Notes
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[*]
Le présent article fait partie d’une étude plus vaste, encore inédite, sur la prose notulaire.
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[1]
Trad. A. Pfersmann. Texte original : « I chose him, that is the next yor sacred Person […]. The rather since it was his Highnesse command, to haue mee adde this second labor of annotation to my first of Invention, and both in the Honor of yor Maiesty » (Ben Jonson, The Masque of Queens, dans [Œuvres de] Ben Jonson, éd. C.H. Herfort, P. et E. Simpson, Oxford, Clarendon Press, t. VII, 1963, p. 279).
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[2]
M. de Montaigne, Les Essais, I, 25 (« Du pédantisme »), dans Œuvres complètes, éd. A. Thibaudet et M. Rat, Paris, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », 1962, p. 132.
-
[3]
Tr. Boccalini, Ragguagli di Parnaso, éd. L. Firpo, Bari, Laterza, 1948, t. I, p. 192 : « i pedanti, gli epistolari e i commentatori ».
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[4]
Voir W. Kühlmann, Gelehrtenrepublik und Fürstenstaat. Entwicklung und Kritik des deutschen Späthumanismus in der Literatur des Barockzeitalters, Tübingen, Max Niemeyer, 1982, p. 285 sq.
-
[5]
Abbé G. Massieu, Préface aux Œuvres de Mr de Tourreil, Paris, Brunet, 1721, t. I. Voir A. Pfersmann, « Le discours préfaciel sur les notes aux XVIIe et XVIIIe siècle », Textuel, n° 46, hiver 2004, p. 145-182.
-
[6]
P. Hazard, La Crise de la conscience européenne (1680-1715), Paris, Fayard, 1961.
-
[7]
Voir G. Leclerc, Histoire de l’autorité. L’assignation des énoncés culturels et la généalogie de la croyance, Paris, P.U.F., 1996, p. 139 sq.
-
[8]
J. Starobinski, Table d’orientation. L’auteur et son autorité, Lausanne, L’Âge d’homme, 1989, p. 9.
-
[9]
« Autorité : c’est une sentence digne d’imitation. » (Hugutius Pisanus, Magnae derivationes, s.v. augeo). Cité d’après M. B. Parkes, « The influence of the Concepts of Ordinatio and Compilation on the Development ot the Book », dans J. G. Alexander et M.T. Gibson, Medieval Learning and Literature. Essays presented to Richard William Hunt, Oxford, Clarendon Press, 1976, p. 116.
-
[10]
G. Leclerc, op. cit., p. 99. Voir également Michel Zimmermann (dir.), AUCTOR et AUCTORITAS. Invention et conformisme dans l’écriture médiévale, Paris, École des Chartes, 2001.
-
[11]
Voir B. Périgot, Dialectique et littérature : les avatars de la dispute entre Moyen Âge et Renaissance, Paris, Champion, 2005.
-
[12]
A. Compagnon consacre des pages éclairantes à l’herméneutique médiévale, mais affirmer « que le commentaire est mort de l’auctoritas » est sans doute excessif : voir La Seconde main ou le travail de la citation, Paris, Seuil, 1979, p. 221.
-
[13]
M.-A. Muret, Commentaires au Premier livre des Amours de Ronsard, éd. J. Chomarat, M.-M. Fragonard et G. Mathieu-Castellani, Genève, Droz, 1985, p. xx.
-
[14]
Selon l’expression de G. Leclerc, op. cit., p. 139.
-
[15]
Ibid., p. 155.
-
[16]
Diderot, art. « Autorité » de l’Encyclopédie, Œuvres complètes, Paris, Club français du livre, 1969-1973, t. XV, p. 100 sq.
-
[17]
Kant, « Qu’est-ce que les Lumières ? » (1784), dans Aufklärung. Les Lumières allemandes, éd. G. Raulet, Paris, GF-Flammarion, 1995, p. 25.
-
[18]
Voir J. Kl. Kipf, « “Pluto ist als vil als Lucifer”. Zur ältesten Verwendung gedruckter Marginalnoten in deutschen literarischen Texten (bis 1520) », conférence présentée en 2006 lors du colloque d’Erfurt sur les notes, à paraître dans les actes.
-
[19]
Voir G. Ruh, Hieronymus Emser. Eyn deutsche Satyra vnd straffe des Eebruchs. Untersuchung und Text, Tübingen, Huth, 1964, passim.
-
[20]
Trad. A. Pfersmann. Texte original : « Thisbe vnd Pyramus, czwey iunge menschen czu Babilonia, hetten einander lieb vnd heimlich czu der Ee genommen, deßhalben sie einander czilten in eyn waldt. Als nu thisbe erstlich do hin kam, fand sie ein leuen […] den floch sie vnd ließ irn rock do hinden. darnoch, als Pyramus hernach kam vnd iren rock von dem leuen czurissen ansach, gedacht er, das sie der leo auch fressen, vnd stach sich vor leid czu todt. Darnoch, als Thisbe wider do hin vnd in todt fand, nam sie das selbig schwert vnd stach sich auch domit czu tod. iiij. Methamorphoseos » (ibid., p. 203).
-
[21]
Y. Quenot, Les Lectures de La Ceppède, Genève, Droz, 1986, p. 199.
-
[22]
J. de La Ceppède, Les Théorèmes sur le sacré mystère de nostre redemption, éd. Y. Quenot, Paris, Nizet, 1988-1989, t. I, p. 60.
-
[23]
Ibid., t. II, p. 668.
-
[24]
Ibid., t. I, p. 141.
-
[25]
Ibid., n. 2, p. 142.
-
[26]
Ibid., n. 3, p. 143.
-
[27]
Ibid., p. 146, l. 95.
-
[28]
Ibid., p. 151.
-
[29]
Ibid., p. 159.
-
[30]
Y. Quenot, ibid. Françoise Charpentier suggère très prudemment que l’importance du commentaire relatif à la « sueur de sang » aurait la fonction d’« endiguer des affects trop violents qui trahiraient les obsessions du poète » (« L’auto-commentaire de Jean de La Ceppède », dans G. Mathieu-Castellani et M. Plaisance (dir.), Les Commentaires et la naissance de la critique littéraire (France/Italie, XIVe-XVIe siècles), Paris, Aux amateurs de livres, 1990, p. 109).
-
[31]
La Ceppède, Les Théorèmes, éd. cit., t. I, p. 164.
-
[32]
Ibid., p. 164, l. 575.
-
[33]
Ibid.
-
[34]
Voir F. von Ingen, « Roman und Geschichte. Zu ihrem Verhältnis im 17. Jahrhundert », dans From Wolfram and Petrarca to Goethe and Grass. Studies in Literature in Honour of Leonard Forster, D. H. Green et alii éd., Baden-Baden, Körner, 1982, p. 463.
-
[35]
C’est la thèse de Franz Günther Sieveke : voir « Philipp von Zesens “Assenat”. Doctrina und Eruditio im Dienste des “Exemplificare” », Jahrbuch der deutschen Schillergesellschaft, vol. XIII, 1969, p. 125.
-
[36]
Voir l’introduction de Volker Meid à son édition d’Asssenat, Max Niemeyer, Tübingen, 1967, p. 23.
-
[37]
« Zum 279 / und 280 blatte. / Hiesige begäbnüs erzehlet Moses ebenmäßig im 45 hauptstükke des Buchs der Schöpfung ; als auch Greiffensohn / und Josef / der Jüdische Geschichtsschreiber » (Assenat, éd. cit., p. 556).
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[38]
« Mir ist im übrigen auch sehr wohl bekant / daß andere das wort Madrigale lieber von madre herleiten wollen / also dass es ihnen so viel sein sol / wie sie schreiben / als madre della gale, das ist eine Mutter der lieder. Und dieses gefället mir auch nicht übel ; weil ein Schattenliedlein in der taht und wahrheit / indem es so klein ist / eine Mutter / das ist ein uhrsprung / begin oder anfang der andern lieder und gesänge genennet werden kan. Dan in dem verstande wird / so wohl im Wälschen / als Spanischen / das wort madre als auch matrize vielmahls gebraucht. […] So benahmen wir auch die Muschel / darinnen die Perlen wachsen / oder daraus sie ihren uhrsprung haben / Perlenmutter / wie die Spanier madreperla [sic], und die Wälschen madre de perlas [sic]. » (ibid., p. 550 sq.).
-
[39]
G. Genette, Seuils [1987], Paris, Seuil, « Points », 2002, p. 321.
-
[40]
Ch. Sorel, « Remarques sur le premier livre du Berger Extravagant », Le Berger extravagant, Paris, T. Du Bray, 1627-1628 [réimpr. Genève, Slatkine, 1972], t. III, p. 17. L’ensemble des « Remarques » figure dans ce t. III, auquel renverront les citations ultérieures.
-
[41]
Ibid., IIe partie, « Aduertissement aux Lecteurs », t. II.
-
[42]
« Remarques sur le VIII. liure du Berger Extrauagan », ibid., p. 356. Sigrun Thiessen montre comment Sorel omet sciemment dans le cours du récit des informations qui intéressent le lecteur afin de créer un suspens, piquer la curiosité du lecteur et l’inciter à chercher la solution dans les Remarques : voir Charles Sorel. Rekonstruktion einer antiklassizistischen Literaturtheorie und Studien zum « Anti-roman », Munich, Fink, 1977, p. 167 et 309. Sur les remarques de Sorel, on consultera également A. L. Franchetti, Il « Berger extravagant » di Charles Sorel, Florence, Olschki, 1977, p. 23-42 ; F. Garavini, La Maison des jeux. Science du roman et roman de la science au XVIIe siècle, trad. A. Estève, Paris, Champion, 1998, p. 89 sq.
-
[43]
Elles seront redistribuées, à la fin de chaque livre, dans l’édition B de 1633-1634. Sur les différences entre ces deux versions, voir A. L. Franchetti, op. cit., et H. D. Béchade, Les Romans comiques de Charles Sorel. Fiction narrative, langue et langages, Genève, Droz, 1981, p. 289 sq.
-
[44]
D. Chouinard, « Charles Sorel (anti)romancier et le brouillage du discours », Études françaises, n° 14 (1?2), avril 1978, p. 68.
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[45]
H. Coulet, Le Roman jusqu’à la Révolution, Paris, A. Colin, 1967, p. 198.
-
[46]
Voir A. Pfersmann, « La lanterne magique du romanesque », dans A. Schaffner (dir.), Romanesques I. Récit d’enfance et romanesque, Amiens, Centre d’Études du Roman et du Romanesque, 2004, p. 13-61 ; republié par Vox poetica en février 2006 : http://www.vox-poetica.org/t/pfersmann.html.
-
[47]
Sorel, op. cit., t. III, p. 4.
-
[48]
Ibid., t. III, p. 6.
-
[49]
Voir W. Benjamin, Der Begriff der Kunstkritik in der deutschen Romantik, Gesammelte Schriften, éd. R. Tiedemann et H. Schweppenhäuser, vol. I. 1, Francfort, Suhrkamp, 1980, p. 69 et passim.
-
[50]
Sorel, op. cit., IIe partie, « Aduertissement aux lecteurs », t. II.
-
[51]
« Remarques sue le XIII. liure», ibid, p. 705/ 622.
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[52]
Au sujet de l’autocommentaire des poètes italiens de la Renaissance, on consultera Sh. Roush, Hermes’ Lyre. Italian Poetic Self-Commentary from Dante to Tommaso Campanella, Toronto/Buffalo/Londres, University of Toronto Press, 2002.
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[53]
Voir Fr. Redi, Bacco in Toscana, éd. C. Chiodo, Rome, Bulzoni, 1996, p. 77 sq. Cette édition illustre de façon spectaculaire le mépris de certains chercheurs, encore de nos jours, pour les notes auctoriales des poètes qu’ils prétendent éditer et, de façon plus grave, pour les règles élémentaires de la déontologie. Tout en affichant une prise en compte des annotazioni, « per la prima volta usate nel commento », l’éditeur se dispense de les reproduire pour mieux les piller textuellement, souvent sans recourir aux guillemets de rigueur. Le plagiat est pratiqué à grande échelle dans l’Introduzione du volume, qui pille également, mot pour mot, l’étude d’Enrica Micheli Pelligrini, Francesco Redi. Letterato e poeta, Firenze, Successori Le Monnier, 1911. L’ampleur du vol est telle qu’elle jette le discrédit sur toute l’édition.
-
[54]
Texte original : « e quel che più importa cum notibusse et comentaribusse » ; cité d’après E. Micheli Pellegrini, op. cit., p. 92.
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[55]
Trad. A. Pfersmann. Texte original : « Solamente mi pregò, che io gli facessi il servizio di qualche aggiunta nelle Annotazioni, ed io gliele feci e gli diedi alcune nuove annotazioncelle ed egli le ha ristampate con le altre mettendole ai loro propri luoghi » (lettre du 24 février 1691 à Guiseppe Lanzoni, citée d’après E. Micheli Pellegrini, op. cit., p. 93).
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[56]
Trad A. Pfersmann. Texte original : « P. 4. V. 15. Giovinezza. / Alcuni Gramatici hanno voluto dire, che la voce Giovinezza sia solamente delle Scritture moderne, e Giovanezza delle antiche. S’ingannarono. Dante stampato in Firenze dall’Academia della Crusca Purg. 20 / Per concurre ad onor la giovinezza. […] Potrei addure molti, molti esempli degli antichi Testi a penna. » (« Annotazioni di Francesco Redi Aretino Academico della Crvsca al ditirambo », Bacco in Toscana. Colle annotazioni accresciute, Florence, Piero Matini, 1691, p. 16).
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[57]
Voir supra, n. 52.
-
[58]
Trad. A. Pfersmann. Texte original : « Dell’Indico Oriente / Domator glorioso il Dio del Vino. / Molti Poeti Latini, e Greci hanno dato a Bacco il titolo di Domador dell’India, e con questo lo circoscrive Il Ronsardo nell Inno delle Lodi della Francia : / Plus qu’en nul lieu Dame Ceres la blonde, / Et le donteur des Indes i abonde. » (Fr. Redi, op. cit., p. 1).
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[59]
Postel fut le librettiste le plus prolifique de l’Opéra de Hambourg ; voir par exemple Die schöne und getreue Ariadne (musique de Johann Georg Conradi).
-
[60]
« Dunckle Erklärungen dieses Helden-Gedichts », dans Christian Wernickes Epigramme, éd. R. Pechel, Berlin, Mayer & Müller, 1909, p. 653.
-
[61]
Ibid., p. 545 : « Es würden auch diejenige ihre Mühe verlieren, die die angeführte Deutsche, Welsche, Englische, und Frantzösische Oerter den Hans Sachs betreffend, anderswo als in meinen Anmerckungen aufsuchen wolten. Welches aber bey denen nicht zu besorgen stehet, die so gleich im ersten Anblick verspüren werden, dass auch eben dieselbe nicht ohne ein gewisses Absehen geschrieben worden sind ».
