Notes
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[1]
M. Proust, À la recherche du temps perdu, éd. dir. par J.-Y. Tadié, Paris, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », 1987-1989, t. I, p. 541. Édition de référence pour les citations suivantes.
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[2]
Loc. cit. Le portrait de Villars se trouve dans les Mémoires, éd. Y. Coirault, Paris, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », 1983-1988, t. II, p. 252.
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[3]
Voir À l’ombre des jeunes filles en fleurs, t. II, p. 14 ; La Prisonnière, t. III, p. 880.
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[4]
Voir notre ouvrage La Correspondance de Proust : son statut dans l’œuvre, l’histoire de son édition, Besançon, Annales littéraires, 1998, notamment p. 100-104.
-
[5]
Voir S. Landes-Ferrali, Proust et le Grand Siècle. Formes et significations de la référence, Tübingen, Gunter Narr, 2004 ; Sylvie Pierron, « Ce beau français un peu individuel » : Proust et la langue, Vincennes, Presses universitaires de Vincennes, 2005.
-
[6]
Dans l’esprit de Proust, Saint-Simon, quoique contemporain de Montesquieu, met en scène le monde de Mme de Sévigné, et reste donc tourné vers le XVIIe siècle.
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[7]
À la recherche du temps perdu, t. IV, p. 474.
-
[8]
Contre Sainte-Beuve. Pastiches et mélanges. Essais et articles, éd. P. Clarac et Y. Sandre, Paris, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », 1971, p. 305, note.
-
[9]
M. Proust, Correspondance, éd. Ph. Kolb, Paris, Plon, 1970-1993, t. XXI, p. 188-189.
-
[10]
Pastiches et mélanges, éd. cit., p. 38-59.
-
[11]
M. Proust, Correspondance, éd. cit., t. XVIII, p. 322.
-
[12]
Pastiches et mélanges, p. 191-192.
-
[13]
À la recherche du temps perdu, t. II, p. 265-266.
-
[14]
Ibid., p. 648.
-
[15]
Ibid., t. I, p. 89.
-
[16]
M. Proust, Jean Santeuil, éd. P. Clarac et Y. Sandre, Paris, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », 1971, p. 239-240.
-
[17]
Article repris dans Les Contemporains : études et portraits littéraires, Paris, Lecène, Oudin et Cie, 1892, p. 7.
-
[18]
M. Proust, Correspondance, t. IX, p. 63 et n. 7.
-
[19]
À la recherche du temps perdu, t. II, p. 14.
-
[20]
M. Proust, Correspondance, t. XVII, p. 372-373.
-
[21]
« À propos du ‘style’ de Flaubert », Nouvelle Revue Française, 1er janvier 1920 ; repris dans Essais et articles, éd. cit., p. 597.
-
[22]
À la recherche du temps perdu, t. I, p. 441.
-
[23]
R. Barthes, Le Neutre. Cours au Collège de France (1977-1978), éd. É. Marty, Paris, Éd. du Seuil / IMEC, 2002.
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[24]
M. Proust, Correspondance, t. IV, p. 148.
-
[25]
Essais et articles, éd. cit., p. 602.
-
[26]
Pastiches et mélanges, éd. cit., p. 46.
-
[27]
Essais et articles, p. 613.
-
[28]
Pastiches et mélanges, p. 52.
-
[29]
Ibid., p. 192, note.
-
[30]
Essais et articles, p. 331.
-
[31]
À la recherche du temps perdu, t. I, p. 550 et 551.
-
[32]
Essais et articles, p. 331.
-
[33]
Ibid., p. 391.
-
[34]
Voir sur cette question G. Siouffi, « Racine au risque de la clarté française », dans D. Denis (dir.), L’Obscurité. Langage et herméneutique sous l’Ancien Régime, Louvain-la-Neuve, 2007, p. 233-247. Je remercie Delphine Denis de m’avoir guidé dans ce débat.
-
[35]
A.-Th. Perdou de Subligny, La Folle Querelle, ou la critique d’Andromaque, comédie présentée par la troupe du Roy, Paris, T. Jolly, 1668 ; une réédition préfacée par Paul Lacroix paraît en 1881 à Paris, Librairie des bibliophiles, « Nouvelle collection moliéresque ».
-
[36]
Paris, Didier, 1859 ; rééd. E. Ducrocq, 1865. À l’époque de Proust, ce sont surtout les rééditions chez Hachette (à partir de 1879) qui sont utilisées ; nous recourons à celle de 1884.
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[37]
À la recherche du temps perdu, t. II, p. 268.
-
[38]
F. Deltour, Les Ennemis de Racine au XVIIe siècle, Paris, Hachette, 1884, p. 170.
-
[39]
Ibid., p. 176.
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[40]
Ibid., p. 171.
-
[41]
Ibid., p. 384.
-
[42]
Ibid., p. 385.
-
[43]
Essais et articles, éd. cit., p. 618.
-
[44]
M. Proust, Correspondance, t. VIII, p. 61.
-
[45]
Voir ibid., t. XVIII, p. 380, une lettre de 1919 : « j’avais d’abord voulu faire paraître ces pastiches avec des études critiques parallèles sur les mêmes écrivains, les études énonçant d’une façon analytique ce que les pastiches figuraient intuitivement (et vice-versa), sans donner la priorité ni à l’intelligence qui explique ni à l’instinct qui reproduit ».
-
[46]
À la recherche du temps perdu, t. I, p. 47.
-
[47]
M. Proust, Correspondance, t. IV, p. 111.
-
[48]
Voir à ce sujet L. Fraisse, G. Schrenck et M. Stanesco (éd.), Tradition et modernité en littérature, Paris, L’Harmattan, « Orizons », 2009.
-
[49]
Voir M. Proust, Correspondance, t. XIX, p. 155-156 : « Il importe peu que je ne pense pas exactement comme vous… ».
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[50]
Voir, la même année, la lettre à Jean de Pierrefeu, critique d’inspiration d’Action française (ibid., p. 655-656).
-
[51]
À la recherche du temps perdu, t. II, p. 158.
-
[52]
Ibid., p. 57.
-
[53]
Ibid., p. 323.
-
[54]
Ibid., p. 368.
-
[55]
M. Proust, Correspondance, t. XVIII, p. 115.
-
[56]
À la recherche du temps perdu, t. II, p. 624.
-
[57]
M. Proust, Correspondance, t. II, p. 111.
-
[58]
Essais et articles, éd. cit., p. 605.
-
[59]
M. Proust, Correspondance, t. XVIII, p. 252.
-
[60]
Ibid., t. XIX, p. 290.
-
[61]
Ibid., t. III, p. 230.
-
[62]
À la recherche du temps perdu, t. II, p. 7.
-
[63]
M. Proust, Correspondance, t. XVIII, p. 380.
-
[64]
Essais et articles, p. 639.
-
[65]
À la recherche du temps perdu, t. IV, p. 620-621.
-
[66]
Voir M. Proust, Correspondance, t. VI, p. 180-182.
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[67]
À la recherche du temps perdu, t. IV, p. 236.
-
[68]
Ibid., t. III, p. 647.
-
[69]
Ibid., p. 777.
-
[70]
Voir par exemple : « dont elle ne fut pas plus avancée » (Pastiches et mélanges, p. 39).
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[71]
M. Proust, Correspondance, t. VI, p. 157.
-
[72]
Ibid., t. X, p. 142.
-
[73]
Voir ibid., t. XV, p. 340.
