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Article de revue

Une bibliothèque très sélective : Possevino et les arts

Pages 71 à 80

Notes

  • [1]
    C. Gesner, Bibliotheca universalis sive Catalogus omnium scriptorum locupletissimus in tribus linguis, Latina, Græca et Hebraica, Zurich, Christoph Froschauer, 1545.
  • [2]
    A. Possevino, Bibliotheca selecta qua agitur de ratione studiorum ad disciplinas, et ad salutem omnium gentium procuranda, Rome, Typographia Apostolica Vaticana, 1593. Ce volume sera complété en 1603 par l’Apparatus sacer ad scriptores Veteris et Novi Testamenti où Possevino recense plus de 8 000 auteurs dont il retrace la vie et les opinions et indique les ouvrages. Selon Sommervogel, l’Apparatus sacer « est le catalogue le plus considérable des écrivains ecclésiastiques anciens et modernes qu’on eût encore vu » (Bibliothèque des écrivains de la Compagnie de Jésus, t. VI, Liège, De Backer, 1895, p. 1061).
  • [3]
    J. Dorigny, La Vie du pere Antoine Possevin de la Compagnie de Jesus, Paris, Étienne Ganeau, 1712, p. 500-501.
  • [4]
    Voir H. Zedelmaier, Bibliotheca universalis und Bibliotheca selecta, Cologne, Böhlau Verlag, 1992 ; L. Balsamo, Antonio Possevino S.I. bibliografo della Controriforma e diffusione della sua opera in area anglicana, Florence, Olschki, 2006 ; A. Biondi, « La Bibliotheca selecta di Antonio Possevino. Un progetto di egemonia culturale », dans G. P. Brizzi (éd.), La Ratio studiorum. Modelli culturali e pratiche educative dei Gesuiti in Italia tra Cinque e Seicento, Rome, Bulzoni, 1981, p. 43-75.
  • [5]
    Notons que la préparation de la Bibliotheca selecta correspond à la période d’élaboration de la Ratio studiorum dont elle forme le complément nécessaire, comme l’indique le titre lui-même : qua agitur de ratione studiorum. Les deux entreprises poursuivent en effet un même but, celui de fixer le programme et le contenu de la pédagogie jésuite. Voir Ratio studiorum, éd. M.-M. Compère, Paris, Belin, 1997.
  • [6]
    A. Possevino, op. cit., p. 2. Toutes les citations sont extraites de l’édition vénitienne de 1603.
  • [7]
    Sur la carrière et l’œuvre de Possevino, voir L. Karttunen, Antonio Possevino : un diplomate pontifical au XVIe siècle, Lausanne, Pache-Varidel, 1908 ; J. Ledit, « Possevino, Antonio », dans Dictionnaire de théologie catholique, t. XII, Paris, Letouzey et Ané, 1935, p. 2647-2657.
  • [8]
    Tractatio de poësi et pictura ethnica, humana et fabulosa collata cum vera, honesta et sacra, dans Bibliotheca selecta, chap. XVII, p. 260-320. Une édition séparée de ce traité fut publiée à Lyon en 1595, chez Jean Pillehotte. Voir J. P. Donnelly, « Antonio Possevino S.J. as a Counter-Reformation Critic of Arts », Journal of the Rocky Mountain Medieval and Renaissance Association, n° 3, 1982, p. 153-164.
  • [9]
    « Il se trouve que la complète vertu de la Poésie, comme celle de la Peinture, se résout en ces deux points : instruire et charmer ; et que la Poésie y parvient avec ses narrations, ses épisodes, ses éloges, ses tropes, et tous les autres procédés de ce type ; la Peinture agit de la même manière ; en se servant des couleurs, elle prend les notions des choses mêmes, ou telles qu’elles devraient être, dont elle imite les traits, la lumière, l’ombre, les replis. […] C’est pourquoi il était juste de ne pas les dissocier, elles qui ont tant de symboles en commun, et sont comme adaptées l’une à l’autre par des nœuds ».
    (A. Possevino, op. cit., p. 468 ; cité et traduit par A.-É. Spica, Symbolique humaniste et emblématique. L’évolution et les genres (1580-1700), Paris, H. Champion, 1996, p. 210)
  • [10]
    Voir Y. Delègue, La Perte des mots. Essai sur la naissance de la « littérature » aux XVIe et XVIIe siècles, Strasbourg, Presses Universitaires de Strasbourg, 1990, p. 62.
  • [11]
    « L’une comme l’autre pareillement, partout où elle a repéré un objet tout particulièrement remarquable, le rapporte de la multitude au propos unique qu’elle s’est fixé. Si bien qu’elle semble moins l’avoir appris d’une personne ou de la nature qu’en donner elle-même les lois » (A. Possevino, op. cit., p. 468 ; trad. A.-É. Spica, op. cit., p. 210).
  • [12]
    A. Possevino, op. cit., p. 539.
  • [13]
    C’est ainsi qu’est intitulé le chapitre 34 : Quinam pingendi præcepta tradiderunt Antiqui et Recentes. Pour une traduction italienne de ce chapitre, voir P. Barocchi, Scritti d’arte del Cinquecento, t. I, Milan, Naples, R. Ricciardi., 1971, p. 42-53.
  • [14]
    Pline l’Ancien, Histoire naturelle, l. XXXV, 36.
  • [15]
    « Notat item Plinius fœcundum quendam artificem, sed que nemo insolentius et arrogantius sit usus gloria artis, ea occasione monens, quantopere artificem quemque eximium deceat modestia ».
    (A. Possevino, op. cit., p. 540)
  • [16]
    Pierre Grégoire de Toulouse est l’auteur d’un ouvrage intitulé Syntaxes artis mirabilis (Lyon, Antoine Gryphe, 1578), encyclopédie dans laquelle on trouve un traité de peinture, de sculpture et de tous les arts du métal.
  • [17]
    Le polygraphe humaniste et philologue Jules-César Scaliger est l’auteur d’un traité sur la couleur publié comme quinzième livre de ses Exotericæ exercitationes (Paris, Fédéric Morel, 1557).
  • [18]
    Albrecht Dürer est cité pour son traité sur les proportions du corps humain (Vier Bücher von menschlicher Proportion, Nuremberg, 1528).
  • [19]
    Il est fait référence à son De sculptura (Florence, 1504).
  • [20]