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[62]
J. J. Bodmer, Sammlung Critischer, Poetischer und andrer geistvoller Schriften, Zur Verbesserung des Urtheils und des Wizes in den Wercken der Wolredenheit und der Poesie, Zürich, Orell, 1741-1744, t. I, p. 132 sq. : « Diese Erklärungen zielen auf die Postelschen Vorreden u. Anmerkungen zu seinen Singspielen, item zu seiner Juno, wo er aus allen Sprachen ähnliche Vorstellungen, Nachahmungen, Beschreibungen, Alterthümer, zusammengetragen, womit er unleugbar eine weitläuftige Belesenheit gezeiget, der es aber an einem ordnenden Verstande gefehlet hat, sie auf eine geschickte und angenehme Weise zu gebrauchen. Er hat meistentheils nur Stellen auf Stellen, ohne daß er etwas von dem seinigen dazugethan, weil er zu wenig Tüchtigkeit besessen, das innre Wesen davon zu beurtheilen, und den Werth einer jeden Stelle in Vergleichung der andern nach der besondern Absicht bey jeder zu bestimmen und auszumachen. Dazu kömmt, daß er sie zu seinen Opern angehängt hat, deren Leser zu dergleichen gelehrten Kram keinen Magen hatten. »
Prudent, Bodmer estime toutefois que Wernicke a exagéré dans ses sarcasmes à l’encontre des notes de Postel qui auraient le mérite d’indiquer aux lecteurs allemands éclairés la trace des Anciens. -
[63]
Christian Wernickes Epigramme, op. cit., p. 563 sq. : « Diss war Hans Sachs gewahr.) Wo es dem Leser nicht allbereit bekannt ist, so wird ihm hiemit zu wissen gethan, dass Hans Sachs ein berühmter Schuster und Pritschmeister in Deutschland gewesen, welcher mit Verwunderung nicht allein Schuhe, sonder auch Füsse zu machen gewusst : Wie solches nicht allein der Grossmächtige Gregorio Leti in seinem Coglione, davon er in Parenthesi ein gantz Buch geschrieben, mit diesen Worten klar und hell dargethan : Vaglia il vero, il più grand [sic] Coglione che si sia mai trovato fra i Poetastri nella terra Tedescha, fù il chiamato Hans Sachs, und wie die Worte ferner lauten; sondern auch unser eigner Landsmann […] der unvergleichliche Stephen Hartopf in seinem nunmehro nicht mehr zu bekommenden Gedichte von der Marcketenterey mit diesen Worten bezeuget :
Ein feines Knäblein Hans Sachs war,
Der Gänse-Federn braucht, und auch zugleich Schweinshaar; […]
Welche schöne und fürtreffliche Verse der in den Uhralten deutschen Gedichten wollerfahrne und gelehrte Frantzoss, Jerome des Flibustiers Seigneur de la Rodomontade also übersetzet :
Moy Jerome, etc. » -
[64]
Ibid., p. 564 sq. : « Also scheint es, dass der hochtrabende Italiäner Cusa ein gantz Buch de docta ignorantia geschrieben. Wie nun diesen letztern Stelpo in einer gewissen Vorrede cum elogio citiret; also erhellet es aus dessen Schriften, dass er ein eyfriger Fortplantzer dieser unwissenden Gelartheit, oder gelahrten Unwissenheit sey. Sintemahl dieselbe am besten durch ungeheure Worte die man nicht verstehet, begriffen wird ».
On ose à peine rappeler que le théologien Nicolas de Cues (1401-1464), de son vrai nom Nikolaus Krebs, était allemand et non pas italien. L’appartenance nationale qu’on lui attribue de façon erronée indique-t-elle que le pédantisme est alors perçu, en Allemagne, comme une spécialité italienne ? La « docte ignorance » abordée par Cues dans son célèbre traité n’est rien d’autre que la reconnaissance de notre ignorance ou des limites humaines de la connaissance. -
[65]
Chr. Fr. Hunold, Der thörichte Pritschmeister Oder Schwermende Poete In einer lustigen Comoedie […], Coblence, Marteau, 1704. Hunold a été récemment tiré de l’oubli par Jens-Fietje Dwars, Leben und Werk des vormals berühmten Christian Friedrich Hunold alias Menantes, Bucha, Quartus, 2005.
-
[66]
A. Martino, Daniel Casper von Lohenstein. Geschichte seiner Rezeption, trad. H. Streicher, Tübingen, Max Niemeyer, 1978, p. 234. Éd. originale : Daniel Caspar von Lohenstein. Storia della sua ricezione, Pisa, Athenaeum, 1975.
-
[67]
Voir J. J. Bodmer, op. cit., t. 2, p. 115-137.
-
[68]
Ibid., p. 121 : « eine vollkommene Wissenschaft der Welt, derer Gebräuche, Sitten und Sprachen sich an Höfen erworben haben ». Gunter Grimm fait justement remarquer que c’est des cours allemandes, et non de la bourgeoisie, que Wernicke attend un renouvellement de la littérature allemande (Literatur und Gelehrten in Deutschland. Untersuchungen zum Wandel ihres Verhältnisses vom Humanismus bis zur Frühaufklärung, Tübingen, Niemeyer, 1983, p. 537 sq.).
-
[69]
Voir M. Plaisance, « Réécriture et écriture dans les deux commentaires burlesques d’Antonfrancesco Grazzini », dans Réécritures : commentaires, parodies, variations dans la littérature italienne de la Renaissance, Paris, Université de la Sorbonne Nouvelle, 1983-1987, t. I, p. 185-223 ; A. Corsaro et P. Procaccioli (dir.), Cum notibusse et commentaribusse : l’esegesi parodistica e giocosa del Cinquecento, Manziana, Vecchiarelli, 2002 ; D. Romei et alii (éd.), Ludi esegetici, Manziana, Vecchiarelli, 2005.
-
[70]
Voir Fr. Berni, Poesie e prose, éd. Ezio Chiòrboli, Genève et Florence, Olschki, 1934, p. 205 ss et Guilio Ferroni, « Les genres comiques dans les commentaires », in Les Commentaires et la naissance de la critique littéraire. France/Italie (XIVe-XVIe siècle), G. Mathieu-Castellani et M. Plaisance éd., Paris, Aux Amateurs de livres, 1990, p. 67.
-
[71]
Je reprends le terme choisi par Bayle qui cite des extraits de ce commentaire à l’article « Molsa » (Remarque E) de son Dictionnaire historique et critique, sans me cacher que cette traduction ne résout pas le problème de l’ambiguïté polysémique du terme ficata (« bêtise ») qui renvoie à la figue (italien fico), mais aussi à la signification symbolique de ce fruit censé représenter le sexe féminin (italien fica).
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[72]
Voir Fr. Titelmans, Commentarii doctissimi in Cantica canticorum Salomonis, aeditione prima (recenti quidem) emendatiores, authore fratre Francisco Titelmanno, Paris, J. Roigny, 1547.
-
[73]
On ne peut que renvoyer ici à l’article « Satire » de l’Encyclopédie, dû au chevalier de Jaucourt, ainsi qu’aux études modernes sur la satire des Lumières, assez bien documentée aujourd’hui : J. Brummack, art. « Satire », Reallexikon der deutschen Literaturgeschichte, dir. P. Merker et W. Stammler, Berlin / New York, de Gruyter, 1958-1984, t. 3, p. 601-614 ; M. Tronskaja, Die deutsche Prosasatire der Aufklärung, Berlin, Rütten & Loening, 1969 ; J. N. Schmidt, Satire : Swift und Pope, Stuttgart, Kohlhammer, 1977 ; H. D. Weinbrot, Eighteenth-Century Satire : essays on text and context from Dryden to Peter Pindar, Cambridge University Press, 1988 ; R. Seibert, Satirische Empirie : literarische Struktur und geschichtlicher wandel der Satire in Spätaufklärung, Würzburg, Königshausen & Neumann, 1981 ; H. Kämmerer, « Nur um Himmels willen keine Satyren… ». Deutsche Satire und Satiretheorie des 18. Jahrhunderts im Kontext von Anglophilie, Swift-Rezeption und ästhetischer Theorie, Heidelberg, Winter, 1999 ; A. Kosenina, Der gelehrte Narr. Gelehrtensatire seit der Aufklärung, Göttingen, Wallstein, 2003.
-
[74]
Sur la parenté entre le burlesque et la satire, voir S. Duval et M. Martinez, La Satire, Paris, A. Colin, 2000, p. 154 sq. Claudine Nédélec montre très bien que le satirique et le burlesque sont fréquemment associés, sans l’être toujours nécessairement : Les États et empires du burlesque, Paris, Champion, 2004, p. 239 sq.
-
[75]
J. Swift, Le Conte du tonneau, éd. et trad. G. Lemoine, Paris, Aubier-Montaigne, 1980, p. 116. Texte original : « But satire being levelled at all is never resented for an offence by any, since every individual person makes bold to understand it of others, and very wisely removes his particular part of the burden upon the shoulders of the world, which are broad enough and able to bear it » (A Tale of a Tub and Other Works, éd. A. Ross et D. Woolley, Oxford, Oxford University Press, 1999, p. 23). Toutes nos citations ultérieures renvoient à ces deux éditions.
-
[76]
Ibid., p. 83. Texte anglais : « Thus prepared, he thought the numerous and gross corruptions in Religion and Learning might furnish matter for a satire that would be useful diverting. […] The abuses in Religion he proposed to set forth in the Allegory of the Coats and the three Brothers, which was to make the body of the discourse. Those in Learning he chose to introduce by way of digressions » (p. 2).
-
[77]
Ibid., p. 180. Texte anglais : « I claim an absolute authority in right, as the freshest modern, which gives me a despotic power over all authors before me » (p. 62).
-
[78]
Ibid., p. 154. Texte anglais : « These have with unwearied pains made many useful searches into the weak side of the ancients, and given us a comprehensive list of them* » ; « *See Wotton of Ancient and Modern Learning » (p. 46).
-
[79]
Pour l’histoire du texte de Swift, on se reportera à l’édition, déjà ancienne, de Guthkelch et Smith, qui reproduit notamment le texte de Wotton et la Clé de Curll : A Tale of a Tub, éd. A.C. Guthkelch et D. Nichol Smith, Oxford, Clarendon Press, 1958.
-
[80]
Le Conte du tonneau, éd. cit., p. 110. Texte anglais : « That seamen have a custom when they meet a whale, to fling him out an empty tub by way of amusement, to divert him from laying violent hands upon the ship » (p. 18).
-
[81]
Trad. A. Pfersmann. Texte anglais : « It is so perfect a Grub-street-piece, it will be forgotten in a week » (Lettre à Benjamin Tooke, 29 juin 1710, The Correspondence of Jonathan Swift, éd. H. Williams, Oxford, Clarendon Press, 1963-1965, t. I, p. 165).
-
[82]
Une clé complète du Conte du tonneau, avec quelques indications sur les auteurs, l’occasion et le dessein ayant présidé à son écriture, et un examen des remarques de Mr. Wotton.
-
[83]
Trad. A.Pfersmann. Texte anglais : « Inclose I have sent the Key, and think it would be much more proper to add the notes at the bottom of the respective pages they refer to, than printing them at the and and by themselves » (Lettre à Benjamin Tooke, 29 juin 1710, éd. cit., p. 166).
-
[84]
Le Conte du tonneau, éd. cit., p. 163. Texte anglais : « By his whispering-office of the relief of eavesdroppers, physicians, bawds, and privy-councillors, he ridicules auricular confession ; and the priest who takes it, is described by the ass’s head. W. WOTTON » (p. 51).
-
[85]
Ibid., p. 137. Texte anglais : « X By his coats which he gave his Sons, the Garments of the Israelites. W. WOTTON. An Error (with Submission) of the learned Commentator; for by coats are meant the Doctrine and Faith of Christianity, by the Wisdom of the Divine Founder fitted to all times, places and circumstances. LAMBIN » (p. 34).
-
[86]
Ibid., p. 216. Texte anglais : « I cannot conjecture what the author means here, or how this chasm could be filled, thought it is capable of more than on interpretation » (p. 87).
-
[87]
Ibid., p. 224. Texte anglais : « Therefore, the thrue illuminateda (that is to say the darkest of all) have met with such numberless commentators, whose scholiastic midwifery hath delivered them of meanings that the authors themselves perhaps never conceived, and yet may very justly be allowed the lawful parents of themb » (p. 90).
-
[88]
« Nothing is more frequent than for Commentators to force interpretations, which the authors never meant » (ibid.).
-
[89]
Voir J.-P. Forster, « Swift and Wotton : the unintended mousetrap », Swift Studies, n° 7, 1992, p. 24.
-
[90]
Trad. A. Pfersmann. Texte anglais : « The number of these Sons born thus at one Birth, looks asquint at the TRINIT, and one of the Books in our Author’s Catalogue in the Off-page over-against the Title, is a Panegyric upon the Number THREE, which Word is the only one that is put in Capitals in that whole Page. » (Wotton, A Defense of the Reflections upon Ancient and Modern Learning, dans Swift, A Tale of a Tub, éd. A. C. Guthkelch et D. Nichol Smith, op. cit., p. 317).
-
[91]
Le Conte du tonneau, éd. et trad. Georges Lemoine, p. 86.
-
[92]
Ibid., p. 111.
-
[93]
« Lettre XXII sur M. Pope et quelques autres poètes fameux », Lettres philosophiques (1733), dans Voltaire, Mélanges, éd. J. Van den Heuvel, Paris, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », 1961, p. 1394 (passage intercalé à partir de 1756).
-
[94]
Voir Fr. Palmeri, « The satiric footnotes of Swift and Gibbon », in The Eighteenth Century, vol. 31, automne 1980, p. 245-262 ; E. Zimmermann, Swift’s Narrative Satires. Author and authority, Ithaca / Londres, Cornell University Press, 1983.
-
[95]
Voir ibid., p. 258.
-
[96]
A Tale of a Tub et The Dunciad sont considérés par William Kinsley comme « les deux grands “mock-books” du XVIIIe anglais », genre qu’il définit comme « une parodie de la forme du livre ou du livresque » (« Le “mock-book” », Études françaises n° 18/2, p. 42-60). Cf. H. Weinbrot, « The Dunciad as notable poem », dans Menippean satire reconsidered : from antiquity to the eighteenth century, Baltimore, Johns Hopkins University Press, 2005, p. 251-273.
-
[97]
Voir l’introduction de James Sutherland à son édition de The Dunciad, Londres / New Haven, Methune / Yale University Press, 19633.
-
[98]
Voir J. Swift, Correspondance avec le Scriblerus Club, trad. D. Bosc, Paris, Allia, 2005, p. 21 sq. Dans son introduction, D. Bosc rappelle que Scriblerus vient « de l’anglais scribler : griffoneur, gratte-papier, écrivassier ».
-
[99]
Les Memoirs of the extraordinary life, works and discoveries of Martinus Scriblerus parurent pour la première fois en 1741, dans le tome III des Œuvres de Pope.
-
[100]
Voir Devine si tu peux, ou Discours prononcé dernierement dans une assemblée de Franc-maçons, pour la réception de Messieurs***, par M.*** orateur de la loge. Avec les notes & les observations du chevalier Scriblerus, Londres [recte : Paris], 1744.
-
[101]
Œuvres complètes de Boileau, Genève, Fabri et Barrillot, 1716, 2 vol.
-
[102]
Voir J. McLaverty, « The Mode of Existence of Literary Works of Art : The Case of the Dunciad Variorum », Studies in bibliography, vol. 37, 1984, p. 99 sq. Un des aspects extrêmement critiquables de l’édition de J. Sutherland est la suppression de cette distinction voulue par Pope : voir « Note on the texte », The Dunciad, éd. cit., p. 3.
-
[103]
Trad. A. Pfersmann. Texte original : « suffered to step into the world naked, unguarded, and unattended » (« A letter to the publisher », The Dunciad in four books, dans Alexander Pope, Poetical Works, éd. H. Davis et P. Rogers [1966], Oxford /New York, Oxford University Press, 1989, p. 430). Le texte de Pope sera cité d’après cette édition, plus lisible que celle de J. Sutherland qui tombe dans le piège du poète en intégrant ses propres commentaires aux notes d’origine.
-
[104]
J. Swift, Correspondance avec le Scriblerus Club, éd. cit., p. 236. Texte original : « I have often run over the Dunciad […]. The Notes I could wish to be very large, in what relates to the person concerned ; for I have long observed that twenty miles from London no body [sic] understands hints, initial letters, or town-facts and passages : and in a few years not even those who live in London. I would have the names of those scriblers printed indexically at the beginning or end of the Poem, with an account of their works, for the reader to refer to. I would have all the Parodies (as they are called) refered to the authors they imitate. […] I am sure it will be a great disadvantage to the poem, that the persons and facts will not be understood, till an explanation comes out, and a very full one » (The Correspondence of Jonathan Swift, éd. cit., t. III, p. 293).
-
[105]
Correspondance avec le Scriblerus Club, éd. cit., p. 234 (trad. modifiée). Texte original : « The Dunciad is going to be printed in all pomp […]. It will be attended with Proeme, Prolegomena, Testimonia Scriptorum, Index Authorum, and Notes Variorum. As to the latter, I desire you to read over the Text, and make a few in any way you like best, whether dry raillery, upon the style and way of commenting of trivial Critics ; or humorous, upon the authors in the poem ; or historical, of persons, places, times ; or explanatory ; or collecting the parallel passages of the Ancients » (The Correspondence of Jonathan Swift, éd. cit., t. III, p. 103).