-
[74]
Ibid., t. XVI, p. 195.
1Dans À l’ombre des jeunes filles en fleurs, au moment où le héros futur écrivain de La Recherche a enfin rencontré Bergotte dont il connaît les phrases par cœur, le narrateur, s’arrêtant sur la notoriété du grand prosateur fictif, et sur ses imitateurs, en vient à méditer ainsi sur les différences entre le pastiche et la création – ce qu’il appelle dans ce contexte « le Bergotte » et le « à la Bergotte ». En quoi un pasticheur est-il empêché de faire du Bergotte ? En quoi Bergotte, quand il prend la plume, fait-il plus que pasticher Bergotte ? Que manque-t-il au pasticheur pour écrire réellement du « Bergotte », et que possède de plus l’écrivain, lui permettant de ne pas écrire seulement « à la Bergotte » ? Le principe de distinction est, pourrait-on dire, l’imprévisible dans la continuité. Le pasticheur – même de génie – restera enfermé dans le Bergotte existant, réalisé ; seul l’écrivain est capable de se transporter tout entier dans un domaine d’expression entièrement neuf, où il demeure pourtant lui-même dans cet univers autre. Le pasticheur réalisera toujours ce qu’on appelle un centon, même s’il pastiche sans recopier les phrases de l’auteur pastiché, en ce que son imitation stylistique est enfermée dans le déjà existant, dans le déjà advenu de ce qu’il a pu lire de son modèle ; sont réservés au seul créateur la ressource de l’imprévisible, le droit et la capacité à bifurquer semble-t-il où il veut sans cesser d’être lui-même. On pourrait dire avec Spinoza que le pasticheur reproduit une nature naturée, le créateur étant seul à mettre en œuvre une nature naturante.
2« Il en est ainsi pour tous les grands écrivains, la beauté de leurs phrases est imprévisible [1]. » Mais c’est alors l’exemple d’un écrivain réel, et d’une autre époque, l’âge classique, qui est pris pour illustrer ce privilège stylistique de l’imprévisible qui est l’apanage du créateur :
Un amateur de Mémoires d’aujourd’hui, voulant sans trop en avoir l’air, faire du Saint-Simon, pourra à la rigueur écrire la première ligne du portrait de Villars : « C’était un assez grand homme brun… avec une physionomie vive, ouverte, sortante », mais quel déterminisme pourra lui faire trouver la seconde ligne qui commence par : « et véritablement un peu folle » ? La vraie variété est dans cette plénitude d’éléments réels et inattendus, dans le rameau chargé de fleurs bleues qui s’élance contre toute attente, de la haie printanière qui semblait déjà comble. [2]
4L’apparente folie du duc de Villars (d’ailleurs liée au prochain sujet de Sodome et Gomorrhe) devient une folie de phrase, que seul Saint-Simon peut se permettre. Même la mise en page des Mémoires est censée servir à la démonstration de son originalité, la typographie faisant qu’une première ligne donne à lire le Saint-Simon prévisible en son temps, réservant au début de la seconde ligne la rupture avec les habitudes, avec l’attente – le retour à la ligne jouant, dans la prose, le rôle du rejet en poésie, sinon que dans cette phrase qui se conclut, il y a passage de l’écrivain en quelque sorte miroir de son temps à l’écrivain tel qu’en lui-même seul – le mot déterminisme, employé par Proust du côté du pasticheur au travail, appelle, sur le versant de la création, celui de liberté. Certes une loi de causalité interne relie, chez le créateur au travail, le déjà créé au reste à créer, mais cette causalité supérieure n’est plus perçue dès lors comme la prison d’une simple et stérile reconstitution : par sa capacité à faire bifurquer sa phrase contre toute attente (y compris statistique), l’écrivain reconquiert sa liberté propre, mais par là sauve en quelque sorte aussi la liberté du monde.
5Quant à l’amateur de mémoires supposé faire du Saint-Simon, il est ici doublement dévalorisé : parce que les mémoires semblent en eux-mêmes à Proust un genre inférieur, trop attaché en effet à la restitution d’une époque pour permettre cette reconstruction philosophique du monde que l’auteur de La Recherche assigne pour tâche à l’écrivain ; et parce qu’aborder en outre le genre des mémoires pour faire du Saint-Simon, c’est par avance accorder au pastiche tout ce que l’on retire à la création. L’univers du pastiche, ici comparé à une « haie déjà comble », est un univers encombré jusqu’à la proche asphyxie, celui d’une littérature craignant d’arriver au point où « tout est dit » et où « l’on vient trop tard », une littérature hantée par le ressassement. Au contraire, le « bleu printanier » de la pousse nouvelle, de la pousse qui s’échappe – herbe folle comme tel aspect du duc de Villars – des sentiers trop attendus de la création, ce bleu printanier de la fin de phrase ranime l’espoir que tout n’est pas dit, que l’on ne vient pas trop tard, que toute heure peut être heure de création. À condition de vouloir créer : le mémorialiste pasticheur fait du Saint-Simon sans trop en avoir l’air, afin de donner à croire qu’il est un véritable mémorialiste (ce qui n’est déjà pas assez, aux yeux de Proust) ; mais le lecteur critique (et en ce sens rattaché lui-même à la création) aperçoit la supercherie, et renvoie cette fausse création sur les grandes avenues de la littérature déjà faite.
6Et pourtant, Saint-Simon auteur de mémoires est présenté ici comme l’exemple du grand auteur ; il pourra en être de même de l’épistolière Mme de Sévigné, prestigieusement dotée d’un « côté Dostoïevski [3] », alors que Proust situe plus bas encore dans l’échelle les correspondances d’écrivains, fussent-elles littéraires [4]. Et à l’arrière-fond, qu’en sera-t-il chaque fois que l’auteur de La Recherche se trouvera lui-même imiter Saint-Simon dans sa prose ? Ce débat, qui prend les classiques pour médiateurs, et presque en otages, se fonde sur la question de la langue : la phrase aux sentiers qui bifurquent du vrai Saint-Simon fait que peu importe ce que l’on pensera par ailleurs du statut littéraire des Mémoires, l’auteur qui termine un portrait par « et véritablement un peu folle » se situe au plus haut niveau des créateurs, par sa langue. Le pastiche et la parodie, volontiers tournés chez Proust vers les classiques, passent donc par un imaginaire de la langue.
7Que Proust soit grand amateur de littérature classique, et très attentif aux questions de langue [5], successivement comme traducteur, pasticheur et romancier linguiste, voilà diverses réalités bien établies. Il s’agira d’en croiser les perspectives, de façon à tâcher d’élucider les questions renfermées et laissées en suspens par cette réflexion sur Saint-Simon créateur pastiché. La question du classicisme [6] se réduirait-elle à celle de la langue classique ? Si oui, cette langue classique livrerait-elle une clef dans son imprévisibilité ? Si oui encore, quel sens y a-t-il pour un écrivain moderne à pasticher les classiques dans sa prose ?
8La question du classicisme se réduirait-elle, selon Proust, à celle de la langue classique ? Toutes sortes d’indices le donneraient à entendre. Et pourtant le narrateur du Temps retrouvé stipulera que « le style pour l’écrivain aussi bien que la couleur pour le peintre est une question non de technique mais de vision [7] » : vision du monde classique contre langue classique ? Une argumentation en fait se cache derrière cette apparente contradiction.
