuce, Lyon, C. Morillon, 1611 ; N. Piloust, Le Tableau des déserts enchantez, s.l.n.d. [priv. 13 août 1614] ; H. du Lisdam, Les Sainctes inconstances de Léopolde et de Lindarache, Paris, Fr. Huby, 1619 ; J. Gaffarel, Cléolthée ou les chastes adventures d’un Candien et d’une jeune Natolienne, Paris, « Par la Société », 1624.
  • [45]
    Fr. de Fouet, op. cit., f. 4.
  • [46]
    La Floriane de François de Fouet est ainsi suivie d’un petit texte : L’Ame de ce corps, ou le sens moral de ceste histoire, lequel d’ailleurs, le fait est assez significatif du peu d’attention portée à la dimension herméneutique du roman, apparaît mal placé à la fin de ce livre, puisqu’il se rapporte à un autre texte, Les Légitimes Amours, et Fortunes guerrières de Doris, Paris, N. Buon, 1600.
  • [47]
    N. Piloust, Le Tableau des déserts enchantez, f. VIII r°-v°.
  • [48]
    Ibid., f. XI v°.
  • [49]
    Ibid., f. IX r°-v°.
  • [50]
    Desmarets de Saint-Sorlin, Rosane. Histoire tirée de celle des Romains et des Perses, Paris, Vve Le Gras, s.d. [priv. 14 mars 1639], Préface, f. ã : « L’esprit humain est de sa nature si curieux d’apprendre des histoires meslées d’avantures admirables, & s’y porte avec tant d’ardeur & de plaisir, que de tout temps ceux qui ont voulu luy imprimer quelque creance, & qui ont meslé des contes estranges parmy leurs discours, ont tousjours obtenu de luy ce qu’ils desiroient ».
  • [51]
    Fénelon, De l’éducation des filles, chap. VI, Œuvres, éd. J. Le Brun, Paris, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », 1983-1997, t. I, p. 123.
  • [52]
    Fr. Ogier, Jugement et censure du livre de la Doctrine curieuse de François Garasse, Paris, s.n., 1623, p. 6.
  • [53]
    Ibid., p. 25, 62, 131 et passim.
  • [54]
    P.-V. Faydit, La Télémacomanie, Eleuthérople, Pierre Philalèthe, 1700, p. 3.
  • [55]
    Fancan, Le Tombeau des romans [Paris, 1626], éd. Fr. Greiner, Presses Universitaires de Reims, 2003, p. 45. Notons que Fancan se contente dans son livret de renvoyer dos à dos l’histoire et le roman au cours d’une argumentation pro et contra.
  • [56]
    Fr. de Grenaille, L’Honnête fille, éd. cit., p. 365.
  • [57]
    J.-L. Vivés, Livre de l’institution de la femme chrestienne, trad. P. de Changy, [d’après l’éd. de J. Kerver, Paris, 1542], Le Havre, Lemale et Cie, 1891. Voir spécialement le chap. V (« Quelle escriptures elle doit lire »), p. 39 sq.
  • [58]
    Fr. de Grenailles, op. cit., p. 369-370 : « une fille qui a le cœur plein de tendresse se laisse volontiers toucher à ce qui la flatte, et pensant quelquefois prendre du miel, elle prend du poison ».
  • [59]
    P. Nicole, Les Visionnaires [1667], Cologne, P. Marteau, 1683, p. 257.
  • [60]
    Ibid.
  • [61]
    Ibid., p. 262.
  • [62]
    Ibid.
  • [63]
    Sur ce point voir supra notre préface au présent volume.
  • [64]
    J. Frain du Tremblay, Nouveaux Essais de morale, Paris, D. Hortemels, 1691.
  • [65]
    A.-P. Jacquin, Entretiens sur les romans [Paris, Duchesne, 1755], Genève, Slatkine Reprints, 1970, p. 121.
  • [66]
    J. Vernette, Le New Age, Paris, Puf, 1993, p. 113-114.

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