    Giovanni Battista Armenini, peintre de Faenza, est l’auteur d’un traité sur les vrais principes de la peinture (De veri precetti della pittura, Ravenne, Francesco Tebaldini, 1587), qui présente le monde des ateliers de l’époque maniériste. Ce ne sont toutefois pas tant les recettes d’atelier que retient Possevino, même s’il insiste sur la maîtrise du dessin, que les propos sur les fins de la peinture.
  • [21]
    Bartolomeo Ammannati est cité pour sa lettre de 1582 adressée aux membres de l’Accademia del Disegno de Florence. Il y est principalement question des dangers des représentations indécentes. Voir l’édition de P. Barocchi, Lettra agli Accademici del disegno, dans Trattati d’arte del Cinquencento, Bari, Laterza, 1960-1962, vol. 3, p. 117-123.
  • [22]
    Gregorio Comanini, chanoine régulier du Latran, publie à Mantoue en 1571 un traité sous forme de dialogue intitulé Il Figino overo del fine della Pittura. Le sujet central de cette conversation est de savoir si la finalité de la peinture réside dans le plaisir ou dans l’utilité. Voir l’édition de P. Barocchi, Il Figino, dans Trattati d’arte del cinquencento, op. cit., vol. 3, p. 235-379.
  • [23]
    Peut-être le plus influent parmi les quatre traités cités, celui de Giovanni Andrea Giglio da Fabriano, publié en 1564, se présente, comme chez Comanini, sous la forme d’un dialogue. La cible principale de cet écrit n’est autre que le Jugement dernier de Michel-Ange. Voir l’édition de P. Barocchi, Dialogo quale si ragiona degli errori e degli abusi de’ pittori circa l’istorie, dans Trattati d’arte del Cinquencento, op. cit., vol. 2, p. 1-115.
  • [24]
    Horace, Art poétique, v. 10.
  • [25]
    Possevino établit à cette occasion une distinction entre fictum et fabulosum, c’est-à-dire entre la juste création, qui exprime le vrai en faisant référence à la réalité, et le fabuleux, qui est à proprement parler fiction, c’est-à-dire représentation de ce qui n’a aucune existence dans la nature (A. Possevino, op. cit., p. 543).
  • [26]
    « Le Peintre doit comprendre qu’il lui faut concevoir, par le discours et par la méditation, non pas tant l’idée de son œuvre future, que la sensation des douleurs que le Seigneur Jésus, ainsi que ceux qui l’ont suivi sans trembler, ont jadis endurées » (A. Possevino, p. 546, notre trad.) : réponse claire à la théorie renaissante, et plus encore maniériste, de l’idea et du disegno interno. L’intelligence doit céder la place à la sensation.
  • [27]
    « Mais pour ma part, je déclare très fermement que l’art le plus haut est celui qui imite la réalité elle-même, qui exprime le martyre chez les martyrs, les pleurs chez ceux qui pleurent, la douleur chez ceux qui souffrent, la gloire et l’allégresse chez ceux qui ressuscitent – et qui grave ces choses dans les esprits : telle est en effet la substance de l’art » (ibid., p. 545 ; notre traduction). Un parallèle est ici proposé avec le Laocoon.
  • [28]
    Ibid., p. 546-547.
  • [29]
    Ibid., p. 542.
  • [30]
    J. von Schlosser, La Littérature artistique. Manuel des sources de l’histoire de l’art moderne, trad. fr. J. Chavy, Paris, Flammarion, 1996, p. 429-435.
  • [31]
    Possevino cite, à titre d’exemple, les fragments d’Homère utilisés par Eudoxia pour composer un centon en l’honneur de la Vierge de Lorette. De cet exemple il conclut qu’il ne faut pas nécessairement détruire les statues païennes, mais les adapter à des usages chrétiens en purgeant ce qui doit l’être et en ne retenant que ce qui peut servir le message chrétien.
  • [32]
    Bernardus Sellius, Emblemata sacra, è præcipuis utriusque Testamenti historiis concinnata, Leyde, Francescus Raphelengius, 1593. Voir A. Hamilton et Chr. L. Heesakkers, « Bernardus Sellius Noviomagus (c. 1551-93), proof-reader and poet », Quærendo, vol. 19, n° 3, 1989, p. 163-224.
  • [33]
    Voir A. Guiderdoni-Bruslé, De la figure scripturaire à la figure emblématique. Emblématique et spiritualité (1540-1740), thèse de doctorat dactylographiée, Leuven / Paris IV, 2002. Possevino donne l’exemple du remplacement des symboles païens par les symboles chrétiens sur les monnaies antiques. Et de citer une série de symboles proprement chrétiens (le soleil de justice, l’agneau dominateur, le jardin clos, etc.), avec en tête de liste, bien entendu, la Croix.
  • [34]
    Cl.-Fr. Ménestrier, Bibliothèque curieuse et instructive, Trévoux, É. Ganeau, 1704. Voir J.-M. Chatelain, La Bibliothèque de l’honnête homme : livres, lecture et collections en France à l’âge classique, Paris, Bibliothèque nationale de France, 2003, p. 86-94.
  • [35]
    « Le Pape Gregoire XIII donna peu de temps après une commission toute pareille au pere Antoine Possevin Jesuite, qui étant encore plus versé dans les lettres humaines que Sixte de Sienne et ayant été envoyé par sa Sainteté en divers Royaumes et en des païs reculez pour les affaires de la Religion, étoit mieux instruit des mœurs de ces peuples differens et des manieres de traiter avec les Infideles et les Heretiques, soit pour combattre leurs erreurs, soit pour les instruire des veritez de la Foi. Il entreprit pour cela deux ouvrages differens, quoique tendans à la même fin ; il donna à l’un le titre d’Apparat sacré pour l’intelligence des livres du Vieux et du Nouveau Testament, et de leurs Interpretes, des Conciles, des Peres grecs et latins, des Theologiens scholastiques qui ont refuté les Heretiques, des Theologiens moraux, des Casuistes, des Historiens ecclesiastiques et des Poësies sacrées. Il fit précéder cet ouvrage d’un autre auquel il donna le titre de Bibliotheque choisie ».
    (Cl.-Fr. Ménestrier, op. cit., p. 17-18)
  • [36]
    Cité par J.-M. Chatelain, op. cit., p. 70.
  • [37]
    Ibid., p. 119.