-
[106]
Voir l’introduction de J. Sutherland à son édition, op. cit., p. xxiii.
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[107]
Voir A. L. Williams, Pope’s Dunciad. A Study of its Meaning, Londres, Methuen, 1955, p. 77 et passim.
-
[108]
Trad. A. Pfersmann. Texte original : « The DUNCIAD, sic MS. It may well be disputed whether this be a right reading : Ought it not rather to be spelled Dunceiad, as the Etymology evidently demands ? Dunce with an e, therefore Dunceiad with an e. » (The Dunciad in four books, éd. Herbert Davis, op. cit., p. 470).
-
[109]
Trad. A. Pfersmann. Texte original : « Though I have as just a value for the letter E, as any Grammarian living, and the same affection for the Name of this Poem as any Critic for that of his Author ; yet cannot it induce me to agree with those who would add yet another e to it, and call it the Dunceiade ; which being a French and foreign termination, is no way proper to a word entirely English, and vernacular. One e therefore in this case is right, and two e’s wrong. Yet upon the whole I shall follow the Manuscript, and print it without any e at all ; moved thereto by Authority (at all times, with Critics, equal, if not superior to Reason) » (ibid., p. 471).
-
[110]
Œuvres diverses de Pope, trad. É. de Joncourt, Amsterdam et Leipzig, Arkstee & Merkus, 1758, t. III, p. 311 (trad. modifiée). Texte original : « Before them march’d that awful Aristarch ; / Plow’d was his front with many deep Remark » (The Dunciad in four books, éd. Herbert Davis p. 560). Rappelons que dans son Épître aux Pisons, Horace rend hommage à la critique impitoyable d’Aristarque (v. 450).
-
[111]
Œuvres diverses de Pope, éd. cit., p. 314 sq. (trad. modifiée et complétée). Texte original : « For thee explain a thing till all men doubt it, / And write about it, Goddess, and about it […] With the same Cement, ever sure to bind, / We bring to one dead level ev’ry mind » (ibid, p. 564).
-
[112]
Trad. A. Pfersmann. Texte original : « But there is on general Method […] and that is AUTHORITY, the universal Cement, which fills all the cracks and chasms of lifeless matter, shuts up all the pores of living substance, and brings all human minds to one dead level » (ibid., p. 564).
-
[113]
J. Mc Laverty (loc. cit.) a probablement raison d’estimer que Pope suit, là encore, le modèle de l’édition des Œuvres de Boileau établie par Brossette. Un des aspects extrêmement critiquables de l’édition de The Dunciad par J. Sutherland est précisément la suppression de cette distinction entre Imitations et Remarks, voulue par Pope.
-
[114]
Trad. A. Pfersmann. Texte original : « It is no easy Task to make something out of a hundred Pedants that is not Pedantical; yet this he must do, who would give a tolerable Abstract of the former Expositors of Homer » (A. Pope, The Iliad of Homer. Books I-IX, éd. M. Mack, Londres/New Haven, Methuen et Yale University Press, 1967, p. 82). Comme l’a montré, en son temps, E. Audra, Pope a pillé sans vergogne dans son édition les remarques de Mme Dacier : voir L’Influence française dans l’œuvre de Pope, Paris, Champion, 1931, p. 290 sq.
-
[115]
Trad. A. Pfersmann. Texte original : « Those Loads of Prose Rubbish, wherewith you have almost smother’d your Dunciad » (C. Cibber, A letter from Mr. Cibber, to Mr. Pope, Inquiring into the Motives that might induce him in his Satyrical Works, to be so frequently fond [sic] of Mr. Cibber’s Name [1742], éd. H. Koon, Los Angeles, William Andrews Clark Memorial Library / University of California, 1973, p. 9). Voir Cl. Rawson, « Heroic Notes : Epic Idiom, Revision and the Mock-Footnote from the Rape of the Lock to the Dunciad », Proceedings of the British Academy, n° 91, p. 69-110.
-
[116]
Trad. A. Pfersmann. Texte original : « A better Poem of its Kind than ever was writ » ; « Those vain-glorious encumbrances of Notes, and Remarks, upon almost every Line of it » (ibid.).
-
[117]
« Without your own commendatory Notes upon them » (ibid., p. 10).
-
[118]
« He begins it thus, / “When I find my Name in the Satyrical Works of this Poet,” &c. / But I say, – / “When I, therefore, find my Name, at length, in the Satyrical Works of our most celebrated living Author” » (ibid., p. 54).
-
[119]
« Because you have often suffer’d your Friend Scriblerus (that is yourself) in your Notes to make you Compliments of y much higher Nature » (ibid., p. 55).
-
[120]
Voir The Dunciad in four books, éd. H. Davis, op. cit., p. 586.
-
[121]
Voir W. Kinsley, « The Dunciad as Mock-Book », dans Pope : Recent Essays by Several Hands, p. 723 ; cité par G. D. Atkins, Quest of Difference : Reading Pope’s Poems, The University Press of Kentucky, 1986, p. 158.
-
[122]
Réédition augmentée en 1771 sous le titre La Dunciade, poème en dix chants.
-
[123]
Voir la préface d’Henri Duranton : Saint-Hyacinthe, Le Chef-d’œuvre d’un Inconnu, éd. H. Duranton, Paris/Saint-Étienne, CNRS-Publications de l’Université de Saint-Étienne, 1991, p. 12 sq. Dans l’édition qu’il a établie au début du XIXe siècle, X. Leschevin a répertorié les principales imitations du texte : voir Le Chef-d’œuvre d’un inconnu. Neuvième édition, par X. Leschevin, Paris, Imprimerie bibliographique, 1807, p. 423 sq.
-
[124]
Cl. Lelouch analyse ce portrait d’autant plus inhabituel que, dans la seule édition originale, le visage de l’auteur supposé était tourné vers la gauche et non pas vers la page de titre (« Le Chef-d’œuvre d’un inconnu de Saint-Hyacinthe », Littératures classiques, n° 37, automne 1999, p. 193).
-
[125]
Le Chef-d’œuvre d’un inconnu, éd. H. Duranton, p. 14.
-
[126]
Ibid., p. 142.
-
[127]
Ibid.
-
[128]
Journal littéraire, sept.-oct. 1714, t. V, Ière partie, La Haye, Gosse, 1723, p. 69-70.
-
[129]
Ibid.
-
[130]
Cité d’après la biographie d’É. Carayol, Thémiseul de Saint-Hyacinthe (1684-1746), Oxford, The Voltaire Foundation, 1984, p. 47.
-
[131]
Voir infra l’article de J. Dürrenmatt.
-
[132]
Voir A. Gaillard, « Le Chef-d’œuvre d’un inconnu de Thémiseul de Saint-Hyacinthe (1714) : Folie raisonnante », dans Folies romanesques au siècle des Lumières, R. Démoris et H. Lafon éd., Paris, Desjonquères, 1998, p. 288.
-
[133]
Saint-Hyacinthe, Le Chef-d’œuvre d’un inconnu, éd. cit., p. 92.
-
[134]
[Abbé Du Revest], Histoire de Mr. Bayle et de ses ouvrages par Mr. de la Monnaye. Nouvelle édition, Amsterdam, Desbordes, 1716, p. 392 et 428.
-
[135]
Ibid., p. 520-521.
-
[136]
Auteur oublié d’un Nouveau Recueil de pièces fugitives d’histoire, de littérature, etc, Paris, Lamesle, 1717.
-
[137]
[Antoine Gachet d’Artigny], Relation de ce qui s’est passé dans une assemblée tenue au bas Parnasse, pour la réforme des belles lettres, ouvrage curieux et composé de pièces rapportées, selon la méthode des beaux esprits de ce tems, La Haye, P. Paupié, 1739, p. 123.
-
[138]
Ibid., p. 126.
-
[139]
Ibid., p. 127 sq.
-
[140]
[Jakob Friedrich Lamprecht], Der Stundenrufer zu Ternate, aus dem Französischen des Herrn Julien Scopon übersetzt und mit critischen, philologischen, historischen, moralischen, physicalischen etc. Anmerkungen vermehret und folglich verbessert, Bamberg, 1739, p. 26.
-
[141]
Ibid., [p. 52].
-
[142]
Ibid., p. 3 sq.
-
[143]
« Ihr Herrn Männer fasset Muth / Denkt an des Ehestandes Pflichten ! / Izt ist es Zeit euch aufzurichten. » ; « n) Aufzurichten. Durch dieses Aufrichten versteht der Stundenrufer nicht das Aufrichten der Hände oder der Füsse. PAITHNERUS » (ibid., p. 15).
-
[144]
Voir G. W. Rabener, Von dem Mißbrauch der Satire, Sämtliche Werke, éd. Ernst Ortlepp, Stuttgart, Scheible, 1839, p. 54-86.
-
[145]
« Vernünftige Bürger zu schaffen » (ibid., p. 62).
-
[146]
M. Tronskaja, Die deutsche Prosasatire der Aufklärung, op. cit., p. 63.
-
[147]
« Wenn ich meine Worte auf eine ungefähre Art verknüpfe; so muß ich sie auch mit allen nur ersinnlichen Anmerkungen auszieren, damit die Belesenheit des Verfassers in die Augen falle. […] Diese Anmerkungen müssen aus vielerley Sprachen bestehen » (Rabener, Von der Vortrefflichkeit der Glückwunschschreiben, Satiren, Leipzig, J.G. Dyk, 1761, p. 61).
-
[148]
« Herr Prof. Kehr in Peterburg hat mir eine auserlesene Sammlung von Noten in ausländischen, und bey uns ganz unerhörten Sprachen versprochen. Es ist mir verdrießlich, daß er in Erfüllung seines Versprechens so saumselig ist » (ibid., p. 65).
-
[149]
« Anmerkungen heissen diejenige Zeilen, welche der Buchdrucker unter den Text setzt. Mit diesem haben sie keine Verbindung weiter, als daß sie auf eben der Seite stehen, oder wofern der Raum dieses nicht zulassen will, wenigstens sich allemal auf diejenige Seite beziehen, wo die Worte des Textes zu finden sind. Besonders zweyerley wird dabey erfodert. Sie müssen in die Augen fallen, und unerwartet seyn. Jenes geschieht, wenn man sagt, was andre schon gesagt haben, oder kunstmässig zu reden, wenn man die Alten und Neuen fein häufig anführt, und die Gelehrten, welche gegen die alle vier Winde wohnen, citiert. Das Unerwartete hingegen besteht darinnen, wenn ich Sachen sage, welche kein Mensch in meinen Anmerkungen suchen würde : Im Texte steht das Wort, Cicero, und in der Anmerkung untersuche ich die Frage: Ob Nebukadnezar auch wirklich Gras gefressen habe, wie ein Vieh ? » (Rabener, Noten ohne Text, Sammlung satyrischer Schriften, Karlsruhe, 1779, t. II, p. 128).
-
[150]
« […] daß bei einem dergleichen Buche des Herrn Verfassers Noten allemal das vornehmste und wichtigste sind, der Text selbst aber nur etwas zufälliges, wenigstens von der Erheblichkeit lange nicht ist, als die angehängten Noten. Ich beziehe mich auf die Vorreden, so man vor diesen Bücher findet, und worinnen mein Satz allemal, nur auf verschiedene Weise, behauptet ist. Einem solchen Verfasser würde es daher gleichviel gelten, wenn der Text auch gar untergienge. Nur um seine Noten darf die Nachwelt nicht kommen. » (ibid, p. 118).
-
[151]
« Diese Betrachtung hat mich zu dem Entschlusse gebracht, Noten zu schreiben, ohne um einen Text besorgt zu seyn, da dieser, wie gedacht, ohnedem nur ein Nebenumstand bey einem Buche ist. […] Allen meinen Enkeln will ich es anrathen: Noten sollen sie machen ! Und, wollen sie es hoch bringen, wie ihr Großvater, so machen sie Noten ohne Text ! Ein Sache, welche, ausser mir, wohl noch kein Teutscher gewagt hat. » (ibid, p. 199).
-
[152]
« […] der Himmel verdammt hat, ein Autor zu seyn » (ibid., p. 17).
-
[153]
« Ich wäre nicht werth, daß ich ein Autor hiesse, wenn ich bey diesen Anmerkungen die Absicht gehabt hätte, den eigentlichen Verstand des Textes zu erklären, oder zu erläutern, zu geschweigen, daß vielmals ein Text keinen eigentlichen Verstand hat » (ibid., p. 129).
-
[154]
En français dans le texte (ibid. p. 120).
-
[155]
M. Foucault, Les Mots et les choses, Paris, Gallimard, 1966, p. 94.
Et jamais en un mot, aucun commentateur
N’a si bien pénétré l’esprit de son auteur.
1L’étude du débat suscité par les notes rédigées par les écrivains eux-mêmes nous a montré qu’elles expriment, chez les poètes du XVIIe siècle, l’adhésion à l’idéal du poeta doctus issu de la Renaissance italienne. Lorsqu’ils commentent, en marge, leurs propres textes, Ben Jonson et Lohenstein, La Ceppède et Francesco Redi agissent en héritiers lointains de Dante, Pétrarque et Laurent de Médicis. En glosant leurs choix linguistiques et onomastiques, en expliquant leurs figures de style, leurs références historiques, philosophiques et mythologiques, ils légitiment par l’érudition l’expression poétique en langue vulgaire, et recherchent par le biais de la connaissance la faveur des princes et la reconnaissance des élites sociales. Nous devons à Ben Jonson un témoignage éloquent de cette symbiose entre poètes savants et haute aristocratie. Avec ses masques et autres divertissements princiers à grand spectacle, le rival de Shakespeare sait amuser la cour. Publié en 1609, le Masque of Queens propose le texte de la pièce et une annotation érudite de sa main. Sur l’exemplaire qu’il offre à la reine Anne, Ben Jonson ajoute une dédicace autographe où il explique pourquoi il a choisi de placer son texte sous le haut patronage du prince Henry, dédicataire de la version imprimée :
Je l’ai choisi lui, parce que c’est le plus proche de votre Personne sacrée […]. D’autant plus que ce fut Son Altesse qui m’ordonna d’ajouter ce second travail d’annotation à mon premier d’Invention, tous les deux à la gloire de Votre Majesté. [1]
3En exhibant les modèles dont ils se sont inspirés, les auteurs témoignent également d’un certain rapport à l’Antiquité quand ils ne font pas allégeance, pour les sujets sacrés, à la Bible et aux Pères de l’Église. On peut dire qu’ils légitiment leur travail par un recours aux autorités. C’est ce recours aux autorités, que l’annotation parodique et la satire de l’érudition auront beau jeu dès les premières années du XVIIIe siècle de tourner en dérision, qu’on se propose d’examiner. Le commentateur et celui que Rabener appellera l’autonotiste deviennent l’incarnation du pédant. Bien entendu, la dénonciation du pédantisme n’est pas une invention des Lumières. Avant de critiquer à son tour l’outrecuidance du pédant qui n’a pas assimilé les auteurs de l’Antiquité dont il fait étalage, Montaigne rappelle dans Les Essais qu’enfant il était « despité […] de voir és comédies Italiennes toujours un pedante pour badin et le surnom de magister n’avoir guiere plus honorable signification parmy nous [2] ». Son témoignage est éloquent quant au mauvais rôle que des pièces comme Il Pedante (1529) de Francesco Belo réservent alors au régent, au pédagogue chargé de transmettre l’héritage, grec et latin en particulier. Der junge Gelehrte (Le Jeune savant, 1754) de Lessing sera un avatar tardif de cette représentation peu flatteuse qui reflète une misère très ancienne de l’intellectuel et du pædagogus mercenarius, obligé de vendre ses services aux puissants. Alors même que l’étude savante des textes anciens connaît, avec l’humanisme, un renouvellement sans précédent, le grammaticus est déjà le prototype du pédant raillé chez Rabelais. Dans les Ragguagli de Trajano Boccalini, « les pédants, les épistoliers et les commentateurs [3] » irritent à ce point Apollon que seule l’intervention de Quintilien empêche leur expulsion du Parnasse. Wilhelm Kühlmann a montré comment les critiques de Montaigne deviendront des lieux communs d’une importante littérature satirique qui insiste, de la Renaissance aux Lumières, sur la contradiction entre l’autoaffirmation du pédant, convaincu de sa supériorité intellectuelle et la réalité de son statut social [4]. Avec l’avènement de l’honnête homme qui les marginalise définitivement, les savants les plus illustres ne veulent plus ressembler au pédant qui incarne à leurs yeux une approche archaïque, néo-scolastique et socialement déclassée des choses de l’esprit : l’apologie de l’abbé Massieu en témoigne clairement [5]. Il est significatif que sa « défense et illustration » des notes intervienne dans le sillage de la Querelle des Anciens et des Modernes. Dans la mesure où la Querelle ne concerne pas seulement la supériorité ou l’infériorité relative des auteurs de l’Antiquité, mais tout autant l’usage qu’il convient de leur réserver, les modalités de la traduction et de l’exégèse deviennent des enjeux importants du débat public, dont la satire de l’érudition ne tardera pas à s’emparer. Longtemps focalisée sur le personnage du pédant, sur son caractère autoritaire et sa cuistrerie, elle découvre au début du XVIIIe siècle la forme de l’apparat critique.