9C’est dans la préface de Sainte-Beuve à l’édition de Saint-Simon de 1865 que Proust a trouvé cette idée que « les grands écrivains français ne savent pas beaucoup de français [8] », contre laquelle il ne cessera de s’insurger. Suivons le raisonnement. Premier argument : les écrivains classiques, que l’on donne dans les classes comme modèles du bien-écrire, sont fréquemment pris en flagrant délit d’écrire mal. Second argument : quand on dit qu’un classique écrit mal, c’est qu’en fait sa pensée originale distord la syntaxe et nécessite une alliance de mots inédite. Voilà pourquoi il ne faut pas lire les classiques à la façon d’un professeur, un crayon à la main (la page des Jeunes filles sur « le Bergotte » est aussi une page de critique de la création, suggérant ce qui échappe à la critique des professeurs). En 1922, soit l’année de sa mort, Proust argumente encore, devant le critique du Temps Paul Souday, sur les prétendues fautes de langue que l’on trouverait partout chez Molière ou La Fontaine, et qui sont en fait « ces sauts brusques qui, grâce à l’inobservance d’une loi grammaticale, donnent au tour une variété délicieuse [9] » ; c’est la pousse printanière. Signalons que la réplique est adressée à Souday sous la forme, intégré à la lettre, d’un texte « où j’aurais pastiché un feuilleton de M. Souday ».
10L’écrivain a lui-même composé un pastiche entre autres de Saint-Simon, dans la série sur l’affaire Lemoine qu’il donne au Figaro en 1908-1909, pastiche fortement retravaillé et étoffé à l’occasion de sa reprise en 1919 dans Pastiches et mélanges [10] ; c’est l’année où paraît aussi À l’ombre des jeunes filles en fleurs, où l’exemple de la phrase imprévisible de Saint-Simon dialogue donc avec l’entreprise du pastiche – la met en question surtout : comment rendre imprévisible un pastiche, qui n’est qu’un pastiche, de Saint-Simon ? On voit que Proust dans ses lettres est tout fier d’en expliquer le mode de composition, qui se réduit à des questions de vocabulaire : il signalait en tête du pastiche même que chez Saint-Simon, bonhomme et bonne femme n’avaient pas le sens péjoratif d’aujourd’hui ; parallèlement l’épistolier rappelle qu’« à la fin » avait le sens d’« il arriva bientôt que [11] ». L’argument sous-jacent est que ce qui nous paraît une incorrection aujourd’hui était couramment en usage dans la langue de l’époque ; c’est, transposé dans le temps, le principe de Pascal selon lequel « vérité au-deçà des Pyrénées, erreur au-delà » ; vérité de langue au XVIIe siècle, erreur au XXe.
11Il faut se placer dans cette optique précise pour comprendre l’apparente contradiction dans la pensée de Proust, affirmant que la langue du XVIIe siècle est loin de nous, parce qu’elle est vivante :
Une tragédie de Racine, un volume des Mémoires de Saint-Simon ressemblent à de belles choses qui ne se font plus. Le langage dans lequel ils ont été sculptés par de grands artistes avec une liberté qui en fait briller la douceur et saillir la force native, nous émeut comme la vue de certains marbres, aujourd’hui inusités, qu’employaient les ouvriers d’autrefois. […] C’est bien la syntaxe vivante en France au XVIIe siècle – et en elle des coutumes et un tour de pensée disparus – que nous aimons à trouver dans les vers de Racine. [12]
13Une syntaxe autre, c’est une autre façon de voir le monde ; c’est aussi la preuve, possible à saisir, que la syntaxe reflète, et donc propose, une façon de voir le monde.
14Oui, la syntaxe classique supporte la vision propre au XVIIe siècle – d’où résulte l’idée corollaire, elle aussi en apparence opposée, qu’il ne faut pas fixer son attention sur les seules formes de la langue classique. L’épisode, figurant également dans les Jeunes filles en fleurs, de la dissertation de Gisèle, invite à réfléchir sur ce point. La candidate au certificat d’études a envoyé à ses camarades, la « petite bande » que fréquente le héros à Balbec, sa copie qui a obtenu une bonne note et les félicitations du jury. Mais Andrée, après en avoir donné lecture, en reprend les données pour montrer en quoi l’on pouvait faire mieux. De la copie à son corrigé, la charge ironique du narrateur et de Proust est forte. Le sujet choisi était, rappelons-le : « Sophocle écrit des Enfers à Racine pour le consoler de l’insuccès d’Athalie. » Moins qu’une analyse réelle de la pièce, la discussion va notamment porter sur les termes que devait employer Sophocle pour s’adresser, dans une lettre, à Racine : Gisèle a mis « Mon cher ami », Albertine pense que « Mon cher Racine » serait mieux, mais Andrée tranche doctement pour « Monsieur ». Sous la plume de la candidate, Sophocle épistolier s’exprime comme un professeur, lorsqu’il fait intervenir les « protagonistes, ou personnages principaux du drame [13] ». Les recherches de vocabulaire, dans ce qui constitue un pastiche indéterminable (une lettre écrite dans la Grèce antique, donc à peu près sans modèle, en style XVIIe siècle, c’est-à-dire se colorant de la civilisation, non du scripteur, mais du destinataire), mènent à une aporie, puisque dans le volume suivant, Le Côté de Guermantes, la question sera reprise dans une conversation entre le héros et Albertine en visite :
Je lui répondis que le « monsieur » et le « cher monsieur » d’Andrée n’étaient pas moins comiques que son « mon cher Racine » à elle et le « mon cher ami » de Gisèle, mais qu’il n’y avait, au fond, de stupides que des professeurs faisant adresser par Sophocle une lettre à Racine. [14]
16Bref, on ne saura jamais comment il fallait dire : les questions de langue sont renvoyées dos à dos.
17Dans cette optique donc, la vision classique du monde passe par les particularités de la langue classique ; on ne peut le percevoir qu’à condition de ne pas faire de la langue le terminus de sa réflexion, sans quoi on en arrive à cette nouvelle aporie, dénoncée dans Du côté de chez Swann à travers les propos de Bloch, le camarade de lycée du héros, selon lequel « le nommé Racine » aurait fait dans sa vie « un vers assez bien rythmé », qui est bien entendu « La fille de Minos et de Pasiphaé », vers qui a « le mérite suprême, de ne signifier absolument rien [15] ». Dans Jean Santeuil, c’était le professeur de rhétorique Rustinlor qui soutenait cette idée devant Jean médusé [16]. Racine n’est ici que l’exemple-type d’une fausse façon d’aborder la question du langage poétique, puisque l’idée de ces passages romanesques a été fournie à Proust par une chronique journalistique consacrée, non à un auteur classique, mais à Théodore de Banville (1823-1891), dont Jules Lemaître écrivait, dans la Revue politique et littéraire du 21 février 1885 :
M. Théodore de Banville est un poète lyrique hypnotisé par la rime, le dernier venu, le plus amusé et dans ses bons jours le plus amusant des romantiques, un clown en poésie qui a eu dans sa vie plusieurs idées, dont la plus perspicace a été de n’exprimer aucune idée dans ses vers. [17]
19En 1909 encore, Proust s’en souvient et rappelle à leur auteur « ces phrases [entre autres « sur Banville »] qui ne ressemblaient à rien que je connusse [18] ». Et pour cause : dans Jean Santeuil, l’idée est plus directement attribuée à un professeur, dont le statut reste proche de celui de Lemaître ; dans La Recherche, l’opinion rétrograde au rang d’un élève, fût-il au demeurant brillant.