1Parmi les premières grandes synthèses bibliographiques qui voient le jour au XVIe siècle, deux occupent l’avant-scène et feront figure de modèles antagonistes, séparés l’un de l’autre par un demi-siècle mais aussi et surtout par les convictions religieuses qui les animent : d’un côté la Bibliotheca universalis du protestant zurichois Conrad Gesner [1], de l’autre la Bibliotheca selecta du jésuite padouan Antonio Possevino [2]. Le second ouvrage constitue bien une réponse directe au premier, ce qu’atteste clairement une lettre de Possevino adressée à un de ses amis, retranscrite dans sa biographie rédigée par Jean Dorigny :

2

Étant à Padouë je fus pénétré de douleur en voyant que la Bibliothèque d’un certain Gesnerus, se remplissoit d’une infinité de livres également dangereux pour la Foy et pour les moeurs ; il me vint en pensée si je ne pourrois point engager les amis que j’avois, tant de la Compagnie qu’au dehors, à travailler chacun selon son génie à recüeillir ce qui dans chaque Faculté pourroit contribuer à s’y rendre habile, aprés l’avoir purgée de toutes les erreurs, qui auroient pû s’y glisser, et de former du recüeil, que feroient plusieurs personnes de sçavoir et de mérite, une Bibliotheque, qu’on pourroit consulter avec fruit et sans danger. [3]

3Tel est donc le projet que Possevino va mûrir pendant près de vingt-cinq années, mais qu’il devra se résoudre à rédiger seul durant les dernières années de sa vie passées à Padoue. Concernant l’opposition à Gesner [4], le titre de son entreprise bibliographique parle de lui-même : la sélection s’oppose à l’universalité. Cette divergence d’approche ne s’explique pas seulement par la quantité exponentielle de livres publiés durant la seconde moitié du XVIe siècle, rendant impossible tout effort de totalisation du savoir, mais plus fondamentalement par des raisons d’ordre idéologique. C’est ce dont il faut rendre compte en présentant préalablement les objectifs de Possevino, tels qu’ils apparaissent dans la préface, pour ensuite examiner leur application concrète dans un des livres qui composent sa bibliothèque. Cet échantillon servira à saisir avec plus de finesse les enjeux religieux qui sous-tendent cette vaste entreprise éditoriale.

4Si Gesner cherchait à établir un catalogue, tendant à l’exhaustivité, de tous les écrits latins, grecs et hébreux publiés, soit près de 16 000 titres rangés selon un ordre alphabétique, Possevino travaille tout autrement. Il ne s’agit plus de fournir une information aussi impartiale et aussi complète que possible, jusqu’à intégrer les écrits des auteurs hérétiques. Dans cette littérature abondante, une sélection drastique doit désormais être opérée. Il faut en effet séparer le bon grain de l’ivraie pour ne donner à lire que ce qui est strictement conforme à la doctrine et à la morale catholiques. Or, ce choix ne peut certainement pas être laissé à la seule appréciation des lecteurs, lectorat essentiellement constitué par ceux qui ont charge d’enseignement. Car c’est avant tout à l’important réseau pédagogique mis en place à travers l’Europe par les jésuites que la Bibliotheca selecta est destinée [5].

5Plus fondamentalement, l’objectif, comme on peut le lire dans la préface, est de contribuer à la propagation de la foi, à l’extirpation des hérésies et à la suppression des schismes (« ad rem christianam propagandam, ad extirpandas hæreses, ad tollendum schisma[6] »). L’information bibliographique devient ainsi une nouvelle arme de propagande, qui répond parfaitement à l’intense travail missionnaire et à l’œuvre de controverse du père jésuite qui le porteront aux plus hautes fonctions de la Société de Jésus et dans les lointaines contrées de l’Europe du Nord et de l’Est [7]. Sous le généralat d’Acquaviva, le mot d’ordre est bien devenu celui de la propagatio fidei à travers les savoirs et les arts, désormais clairement placés sous la tutelle de la théologie et non plus de la philosophie comme chez Gesner. Tout ce qui ne répond donc pas aux exigences et aux préceptes de l’unique et véritable Science doit être éliminé.