4Réaction contre les scoliastes, mais aussi contre un certain usage de la tradition, la satire de l’érudition ainsi pratiquée est indissociable de cette révolution des mentalités que Paul Hazard appelait « la crise de la conscience européenne [6] » et qui coïncide, selon Gérard Leclerc, avec un « tournant majeur » de la critique de l’autorité, entre 1680 et 1720 [7]. Évoquer le passage de l’(auto)commentaire savant à sa caricature ludique et le sort qu’ils réservent à l’autorité suppose une rapide réflexion préalable sur cette notion.
La notion d’autorité
5Dans sa Table d’orientation, Jean Starobinski écarte l’autorité politique pour envisager « l’ensemble des systèmes d’autorité dans lesquels l’écrivain est partie prenante ». Ce qui a longtemps prévalu au niveau de l’écriture, c’est un premier type d’autorité qu’il décrit ainsi :
L’autorité, c’est l’instance religieuse, morale, ou intellectuelle, c’est l’exemple ou le précédent dont l’écrivain se réclame ou s’autorise pour ce qu’il entreprend, pour le genre, le style, le ton, le système des images et des valeurs linguistiques qu’il adopte. D’une telle autorité, l’écrivain commence par se reconnaître tributaire. En la nommant ou sans la nommer, il la sert, il s’y soumet. Ce fut souvent une « autorité de commandement » : le dogme religieux, la croyance collective, la règle impérative. [8]
7Cette autorité, antérieure à la parole de l’écrivain, a un poids déterminant jusqu’à la Renaissance, voire jusqu’à la fin du XVIIe siècle, notamment dans la sphère religieuse. « Auctoritas : id est sententia digna imitatione [9]. » C’est ainsi que Hugutius Pisanus et le Moyen Âge définissaient l’autorité. La sentence est digne d’imitation parce qu’elle émane d’une autorité, d’un texte ou d’un auteur susceptibles de garantir l’orthodoxie de l’énoncé :
Le terme d’auctoritas va s’appliquer aussi bien au poids intellectuel des Classiques dans la culture profane qu’à celui des Écritures dans le savoir sacré. L’autorité, c’est le texte faisant autorité, digne de créance, voie obligée vers la vérité. L’autorité, c’est aussi l’auteur du texte ainsi sélectionné pour son poids de créance : le grand nom, le nom d’auteur qui revient sans cesse dans l’énonciation comme garant de sa vérité. [10]
9On sait que l’exégèse médiévale suppose l’autorité incontestée des auctoritates. Ces sentences, ces idées, souvent dues aux Pères de l’Église et extraites de leur contexte, constituaient la substance des marges qui encadrent, dans le manuscrit médiéval, les Saintes Écritures et en commandent l’interprétation. Le commentaire et les autorités sont ainsi indissociablement liés dans l’histoire de l’herméneutique occidentale. Aucune Bible glosée n’est imaginable sans que saint Augustin et Tertullien, sans que les docteurs de l’Église ne soient cités à l’appui de la lecture proposée. Les Pères peuvent se contredire et la lectio conduire à la quæstio. Mais l’essor, plus tardif, de la disputatio [11], où la confrontation des autorités et le débat ritualisé se substituent à la lecture paraphrasante, ne signifie nullement la disparition de l’exégèse, confrontée aux nouveaux défis de la critique textuelle [12].
10Si les autorités sont convoquées dans le commentaire, c’est inversement le commentaire qui transforme un texte en autorité. C’est ainsi que Marie-Madeleine Fragonard et François Lecercle expliquent le nombre et le succès des commentaires de Pétrarque :
La raison de cette mode est évidente : le commentaire devient la sanction d’un statut d’auctoritas – et Pétrarque devient véritablement l’égal de Virgile et d’Homère du moment qu’il reçoit les mêmes attentions philologiques qu’une longue tradition scolaire prodiguait aux auteurs anciens. [13]
12Il est possible que l’autocommentaire, depuis Dante, vise précisément cet objectif : imposer sur son propre texte le regard qu’on porte généralement sur les classiques et l’élever ainsi au rang d’autorité, tout en donnant au texte profane la même autorité que le texte sacré avait acquise avec la glose.
13« La crise de l’autorité [14] » commence avec la Renaissance. De plus en plus, la raison réclame ses droits, à la fois dans l’interprétation des textes et dans leur (r)établissement. De nombreux passages des Essais montrent que « Montaigne est un des destructeurs de l’autorité médiévale [15] ». Descartes et Spinoza vont poursuivre ce travail de sape, mais la déconstruction définitive de l’autorité textuelle est l’œuvre des Lumières, comme en témoigne l’article « Autorité dans les discours et dans les écrits » de l’Encyclopédie :
J’entends par autorité dans le discours, le droit qu’on a d’être cru dans ce qu’on dit : ainsi plus on a de droit d’être cru sur sa parole, plus on a d’autorité. Ce droit est fondé sur le degré de science et de bonne foi, qu’on reconnaît dans la personne qui parle. La science empêche qu’on ne se trompe soi-même, et écarte l’erreur qui pourrait naître de l’ignorance. La bonne foi empêche qu’on ne trompe les autres, et réprime le mensonge que la malignité chercherait à accréditer. C’est donc les lumières et la sincérité qui sont la vraie mesure de l’autorité dans le discours. […]
L’autorité n’a de force et n’est de mise, à mon sens, que dans les faits, dans les matières de religion, et dans l’histoire. Ailleurs elle est inutile et hors d’œuvre. Qu’importe que d’autres aient pensé de même, ou autrement que nous, pourvu que nous pensions juste, selon les règles du bon sens, et conformément à la vérité ? […]
Je ne prétends pas néanmoins que l’autorité ne soit absolument d’aucun usage dans les sciences. Je veux seulement faire entendre qu’elle doit servir à nous appuyer et non pas à nous conduire ; et qu’autrement, elle entreprendrait sur les droits de la raison : celle-ci est un flambeau allumé par la nature, et destiné à nous éclairer ; l’autre n’est tout au plus qu’un bâton fait de la main des hommes, et bon pour nous soutenir en cas de faiblesse, dans le chemin que la raison nous montre.
Ceux qui se conduisent dans leurs études par l’autorité seule, ressemblent assez à des aveugles qui marchent sous la conduite d’autrui. […]
Je me représente ces esprits qui ne veulent rien devoir à leurs propres réflexions, et qui se guident sans cesse d’après les idées des autres, comme des enfants dont les jambes ne s’affermissent point, ou des malades qui ne sortent point de l’état de convalescence, et ne feront jamais un pas sans un bras étranger. [16]
15Dans ce texte célèbre, Diderot examine trois questions distinctes :
- Qu’est-ce qui fait l’autorité immanente d’un texte ?
- Dans quelles circonstances est-il légitime de citer des autorités héritées, externes au texte ?
- Existe-t-il un usage éclairé des autorités ?
De la Renaissance au Baroque : figures de l’autocommentaire savant
16Le lieu du livre et de la page imprimée où se négocie de la façon la plus visible le rapport aux autorités et à la tradition, ce sont les notes. Il s’agit même, très longtemps, de leur principale raison d’être. C’est là qu’on peut mesurer le degré d’adhésion d’un texte, réel ou affiché, aux énoncés antérieurs, à la Parole révélée, à saint Augustin ou à Aristote. Même chez les auteurs humanistes ou baroques qui partagent un même idéal polymathique, ce degré d’adhésion varie considérablement. Les aspects du texte qui font l’objet du commentaire, les enjeux de l’information savante proposée et l’écriture des gloses sont également sensiblement différents dans les exemples d’inspiration religieuse et dans les exemples d’inspiration profane que nous allons aborder.
17En Allemagne, l’autocommentaire marginal, autorités à l’appui, apparaît tôt dans l’histoire des œuvres imprimées. Hieronymus Emser (1478-1527), théologien catholique et adversaire acharné de Luther, y recourt dans Eyn deutsche Satyra vnd straffe des Eebruchs (Une satire allemande et châtiment de l’adultère, 1505), notamment pour expliciter les allusions bibliques ou mythologiques de sa satire [18]. Contrairement à certains usages ultérieurs chez Gryphius et Lohenstein, ces gloses sont clairement destinées aux profanes, et plus particulièrement aux lectrices visées par Emser. Lorsque le texte versifié de la Satyra cite Hécube, Abigail ou Didon comme autant d’exemples d’épouses vertueuses, un éclaircissement en prose vient rappeler en marge leurs destinées tragiques et indiquer, parfois, la source utilisée. Humaniste peu rigoureux, Emser prend cependant des libertés considérables avec les autorités invoquées pour adapter leurs textes aux objectifs de son discours didactique [19]. Voici ce que devient sous sa plume l’histoire de Pyrame et Thisbé :
Thisbé et Pyrame, deux jeunes habitants de Babylone, s’aimaient et s’étaient secrètement mariés. C’est pourquoi ils s’étaient donné rendez-vous dans une forêt. Lorsque Thisbé y arriva, elle se trouva face à un lion […]. Elle s’enfuit et abandonna sa jupe. Lorsque Pyrame arriva ensuite et vit sa jupe déchirée par le lion, il pensa que le lion l’avait également dévorée et se poignarda de tristesse. Ensuite, lorsque Thisbé revint sur les lieux et le trouva mort, elle prit la même épée et se donna la mort avec. iiij. Métamorphoses. [20]
19Célibataires dans le texte d’Ovide, les deux amants sont unis chez Emser par les liens du mariage, pour que Thisbé puisse s’inscrire dans la liste des chastes épouses qui, une fois veuves, se donnent la mort par désespoir. Gerhard Ruh a montré des écarts similaires dans l’usage par le théologien de sources sacrées. Lorsque, dans le contexte des guerres de religion, la poésie aborde directement des articles de la foi, elle peut difficilement se permettre ce genre d’approximations.
20Si Diderot a la prudence d’admettre l’autorité dans « les matières de religion », la poésie religieuse des émules de Ronsard ne pouvait guère la contester. Mais La Ceppède va plus loin et l’apparat critique des Théorèmes sur le sacré mystère de nostre redemption (1613) représente certainement un extrême dans la recherche de l’orthodoxie doctrinale. On sait que le magistrat aixois y évoque la Passion du Christ en trois livres qui réunissent chacun cent sonnets accompagnés d’annotations de longueur très variable, qui concernent des problèmes philologiques, historiques, mais surtout théologiques posés par le texte poétique. Comme l’a montré Yvette Quenot, les notes sont parfois indispensables, même pour le lecteur de l’époque, pour comprendre certaines périphrases poétiques ; parallèlement, elles permettent de délester le texte de lourdes références scripturaires. De sorte que le commentaire, loin d’alourdir le texte, « permet donc au langage poétique de rester lui-même, avec ses ambiguïtés, ses richesses, son rayonnement [21] ». Le premier livre, explique La Ceppède, « en cent Meditations, & en autant de sonnets, contient la sortie de Jerusalem, la prinse de nostre Seigneur Jesus-Christ, & tout ce qui advint au jardin d’Olivet [22] ». De nombreux poèmes évoquent les prières que Jésus adresse à son Père au Mont des Oliviers. Malgré la consolation de l’Ange, il est en proie aux plus vives angoisses, qui produisent un phénomène physique très particulier, à savoir une « Sueur de sang de Jesus Christ au Jardin, quoy que naturelle, non indigne pourtant de luy [23] », selon le sommaire du sonnet XXXVII qui lui est consacré :
22Cinq notes suivent le sonnet et reprennent respectivement, pour les commenter, les expressions Rouge humeur, L’univers, Roulante, Agonie et A plus d’esgard à nous qu’[à] sa divinité. La Ceppède y insiste particulièrement sur cet axiome de la foi qui veut « que Jesus-Christ a sué le vray sang [25] », que le participe présent Roulante doit rendre sensible : « Cette sueur de sang est icy descrite comme naturele [26] ». Ces explications de quelques lignes sont suivies d’une note (la quatrième) de vingt-cinq pages relative au premier tercet du poème. La Ceppède s’y penche successivement sur deux « difficultés », à savoir : a) la justification du terme agonie qu’il reprend de la Vulgate ; b) la réfutation du caractère miraculeux de la sueur de sang, défendue par certains théologiens et médecins. Pour expliquer l’agonie du Christ, le poète ajoute sa propre interprétation (« soubsmise toutesfois au plus sain jugement de l’Église [27] ») à celles du père Suarès et de Jansenius : l’agonie est à ses yeux le résultat du combat de la peur et de l’ire. De longs développements sont nécessaires pour démontrer « que l’ire reglée […] a esté en Jesus-Christ », vérité qui, finalement, « est encor bien prouvée par cette concluante raison » que
l’ire est en effet […] une partie de la tristesse ; car la douleur qu’on a d’estre offensé, esmeut l’appetit sensitif à repousser l’offense, & désirer la vengeance d’icele. Cette maxime est prouvée par l’authorité d’Arist. au 7. des Ethiques, chap. 6. de saint Jean Damascene, livre 2 de la Foy Orthodoxe, chap. 16 & de S. Thomas en ladite question 46. de la premiere de la seconde partie, article 1. & 2. [28]
24On voit très bien comment le philosophe prête ici main forte aux docteurs de l’Église pour accréditer la thèse de La Ceppède. On voit surtout comment le poète se réfère explicitement à leur authorité, à la crédibilité de leurs énoncés, dans un sens encore proche de l’auctoritas médiévale. Cette recherche de conformité aux dogmes, très marquée dans les annotations du poète, n’est pas du tout incompatible avec l’examen rationnel, comme le montre sa réflexion sur le caractère naturel de la sueur de sang : « Ce nonobstant l’opinion contraire, que toute cette sueur de sang a esté sans aucun special miracle, semble plus probable & veritable, & par raison, & par authoritez [29]. » La suite de la glose, très scolastique, est une véritable disputatio où « les causes matérielle, efficiente et finale de la sueur de sang apparaissent avec une grande netteté [30] ». La Ceppède se livre à une enquête et à une argumentation très serrées en faisant appel également à l’observation médicale de son temps pour prouver que les pores, dilatés par une émotion extrême, peuvent permettre une sudation sanguine. Dès lors que la sueur de sang est attestée, et naturellement explicable, il n’y a pas lieu de faire appel au miracle qui va contre « la nature humaine de Jésus-Christ [31] ». Après s’être opposé, sur cette question, à Jansenius et à Panigarole, La Ceppède reformule très clairement en prose l’idée du tercet : « car si nous croyons que ce sang soit sorty de son corps par miracle, c’est-à-dire, par le pouvoir absolu de la divinité, & non par la force de l’affliction interne, nous perdons cette preuve de sa reelle humanité [32] ». C’est au terme de sa longue démonstration qu’en apparaît le véritable enjeu doctrinal : « Or il n’est pas permis au Chrestien de douter tant soit peu de sa reelle humanité, ny de la verité de son angoisse, & de son amour, sans desmentir les textes exprés de l’Escriture, la doctrine des Peres & le commun consentement de l’Eglise [33]. » En tant que signe corporel de l’humanité du Christ, la réalité naturelle de sa sueur de sang est un chapitre essentiel de la foi. D’où la rigueur extrême de l’annotation.