20Paradoxe de la langue classique, qui forme un tout si l’on sait y apercevoir le reflet d’une vision du monde, et devient un rien si on la considère pour elle seule. Le narrateur des Jeunes filles le rappelle : « Il ne faut pas se laisser tromper par des particularités purement formelles qui tiennent à l’époque [19] », ce que Proust, récrivant le pastiche de Saint-Simon en 1918, appelle « le scénario scientifique XVIIe siècle [20] ». La langue renvoie à une vision du monde : la difficulté est que, l’écrivain doctrinaire voulant mettre en relief ce point, il laissera dès lors son lecteur au seuil de cette vision, que reflète le style classique, qu’il ne précisera jamais. Voilà pourquoi les analyses par Proust des auteurs classiques sont toutes, sous sa plume, des analyses stylistiques, jamais véritablement thématiques (ou alors dévalorisées dans La Recherche, c’est-à-dire donnant prétexte à une parenthèse anecdotique, ou par simple comparaison avec la passion du héros pour Albertine), ce style classique renvoyant à un monde qui n’est pas nommé. Restent donc la langue, le style. Ce sera pour constater par exemple que « la répétition voulue d’une voyelle ou d’une consonne peut donner de grands effets (Racine : Iphigénie, Phèdre) [21] ». La Berma, actrice fictive de La Recherche qui doit beaucoup à Sarah Bernhardt, incarne ce paradoxe de la langue classique par sa façon de débiter la déclaration à Hippolyte, comme le découvre le héros, au début des Jeunes filles, venu l’écouter dans un acte de Phèdre :
Elle passa au rabot d’une mélopée uniforme toute la tirade où se trouvèrent confondues ensemble des oppositions pourtant si tranchées qu’une tragédienne à peine intelligente, même des élèves de lycée, n’en eussent pas négligé l’effet ; d’ailleurs, elle la débita tellement vite que ce fut seulement quand elle fut arrivée au dernier vers que mon esprit prit conscience de la monotonie voulue qu’elle avait imposée aux premiers. [22]
22Voilà qui anticipe sur ce que Roland Barthes appellera « le neutre [23] » : ce qui déjoue le paradigme, la platitude se constituant en valeur forte.
23La langue classique, dont les particularités syntaxiques reflètent une vision qui n’est pas nommée, propose du moins une clef pour être interprétée : son imprévisibilité. On se souvient de la bifurcation finale de la phrase, dans le portrait de Villars. L’idée est ancienne dans l’esprit de Proust, puisqu’une lettre de 1904 mentionne « la liberté et la révolte de langage de Saint-Simon », l’épistolier ajoutant entre parenthèses : « Je parle presque uniquement de questions grammaticales [24]. » Une chronique détaille un peu cette observation, à propos des portraits chez Saint-Simon : « Le tour est elliptique, les mots chargés d’une puissance instable entrent en déflagration [25]. » Le pastiche récrit en 1918-1919, considéré sous ce jour, laisse apercevoir sur quoi porte entre autres l’imitation stylistique, une syntaxe dévalante de la phrase, qui peut dans un portrait donner ceci : « Jamais esprit plus nul, plus prétendant au contraire, plus tâchant d’appuyer ce contraire de brocards sans fondement aucun [26] », où des participes présents, qui seraient aujourd’hui ressentis comme boiteux, servent d’appui à un adverbe d’intensification puis introduisent un adjectif substantivé, ce que l’on ne comprend pas d’abord, à cause de l’expression au contraire, qui se révèle n’être pas en jeu ici.
24La parenthèse introduite dans la lettre de 1904 indique que la liberté et la révolte prêtées à Saint-Simon, Proust les réduit aux questions grammaticales : une chronique met en avant « l’élan de la phrase de Saint-Simon », tel que ne l’arrêtent pas les répétitions [27]. Voilà qui à la fois pointe et laisse en suspens une question autre, celle de savoir si le style révolté du mémorialiste reflète un esprit révolté au sein de l’âge classique, représentant peut-être la révolte des ducs. Une fronde à la fois incarnée et assagie dans des alliances de mots : Proust, dans son pastiche, fait incidemment dire à Saint-Simon : « c’était de ces rapprochements de mots dont personne ne se fût avisé [28] », ce qui donne une clef de son idée directrice concernant le style de Saint-Simon. Même chose à propos de Racine. On connaît la célèbre note de Pastiches et mélanges dans laquelle l’essayiste défend la thèse inattendue d’une audace syntaxique partout à l’œuvre chez l’auteur d’Andromaque, dont les vers « Pourquoi l’assassiner ? Qu’a-t-il fait ? À quel titre ? / Qui te l’a dit ? » reposent sur des ruptures du lien syntaxique habituel, composent une « ligne récurrente et brisée » et nous livrent « quelque audace familière de langage jetée comme un pont hardi entre deux rives de douceur [29] ». Proust lycéen, dans un devoir de classe comparant, à l’invitation de Sainte-Beuve, la prétendue jactance de Corneille au goût de Racine, soulignait déjà, sans plus développer son idée, chez Racine le « paradoxe de l’élégance », la bienséance n’étant, dans cet univers de violence, obtenue que « par la science inimitable du langage [30] ». Quelque chose de ces considérations, sur la fausse douceur classique de Racine, se retrouvera dans la plaquette qu’au sein de La Recherche est censé avoir écrite Bergotte sur le mythe solaire dans Phèdre, soulignant par là l’aspect archaïque de la Grèce ressuscitée et « le côté cosmique du drame [31] ».
25Saint-Simon, esprit libre et même révolté dans son style – mais qu’en est-il dans sa pensée et sa société ? Racine enserre sa violence dans les audaces de son style, une violence ainsi domestiquée. La rupture et l’imprévisibilité apparemment propres à la langue classique ne résident pas seulement dans la structure des phrases ; elles conditionnent par là la postérité des œuvres. Elles ont été placées là dans l’attente qu’on les y découvre, peut-être même inconsciemment par leurs auteurs. Déjà dans sa dissertation de lycée sur Racine et Corneille, Proust en concluait que ce sera à la critique de découvrir, sous la douceur apparente, la violence de fond, ce qui fait du style une sorte de bombe à retardement : « si de nos jours la critique a prétendu découvrir le réalisme farouche qui ferait le fond des tragédies de Racine », encore faut-il dès lors reconnaître « avec quel amour il en avait fondu et adouci la forme, pour qu’il y ait eu là matière à découverte et qu’on s’en soit si tard avisé [32] ». Passé le lycée, une chronique de 1896 mentionne « le malaise que purent causer les premières tragédies de Racine [33] », c’est-à-dire que la clarté proverbiale de Racine fut obscurité pour les immédiats contemporains.