6Mais plutôt que d’adopter une posture répressive, à l’instar de l’Index des livres prohibés, la stratégie de Possevino consista à donner le bon exemple en encourageant la lecture de livres catholiques de bonne qualité, à l’orthodoxie irréprochable. Sa Bibliotheca selecta fait ainsi figure d’une espèce de Reader’s Digest tirant l’essentiel des auteurs de référence dans les différents domaines du savoir. En fournissant au lecteur un résumé commode et très sélectif, qui peut à la limite le dispenser de lire les ouvrages mentionnés, on lui allège considérablement le fardeau d’une érudition paralysante. En outre, on se prémunit de la sorte contre la liberté des esprits trop curieux. Plutôt que d’enquêter sur les mystères de la foi, qui est une prérogative des seuls théologiens, il faut se contenter de croire aux enseignements de l’Église. Bref, il ne s’agit pas tant de recommander les bons livres que d’insister sur la bonne manière de les lire en en proposant une synthèse qui fasse autorité. Autrement dit, il faut apprendre à faire bon usage des bons livres. Le résultat est un vade-mecum doctrinal, véritable encyclopédie de la Contre-Réforme, adressée non pas à la masse des fidèles, mais plutôt à ceux (prédicateurs, confesseurs, catéchistes, enseignants dans les collèges et les universités) qui se chargent de leur éducation, et tout particulièrement de l’éducation des chrétiens appelés à occuper de hautes fonctions politiques ou ecclésiastiques. En s’adressant à la Respublica christiana, l’objectif de Possevino est finalement de présider aux retrouvailles de Religio et Sapientia.

7Afin de bien mettre en évidence la manière dont ce programme prend concrètement forme au sein de l’ouvrage, j’ai choisi d’en présenter un livre particulièrement représentatif de la vision de Possevino. Il s’agit de l’avant-dernier livre du volume, intitulé « De la poésie et de la peinture païennes, humaines et fabuleuses confrontée à la vraie, honnête et sacrée [8] ». Ce titre laisse clairement présager la visée apologétique du traité. Par ailleurs, notons que la poésie et la peinture sont traitées conjointement dans un même livre, ce dernier étant explicitement placé sous le signe de la doctrine horatienne de l’ut pictura poesis, véritable credo de la pensée artistique de la Renaissance que Possevino fait sien en rappelant l’étymologie grecque commune (graphein) à ces deux arts de l’imitation, nés du dessin, père de tous les arts. Derrière une complémentarité de droit entre les deux sœurs jumelles [9] se cache néanmoins une inégalité de fait. Si toutes deux servent, avec leurs moyens propres, un même dessein – instruire tout en charmant –, la poésie apparaît comme l’émule de la peinture, la plume cherchant à rivaliser avec l’éloquence muette du pinceau [10]. Mais, à y regarder d’un peu plus près, on peut constater que sous la promotion apparente de l’éloquence de la peinture se laisse deviner une manœuvre stratégique consistant à assujettir finalement l’image au langage, lequel est modelé sur l’idéal du Logos divin, c’est-à-dire d’un Verbe fait Image ou d’une Image faite Parole. La rhétorique sacrée étant placée au sommet de l’arbor scientiarum, tous les savoirs et tous les arts lui sont asservis. La peinture ne fait donc pas exception, sa finalité rhétorique étant d’être une « image parlante », c’est-à-dire savante ou signifiante. On retrouve là la conception renaissante de la mimèsis : la peinture ne se contente pas de reproduire la réalité, mais se charge aussi d’en extraire la vérité [11]. Celle-ci doit être par ailleurs révélée avec agrément, utilitas et jucunditas se tenant la main (« finis item vtrique idem, qui duplex, utilitas et jucunditas[12] »), même si dans ce binôme la priorité est donnée à l’utilité, le plaisir n’étant qu’un moyen mis au service d’une seule fin, qui ne peut être que religieuse ou morale.

8Si l’on s’en tient, en vue de réduire encore le spectre de l’analyse, aux cinq chapitres que Possevino consacre à la peinture sur les trente-huit qui composent son traité, on peut constater que cette vingtaine de pages est étroitement articulée à cette question de la double utilité. C’est ce que révèlent clairement les sélections opérées dans la littérature d’art des Anciens et des Modernes. Comme il se doit, les références aux auteurs antiques sont nombreuses, depuis Platon et Aristote jusqu’à Vitruve, Pline l’Ancien et Philostrate, auteurs par l’entremise desquels Possevino prend le soin d’exposer les grands préceptes de la peinture [13] : l’importance d’une maîtrise de la géométrie et de l’arithmétique, de l’imitation et du dessin, de l’invention et de la disposition… bref, les articles de foi de l’esthétique renaissante. Il n’y a donc là rien de très original : nous avons affaire à la bibliothèque artistique la plus classique qui soit. Néanmoins, une lecture plus attentive permet de repérer quelques éclairages plus originaux. Ainsi la célèbre rivalité entre Parrhasius et Zeuxis – ce dernier devant se résigner face au tour de force de son collègue à qui il cède volontiers la palme [14] – offre à Possevino l’occasion d’insister sur la nécessaire modestie des peintres, par où se laisse découvrir l’orientation éthique qui n’ira qu’en se confirmant à mesure que l’on avance dans le traité [15].

9Si l’on se tourne en effet du côté des Modernes, c’est-à-dire des théoriciens du XVIe siècle, les choix opérés dans ce champ littéraire en plein développement nous laissent découvrir les réelles ambitions de Possevino. Celui-ci commence par rappeler que l’art a pu, en ce siècle, renaître de ses cendres, à l’instar des bonnes lettres. Étant donné ce parallélisme entre art et littérature, il n’est dès lors pas surprenant de voir cités parmi les quatre premiers auteurs, deux humanistes (Pierre Grégoire [16] et Jules-César Scaliger [17]) à côté de deux artistes (Albrecht Dürer [18] et Pomponius Gauricus [19]). Plus importantes que la mention de ces quatre figures, citées en passant, plusieurs pages sont consacrées à la synthèse de quatre écrits italiens, rédigés par des auteurs engagés dans la réforme des arts au lendemain du Concile de Trente : Armenini [20], Ammannati [21], Comanini [22] et Giglio [23], les deux premiers étant des artistes, les deux autres des hommes d’Église, comme s’il s’agissait, par le biais de ce nouveau parallèle, de bien marquer la convergence entre les intérêts du clergé et ceux des artistes.