25Dans son roman Assenat (1670), Philipp von Zesen (1619-1689) traite également un sujet biblique avec l’histoire de Joseph, mais le savoir qu’il mobilise et l’usage qu’il en fait sont tout à fait différent. Il s’agit moins de discuter des points de doctrine pour légitimer telle ou telle expression poétique que de hisser le roman au niveau de l’historiographie [34], de lui donner une scientificité (pour ainsi dire) maximale. Les moindres détails de la vie des Juifs, du nom des personnages, des coutumes égyptiennes, de la faune et de la flore africaines, font l’objet d’un commentaire savant dans les notes finales. Il est probable que l’érudition déployée dans les remarques (« Kurtzbündige Anmärckungen ») est d’autant plus grande qu’il s’agissait, pour Zesen, de souligner le caractère exemplaire de Joseph, préfiguration du Christ et incarnation de l’homme d’État idéal [35]. C’est un savoir encyclopédique que le romancier déploie dans les domaines de l’histoire, de la philologie, de la botanique et de la géographie. Les auteurs antiques les plus souvent cités, dans le texte, sont Flavius Josèphe, Hérodote, Pline et Plutarque. Il apparaît cependant que les sources nombreuses qu’il invoque en grec, en latin et en hébreu, n’ont pas toujours été directement consultées et que Zesen a beaucoup puisé, comme Lohenstein, chez Athanasius Kircher et dans des compilations contemporaines [36]. En dépit de la perspective critique qu’il revendique explicitement et des réserves qu’il formule, notamment à l’encontre de Grimmelshausen, il lui arrive d’alléguer le roman de son rival au même titre que la Bible et les historiens de l’Antiquité. Le passage du roman où Joseph se donne enfin à reconnaître à ses frères appelle la remarque suivante : « Au sujet des pages 279 / et 280. / Cet épisode est raconté de la même façon par Moïse au 45e livre de la Genèse ; ainsi que par Greiffensohn / et Josèphe / l’historien juif [37]. » De brèves références alternent ainsi, dans ces Kurtzbündige Anmärckungen, avec des dissertations richement documentées. On y sent une grande liberté intellectuelle puisque Zesen n’hésite pas, au milieu de considérations ethnographiques liées à l’histoire de Joseph, à consacrer une glose historico-philologique de plusieurs pages au terme et à la tradition du madrigal. De longues citations, en français comme en italien, de Pierre Bense-Dupuis, enrichies de savantes réflexions étymologiques de son propre cru, donnent un aperçu saisissant de cette forme de poésie pastorale, avant de déboucher sur la rêverie linguistique :
J’ai bien conscience aussi / que d’autres préfèrent dériver le mot Madrigal de madre / et ils entendent pas là / comme ils écrivent / madre della gale, c’est-à-dire Mère des chansons. Ce qui me plaît assez ; parce qu’une chanson pastorale, dans la mesure où elle est si petite, peut effectivement être appelée une mère, c’est-à-dire l’origine / le début ou la source des autres chants et chansons. Car le mot madre ou matrize est souvent utilisé ainsi, aussi bien en italien qu’en espagnol. […] C’est ainsi que nous appelons le coquillage / qui donne naissance aux perles / […] Perlenmutter / comme les espagnols madreperla [sic] et les italiens madre de perlas [sic]. [38]
27C’est justement ce caractère facilement indiscipliné des notes, où plaisir de la digression et passion du savoir se mêlent de façon incontrôlable, cette propension au vagabondage intellectuel si proche de l’essai selon Montaigne, qui leur vaudra de nombreuses et durables hostilités. Charles Sorel, qui a réfléchi sur la rhétorique de cet espace du livre, est peut-être le premier à en revendiquer la liberté fondatrice. Il faut dire que la forme de ses « remarques » est assez particulière.
28Qu’est ce qui fait précisément l’objet du commentaire ? Nous venons de voir que La Ceppède, dans ses annotations, isole chaque fois un terme ou une expression pour la gloser, alors que Philippe von Zesen indique la référence de la page ou des lignes de la page qui feront l’objet de son discours. C’est ainsi que procèdent, encore de nos jours, la plupart des éditions commentées. Introductions et préfaces proposent généralement une perspective plus ou moins synthétique et n’abordent pas tel ou tel détail, que se chargent d’expliquer les notes, relatives, elles, « à un segment plus ou moins déterminé du texte [39] », clairement identifié. Gloser, c’est par définition, adopter une démarche analytique, et les remarques ainsi produites, relatives à un énoncé particulier, très souvent suscitées par un nom propre, un substantif ou un syntagme nominal, ne peuvent être que discontinues. Une discontinuité qui irrite ou fatigue souvent les lecteurs et hérisse les thuriféraires du commentaire « composé », où elle est sévèrement proscrite. Or dans son roman Le Berger extravagant (1627-1628), Sorel affirme ni plus ni moins être le premier écrivain à avoir su remédier au caractère haché des gloses :
Ie ne preten pas faire comme les Commentateurs ordinaires, qui mettent au commencement de chaque article le mot sur lequel ils veulent parler auec le nombre de la page dont il est pris. Mon dessein est de faire des remarques quasi enchaisnees les vnes auec les autres, de la mesme sorte qu’vn discours continu, afin que l’on les puisse lire tout du long sans s’ennuyer. Ils y a des Autheurs Grecs, Latins, & François qui sont commentez : mais cét artifice ne s’y void point. Ie pense que ie l’ay inuenté, & que l’on le trouuera bien seant pour vn autheur qui commente son ouuvrage propre. [40]
30« Son ouvrage propre » : pour Sorel, l’autocommentaire est un genre spécifique qui ne saurait proposer le même type d’informations qu’un apparat critique établi par un tiers :
Ie ne fay point icy le Geographe, pour vous apprendre en quel quartier de la Brie estoit Lysis, ny pour vous dire où la riuiere de Morin prend sa source. Ie sçay bien que dans Ronsard vous ne voyez aucun nom propre qui n’ait son commentaire : mais aussi n’estoit-ce pas lui qui se mesloit d’expliquer son liure, & i’ay bien d’autre chose à faire qu’à vous dire ce que vous pouuez apprendre d’vn autre.
32Peut-on encore parler de notes, lorsqu’on a affaire, comme dans le Berger extravagant, à un « discours continu » ? S’il refuse de faire des « commentaires à l’imitation des Pedants » (p. 16) et de gloser noms propres et expressions isolées, Sorel ne s’en penche pas moins sur des épisodes très précis de sa fiction. Le commentaire part toujours d’un élément déterminé de la diégèse : « Quant aux discours & aux actions des paysans » (p. 54), « Les diuerses conditions où s’est trouué Carmelin » (p. 361), « Pour ce qui est de l’auanture du Dragon » (p. 471). L’auteur est d’ailleurs conscient que son refus de la lemmatisation l’oblige à multiplier périphrases et paraphrases. Pour limiter les rappels, il est contraint de modifier son projet initial et d’introduire en cours de route une division des remarques qui correspond aux quatorze livres du roman :
Ie veux toujours vser de mes remarques diuisees par sections, dont les sujets ne sont pas tant esloignez les vns des autres, qu’il ne semble que tout se suiue. Si ie voulois il y auroit vne perpetuelle liaison, mais il faudroit dire ainsi, Apres que Lysis eut faict cela, il dit telle & telle chose, en quoy il est besoin de remarquer cecy. Par ce moyen ie serois obligé de repeter beaucoup d’auantures qui se voyent dans le liure, ce qui seroit vn peu long. Il vaut mieux faire des remarques comme celles cy, elles ne sont ny entierement libres, ny entierement contraintes […].
34Si l’on en croit la poétique des notes que Sorel ébauche en fin de parcours, c’est plutôt une liberté maximale qu’il recherche :
Quant à mes remarques le langage en est vn peu plus serieux [que dans l’histoire], mais neantmoins il n’a que des graces naturelles, comme deuroit estre vn discours que l’on feroit en particulier à vn amys car ces sortes d’ouurages qui sont comme des essays sur toutes les choses qui se presentent, ne doivent point auoir de contrainte.
36On ne saurait plus clairement assumer le caractère digressif, pour ne pas dire associatif des « remarques ». Sorel sait que le commentaire est un genre extensible à l’infini : « Il est vray que ie pourrois encore faire d’autres remarques sur mes remarques » (p. 779). Comparées aux essais et imaginées sur le modèle d’un entretien familier, elles procèdent d’une rhétorique particulière, sans ornements, qui s’oppose à l’écriture d’un « traicté particulier qui fust tout d’vne suite ». Car il s’agit de ne pas harasser le profane avec un savoir abstrait incompatible avec le genre :
Au reste i’empescheray que cela ne desgouste les femmes & ceux qui n’ont point d’estude, car puisque i’ay entrepris de faire vn liuvre Comique & Satyrique tout ensemble, la doctrine y sera plus douce que seuere & les discours serieux n’y auront pas plus de place que les facetieux. [41]
38Sorel tenait manifestement à respecter cet engagement qu’il prend dans l’avertissement de la seconde partie, où le projet de fournir un commentaire est annoncé au public : le style incisif de ses « remarques », la présence très marquée du je auctorial, l’absence de toute technicité et de toute citation dans d’autres langues que le français, en témoignent clairement.
39Qu’est-ce qui dès lors relève du récit romanesque et qu’est-ce qui relève du commentaire ? La frontière est moins tranchée qu’on ne pourrait le croire puisque les remarques peuvent aussi servir à délester le texte de passages qui en auraient ralenti le rythme :
Vous voyez, lecteurs, que mes remarques sont fort diuerses, & que non seulement elles servent quelquefois de commentaire & qu’elles expliquent les choses, mais qu’aussi en quelque lieux elles disent ce qui n’eust pas eu mauuaise grace dedans le texte, & qui a esté obmis pourtant tout expres, afin de poursuiure le fil des narrations sans y vser d’une longueur trop ennuyeuse. [42]
41Mais leur originalité ne s’arrête pas là. Publiées en 1628, avec les livres XIII et XIV du roman [43], ces « Remarques […] Où les plus extraordinaires choses qui s’y voyent, sont appuyees de diverses authoritez, & où l’on treuue des recueils de tout ce qu’il y a de remarquable dans les Romans, & dans les ouurages poëtiques, auec quelques autres obseruations, tant sur le langage, que sur les auantures » constituent en effet un exemple assez particulier, pour ne pas dire unique, en matière d’annotation. Pour reprendre les termes de Daniel Chouinard, elle sont « une “para-narration”, une reprise, un complément et, peut-être une réécriture [44] » du texte. En une longue suite de digressions, elles redoublent, sur 812 pages serrées, le procès que la narration instruit contre le romanesque.
42On sait que Le Berger extravagant était conçu, selon les termes de la Préface, comme « le tombeau des Romans, & des absurditez de la Poësie » et deviendra, lors de sa seconde édition, L’Anti-Roman, ou l’Histoire du berger Lysis, accompagnée de ses remarques (1633-1634). Sorel s’y attaque à toute la fiction qui le précède et en fustige les invraisemblances par une sorte de « démonstration par l’absurde [45] ». Même s’il se défend d’imiter Cervantès, la littérature pastorale est à Louis alias Lysis ce que les romans de chevalerie sont à Don Quichotte. Le texte évoque les étranges lubies de ce jeune bourgeois de Paris qui se prend pour un personnage de L’Astrée et que seul un complot de son ami Clarimond guérira, finalement, de ses chimères romanesques [46]. Truffé d’allusions au patrimoine littéraire, le texte de Sorel n’était sans doute pas à la portée des « ignorants » dont il dénonce l’incompréhension dans l’avertissement de la seconde partie. Ses remarques, qu’il annonce alors au public, semblent bien écrites dans un après-coup qui tient compte de la réception mitigée du premier volume. Comme l’indique leur sous-titre programmatique, Sorel se propose d’y apporter la démonstration que les épisodes et les motifs les plus surprenants de son texte sont intégralement inspirés d’Ovide et de Virgile, du Tasse, d’Audiguier et de Montemayor :
Afin qu’il n’y ait rien qui leur [aux ignorans] empesche de connoistre la vérité, ie veux faire des remarques sur mon livre, où ie leur feray voir à quoy tendent les diuerses railleries qui s’y rencontrent. Ie leur monstreray que Lysis ne faict rien d’extravagant qu’à l’imitation des histoires fabuleuses qu’il a leuës, & ie leur alleguereay tant d’authoritez qu’il verront les raports qui se trouuent entre ses auantures, & celles des personnages des Romans. [47]
44Les « railleries », propres au genre satirique, posent un problème de lecture particulier aux profanes que les remarques doivent leur permettre de surmonter. Mais Sorel les justifie en promettant de « deffendre » son livre « et de le rendre presque aussi auantageux pour ceux qui n’ont point estudié que pour ceux qui ont passé toute leur vie à lire » (p. 5). Elles ont donc un double allocutaire et la vulgarisation n’est pas leur principale raison d’être :
Il ne faut pas croire neantmoins que ce soit pour les ignorans seulement que me [sic] propose cecy, car quand ie n’eusse pas esté auerty du mespris qu’ils ont fait de ce qu’ils n’ont pas entendu, ie n’eusse pas laissé de faire mes remarques qui sont comme la consommation de mon ouurage, pource que ie sçay bien que l’on y trouuera des choses qui sont aussi pour les doctes. [48]
46« La consommation d’un ouvrage » : c’est l’exemple que donne le Dictionnaire de l’Académie française (1795) à l’article « Consommation », entendu comme « Achèvement, accomplissement, perféction ». En tant qu’accomplissement du livre, les Remarques le font accéder à sa plénitude, dans la mesure où elles proposent aussi un ensemble de connaissances susceptibles d’être reconnu comme telles par la communauté savante. L’idée, étonnement moderne, de Sorel préfigure la conception des romantiques allemands de la critique comme achèvement de l’œuvre [49].
47Revenons à l’allégation des authoritez. Ces autorités, c’est l’ensemble de la tradition poétique et narrative, que Sorel convoque, certes dans un but herméneutique, mais surtout pour la soumettre à un examen critique, sans concessions, à travers une sorte de digest ou « sommaire de tout ce qu’il y a de bon & de mauuais dans les Poësies & dans les Romans [50] ». Le rapport iconoclaste que l’auteur entretient avec les modèles classiques et ce qu’il considère comme une soumission injustifiée à leur égard, est maintes fois réaffirmé, notamment à propos de Homère :
Les sentences d’Homere sont aussi communes que l’on les veut faire estimer, & si quelques autheurs les ont alleguees, ç’a esté pource que l’on a toujours eu recours aux plus anciennes authoritez, qui se rendent d’autant plus venerables que leur stile se trouue rude, & puis quelquefois l’on aplique tellement les choses, qu’apres auoir esté transportees, elles semblent meilleures qu’elles n’estoient dedans leur source. [51]
49Autant dire que les Anciens n’ont pas d’autorité intrinsèque, mais qu’ils ne l’acquièrent qu’à travers les citations dont ils font l’objet.
50Le caractère encyclopédique du commentaire est ainsi au service de l’objectif, mille fois répété, de
montrer l’impertinence des fables qui sont déjà faites, & de celles qu’on voudra faire encore à leur imitation : car mes remarques sont composees de telle sorte qu’elles contiennent tout ce qu’il y a dans les Romans & dans la poesie, tellement que les Poëtes ne pourront plus rien faire qu’ils ne prennent de moy.