26On connaît la critique de cet ordre qu’adressèrent en effet plusieurs contemporains à Racine, voyant dans ses audaces de style des obscurités [34], et notamment Subligny dans la critique qu’il fit d’Andromaque à travers sa comédie en trois actes La Folle Querelle [35], parue en mai 1668. Si le nom de Subligny n’apparaît nulle part dans les écrits de Proust, il n’en est pas de même d’un savant né dans son siècle, Félix Deltour (1822-1904), dont il a visiblement lu, à l’époque de ses études, Les Ennemis de Racine au XVIIe siècle [36], puisque dans À l’ombre des jeunes filles en fleurs, Andrée proposant un corrigé de la dissertation de Gisèle signale que s’agissant de Racine, « il faut surtout citer Deltour [37] ». On comprend pourquoi : le critique peut aisément nourrir des sujets de dissertation, puisqu’il détaille, mais pour les réfuter par des analyses contradictoires, les reproches de tous ordres adressés aux différentes pièces de Racine. Cette source offre en fait vraisemblablement le seul support par lequel l’auteur de la Recherche a connu ces accusations d’obscurité adressées à Racine, et c’est en quoi leur formulation importe ici. Dans le chapitre consacré à Andromaque, Deltour souligne que ne saisissant pas les questions de fond posées par les tragédies de Racine, Subligny rassemble ses efforts pour « contester des expressions, attaquer des tournures de phrases, et traiter de galimatias des alliances de mots le plus souvent aussi heureuses que hardies [38] ». Un passage de Subligny est cité à ce sujet, expliquant que si les partisans de Racine ont été curieusement éblouis, en fait « les plus beaux endroits où l’on s’est récrié sont toutes expressions fausses ou sens tronqués, qui signifient tout le contraire ou la moitié de ce que l’auteur a conçu lui-même [39] ». Deltour est à notre connaissance le seul universitaire contemporain qui adopte le point de vue profond que notre écrivain fera sien sur le style, expliquant déjà que « beaucoup de tours nouveaux que le critique traitait de fautes ont été maintenus avec intention par le poète », notamment les tours « concis et brillants sans cesser d’être clairs » ; c’est ainsi que Subligny se montre en retard sur les avancées de la langue, car « tandis qu’il réclame contre eux au nom du bon sens et crie au galimatias, à peine songeons-nous aujourd’hui à remarquer leur force et leur originalité [40] ». Dans ses conclusions, le savant rappelle que « souvent Subligny s’attaque à des tours rapides et poétiques, si heureusement créés qu’ils sont restés dans la langue », même si de fait, sous l’influence de ces critiques, après Andromaque Racine « s’est appliqué à donner dès lors à son style une précision sévère et pure qui ne laisse aucune prise à la critique la plus malveillante [41] », étant entendu que les prétendues obscurités de Racine étaient en fait « des hardiesses poétiques », et que « cet écrivain », qui a « si hardiment innové dans la langue, a enrichi la poésie [42] ».
27De Racine à Saint-Simon se fait ainsi jour l’idée d’une évolution décalée de la pensée ou de la civilisation et de la langue, permettant à Racine d’être, par le seul style, déjà violent dans un univers quintessencié, et à Saint-Simon d’être révolté dans un univers ordonné. Une chronique de 1921, où est d’ailleurs à nouveau stigmatisée l’idée, venant de Théophile Gautier, que « La fille de Minos et de Pasiphaé » serait un beau vers parce qu’il ne signifie rien, donne la conclusion de tout ce développement de pensée :
Il nous est permis de faire goûter, dans les tragédies de Racine, […] dans les lettres de Mme de Sévigné, dans Boileau, des beautés qui s’y trouvent réellement et que le XVIIe siècle n’a guère aperçues. [43]
29Le XVIIe siècle, est-ce à dire le public de l’époque, ou les auteurs mêmes ? Voilà en tout cas qui introduit une possibilité de nouveauté apportée par un pastiche moderne d’auteur classique ; voilà en outre qui permet de comprendre que le pastiche soit défini par Proust comme « de la critique en action [44] », c’est-à-dire reproduisant par instinct ce que, par l’intelligence, la critique dégage des œuvres [45].
30Plus précisément, la densité de la langue classique, faite d’ellipses et de bifurcations, invite les siècles ultérieurs au développement – c’est-à-dire à expliciter les œuvres, et même à les récrire, ce que fait le pastiche. Une phrase classique est un comprimé de pensée, de vision. Le suggère une lettre d’avril 1904, célèbre pour une tout autre raison : Proust remercie Marie Nordlinger qui lui a envoyé une boîte de ces comprimés japonais qui se développent dans l’eau et nourriront la comparaison concluant l’épisode de la madeleine, pour donner à voir l’éclosion du petit monde de Combray par la mémoire involontaire [46] :
Merci des fleurs merveilleuses et cachées qui m’ont permis ce soir de « faire un printemps » comme dit Madame de Sévigné, printemps fluviatile et inoffensif. [47]
32Mme de Sévigné n’est pas fortuitement convoquée, aux côtés des comprimés japonais. C’est qu’une expression de l’épistolière contient tout un monde, c’est précisément une fleur merveilleuse parce que cachée, c’est-à-dire demandant à être dépliée. Les lignes entourant la formule sévignéenne, et notamment les adjectifs, choisis dans leur disparité volontaire, représentent, effectuent ce dépliement.
33Les conditions semblent à présent réunies pour que l’on aperçoive quel sens peut revêtir, pour un écrivain moderne, la composition de pastiches contrefaisant des écrivains classiques, même si beaucoup de questions sont en fait mêlées dans cette seule question : le rapport de la littérature d’aujourd’hui avec la littérature classique, et de façon plus générale de l’invention avec la tradition [48], et la différence de nature entre le pastiche affiché comme exercice littéraire ou dissimulé dans la prose d’un roman.
34Croirait-on par exemple que pasticher les classiques revêt une portée politique, dans les deux premières décennies du XXe siècle qui voient s’élaborer ceux de Proust ? Car la pureté racinienne, c’est à l’époque une affirmation de Charles Maurras, à laquelle Proust acquiesce de loin [49], mais qu’il contredit de fait, on l’a vu [50]. Serait-ce par réaction à l’engagement d’Action française en faveur des classiques et du classicisme, que Proust note si volontiers les occasions où le parler populaire d’aujourd’hui reproduit les tours de la langue littéraire du Grand Siècle ? C’est ici le romancier linguiste de La Recherche qui est à l’œuvre, pour observer, du liftier du Grand Hôtel de Balbec, qu’« il disait volontiers en s’apitoyant sur sa propre classe “chez l’ouvrier” ou “chez le petit”, se servant du même singulier que Racine quand il dit : “le pauvre”… [51] » ; et cependant que le héros et sa grand-mère lisent Mme de Sévigné, le directeur de l’hôtel fait cette remarque : « Je suis comme vous, je suis plus frivole de fruit que de tout autre dessert [52] », en sorte qu’un parler rendu impropre par l’inculture retrouve la saveur des écrivains classiques. « “Il ne vous fait même pas réponse quand on lui cause”, ajoutait Françoise qui disait “faire réponse”, comme Mme de Sévigné [53]. » La même gouvernante, devant les hésitations de son maître, « disait que “je balançais” toujours, car elle usait, quand elle ne voulait pas rivaliser avec les modernes, du langage de Saint-Simon [54] ». Notons que ces dernières expressions font retour au romancier : rivaliser ici avec les classiques, c’est une façon autre de rivaliser avec les modernes, c’est-à-dire avec les contemporains, dans le champ de la production romanesque.