10Des traités de ces auteurs, Possevino retient essentiellement le fait qu’ils portent tous sur la finalité de la peinture, laquelle est d’abord d’enseigner. Pour parvenir à cette fin, la règle du decorum doit être strictement respectée. On veillera donc à l’adéquation de tous les éléments de la peinture au sujet représenté, et à l’adaptation au lieu d’exposition. C’est à partir de ces critères que sont examinés les erreurs et les abus des peintres, et notamment leurs offenses au sens et au contenu de l’Écriture sainte. Ainsi la repentance d’Armenini au souvenir des sculptures indécentes qu’il a pu réaliser dans sa jeunesse peut faire figure d’exemple à suivre : l’homme âgé confessant ses fautes à la fin de son traité apparaît bien comme l’idéal de l’artiste abjurant, au nom de l’onesto, les hardiesses maniéristes, c’est-à-dire le penchant pour l’indécence et le culte de la virtuosité au détriment de la sainteté du sujet. Le mot d’ordre horatien du quodlibet audendi potestas[24], garantissant à l’artiste une totale liberté s’en retrouve remis en cause. En se référant à Ammannati, Possevino rappelle le contexte de la célèbre formule d’Horace, citant le passage complet de l’Art poétique qui n’énonce cette liberté qu’en lui imposant en même temps des bornes. La conclusion en est qu’on ne peut tout oser, le critère du decorum définissant de nouveau les limites à ne pas transgresser [25]. Cela vaut tout particulièrement pour l’expression des émotions, où prévaut une adéquation parfaite entre la représentation et les sentiments éprouvés par le peintre, qui a pour charge de les faire partager au spectateur [26] : pour faire pleurer, il faut d’abord soi-même avoir pleuré, principe de l’empathie illustré par l’exemple classique de la figuration des martyrs et de la Passion du Christ dont les souffrances ne peuvent être communiquées qu’à travers un rendu aussi réaliste que possible, ne faisant aucunement l’économie de l’horreur et du laid si la finalité de l’édification l’exige [27]. Si le principe de vraisemblance doit être en général observé, certaines libertés peuvent même être prises pour autant qu’elles servent l’idée à exprimer ou l’émotion à communiquer. Telles sont les conditions pour que le cercle de la mimèsis soit opérant : le peintre doit imiter au plus près son modèle pour mieux inciter en retour le spectateur à l’imitation de ce qui a été représenté. Comme on peut le constater, de la mimèsis antique on glisse insensiblement vers l’Imitatio Christi. D’où cette recommandation faite aux artistes de lire des ouvrages de méditations sur la Passion du Christ, comme ceux de Louis de Grenade, François Coster ou Vincentius Bruno [28]. S’insinue ainsi, dans la bibliothèque idéale de l’artiste et du connaisseur, la littérature spirituelle, source d’inspiration inépuisable et salutaire.

11Au final, on peut dire que c’est une véritable congruence de la peinture et de la piété que défend Possevino. Ses préférences et ses recommandations de lecture sont assez explicites à cet égard. Et ses silences sont tout aussi éloquents. Paradoxalement, il n’est fait aucunement référence aux grands traités ecclésiastiques sur l’image publiés au lendemain du Concile de Trente : ainsi, celui du théologien louvaniste Molanus (De picturis et imaginibus sacris, Louvain, 1570) n’est pas mentionné, tandis que celui du cardinal bolonais Paleotti (Discorso intorno alle imagini sacre et profane, Bologne, 1582) n’est cité que très brièvement, simplement pour en recommander la lecture à tout peintre (« ut nemo futurus sit pictor, quem pœniteat eum attente legisse[29] »). C’est qu’à la différence de ses éminents confrères et prédécesseurs, la préférence de notre jésuite est clairement donnée à des écrits en prise directe avec les pratiques artistiques de l’époque, loin donc des considérations théologiques sur le statut de l’image. Toutefois, dans le champ de la littérature d’art, aucune mention n’est faite par exemple des traités de Pino (Dialogo di Pittura, Venise, 1548), Varchi (Due Lezzioni, Florence, 1549), Dolce (L’Aretino, Venise, 1557) ou Lomazzo (Trattato dell’ arte della pittura, scultura et architettura, Milan, 1584), pour ne citer que quelques exemples parmi les écrits les plus diffusés alors. Son attention se porte exclusivement sur les publications de ceux que Julius von Schlosser a qualifiés de « moralistes [30] », c’est-à-dire des auteurs qui ont eu pour vocation de moraliser l’art en insistant sur la décence et l’orthodoxie, cela dans le but de réparer la fracture entre art profane et art sacré, occasionnée par la Renaissance et la Réforme. Dans le contexte post-tridentin, il importait donc de rappeler la subordination des fins de la peinture à celles de la religion, et de donner pour modèles des artistes à la foi irréprochable et à la piété sans faille, condition pour que leurs œuvres soient elles-mêmes imprégnées d’un esprit religieux et touchent la fibre spirituelle des spectateurs. Possevino recommande non seulement à ces artistes de connaître parfaitement le catéchisme de Pie V, mais aussi d’être continuellement inspirés par la méditation et la prière, de même qu’ils sont tenus d’expier leurs fautes et de purifier leur âme grâce aux sacrements avant de représenter les mystères chrétiens. Seuls donc les bons chrétiens sont à même de peindre de bonnes et belles images – esthétique et éthique, ou plutôt pathos et ethos, convergeant ici vers la plus parfaite expression artistico-religieuse. Le peintre doit rester un « prédicateur muet » et la peinture l’ancilla theologiæ.