52L’apologie insistante de l’histoire de Lysis sert donc aussi de prétexte aux aperçus, parfois élogieux, mais souvent sévères, des textes du Panthéon. On est d’autant plus frappé par l’indulgence que leur censeur témoigne à l’égard d’Orphize de Chrisante (1626), dont il cite un extrait de plusieurs pages : « Bien que je sois ennemy des Romans, i’auoüe que l’Orphize a encore quelque chose qui me plaist, & que i’y renuoye hardiment les lecteurs apres en auoir monstré cet eschantillon » (p. 160-161). On l’aura compris : il s’agit d’un roman de Sorel lui-même qui n’hésite pas à faire la promotion de ses propres ouvrages au milieu du procès… d’Homère, d’Ovide et de Rabelais. On est frappé, quinze ans après La Ceppède, d’une aussi grande désinvolture à l’égard de la tradition, fût-elle profane.
53Les observations linguistiques que l’auteur de L’Anti-roman affecte d’abandonner aux éditeurs ultérieurs, sinon aux pédants, sont justement la passion du poète arétin Francesco Redi (1626-1698) [52]. Membre de l’Accademia della Crusca, Redi y consacra de nombreuses années de sa vie à documenter le patrimoine linguistique italien en collaborant au Vocabulario della Crusca. Célèbre dans toute l’Europe par ses recherches sur les vipères (Osservazioni intorno alle vipere, 1664), aussi familier des lettres que des sciences, il est considéré comme un des précurseurs de la philologie romane [53] et de la biologie expérimentale à la fois. C’est donc un authentique savant qui annonce en 1673 à son ami, le comte Lorenzo Magalotti (1637-1712) la parution prochaine de son dithyrambe Bacco in Toscana (1685) « et, ce qui importe le plus, cum notibusse et comentaribusse [sic] [54] ». Mais les commentaires en question exigent des recherches laborieuses que le médecin attitré du grand-duc de Toscane n’a pas toujours le loisir de mener. Lorsque le poème à la gloire du vin de Montepulciano est finalement publié, en 1685, il ne représente qu’un quart du livre, littéralement dominé par les gloses. Chose étonnante : c’est un succès commercial et pour la troisième édition, imprimée en 1691, Redi complète son apparat critique à la demande de son éditeur Piero Matini :
Il m’a seulement demandé que je lui rende le service de quelques ajouts dans les notes, et je les ai faits et lui ai donné quelques nouvelles notules, qu’il a réimprimées avec les autres en les mettant à la bonne place. [55]
55Que trouve-t-on dans ce monument d’érudition ? Des informations techniques et ethnographiques sur la culture du vin, des éclaircissements mythologiques, le déchiffrement d’un certain nombre d’allusions, des hommages à certains amis de Redi comme Stefano Pignatellei, une étude comparatiste de plusieurs pages sur les origines et la forme du sonnet de Guillaume de Lorris à Andreas Gryphius, mais surtout des observations philologiques savantes sur les régionalismes, sur les expressions recherchées ou sur la graphie de certains vocables qui apparaissent dans le texte :
p. 4. V. 15 Giovinezza
Certains grammairiens ont prétendu que le mot Giovinezza n’apparaîtrait que dans les textes modernes, et Giovanezza dans les textes anciens. Ils se sont trompés. [On trouve dans les œuvres de] Dante publiées à Florence par l’Accademia della Crusca au chant 20 du Purgatoire : « Pour conduire à l’honneur la giovinezza. » […] Je pourrais ajouter beaucoup, beaucoup d’exemples des manuscrits anciens. [56]
57L’autorité de Dante et d’autres poètes italiens de son temps légitime ici une forme du mot tenue à tort pour récente. Dans ce domaine en particulier, où il fournit un savoir positif sur la langue employée, l’apparat critique de Redi ressemble passablement aux notes qu’établissent nos spécialistes modernes, ce qui explique que sa substance puisse être pillée, encore de nos jours [57].
58Le volume des Annotazioni s’explique aussi par le souci, plus classique, du poète de citer systématiquement les modèles qui ont inspiré ses vers. La toute première note, relative à l’incipit du poème, est révélatrice de la place que les modernes occupent déjà à ce titre à côté des anciens :
De l’Orient indien
Le dompteur glorieux, Dieu de la vigne.
Beaucoup de poètes latins et grecs ont donné à Bacchus le titre de Dompteur des Indes et c’est ainsi que Ronsard l’appelle dans son Hymne à la gloire de la France :
Plus qu’en nul lieu Dame Ceres la blonde,
Et le donteur des Indes i abonde. [58]
60L’exhibition des autorités, citées dans l’original, est une passion où Zesen et surtout Lohenstein dépassent Francesco Redi. Dans son excès, la traduction du chant XIV de l’Iliade élaborée par leur héritier Christian Heinrich Postel (1658-1705) et l’imposant apparat critique qui l’accompagne est le chant du cygne d’une conception baroque de l’écriture qui se légitime par les modèles brandis dans ses marges. Il convient d’évoquer sur ce point le conflit qui oppose Postel à Christian Wernicke (1661-1725). Ce dernier, auteur des Epigramme, qui appartient à un paradigme intellectuel différent, lui consacre en effet un poème qui inaugure l’usage satirique et parodique de l’autocommentaire marginal : Ein Helden-Gedichte, Hans Sachs genannt. Mit einigen Erklärungen (Un poème héroïque appelé Hans Sachs. Avec quelques explications, 1702).
L’émergence de l’autocommentaire satirique
La mise à mort du poeta doctus
61Postel avait eu l’imprudence de publier un méchant sonnet contre son cadet Wernicke, coupable de critiques envers le modèle du librettiste [59], « l’immortel Lohenstein ». Inspiré de la satire de Dryden Mac Flacknoe (1682), le poème héroï-comique de Wernicke constitue une réponse cinglante au juriste polyglotte, coutumier, en bas de page, d’un flot de citations dans toutes les langues de l’Europe.
62Le titre en est légèrement énigmatique. Hans Sachs (1494-1576) était un poète populaire extrêmement productif, auteur de 200 drames et de jeux carnavalesques, qui travaillait comme bottier et épicier à Nuremberg. Passablement déconsidéré entre le XVIIe et la fin du XVIIIe siècle, il doit sa redécouverte à Goethe et aux poètes du Sturm und Drang. Wernicke, pour qui Hans Sachs incarne le versificateur infatigable dans toute sa rudesse plébéienne, en fait, dans son poème, le roi de la sottise à la recherche d’un digne héritier. Cet héritier, c’est Stelpo, anagramme transparente de Postel, et une partie importante du texte est un panégyrique ironique que le roi de la bêtise prononce à la gloire de son dauphin. Au cours de son apologie, il insiste sur la qualité médiocre des livrets d’opéra de Stelpo que ne sauveraient, lors des représentations, que l’art des musiciens et des chanteuses.
63Dans la préface, Wernicke prend soin d’attirer l’attention de ses lecteurs sur les « Explications obscures de ce poème héroïque [60] », c’est-à-dire les notes qui l’accompagnent :
Ceux qui chercheraient les passages cités en allemand, italien, anglais et français concernant Hans Sachs ailleurs que dans mes notes, feraient des efforts inutiles. Mais il n’y a pas lieu de le craindre chez ceux qui sentiront d’emblée, qu’elles n’ont pas été écrites sans une certaine intention. [61]
65Intention satirique parfaitement comprise par le critique zurichois Johann Jakob Bodmer qui réédite, en 1741, le poème de Wernicke, devenu introuvable :
Ces explications visent les préfaces et les notes de Postel au sujet de ses opéras, et au sujet de sa Junon, où il a compilé des idées similaires, des imitations, des descriptions, des antiquités de toutes les langues, qui témoignaient incontestablement de vastes lectures et connaissances, dépourvues cependant d’un entendement ordonnateur qui eût permis d’en faire un usage adroit et agréable. La plupart du temps il n’a fait qu’entasser passage sur passage, sans y mettre du sien, parce qu’il n’avait pas de capacité suffisante pour déterminer et définir la valeur de chaque texte en comparaison avec les autres d’après l’intention particulière de chacun d’eux. En outre, il les a attachés à ses opéras, dont les lecteurs n’avaient pas l’estomac pour un tel fatras savant. [62]
67Voici ce que donne le fatras savant, version satirique, dans la première des « explications obscures » relative à Hans Sachs :
C’est ce dont Hans Sachs se rendit compte.) Au cas où le lecteur ne le saurait pas, on lui fait savoir que Hans Sachs était un célèbre cordonnier et maître-batte en Allemagne, qui ne savait pas seulement fabriquer des chaussures, mais aussi des pieds : ce que n’a pas seulement observé le Célèbrissime Gregorio Leti dans son Coglione, dont il a rédigé, soit dit entre parenthèses, un livre entier, dans les termes les plus clairs : Valgia il vero, il più grand [sic] Coglione che si sia mai trovati fra i Poetastri nella terra Tedescha, fù il chiamato Hans Sachs, et ainsi de suite ; mais aussi notre propre concitoyen […], l’incomparable Stephen Hartkopf qui en témoigne […] dans son poème aujourd’hui introuvable de l’épicerie :
Un garçon fin était Hans Sachs
Qui avait besoin de plumes d’oies et de poils de cochon en même temps […]
Un français savant et très familier des vieux poèmes allemands, Jerome des Flibustiers Seigneur de la Rodomontade, traduit ainsi ces vers jolis et remarquables [de Hartkopf] :
Moy Jerome des Flibustiers
Je confesse par les présentes,
Que Jean Sachs n’avoit pas des rentes,
Mais qu’il gagnoit sa vie en faisant des Souliers :
Que c’était un bon Allemand,
Qui faisoit mainte Vers en vuidant sa bouteille,
Quoy qu’il blessoit egalement
Les pieds par ses souliers, et par ses vers l’oreille. [63]
69En truffant la note de citations, inventées de toutes pièces et parfaitement burlesques, en français, anglais et italien, Wernicke signe l’arrêt de mort de l’autocommentaire baroque. S’il tourne les notes de Postel en dérision, c’est qu’elles lui apparaissent comme les avatars dégradés d’une conception du poète érudit qu’il ne partage plus. Un autre commentaire le montre clairement. Lorsque Hans Sachs fait l’éloge de Stelpo, « le seul qui tienne un mot compréhensible pour signe d’ignorance », une remarque vient préciser :
Il semble également que l’italien pompeux Nicolas de Cues a écrit tout un livre de docta ignorantia. Comme Stelpo le cite élogieusement dans une certaine préface, il découle de ses écrits qu’il est un continuateur zélé de cette érudition ignorante ou docte ignorance. En effet, la meilleure façon de la saisir, ce sont des mots insensés qu’on ne comprend pas. [64]
71Postel fut réduit au silence mais la bagarre prit une tournure encore plus violente avec une pièce de Christian Friedrich Hunold (1680-1721), alias Menantes [65]. Ses attaques ad hominem contre Wernicke, achèveront de faire de cet affrontement la « première vraie querelle littéraire dans le monde germanophone [66] ». Bodmer a montré très tôt l’importance de cette dispute autour de la mémoire de Lohenstein et des rapports entre poésie et savoir pour l’émergence de la critique littéraire outre-Rhin [67]. Wernicke tourne les gloses de Postel en dérision dans la mesure où elles lui apparaissent comme les avatars dégradés d’une conception du poète érudit qu’il ne partage plus. Diplomate, il a parcouru l’Europe, et sa conception de l’art est profondément marquée par la cour et par les salons qu’il a fréquentés à Paris et qu’il retrouvera comme résident du royaume du Danemark, de 1708 à 1723. De façon significative, il oppose, dans la préface de ses épigrammes, les poètes qui se contentent de réunir une sérieuse érudition, un esprit éveillé et un penchant naturel pour la poésie à ceux qui, tout en ayant ces qualités, sont issus de la noblesse et ont reçu une éducation appropriée ou bien ont longtemps fréquenté les personnes de cet état « et acquis ainsi, auprès des cours, une science complète du monde, de ses usages, de ses mœurs, et de ses langues [68] ».
72Pour cerner correctement ce qui distingue de la tradition l’autocommentaire satirique des Lumières, il convient d’ouvrir une parenthèse afin de rappeler que le commentaire parodique lui-même faisait déjà les délices des humanistes italiens [69] et flamands. Francesco Berni (1497-1535) avait donné l’exemple avec son Commento al capitolo della primiera (1526). Publié sous le pseudonyme de « M. Pietropaulo da San Chirico », Berni s’y livrait à un autocommentaire burlesque de son propre poème sur le jeu de cartes qui porte le même nom [70]. Mais ce sont ses successeurs qui vont exploiter toutes les virtualités ludiques du genre. Dans le Commento di Ser Agreste da Ficaruolo sopra la prima ficata del Padre Siceo (Commentaire de Messire Agreste da Ficaruolo sur la première fichéide [71] du Père Siceo, 1538), Annibale Caro proposait, dans la même veine, une exégèse d’un poème de son ami Francesco Maria Molza (dit Lasca) et on doit à Anton Francesco Grazzini des Lezioni di Maestro Niccodemo sopra il capitolo della salsiccia (Leçons de Maître Nicodème sur le poème burlesque de la saucisse) qui datent de la même époque et abondent en équivoques licencieux. En 1547, le théologien François Titelmans (1502-1537) avait publié une exégèse parodique en latin du Cantique des cantiques [72]. Dans les quatre cas, il s’agit cependant de commentaires qui forment un texte relativement autonome, un « discours » dans la tradition des hypomnèmata et non pas une suite de remarques sur des segments lemmatisés. Ces commentaires ont circulé en tant que tels, avec leur propre titre, sous le nom du commentateur réel ou sous le pseudonyme de l’herméneute supposé : ce qui est parodié, dans le registre obscène chez les Italiens, c’est le discours interprétatif et non pas l’annotation serve. Cette dernière sera la cible de Wernicke, Lamprecht et Rabener, Swift, Fielding et Pope, Saint-Hyacinthe et de leurs imitateurs. Avec eux, la parodie de l’apparat critique, des discours d’escorte philologiques, généralement rattachés au texte commenté, se déchaîne en Europe. L’ambiguïté, propre à la satire [73], de la censure qui se prétend morale et du combat contre le vice l’emporte alors, sans l’exclure nécessairement, sur le burlesque cher aux amis de Francesco Berni [74].
Apparat critique et parole d’autrui chez Swift et Pope
73À la question de la légitimité du recours dans la satire aux attaques ad hominem, les réponses n’ont pas été les mêmes dans les différents pays européens. Alors que les théoriciens allemands de la satire comme Rabener étaient davantage attachés à son caractère impersonnel – j’y reviendrai –, Swift défend après Boileau une mise en cause plus ciblée. Dans sa préface du Conte du tonneau (A Tale of a Tub, 1704), qui est aussi une satire de l’érudition, il oppose Athènes et l’Angleterre pour déplorer qu’à Londres on puisse s’en prendre sans difficulté à l’humanité en général et risquer la prison dès qu’on y dénonce des vices particuliers. Vu cette situation, l’efficacité satirique paraît douteuse :
Mais la satire, s’adressant à tous, n’est ressentie par personne comme une offense, puisque chacun s’enhardit à comprendre qu’il s’agit d’autrui, et avec sagesse se décharge de sa part personnelle de fardeau sur les épaules du monde, qui a bon dos, et qui peut le supporter. [75]
75Comment s’y prend Swift, dans son Conte du tonneau, pour s’assurer que les personnes visées ne s’en tirent pas à si bon compte ? La réponse n’est pas aisée parce que ce texte, comme le confirme l’apologie de 1710, avait plusieurs cibles :
Il pensa que les nombreuses corruptions énormes dont souffraient la religion et le savoir pourraient fournir matière à satire qui fût utile et divertissante. [….] Les abus en matière de religion, il se proposa d’en traiter dans l’allégorie des manteaux et des trois frères, qui devait constituer le corps du traité. Les abus en matière de savoir, il choisit de les introduire sous forme de digressions. [76]
77Le Conte du tonneau vise en tout cas, à travers son narrateur arrogant, les critiques contemporains, que Swift assimile volontiers aux scoliastes subalternes de la Grub Street de Londres, célèbre pour ses écrivassiers infatigables. Les sections II, IV, VI, VIII et XI développent le conte proprement dit, c’est-à-dire l’allégorie des trois frères Pierre, Jack et Martin, qui symbolisent l’Église romaine, les dissidents protestants et l’Église anglicane, pour mieux dénoncer les travers complémentaires du papisme et des fanatiques du côté de la Réforme. Le narrateur de cette parabole farfelue s’écarte de son récit dans les sections I (Prologue), III (Digression sur les Critiques), V (Digression à la manière des Modernes) et VII (Digression à la louange des digressions), où il tient des propos complaisants sur lui-même, tout en faisant l’éloge des modernes : « Je réclame en droit une autorité absolue, en tant qu’auteur moderne le plus récent, ce qui me donne un pouvoir despotique sur tous les auteurs me précédant [77]. »
78Dès la première édition, le texte est précédé d’une « Dédicace au très Honorable John Lord Sommers », d’un avis du « Libraire au lecteur », d’une « Épître dédicatoire à Son Altesse Royale le Prince Postérité » et d’une « Préface ». Il s’ouvre sur une bibliographie des « Traités écrits par le même auteur, pour la plupart cités dans les textes suivants, bientôt sous presse », c’est-à-dire une liste de titres fictifs qui inclut une Histoire générale des oreilles et un Essai panégyrique sur le nombre TROIS.