35Ne conférons toutefois pas une valeur idéologique outrée à ces considérations : chez Proust, le parler populaire n’est pas le langage du peuple et, dans une certaine mesure, la reviviscence de la langue des classiques dans la conversation des domestiques perpétue même l’idéal de société de l’ancienne France, supposant une longue connivence entre la noblesse et les plus simples. Il est certain en revanche que, plus directement encore que la mise en scène des Guermantes dans La Recherche, la composition du long pastiche de Saint-Simon constitue une sorte de revanche de l’écrivain, roturier et bourgeois, sur le Faubourg Saint-Germain, car non seulement les personnages réels de l’aristocratie parisienne y sont convoqués par leur nom sous sa plume, mais le pasticheur les oblige à se plier à une culture aristocratique restituée, qu’il s’avère sans doute mieux connaître, mieux dominer, mieux savoir parler qu’eux. Quelle différence entre la déférence de nombreuses lettres, écrites durant toute l’année 1918, où l’écrivain s’enquiert auprès de ses modèles si les phrases qui les concerneront ont chance d’être à leur convenance – et la malice du résultat, où chacun, à la faveur de cette majestueuse mise en scène de style Grand Siècle que Proust appelle « le scénario scientifique XVIIe siècle », se voit librement pétri de ses mains par celui qui, imitant un mémorialiste, s’est ainsi fait le maître de leur propre histoire ! De fait, par-dessus la Révolution, Proust restitue dans son pastiche ses contemporains aristocrates à l’Ancien Régime – mais un Ancien Régime dont il serait en quelque sorte l’auteur.
36Mais le pastiche consiste aussi à interpoler un ancien régime d’écriture dans son régime moderne. Si Saint-Simon est choisi plutôt que Racine, c’est certainement en tant que prosateur. Mais pourquoi Saint-Simon plutôt que Mme de Sévigné ? Parce que le mémorialiste offre au pasticheur le support plus complet de toute une société, certes présente mais plus éparse dans une correspondance ; et surtout parce que le mémorialiste exerce une maîtrise sur la conduite de son récit, et même, le pense-t-il, sur la conduite du monde. Un pastiche de Saint-Simon est donc à ce titre simultanément asservissement à la manière d’autrui et conquête de pouvoir sur une société, que le pasticheur fera marcher, durant une vingtaine de pages, très exactement à son rythme. L’écrivain de la Belle Époque, qui s’est fait le Phédon du Faubourg Saint-Germain, en devient ici par privilège le Giton : « Il s’arrête et l’on s’arrête, il continue de marcher et l’on marche. »
37Le pastiche s’installe au centre de l’Histoire, mais aussi de l’histoire de la langue et de l’histoire de la littérature, comme au carrefour d’un complexe labyrinthe : « perpétuellement je passe du présent au passé et vice versa », constate Proust au moment de terminer son Saint-Simon [55]. Dans sa conception anhistorique de l’art – « l’art, qui n’est pas plus avancé qu’au temps d’Homère », lit-on dans Le Côté de Guermantes [56] – un moderne se place dans les conditions d’écriture d’un classique et reprend en charge son entreprise de reconstruction du monde, en supposant qu’il n’y a pas d’évolution littéraire, d’histoire de la littérature. Une lettre, ancienne sous la plume de Proust, peut enclore l’évolution de Mallarmé, dans chacun de ses poèmes, entre deux courants majeurs du XVIIe siècle, consistant toujours en effet à « passer, sous couleur d’archaïsme, […] d’une forme classique inflexible et pure, presque nue à la plus folle préciosité [57] ». Un Proust est autorisé à reprendre un moment la plume de Saint-Simon, puisqu’une chronique de 1920 pose que « Racine ressemble un peu à M. Paul Valéry, lequel a retrouvé Malherbe en traversant Mallarmé [58] », paradoxe que contresignent les lettres du temps, en 1919 :
comme dit M. Paul Valéry en des vers qui me font souvenir des Cantiques de Racine, et où c’est à une poésie digne de Malherbe que vient expirer Mallarmé [59]
39puis en 1920, en rejoignant la chronique, ce qui est prendre la question par l’autre bout :
Ne trouvez-vous pas que là Racine ressemble un peu à M. Paul Valéry, lequel a retrouvé Malherbe en traversant Mallarmé. [60]
41Le paradoxe du pastiche est qu’il reproduit d’anciennes habitudes de pensée, ce qu’une lettre évoquant le style de Mme de Sévigné appelle des « habitudes de pensée et de langage [61] », mais non entachées pour le lecteur moderne des inconvénients de l’habitude, puisque ce sont celles d’un autre temps. Ainsi la pratique proustienne du pastiche doit-elle être évaluée par rapport à l’école française de philosophes qui ont élaboré une théorie de l’habitude, dans la première moitié du XIXe siècle, de Maine de Biran à Ravaisson. Cependant, dans cet acheminement de la langue classique vers la prose moderne, Proust ne méconnaît pas les risques, de déperdition, de dénaturation. Le dit, de façon semble-t-il métaphorique, un passage des Jeunes filles consacré au départ du héros avec sa grand-mère pour Balbec, dans le sillage de Mme de Sévigné :
Ma grand-mère concevait naturellement notre départ d’une façon un peu différente et toujours aussi désireuse qu’autrefois de donner aux présents qu’on me faisait un caractère artistique, avait voulu, pour m’offrir de ce voyage une « épreuve » en partie ancienne, que nous refissions moitié en chemin de fer, moitié en voiture le trajet qu’avait suivi Mme de Sévigné quand elle était allée de Paris à « L’Orient » en passant par Chaulnes et par « le Pont-Audemer ». Mais ma grand-mère avait été obligée de renoncer à ce projet, sur la défense de mon père, qui savait, quand elle organisait un déplacement en vue de lui faire rendre tout le profit intellectuel qu’il pouvait comporter, combien on pouvait pronostiquer de trains manqués, de bagages perdus, de maux de gorge et de contraventions [62].
43Les péripéties d’un tel voyage culturel sont celles mêmes d’un pastiche, acheminant le style d’une époque auprès du public d’une autre, entreprise parsemée de dangers, de buts manqués, de visées perdues, se plaçant de fait en contravention avec l’ordre d’avancée de la littérature.
44Aussi en principe le pastiche des classiques est-il conçu comme temporaire, dans l’évolution créatrice d’un écrivain tel que Proust. L’année où paraît Pastiches et mélanges, en 1919, l’épistolier s’explique sur la vertu exorcisante de l’exercice :
Le tout était surtout pour moi affaire d’hygiène ; il faut se purger du vice si naturel d’idolâtrie et d’imitation. Et au lieu de faire sournoisement du Michelet ou du Goncourt en signant (ici les noms de tels ou tels de nos contemporains les plus aimables), d’en faire ouvertement sous forme de pastiches, pour redescendre à ne plus être que Marcel Proust quand j’écris mes romans. [63]
46Ces aimables contemporains faisant du Michelet ou du Goncourt ont pour équivalent, dans les Jeunes filles, ce mémorialiste supposé aujourd’hui voulant sans trop en avoir l’air faire du Saint-Simon.
47On a vu que cet écrivain manquant de talent se heurtera à la capacité qu’avait l’auteur imité d’être autre tout en demeurant lui-même, alors que l’imitateur s’enfermera dans le même propre à l’imitation, qui n’enrichit pas son modèle. L’écrivain de talent, de génie, au contraire doit renoncer à cette catégorie du même, pour devenir cet autre qui le constitue lui-même. D’où l’on arrive au paradoxe que le vrai créateur rejoint ses modèles en se détachant d’eux. À la fin d’une chronique de 1921 écrite « À propos de Baudelaire », Proust s’en prend au néoclassicisme de Moréas, en notant : « pour écrire aussi bien que Voltaire, il faudrait commencer par écrire autrement que lui [64] », et le narrateur du Temps retrouvé, parvenant au moment où il a entrepris son œuvre, déclarera : « Non pas que je prétendisse refaire, en quoi que ce fût, […] les Mémoires de Saint-Simon » ; mais en sacrifiant tout à la vérité à mettre au jour, « on se trouve parfois rencontrer ce qu’on a abandonné, et avoir écrit, en les oubliant, […] les “Mémoires de Saint-Simon d’une autre époque” [65] ».