12Pour parvenir à cet objectif, la meilleure manière consiste paradoxalement à perpétuer les grands idéaux de la Renaissance. Il n’est en effet nullement question de renoncer à la culture classique. Il faut plutôt contribuer à la réconciliation de l’humanisme et du christianisme. Cet autre trait caractéristique de l’approche de Possevino et des auteurs qu’il cite est particulièrement représentatif de la politique culturelle jésuite à cette époque : il s’agit de vaincre le paganisme avec ses propres armes, ou plus exactement de l’assimiler et de le convertir aux fins chrétiennes [31]. On retrouve là le projet directeur de la Bibliotheca selecta : placer tout le savoir humain sous l’égide de la foi catholique. Une telle alliance apparaît clairement dans la dernière partie du traité consacrée à la littérature emblématique. Ce trente-huitième chapitre s’ouvre par la référence à deux des grands mythographes du XVIe siècle, Lilio Gregorio Gyraldi (De Deis gentium varia et multiplex historia, Bâle, 1548) et Natale Conti (Mythologiæ, Venise, 1551), deux auteurs qui ont encouragé la conversion de la mythologie en allégorie, partant du principe que les mystères chrétiens se laissent découvrir sous les fables païennes. Mais il ne s’agit pas seulement d’une invitation à l’allégorisation de la culture classique ; on y trouve également un appel à la conversion de l’image en symbole, assujettissement de l’image au langage que nous avons déjà rencontré. Car toute image est avant tout un signe, et elle l’est originellement, comme le prouvent les hiéroglyphes, langue imagée primordiale et sacrée qui trouve ses sources dans la Bible, selon la thèse classique de la prisca theologia que défend Possevino en conseillant notamment la lecture de Valeriano, redécouveur des Hieroglyphica d’Horapollon. Pour appuyer son interprétation, il convoque également un recueil de figures de la Bible publié à Leyde, l’année même de la parution de la Bibliotheca selecta, sous le titre d’Emblemata sacra[32]. Chaque gravure figurant un épisode biblique y est accompagnée d’un quatrain qui en révèle le sens profond. Comme on le constate à travers cet exemple, la priorité est clairement donnée à l’enracinement biblique d’une culture emblématique dont Possevino cite par ailleurs les grands classiques : Alciat, Mignault, Ruscelli, Camerarius, Bocchi, Camilli, Cousteau, Simeoni, La Perrière, Ruscelli, Contile, Paradin… Quoi que laisse présager cette diversité de références, la priorité semble bien être donnée à l’emblématique sacrée sur la profane. Mais en matière de conversion de l’image symbolique, tout reste encore à faire en cette fin du XVIe siècle, l’emblématique sacrée n’ayant pas encore véritablement pris son essor [33]. D’autre part, l’idéal de l’ut pictura poesis inscrit au fronton de ce traité trouve dans sa coda sa plus parfaite expression, sous la forme de l’alliance du mot et de l’image dans l’emblème, alliance donnée en exemple aux peintres qui devront donc être des lecteurs assidus de ce genre de littérature.

13En guise de conclusion, il est intéressant d’effectuer un bond d’une centaine d’années pour évoquer, sous le mode du contraste, la bibliothèque d’un autre jésuite, le père Claude-François Ménestrier. On ne peut en effet qu’être frappé par l’écart qui s’est creusé entre la Bibliothèque sélective du Padouan et la Bibliothèque curieuse et instructive du Lyonnais [34], qui ne manque pourtant pas de citer l’exemple de son illustre prédécesseur [35]. Dans cette bibliothèque de l’honnête homme, publiée en 1704 mais déjà en germe vers le milieu du XVIIe siècle, la théologie se fait bien plus discrète pour céder du terrain aux belles lettres et aux beaux-arts. Quelle distance entre l’univers aseptisé et utilitariste de la Bibliotheca selecta et cet ouvrage où domine la culture de la curiosité, méprisée par Possevino ! En matière artistique, les références aux théoriciens moralistes y font place à des ouvrages comme ceux de Lomazzo, Félibien, Marino, Scudéry, autant d’écrits qui n’auraient certainement pas trouvé grâce aux yeux de Possevino, puisqu’y triomphe l’esprit de la rareté et de la préciosité. Les intérêts de la conversion ont été remplacés par ceux de la conversation : « Je veux former un homme de conversation et non pas un savant de cabinet [36]. » L’agrément a finalement pris le dessus sur l’enseignement, comme en témoigne ce passage, symptomatique de cette évolution culturelle de l’idée de bibliothèque, puisque cette dernière n’apparaît plus que comme un tableau agréable à contempler :

14

Les plus grandes & les plus riches Bibliotheques ne sont pas publiques & ouvertes indifferemment à tous ceux qui voudroient en consulter les Livres, ou les lire à loisir. La pluspart ne sont vûes des Passans & des Voïageurs, que comme des Tableaux & des Peintures pour en admirer la beauté sans en tirer d’autre avantage, que d’avoir repû leurs yeux d’un agréable spectacle durant une heure. [37]