79Le but de cette cascade de prologues est bien entendu de parodier les « seuils » dont s’entourent tant de livres savants et pseudo-savants et de déconsidérer les représentants anglais des modernes qui incarnent aux yeux de Swift les « abus en matière de savoir ». Une note de la première édition joue un rôle capital pour empêcher que leur chef de file ne « se décharge de sa part personnelle de fardeau sur les épaules du monde ». En effet, à propos des modernes, un passage du texte précise : « Ces auteurs ont sans relâche cherché utilement les points faibles des anciens, et en ont dressé une liste abondante » et cette indication est immédiatement complétée par une apostille qui permet d’identifier l’auteur visé : « Voyez Wotton : Sur le savoir des anciens et des modernes [78]. » À l’instar des autres marginales de la première édition du Conte du tonneau, brèves et situées en regard du texte, il s’agit d’un genre de notes d’identification qu’on trouve déjà chez Boileau. C’est après la réaction de Wotton que Swift va vraiment innover en bas de page.
80Car Wotton avait réagi. En 1705, la troisième édition de ses Reflections upon Ancient & Modern Learning in Answer to the Observations of Sir W. Temple incluent des Observations upon The Tale of a Tub où les passages du conte allégorique sont minutieusement déchiffrés et ses audaces dénoncées [79]. En mettant son érudition au service de l’exégèse d’un texte a priori peu digne de tant d’efforts au lieu de réagir sur le fond de la critique concernant les modernes, Wotton se comporta un peu à la façon de la baleine dont parle Swift dans la préface : « Les marins ont coutume, lorsqu’ils voient une baleine, de larguer à son intention un tonneau vide, pour qu’en s’amusant, elle ne se livre à aucune violence sur le navire [80]. »
81Après quoi il suffira au Doyen de Dublin de citer textuellement une série d’explications de Wotton pour en faire son collaborateur involontaire. C’est ce qu’il entreprend dans les notes qui viennent enrichir la cinquième édition du conte et la chose est annoncée dès la page de titre : « The Fifth Edition : With the Author’s Apology and Explanatory Notes. By W. W--tt--n, B.D. and others. » Les « notes explicatives » proposées dans cette édition vont d’une certaine façon entrer en concurrence avec une brochure d’Edmund Curll que Swift considérait comme « une pièce absolument typique de Grub Street, qui sera oubliée dans une semaine [81] ». Intitulée A Complete Key to the Tale of a Tub, with Some Accounts of the Authors, the Occasion and Design of Writing it, and Mr. Wotton’s Remarks examin’d [82] et publiée en juin 1710, la plaquette de Curl attribuait notamment la responsabilité principale du conte, au grand dam de Swift, à son cousin Thomas. Par rapport à cette « clé » extérieure, les notes publiées avec le texte avaient toutes les chances de paraître davantage autorisées au public. Il s’agit, maintenant, de notes infrapaginales qui font alterner des commentaires attribués à Wotton et des notes de Swift lui-même qui, elles, ne sont pas signées. Leur emplacement découle d’une suggestion de Benjamin Tooke, qui écrit à Swift le 10 juillet 1710 :
Je joins la clef à cet envoi et j’estime qu’il serait davantage indiqué d’ajouter les notes en bas des pages respectives auxquelles elles se réfèrent que de les imprimer seules à la fin. [83]
83Suggestion retenue puisque la « clef » en question accompagne effectivement le texte dans ses marges inférieures. Elle propose l’élucidation, souvent confiée à Wotton, d’allusions généralement transparentes dont l’accumulation donne un air à la fois pédant et ridicule à l’herméneute :
d) Par ce bureau à chuchoter, fait pour soulager ceux qui écoutent aux portes, les médecins, les entremetteuses, les conseillers privés, il ridiculise la confession orale, et le prêtre qui la reçoit est représenté par une tête d’âne. W. Wotton. [84]
85Wotton peut aussi tomber dans l’erreur, ce qui lui vaut d’être corrigé par un annotateur second :
b) Par les vêtements qu’il donna à ses fils, il faut comprendre les vêtements des Israélites. W. Wotton. C’est une erreur du savant commentateur (sauf son respect) ; car on entend par les vêtements la doctrine et la foi chrétiennes, adaptées par la sagesse du penseur divin à tous temps, lieux et événements. Lambin. [85]
87Pour le plaisir de la mystification, Swift fait parler dans cette prosopopée Denis Lambin (1516-1572), auteur de commentaires sur Horace, Lucrèce et Cicéron. Dans les notes de Wernicke et Swift, nous voyons ainsi émerger la citation apocryphe et l’intervention de personnages réels, historiques ou inventés de toutes pièces dans une zone de la page réservée naguère à l’explicitation d’un rapport authentique avec la tradition culturelle. Soulignons l’importance de ce procédé littéraire nouveau, indissociable des Lumières, que Pope, Voltaire, Wieland et Nerciat vont systématiquement exploiter : la zone de la page imprimée qui affirmait, dans le texte classique, un lien indissoluble avec l’autorité, s’amuse désormais à la subvertir à travers un usage ludique et fantaisiste des références.
88En même temps, texte et commentaire entrent dans un antagonisme qui les relativise l’un l’autre et prive le lecteur de repères. Une note remarque :
Je ne peux concevoir ce que l’auteur a voulu dire ici, ni comment ce vide peut se remplir, bien que plusieurs interprétations soient possibles. [86]
90Le texte réserve cette pique au commentaire :
C’est pourquoi les vrais illuminésa (c’est-à-dire les plus obscurs de tous) ont trouvé d’innombrables commentateurs, dont l’obstétrique scolastique les a accouchés de sens auxquels les auteurs eux-mêmes, peut-être, ne pensèrent jamais, et cependant peuvent être considérés comme leurs légitimes parentsb. [87]
92Et une note ajoute en 1710 :
b) Rien n’est plus fréquent chez les commentateurs que de proposer une interprétation forcée que les auteurs n’ont jamais voulu donner. [88]
94Incontestablement, Swift a réussi avec ses notes à faire apparaître Wotton comme l’incarnation de l’exégète pédant qui explique laborieusement les évidences. Il n’en reste pas moins qu’il a donné une certaine légitimité à ses remarques qui, de concert avec les notes non signées, pouvaient passer pour une sorte de commentaire autorisé du conte, à tel point qu’elles en ont figé, jusque de nos jours, une lecture allégorique. Dès lors que Swift entendait ridiculiser l’auteur des Reflections upon Ancient & Modern Learning, il est légitime de se demander, avec Jean-Paul Forster, pourquoi il lui fait tant d’honneur [89]. Pour délégitimer l’allégorèse sérieuse qui ne pouvait que passer à côté du côté ubuesque de la fable ? Pour momifier, comme le suggère Forster, les observations de son adversaire et les priver de leur dard ?
95On peut accorder un certain crédit à cette dernière hypothèse dans la mesure où Wotton avait épinglé, non sans lucidité, les traits irréligieux du Conte du tonneau et relevé, par exemple, le sort réservé à la Trinité :
Le nombre de ces trois fils nés ensemble, est un clin d’œil à la TRINITÉ, et un des livres dans le catalogue de notre auteur face à la page de titre est un Panégyrique du nombre TROIS, le seul mot à être imprimé en majuscules sur toute la page. [90]
97Swift a pris soin, dans l’« Apologie » de 1710, de se défendre explicitement contre cette « intention dangereuse, qui jamais ne fut nourrie [91] ». De façon peu crédible il est vrai, puisqu’il y prétend que le manuscrit original du conte, modifié par des tiers, aurait concerné le chiffre quatre, « beaucoup plus cabalistique [92] ». On comprend que Voltaire, lorsqu’il évoque Swift dans ses Lettres philosophiques, ait accordé un certain crédit aux accusations de Wotton :
Dans ce pays […] on n’a point trouvé trop étrange que le Révérend Swift, doyen d’une cathédrale, se soit moqué, dans son Conte du tonneau, du catholicisme, du luthéranisme et du calvinisme. Il prétend avoir respecté le Père en donnant cent coups de fouet aux trois enfants. Des gens difficiles ont cru que les verges étaient si longues qu’elles allaient jusqu’au Père. [93]
99C’est pourquoi le détournement de la parole de son adversaire était un coup de maître du satiriste. En citant un certain nombre de remarques, soigneusement sélectionnées, des Observations upon The Tale of a Tub de Wotton et en les intégrant dans son commentaire infrapaginal, Swift réussit à la fois à en désamorcer la critique la plus grave, à ridiculiser leur auteur et, plus généralement, le type d’exégèse qu’il pratiquait, mais surtout à brouiller les pistes de la lecture sous prétexte de la faciliter. Comme l’a montré Frank Palmeri, Swift recourt à des autorités pour appuyer des positions qui critiquent les autorités en question [94]. Il se moque des méthodes philologiques et les dirige de façon autoparodique contre son propre texte. Palmeri y voit, dans une perspective très bakhtinienne, un jeu dialogique visant à établir une autorité indirecte et ironique du texte lui-même [95]. À travers la satire de la critique textuelle, Swift et ses contemporains problématisent le rapport de l’œuvre à l’opération philologique qui en fera, qui en a déjà fait son objet. Car les notes font ici écho à une réception qui a déjà eu lieu, elles sont les traces d’une inscription conflictuelle de l’histoire de la réception dans l’œuvre.
100Ami du Doyen de Dublin, Alexander Pope se souviendra des stratagèmes swiftiens. Lors des éditions augmentées de sa Dunciad (La Sottisiade, 1728) [96], il radicalise la technique consistant à s’approprier, dans ses notes ultérieures, les commentaires plus ou moins hostiles, déjà publiés au sujet du texte, ainsi que les invectives adressées à son auteur. Maintes et maintes fois remaniée et republiée de son vivant, la satire de Pope est un véritable casse-tête philologique pour ses éditeurs modernes, notamment à cause des discours d’escorte dont elle s’est progressivement enrichie [97]. À partir de The Dunciad variorum (1729), ses adversaires seront mis à contribution dans les marges de son poème héroï-comique à la gloire de la Déesse de la stupidité. Leurs observations entreront en concurrence avec celles dues à la plume de Martinus Scriblerus, présenté comme l’éditeur.
101Le savant Scriblerus est le fruit de l’imagination de Pope, Swift, Gay et Arbuthnot. Réunis tous les jours, au printemps 1714, dans le cadre du « Scriblerus Club [98] », ils inventèrent collectivement les faits de gloire de ce personnage [99] censé incarner la vanité d’une science creuse. Pendant tout le XVIIIe siècle, Scriblerus restera synonyme, en Europe, de pédantisme, et Wieland tout comme l’auteur anonyme d’un opuscule français sur la maçonnerie [100] lui prêteront des remarques en marge de leurs textes.
102Le texte de Pope est un brillant règlement de comptes avec les scribouillards de la Grub Street qui entourent la Déesse de la stupidité, mais surtout avec « Tibbald », alias Lewis Theobald (1688-1744). Disciple du célèbre philologue Richard Bentley, considéré, encore aujourd’hui, comme un des plus grands savants de son époque, Theobald avait critiqué, dans son Shakespeare restored (1726), les insuffisances des éditions du dramaturge procurées par Pope, ce qui lui vaut, dès le premier livre de la Dunciad, la couronne du royaume de la bêtise des propres mains de la Déesse. Dans le poème de Pope, Tibbald a même le don d’ubiquité, puisqu’il intervient, avec son nom de guerre, comme personnage dans le texte, et sous son nom véritable comme commentateur involontaire en bas de page. Cela dit, l’objectif de l’annotation n’était pas seulement parodique. Pope avait eu connaissance de l’édition des Œuvres de Boileau procurée par Brossette [101] et James McLaverty prouve qu’il s’en est inspiré, dans The Dunciad variorum, jusque dans les détails de la lemmatisation et de la mise en page [102]. L’autocommentaire, nous le savons déjà, est aussi une façon de se transformer soi-même en classique.
103Si toutes les éditions publiées à partir de 1729 comportent un apparat critique hypertrophié aux fins parodiques, avec dédicaces, préfaces, témoignages, notes et index, tel n’était pas le cas du texte initial, largement dépourvu de discours d’escorte, qui « souffrit », selon une lettre à l’éditeur faussement attribuée à William Cleland, « d’entrer dans le monde nu, non protégé et non accompagné [103] ». Les poétastres comme Samuel Wesley ou George Whiters visés par Pope n’y étaient désignés qu’avec leurs initiales et, parfois, la lettre ultime de leur nom (« W–y », « W–s »). Autant dire qu’il fallait une connaissance intime de la scène littéraire londonienne de l’époque, de ses intrigues et de ses petits secrets, pour identifier les représentants de la stupidité versificatrice que le poète appelle dunces, du mot dérivé du théologien John Duns Scot pour désigner quelqu’un d’intellectuellement limité. Le texte étant par ailleurs truffé d’allusions littéraires, notamment à l’Énéide parodié dans le livre second, il supposait également une très solide culture classique qui, même à l’époque, n’était pas à la portée de tous les lecteurs avides de comprendre les sous-entendus de la Dunciad et d’en connaître précisément les cibles. C’est ce que Swift, par ailleurs enthousiaste, confirme à l’auteur dans une lettre du 16 juillet 1728 :
J’ai maintes fois relu la Dunciade […]. Je souhaiterais que les notes, relativement aux personnes, fussent augmentées ; car j’ai observé depuis longtemps, qu’à vingt milles de Londres personne ne comprend les allusions, ni les lettres initiales, ni les menus faits de la ville ; et dans vingt ans d’ici, les Londoniens eux-même ne les entendront plus. Je voudrais que les noms de ces misérables Gribouilleurs fussent imprimés en un index, au commencement ou à la fin du poème, avec un aperçu de leurs œuvres, afin que le lecteur pût s’y reporter. Je voudrais qu’on indiquât, pour toutes les parodies (comme on les appelle), les auteurs imités. […] Je suis sûr que le poème souffrira beaucoup de ce que les faits et les personnes n’en pourront être reconnus, aussi longtemps du moins qu’une explication n’aura été apportée, et avec force détails encore. [104]
105Dédicataire de la nouvelle édition qui se prépare, Swift répond en réalité à une missive antérieure de Pope qui l’avait invité le 28 juin de la même année à contribuer à l’exégèse de son poème, dont le caractère quelque peu obscur, manifestement, ne lui avait pas échappé :
La Dunciade va être réimprimée en grande pompe […]. On y trouvera aussi force Proeme, Prolegomena, Testimonia Scriptorum, Index Authorum, et des Notes Variorum. Pour ces dernières, j’aimerais que vous relisiez le texte et que vous en fassiez quelques-unes dans le sens qui vous plaira le mieux, que ce soit de froides railleries sur le style et la façon de commenter des mauvais critiques, ou des notes humoristiques sur les Auteurs mentionnés, ou des éclaircissements, ou des précisions historiques sur les personnes, les lieux, les dates, ou encore en citant les passages parallèles chez les Anciens. [105]
107Si Pope a sollicité des amis comme Swift et John Arbuthnot, l’essentiel du commentaire infrapaginal pouvait difficilement être réalisé par un autre que lui-même, dans la mesure où il puise largement dans des libelles hostiles qu’il connaissait mieux que quiconque pour les avoir soigneusement conservés, annotés de sa main et même fait relier [106].