48Par leur contenu ? Par leur style ? Par la visée générale de l’entreprise ? Et ces trois éléments, ensemble ou séparés, marqueront-ils la ressemblance ou la différence : une époque autre, un style nouveau, une visée différente ? Il appert en tout cas que l’écrivain qui a pastiché Saint-Simon, n’en a pas fini avec Saint-Simon quand il redescend à n’être que Marcel Proust. Les classiques continueront à hanter sa prose.
49Il est curieux d’observer les divers degrés de greffe auxquels parviennent les différents modèles classiques dans la prose romanesque. Racine n’est pas véritablement pastiché ; il est cité en contrepoint de l’action romanesque, parfois en longues broderies. Mme de Sévigné entre dans La Recherche, à mi-chemin de la citation et du pastiche. Une lettre de 1906 avait été écrite sur le modèle de celle annonçant le mariage de la Grande Mademoiselle [66] ; c’était à l’époque donc un pur exercice de pastiche, dont la portée est modifiée dans La Recherche quand, à la fin de La Fugitive, durant le retour de Venise dans le train, la mère du héros ouvre un faire-part annonçant le mariage du fils des Cambremer avec Mlle d’Oloron. Le temps de la création a évolué, car le pastiche est simultanément proposé et refusé :
C’est moi qui détiens la nouvelle la plus extraordinaire, je ne te dirai pas « la plus grande, la plus petite », car cette citation de Sévigné faite par tous les gens qui ne savent que cela d’elle écœurait ta grand-mère autant que « la jolie chose que c’est de faner ». Nous ne daignons pas ramasser ce Sévigné de tout le monde. [67]
51Le problème du pastiche est que, pour être reconnu, il doit si possible imiter les aspects les plus voyants, devenus les plus banals, de l’auteur modèle ; en conséquence, si la grand-mère du héros, dans la seconde partie des Jeunes filles, incarnait l’insertion des lettres de Mme de Sévigné dans la prose romanesque sous forme de citations, le personnage de la mère, dans la section de La Fugitive plus avancée vers la fin de l’œuvre, en arrive à proposer une forme paradoxale de pastiche, qu’on pourrait appeler ici le pastiche par prétérition, qu’amorçait déjà dans le volume précédent, La Prisonnière [68], une lettre envoyée par la mère séjournant à Combray, qui reposait sur un montage de citations empruntées à des lettres très diverses de la marquise, dans une ébauche de recréation.
52Étant donné la dénégation du Temps retrouvé, le pastiche par prétérition se fera tout particulièrement à partir des Mémoires de Saint-Simon. Si l’on y songe, les lettres de Mme de Sévigné prêtent à la citation, par leur forme brève, et par leurs thèmes ; citer un court passage de Saint-Simon, comme le fait le narrateur des Jeunes filles, relève d’un choix plus voyant, plus personnel, l’élément emprunté se trouvant moins à la portée du lecteur que diverses lettres célèbres, et à plus forte raison le ton, de la marquise. Reste donc à l’écrivain, dont le pastiche de Saint-Simon n’a pas suffi à exorciser l’influence, la ressource de l’emprunt syntaxique.
53Le cas est alors souvent subtil, car bien caché au creux d’une phrase, mais avec de grandes conséquences. Ainsi, dans La Prisonnière, lors de la grande réception donnée chez les Verdurin qui ont organisé la création posthume du septuor de Vinteuil pour lancer le violoniste Morel, et où pour la première fois bourgeoisie et aristocratie se trouvent mêlées, le narrateur en est à expliquer que le marquis d’Argencourt apparaît entouré, un peu comme M. de Charlus, d’invertis, mais parce qu’ayant choisi une jeune maîtresse, il ne veut encourir le risque d’aucune concurrence et par ailleurs entend procurer à sa compagne le milieu intellectuel qu’elle recherche. Ainsi le voit-on en public doté des « gardiens du sérail » :
Ceux-ci le trouvaient devenu très aimable et le déclaraient beaucoup plus intelligent qu’ils n’avaient cru, dont sa maîtresse et lui étaient ravis. [69]
55L’emploi final de dont au sens moderne de ce dont signale l’emprunt à la langue classique, plus particulièrement de Saint-Simon. Le pastiche développé en 1918 est parsemé d’occurrences de ce tour [70], bien repéré comme caractéristique par Proust.
56Il y aurait beaucoup à dire sur ce fait de langue, à la fois caché dans le détail de la phrase et rendu visible dans la clausule du paragraphe – un tout petit mot qui confère rétrospectivement à tout ce qui précède une option : le narrateur est donc en train d’évoquer sa société en mémorialiste ; par ce tour suranné, il prend attache avec la grande tradition du genre. Le philosophe de la mémoire, le théoricien de la vocation, et même le metteur en scène balzacien d’une comédie humaine, cèdent la place à un historien des sociétés qui reprend son langage en même temps qu’il revêt son rôle, ce rôle qui est suggéré dans l’espace d’une hésitation de lecture, par un petit détournement de la syntaxe courante, en faisant appel discrètement à un sous-entendu culturel. C’est cela que le narrateur du Temps retrouvé appellera « être devenu le Saint-Simon d’une autre époque ».
57Cela ne va pas sans hésitations d’ailleurs. Nous possédons deux lettres, dans lesquelles Proust évoque précisément ce tour qu’il a trouvé dans Saint-Simon, dont pour ce dont. Dans la première, de 1906, il note que la tournure introduit une confusion dans la phrase (ce dont rend le point d’attache plus clair), qui est cependant la marque du style [71] ; mais dans la seconde, de 1910, il souligne que le tour ajoute à la phrase « un air de grammairien [72] ». La clausule du paragraphe dans La Prisonnière, de rédaction tardive, réactive donc un débat ancien chez Proust, sur l’insertion de tournures classiques dans une phrase moderne ; et il est à noter que c’est une fin de paragraphe dans le roman qui apporte une réponse silencieuse aux questions d’autrefois.
58Dans une lettre du 26 juin 1680, Mme de Sévigné séjournant aux Rochers s’exclame : « Ah ! la jolie chose qu’une feuille qui chante. » Robert de Montesquiou en applique la formule aux feuillets de Proust [73], qui dans une missive de l’année suivante l’adapte aussitôt en disant : « C’est joli une feuille de papier qui chante [74]. » Le surgissement d’une formule classique dans une phrase moderne a ce pouvoir : transformer la page écrite en feuille qui chante. L’espace de la langue permet de régler les comptes (essentiellement positifs ici) du romancier avec le classicisme d’une tout autre façon que l’évocation d’une société ou même la reviviscence d’une esthétique. Dans le champ étroit d’une tournure se substituant à une autre, plus attendue, dans la discrète rupture de l’horizon d’attente, ici du lecteur, les questions se règlent à l’arrière-fond, par sous-entendus, dans le silence d’un geste d’écriture. Un mot a suffi pour que le scripteur ait changé de rôle, pour que le contexte ait changé de couleur. Devant nous, sous nos yeux, mais peut-être à notre insu si nous n’y prenons suffisamment garde, un instrumentiste de la langue dialogue avec son instrument, et réveille ici et là un ton suranné pour se répondre à lui-même, préciser sa propre place dans son œuvre, ses buts en écrivant – mais avant tout pour faire, ici et maintenant, chanter la phrase.