Date de mise en ligne : 27/03/2013

https://doi.org/10.3917/licla.066.0071

Notes

  • [1]
    C. Gesner, Bibliotheca universalis sive Catalogus omnium scriptorum locupletissimus in tribus linguis, Latina, Græca et Hebraica, Zurich, Christoph Froschauer, 1545.
  • [2]
    A. Possevino, Bibliotheca selecta qua agitur de ratione studiorum ad disciplinas, et ad salutem omnium gentium procuranda, Rome, Typographia Apostolica Vaticana, 1593. Ce volume sera complété en 1603 par l’Apparatus sacer ad scriptores Veteris et Novi Testamenti où Possevino recense plus de 8 000 auteurs dont il retrace la vie et les opinions et indique les ouvrages. Selon Sommervogel, l’Apparatus sacer « est le catalogue le plus considérable des écrivains ecclésiastiques anciens et modernes qu’on eût encore vu » (Bibliothèque des écrivains de la Compagnie de Jésus, t. VI, Liège, De Backer, 1895, p. 1061).
  • [3]
    J. Dorigny, La Vie du pere Antoine Possevin de la Compagnie de Jesus, Paris, Étienne Ganeau, 1712, p. 500-501.
  • [4]
    Voir H. Zedelmaier, Bibliotheca universalis und Bibliotheca selecta, Cologne, Böhlau Verlag, 1992 ; L. Balsamo, Antonio Possevino S.I. bibliografo della Controriforma e diffusione della sua opera in area anglicana, Florence, Olschki, 2006 ; A. Biondi, « La Bibliotheca selecta di Antonio Possevino. Un progetto di egemonia culturale », dans G. P. Brizzi (éd.), La Ratio studiorum. Modelli culturali e pratiche educative dei Gesuiti in Italia tra Cinque e Seicento, Rome, Bulzoni, 1981, p. 43-75.
  • [5]
    Notons que la préparation de la Bibliotheca selecta correspond à la période d’élaboration de la Ratio studiorum dont elle forme le complément nécessaire, comme l’indique le titre lui-même : qua agitur de ratione studiorum. Les deux entreprises poursuivent en effet un même but, celui de fixer le programme et le contenu de la pédagogie jésuite. Voir Ratio studiorum, éd. M.-M. Compère, Paris, Belin, 1997.
  • [6]
    A. Possevino, op. cit., p. 2. Toutes les citations sont extraites de l’édition vénitienne de 1603.
  • [7]
    Sur la carrière et l’œuvre de Possevino, voir L. Karttunen, Antonio Possevino : un diplomate pontifical au XVIe siècle, Lausanne, Pache-Varidel, 1908 ; J. Ledit, « Possevino, Antonio », dans Dictionnaire de théologie catholique, t. XII, Paris, Letouzey et Ané, 1935, p. 2647-2657.
  • [8]
    Tractatio de poësi et pictura ethnica, humana et fabulosa collata cum vera, honesta et sacra, dans Bibliotheca selecta, chap. XVII, p. 260-320. Une édition séparée de ce traité fut publiée à Lyon en 1595, chez Jean Pillehotte. Voir J. P. Donnelly, « Antonio Possevino S.J. as a Counter-Reformation Critic of Arts », Journal of the Rocky Mountain Medieval and Renaissance Association, n° 3, 1982, p. 153-164.
  • [9]
    « Il se trouve que la complète vertu de la Poésie, comme celle de la Peinture, se résout en ces deux points : instruire et charmer ; et que la Poésie y parvient avec ses narrations, ses épisodes, ses éloges, ses tropes, et tous les autres procédés de ce type ; la Peinture agit de la même manière ; en se servant des couleurs, elle prend les notions des choses mêmes, ou telles qu’elles devraient être, dont elle imite les traits, la lumière, l’ombre, les replis. […] C’est pourquoi il était juste de ne pas les dissocier, elles qui ont tant de symboles en commun, et sont comme adaptées l’une à l’autre par des nœuds ».
    (A. Possevino, op. cit., p. 468 ; cité et traduit par A.-É. Spica, Symbolique humaniste et emblématique. L’évolution et les genres (1580-1700), Paris, H. Champion, 1996, p. 210)
  • [10]
    Voir Y. Delègue, La Perte des mots. Essai sur la naissance de la « littérature » aux XVIe et XVIIe siècles, Strasbourg, Presses Universitaires de Strasbourg, 1990, p. 62.
  • [11]
    « L’une comme l’autre pareillement, partout où elle a repéré un objet tout particulièrement remarquable, le rapporte de la multitude au propos unique qu’elle s’est fixé. Si bien qu’elle semble moins l’avoir appris d’une personne ou de la nature qu’en donner elle-même les lois » (A. Possevino, op. cit., p. 468 ; trad. A.-É. Spica, op. cit., p. 210).
  • [12]
    A. Possevino, op. cit., p. 539.
  • [13]
    C’est ainsi qu’est intitulé le chapitre 34 : Quinam pingendi præcepta tradiderunt Antiqui et Recentes. Pour une traduction italienne de ce chapitre, voir P. Barocchi, Scritti d’arte del Cinquecento, t. I, Milan, Naples, R. Ricciardi., 1971, p. 42-53.
  • [14]
    Pline l’Ancien, Histoire naturelle, l. XXXV, 36.
  • [15]
    « Notat item Plinius fœcundum quendam artificem, sed que nemo insolentius et arrogantius sit usus gloria artis, ea occasione monens, quantopere artificem quemque eximium deceat modestia ».
    (A. Possevino, op. cit., p. 540)
  • [16]
    Pierre Grégoire de Toulouse est l’auteur d’un ouvrage intitulé Syntaxes artis mirabilis (Lyon, Antoine Gryphe, 1578), encyclopédie dans laquelle on trouve un traité de peinture, de sculpture et de tous les arts du métal.
  • [17]
    Le polygraphe humaniste et philologue Jules-César Scaliger est l’auteur d’un traité sur la couleur publié comme quinzième livre de ses Exotericæ exercitationes (Paris, Fédéric Morel, 1557).
  • [18]
    Albrecht Dürer est cité pour son traité sur les proportions du corps humain (Vier Bücher von menschlicher Proportion, Nuremberg, 1528).
  • [19]
    Il est fait référence à son De sculptura (Florence, 1504).
  • [20]
    Giovanni Battista Armenini, peintre de Faenza, est l’auteur d’un traité sur les vrais principes de la peinture (De veri precetti della pittura, Ravenne, Francesco Tebaldini, 1587), qui présente le monde des ateliers de l’époque maniériste. Ce ne sont toutefois pas tant les recettes d’atelier que retient Possevino, même s’il insiste sur la maîtrise du dessin, que les propos sur les fins de la peinture.
  • [21]
    Bartolomeo Ammannati est cité pour sa lettre de 1582 adressée aux membres de l’Accademia del Disegno de Florence. Il y est principalement question des dangers des représentations indécentes. Voir l’édition de P. Barocchi, Lettra agli Accademici del disegno, dans Trattati d’arte del Cinquencento, Bari, Laterza, 1960-1962, vol. 3, p. 117-123.
  • [22]
    Gregorio Comanini, chanoine régulier du Latran, publie à Mantoue en 1571 un traité sous forme de dialogue intitulé Il Figino overo del fine della Pittura. Le sujet central de cette conversation est de savoir si la finalité de la peinture réside dans le plaisir ou dans l’utilité. Voir l’édition de P. Barocchi, Il Figino, dans Trattati d’arte del cinquencento, op. cit., vol. 3, p. 235-379.
  • [23]
    Peut-être le plus influent parmi les quatre traités cités, celui de Giovanni Andrea Giglio da Fabriano, publié en 1564, se présente, comme chez Comanini, sous la forme d’un dialogue. La cible principale de cet écrit n’est autre que le Jugement dernier de Michel-Ange. Voir l’édition de P. Barocchi, Dialogo quale si ragiona degli errori e degli abusi de’ pittori circa l’istorie, dans Trattati d’arte del Cinquencento, op. cit., vol. 2, p. 1-115.
  • [24]
    Horace, Art poétique, v. 10.
  • [25]
    Possevino établit à cette occasion une distinction entre fictum et fabulosum, c’est-à-dire entre la juste création, qui exprime le vrai en faisant référence à la réalité, et le fabuleux, qui est à proprement parler fiction, c’est-à-dire représentation de ce qui n’a aucune existence dans la nature (A. Possevino, op. cit., p. 543).
  • [26]
    « Le Peintre doit comprendre qu’il lui faut concevoir, par le discours et par la méditation, non pas tant l’idée de son œuvre future, que la sensation des douleurs que le Seigneur Jésus, ainsi que ceux qui l’ont suivi sans trembler, ont jadis endurées » (A. Possevino, p. 546, notre trad.) : réponse claire à la théorie renaissante, et plus encore maniériste, de l’idea et du disegno interno. L’intelligence doit céder la place à la sensation.
  • [27]
    « Mais pour ma part, je déclare très fermement que l’art le plus haut est celui qui imite la réalité elle-même, qui exprime le martyre chez les martyrs, les pleurs chez ceux qui pleurent, la douleur chez ceux qui souffrent, la gloire et l’allégresse chez ceux qui ressuscitent – et qui grave ces choses dans les esprits : telle est en effet la substance de l’art » (ibid., p. 545 ; notre traduction). Un parallèle est ici proposé avec le Laocoon.
  • [28]
    Ibid., p. 546-547.
  • [29]
    Ibid., p. 542.
  • [30]
    J. von Schlosser, La Littérature artistique. Manuel des sources de l’histoire de l’art moderne, trad. fr. J. Chavy, Paris, Flammarion, 1996, p. 429-435.
  • [31]
    Possevino cite, à titre d’exemple, les fragments d’Homère utilisés par Eudoxia pour composer un centon en l’honneur de la Vierge de Lorette. De cet exemple il conclut qu’il ne faut pas nécessairement détruire les statues païennes, mais les adapter à des usages chrétiens en purgeant ce qui doit l’être et en ne retenant que ce qui peut servir le message chrétien.
  • [32]
    Bernardus Sellius, Emblemata sacra, è præcipuis utriusque Testamenti historiis concinnata, Leyde, Francescus Raphelengius, 1593. Voir A. Hamilton et Chr. L. Heesakkers, « Bernardus Sellius Noviomagus (c. 1551-93), proof-reader and poet », Quærendo, vol. 19, n° 3, 1989, p. 163-224.
  • [33]
    Voir A. Guiderdoni-Bruslé, De la figure scripturaire à la figure emblématique. Emblématique et spiritualité (1540-1740), thèse de doctorat dactylographiée, Leuven / Paris IV, 2002. Possevino donne l’exemple du remplacement des symboles païens par les symboles chrétiens sur les monnaies antiques. Et de citer une série de symboles proprement chrétiens (le soleil de justice, l’agneau dominateur, le jardin clos, etc.), avec en tête de liste, bien entendu, la Croix.
  • [34]
    Cl.-Fr. Ménestrier, Bibliothèque curieuse et instructive, Trévoux, É. Ganeau, 1704. Voir J.-M. Chatelain, La Bibliothèque de l’honnête homme : livres, lecture et collections en France à l’âge classique, Paris, Bibliothèque nationale de France, 2003, p. 86-94.
  • [35]
    « Le Pape Gregoire XIII donna peu de temps après une commission toute pareille au pere Antoine Possevin Jesuite, qui étant encore plus versé dans les lettres humaines que Sixte de Sienne et ayant été envoyé par sa Sainteté en divers Royaumes et en des païs reculez pour les affaires de la Religion, étoit mieux instruit des mœurs de ces peuples differens et des manieres de traiter avec les Infideles et les Heretiques, soit pour combattre leurs erreurs, soit pour les instruire des veritez de la Foi. Il entreprit pour cela deux ouvrages differens, quoique tendans à la même fin ; il donna à l’un le titre d’Apparat sacré pour l’intelligence des livres du Vieux et du Nouveau Testament, et de leurs Interpretes, des Conciles, des Peres grecs et latins, des Theologiens scholastiques qui ont refuté les Heretiques, des Theologiens moraux, des Casuistes, des Historiens ecclesiastiques et des Poësies sacrées. Il fit précéder cet ouvrage d’un autre auquel il donna le titre de Bibliotheque choisie ».
    (Cl.-Fr. Ménestrier, op. cit., p. 17-18)
  • [36]
    Cité par J.-M. Chatelain, op. cit., p. 70.
  • [37]
    Ibid., p. 119.

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