Notes
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[1]
M. Proust, À la recherche du temps perdu, éd. dir. par J.-Y. Tadié, Paris, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », 1987-1989, t. I, p. 541. Édition de référence pour les citations suivantes.
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[2]
Loc. cit. Le portrait de Villars se trouve dans les Mémoires, éd. Y. Coirault, Paris, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », 1983-1988, t. II, p. 252.
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[3]
Voir À l’ombre des jeunes filles en fleurs, t. II, p. 14 ; La Prisonnière, t. III, p. 880.
-
[4]
Voir notre ouvrage La Correspondance de Proust : son statut dans l’œuvre, l’histoire de son édition, Besançon, Annales littéraires, 1998, notamment p. 100-104.
-
[5]
Voir S. Landes-Ferrali, Proust et le Grand Siècle. Formes et significations de la référence, Tübingen, Gunter Narr, 2004 ; Sylvie Pierron, « Ce beau français un peu individuel » : Proust et la langue, Vincennes, Presses universitaires de Vincennes, 2005.
-
[6]
Dans l’esprit de Proust, Saint-Simon, quoique contemporain de Montesquieu, met en scène le monde de Mme de Sévigné, et reste donc tourné vers le XVIIe siècle.
-
[7]
À la recherche du temps perdu, t. IV, p. 474.
-
[8]
Contre Sainte-Beuve. Pastiches et mélanges. Essais et articles, éd. P. Clarac et Y. Sandre, Paris, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », 1971, p. 305, note.
-
[9]
M. Proust, Correspondance, éd. Ph. Kolb, Paris, Plon, 1970-1993, t. XXI, p. 188-189.
-
[10]
Pastiches et mélanges, éd. cit., p. 38-59.
-
[11]
M. Proust, Correspondance, éd. cit., t. XVIII, p. 322.
-
[12]
Pastiches et mélanges, p. 191-192.
-
[13]
À la recherche du temps perdu, t. II, p. 265-266.
-
[14]
Ibid., p. 648.
-
[15]
Ibid., t. I, p. 89.
-
[16]
M. Proust, Jean Santeuil, éd. P. Clarac et Y. Sandre, Paris, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », 1971, p. 239-240.
-
[17]
Article repris dans Les Contemporains : études et portraits littéraires, Paris, Lecène, Oudin et Cie, 1892, p. 7.
-
[18]
M. Proust, Correspondance, t. IX, p. 63 et n. 7.
-
[19]
À la recherche du temps perdu, t. II, p. 14.
-
[20]
M. Proust, Correspondance, t. XVII, p. 372-373.
-
[21]
« À propos du ‘style’ de Flaubert », Nouvelle Revue Française, 1er janvier 1920 ; repris dans Essais et articles, éd. cit., p. 597.
-
[22]
À la recherche du temps perdu, t. I, p. 441.
-
[23]
R. Barthes, Le Neutre. Cours au Collège de France (1977-1978), éd. É. Marty, Paris, Éd. du Seuil / IMEC, 2002.
-
[24]
M. Proust, Correspondance, t. IV, p. 148.
-
[25]
Essais et articles, éd. cit., p. 602.
-
[26]
Pastiches et mélanges, éd. cit., p. 46.
-
[27]
Essais et articles, p. 613.
-
[28]
Pastiches et mélanges, p. 52.
-
[29]
Ibid., p. 192, note.
-
[30]
Essais et articles, p. 331.
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[31]
À la recherche du temps perdu, t. I, p. 550 et 551.
-
[32]
Essais et articles, p. 331.
-
[33]
Ibid., p. 391.
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[34]
Voir sur cette question G. Siouffi, « Racine au risque de la clarté française », dans D. Denis (dir.), L’Obscurité. Langage et herméneutique sous l’Ancien Régime, Louvain-la-Neuve, 2007, p. 233-247. Je remercie Delphine Denis de m’avoir guidé dans ce débat.
-
[35]
A.-Th. Perdou de Subligny, La Folle Querelle, ou la critique d’Andromaque, comédie présentée par la troupe du Roy, Paris, T. Jolly, 1668 ; une réédition préfacée par Paul Lacroix paraît en 1881 à Paris, Librairie des bibliophiles, « Nouvelle collection moliéresque ».
-
[36]
Paris, Didier, 1859 ; rééd. E. Ducrocq, 1865. À l’époque de Proust, ce sont surtout les rééditions chez Hachette (à partir de 1879) qui sont utilisées ; nous recourons à celle de 1884.
-
[37]
À la recherche du temps perdu, t. II, p. 268.
-
[38]
F. Deltour, Les Ennemis de Racine au XVIIe siècle, Paris, Hachette, 1884, p. 170.
-
[39]
Ibid., p. 176.
-
[40]
Ibid., p. 171.
-
[41]
Ibid., p. 384.
-
[42]
Ibid., p. 385.
-
[43]
Essais et articles, éd. cit., p. 618.
-
[44]
M. Proust, Correspondance, t. VIII, p. 61.
-
[45]
Voir ibid., t. XVIII, p. 380, une lettre de 1919 : « j’avais d’abord voulu faire paraître ces pastiches avec des études critiques parallèles sur les mêmes écrivains, les études énonçant d’une façon analytique ce que les pastiches figuraient intuitivement (et vice-versa), sans donner la priorité ni à l’intelligence qui explique ni à l’instinct qui reproduit ».
-
[46]
À la recherche du temps perdu, t. I, p. 47.
-
[47]
M. Proust, Correspondance, t. IV, p. 111.
-
[48]
Voir à ce sujet L. Fraisse, G. Schrenck et M. Stanesco (éd.), Tradition et modernité en littérature, Paris, L’Harmattan, « Orizons », 2009.
-
[49]
Voir M. Proust, Correspondance, t. XIX, p. 155-156 : « Il importe peu que je ne pense pas exactement comme vous… ».
-
[50]
Voir, la même année, la lettre à Jean de Pierrefeu, critique d’inspiration d’Action française (ibid., p. 655-656).
-
[51]
À la recherche du temps perdu, t. II, p. 158.
-
[52]
Ibid., p. 57.
-
[53]
Ibid., p. 323.
-
[54]
Ibid., p. 368.
-
[55]
M. Proust, Correspondance, t. XVIII, p. 115.
-
[56]
À la recherche du temps perdu, t. II, p. 624.
-
[57]
M. Proust, Correspondance, t. II, p. 111.
-
[58]
Essais et articles, éd. cit., p. 605.
-
[59]
M. Proust, Correspondance, t. XVIII, p. 252.
-
[60]
Ibid., t. XIX, p. 290.
-
[61]
Ibid., t. III, p. 230.
-
[62]
À la recherche du temps perdu, t. II, p. 7.
-
[63]
M. Proust, Correspondance, t. XVIII, p. 380.
-
[64]
Essais et articles, p. 639.
-
[65]
À la recherche du temps perdu, t. IV, p. 620-621.
-
[66]
Voir M. Proust, Correspondance, t. VI, p. 180-182.
-
[67]
À la recherche du temps perdu, t. IV, p. 236.
-
[68]
Ibid., t. III, p. 647.
-
[69]
Ibid., p. 777.
-
[70]
Voir par exemple : « dont elle ne fut pas plus avancée » (Pastiches et mélanges, p. 39).
-
[71]
M. Proust, Correspondance, t. VI, p. 157.
-
[72]
Ibid., t. X, p. 142.
-
[73]
Voir ibid., t. XV, p. 340.
-
[74]
Ibid., t. XVI, p. 195.