108On voit que le poète proposait à l’auteur de Gulliver’s Travels un très large éventail d’interventions marginales, un éventail qu’on retrouve précisément, dès 1729, dans The Dunciad variorum. Les notes, innombrables, devaient à la fois ridiculiser certains commentateurs ou piètres littérateurs, et offrir des éclaircissements nécessaires ; la glose satirique allait ainsi coexister avec une exégèse plus ou moins sérieuse. La multiplicité des voix qui prennent alors la parole en bas de page et dans toutes les annexes qui viennent enrichir l’ouvrage, la diversité des tonalités qui s’y expriment et le foisonnement des questions abordées correspondent parfaitement au champ que Pope souhaitait couvrir. Grâce aux notes, les dunces qui étaient, dans le poème initial, des êtres quelque peu évanescents, acquièrent maintenant une certaine épaisseur à travers leurs actions. Mais Aubrey Williams a parfaitement montré l’effet paradoxal de ces gloses : mettre ainsi les fous en scène revenait aussi à les rendre davantage humains et à réduire, du coup, la portée de la satire [107].
109Le titre du poème suscite la première glose attribuée à Theobald. Elle est censée illustrer les vaines arguties des philologues, hantés par des détails orthographiques sans intérêt et tentés par des émendations hasardeuses auxquelles seul le manuscrit les empêche de procéder :
La DUNCIAD, sic MS. Il serait tout à fait possible de disputer pour savoir s’il s’agit d’une lecture correcte. Ne faudrait-il pas orthographier Dunceiad, comme l’étymologie évidemment l’exige ? Dunce avec un e, donc Dunceiad avec un e. [108]
111À l’appui de son hypothèse, Theobald, le commentateur fictif, cite littéralement un extrait de Shakespeare Restored, dû à son double réel et relatif à l’orthographe exacte du dramaturge. La citation est destinée, de toute évidence, à donner de la crédibilité à la caricature. La glose de Theobald est nuancée, dans la même note, par une intervention du savant Scriblerus, lui aussi préoccupé par la graphie du titre et fidèle, par dessus tout, à la leçon du manuscrit :
Même si j’attache la même valeur à la lettre E que tout grammairien vivant, et si j’ai la même affection pour le nom du poème que tout critique pour celui de son auteur, cela ne saurait m’inciter à tomber d’accord avec ceux qui voudraient y ajouter encore un e, et l’appeler la Dunceiade ; ce qui, étant une terminaison française et étrangère, n’est en aucune façon adapté à un mot entièrement anglais et vernaculaire. Un e, dans ce cas, est donc juste, et deux faux. Quant à l’ensemble, je vais suivre désormais le Manuscrit, et l’imprimer sans aucun e ; incité à agir ainsi par Autorité (depuis toujours égale, pour les critiques, sinon supérieure à la Raison). [109]
113Le scoliaste, le grammairien pédant est fou aux yeux de Pope parce que l’autorité du manuscrit l’emporte à ses yeux sur les motifs rationnels qui devraient le conduire à corriger une erreur manifeste, transmise par la tradition. Mais Pope va plus loin puisqu’il fait invoquer par Scriblerus l’Autorité tout court, ce qui est une belle façon de la miner dans l’espace typographique destiné, à l’origine, à lui rendre hommage.
114La question sera abordée de nouveau dans The Dunciad in four books (1743), la dernière version parue du vivant de l’auteur. Le comédien et médiocre poète lauréat Cooley Cibber y a détrôné Tibbald, mais Pope fait intervenir dans le texte de son nouveau quatrième livre le modèle antique de tous les scholiastes en pédant imbu de sa valeur. Lorsque la Déesse de la Stupidité en appelle au nouveau règne d’un monarque pédant, cent amis d’Aristote accourent aussitôt, précédés d’un personnage imposant :
Devant eux marchoit ce terrible Aristarque. Son front étoit silloné de profondes Remarques. […] Madame, chassez cette Canaille loin de votre Trône : ôtez-vous d’ici – ne connoissez-vous pas Aristarque ? Ce Scholiaste si renommé, qui à force de travail a rendu Horace hébété, & Milton rampant. Qu’ils mettent en vers ce qu’ils voudront, des Critiques, tels que moi, sauront bien en refaire de la prose. [110]
116L’anachronisme qui prête à Aristarque de Samothrace (vers 220-vers 145 av. J.?C.), à l’ancêtre grec de tous les philologues, des éditions de Horace et Milton vise de toute évidence son héritier Richard Bentley qui réalisa effectivement des éditions critiques de ces deux poètes. Fier de transformer tout génie en dunce, l’Aristarque imaginaire expose ensuite sa méthode pédantesque :
Nous expliquons une chose jusqu’à ce qu’elle devienne douteuse, après quoi nous écrivons, non sur le sujet, mais tout autour, ô Déesse, & puis tout autour encore. […] Avec le même Ciment, toujours certain de durcir, nous ramenons chaque esprit à un niveau mort. [111]
118De quel ciment s’agit-il ici ? Une longue note non signée vient élucider les propos qu’Aristarque tient sur sa démarche :
Mais il y a une méthode générale [….] et c’est AUTORITÉ, le Ciment universel, qui comble toutes les fissures et les crevasses de la matière sans vie, referme toutes les pores de la substance vivante et ramène tous les esprits humains à un niveau mort. [112]
120La charge est lourde : l’autorité, les autorités serviraient à Aristarque alias Richard Bentley (et accessoirement Theobald) à anéantir l’esprit et le génie des poètes du passé dont ils s’arrogent le monopole herméneutique et éditorial. La violence de cette pique en bas de page est d’autant plus troublante qu’on aurait tort de prêter à Pope une désinvolture à tous crins à l’égard des autorités profanes de la tradition culturelle. L’importance qu’il leur accorde se mesure notamment dans le souci constant du poète de signaler, en note, dans l’ensemble de son œuvre, les modèles classiques dont tel ou tel passage de ses textes est inspiré. Dans la Dunciad, ces renvois forment même, sous le titre « Imitations », une catégorie de gloses typographiquement distinguées des « Remarks [113] ».
121Le procès des scholiastes est aussi délicat lorsqu’on a joué soi-même, à l’occasion, les Aristarque. Après tout, Pope avait traduit et commenté Homère et dans la première note de son édition de l’Iliade (1715-1720), on pouvait lire cet aveu significatif :
Ce n’est pas une entreprise aisée que de réaliser quelque chose de non pédantesque à partir de cent pédants : or c’est ce que doit faire celui qui voudrait fournir une synthèse acceptable des exégètes antérieurs de Homère. [114]
123En un sens, cet aveu s’applique aussi à l’autocommentaire que Pope élabore dans les marges de la Dunciad, avec les débris de la parole de ses adversaires et toute une exégèse de son propre cru, partiellement attribuée à Scriblerus. Dénoncer le pédantisme ne va pas sans pédantisme : en dépit du learned wit et de l’ironie mordante qui les caractérise souvent, les notes ont quelque chose de lourd qui n’a pas échappé à Cooley Cibber (1651-1757).
124Averti du rôle que Pope allait lui faire jouer dans la nouvelle (et ultime) édition de son texte, le littérateur (et acteur) publie en juillet 1742 A Letter from Mr. Cibber, to Mr. Pope pour se défendre contre la place d’honneur que le poète lui réserve parmi les dunces. Il y critique « ces fardeaux d’ordure en prose avec lesquels vous avez presque étouffé votre Dunciad [115] ». Tout en reconnaissant qu’il s’agissait du « meilleur poème jamais écrit dans son genre », il dénonce « ces charges fanfaronnes de notes et de remarques sur presque chacune de ses lignes [116] ». Pour justifier sa répugnance, Cibber compare l’effet déplaisant que lui font les notes de Pope aux commentaires incessants d’un voisin indélicat qui, lors d’une soirée à l’Opéra, l’empêchèrent de jouir de la musique. Il reformule ainsi un topos du discours antinotulaire, surtout lorsqu’il s’agit d’œuvres poétiques. Facteur de distraction, la présence de notes serait d’autant plus fatale au plaisir du texte qu’elles sont rédigées en prose. L’acteur dénonce également le manque de modestie de Pope qu’elles font apparaître. La valeur même de ses œuvres, lui écrit-il, eut mieux été préservée « sans vos notes élogieuses à leur sujet [117] ».
125Cibber ne s’arrête pas à ces généralités. Traitant le texte de la satire comme un texte référentiel, il s’efforce dans la suite de sa lettre de réfuter point par point les « calomnies » de la Dunciad. Les citations tronquées de ses propres ouvrages sont un point important du procès qu’il intente à Pope. Celui qu’il nomme « votre ami et flatteur fictif Scriblerus » est particulièrement en cause. Le poète lauréat ne craint pas de se transformer en apprenti philologue et oppose un passage de son Apology cité par Scriblerus à la version originale « sans les castrations » opérées par le masque de Pope :
Il commence ainsi :
« Lorsque je trouve mon nom dans les œuvres satiriques de ce poète », etc.
Mais je dis, –
« Lorsque donc, je trouve mon nom, dans le détail, dans les œuvres satiriques de notre auteur vivant le plus célèbre » [118]
127Pope aurait pu avoir censuré par modestie le titre louangeur que lui donnait son adversaire, mais Cibber écarte immédiatement cette hypothèse : « vous avez souvent supporté que votre ami Scriblerus (c’est-à-dire vous-même) vous fasse dans vos notes des compliments d’une nature plus élevée [119] ». Il s’agissait bien plutôt, selon l’auteur de la Letter, de ne pas permettre au public de se rendre compte qu’en dépit de la façon dont Pope le traitait dans ses satires, Cibber était encore en mesure de s’adresser à lui avec « le langage dû à un Gentleman ».
128Pope se garda de répondre à Cibber. Mais, et c’est là tout son génie, il alla jusqu’à reproduire certaines critiques de son adversaire au sujet des ses remarques dans… une note tardive de la préface initiale, reproduite en annexe de The Dunciad in four books [120]. Comme l’a bien vu William Kinsley, son texte est une machine de guerre capable d’assimiler toute critique et tout commentaire ultérieurs [121]. En sélectionnant, manipulant et falsifiant parfois le discours d’autrui sur son texte pour l’intégrer dans ses marges, Pope à orienté jusqu’à présent les lectures qu’on a pu en faire et poussé ainsi le contrôle de la réception de son œuvre à un niveau rarement atteint. Malgré ou peut-être à cause de ce dispositif retors, son texte est devenu bien plus étranger à notre culture que la satire de Swift : de façon significative, The Dunciad qui fut, en son temps, admiré dans toute l’Europe, traduit en français et imité aussi bien par Restif de la Bretonne (Le Ménage parisien, 1773) que par Charles Palissot de Montenoy (La Dunciade, ou la Guerre des Sots, poème [122], 1764), n’a plus fait l’objet d’une traduction en français depuis la fin du XVIIIe siècle…
Les scholiastes épinglés
129Les scholiastes, réels ou imaginaires, que Swift et Pope font intervenir, dans un second temps, pour les ridiculiser, en marge de leurs propres œuvres, sont également la cible de textes satiriques qui leur sont exclusivement consacrés pour dénoncer, à travers eux, les abus pédantesques de commentateurs parasites, si ce n’est pour railler d’honnêtes érudits. La forme la plus fréquente et, d’une certaine façon, la plus proche des exégèses burlesques de la Renaissance, consiste en des parodies d’éditions critiques où le cuistre philologue, héros-persona, montré en actes, détient le monopole d’une parole interprétative délirante. Les lieux de publication supposés dessinent déjà tout un programme. C’est À Commentariopolis, chez la veuve Stile-d’acier, rue de la Corruption du goût, à la bibliothèque dérangée qu’est censée paraître la « Chanson française propre à danser en rond, avec des remarques critiques et historiques », incluse, en 1728, dans la Continuation des mémoires de littérature et d’histoire du P. Desmolets. Il s’agit de l’une des nombreuses imitations suscitées par une pochade dont la préface aurait vu le jour à Pedantstadt, la « ville des pédants ». Maintes fois réédité, Le Chef d’œuvre d’un inconnu. Poème heureusement découvert et mis au jour avec des Remarques savantes et recherchées par M. le Docteur Chrisostome Mathanasius (1714), dû à Thémiseul de Saint-Hyacinthe, connut en effet un succès considérable [123]. Face à la page de titre, Mathanasius, le commentateur supposé, est représenté sur une gravure en savant imbu de lui-même [124]. Dans son ouvrage, une chanson de Pont-Neuf sur le rendez-vous galant de Colin et Catin est traitée avec le même soin éditorial que les plus grands classiques. La chanson est précédée de toute une série de pièces liminaires grotesques, comme ce « Poème à la louange du très excellent et très subtil Docteur Chrysostome Mathanasius, Prince des critiques tant anciens que modernes ». Il est suivi de plusieurs « dissertations », mais surtout d’un commentaire de près de deux cent pages dans l’édition originale sous la forme de longues « Remarques » paraphrasantes sur le moindre mot du « poème ». Dans chacune de ses remarques, Mathanasius étale son savoir indigeste et propose systématiquement des rapprochements fantaisistes avec tous les grands poètes du passé, cités dans le texte.
130Homère et ses traducteurs opposés La Motte et Mme Dacier sont souvent invoqués, car le texte de Saint-Hyacinthe est aussi un écho humoristique de la Querelle des Anciens et des Modernes. On y vérifie que le débat acharné sur leur valeur respective et sur les modalités de l’appropriation de l’héritage culturel a focalisé l’attention collective sur le rôle de ces médiateurs savants qui se chargent d’établir les éditions commentées des classiques. S’il est vrai, comme le souligne Henri Duranton, que « la parodie [de Saint-Hyacinthe] se gardait bien de prendre parti [125] », sa sympathie pour les modernes ne pouvait échapper à personne. Pour justifier les répétitions de la chanson de Collin et Catin, Mathanasius s’autorise ainsi d’une remarque de Mme Dacier dont il attribue la paternité à Eusthate : « Le bon goût reçoit avec plaisir deux et trois fois la même image et dans les mêmes termes [126]. » L’application de cette maxime au « Chef-d’œuvre » ne peut que jeter le ridicule sur la grande érudite : « Madame Dacier, à l’abri d’Homère, d’Eusthate et du CHEF-D’ŒUVRE sera toujours en droit d’établir ceci comme un principe, dans la manière de bien juger des ouvrages de l’esprit. [127] » C’est ce genre de remarques qui fait dire à l’auteur d’un compte-rendu paru dans le Journal littéraire
que jamais on n’a formé un dessein plus propre à tourner en ridicule le rafinement de ces prétendus Critiques, qui trouvent du mystére par-tout, qui ne veulent pas qu’un Ancien ait jamais pensé faux, ni qu’il se soit exprimé d’une manière peu juste ou triviale. [128]
132Mais le Journal littéraire, pourtant lié à Saint-Hyacinthe, pointe également les faiblesses inhérentes à ce genre de satires de l’érudition :
Au reste ce Commentaire ironique a tous les mêmes Défauts, qui font trouver admirables les Commentaires sérieux. Le texte y est enseveli sous les Citations : ce qu’il y a de plus aisé est expliqué avec le plus d’étendüe. [129]
134Dans deux Lettres à Mme Dacier sur son livre des causes de la corruption du goût (1715), Saint-Hyacinthe est revenu, sur un ton à la fois sérieux et mesuré, sur certains thèmes de la Querelle. À propos d’Homère, il affirme d’emblée sa « résolution […] d’examiner l’ouvrage du Poëte selon les règles du bon sens et non point celles de l’autorité ; en un mot de lire Homère en critique [130] ». Le Chef-d’œuvre d’un inconnu s’emploie tout particulièrement à fustiger les autorités, ou plutôt l’usage qu’en font les pédants [131]. Mais la notion apparaît également dans un sens différent.
135Comme Swift, dont il connaissait probablement Le Conte du tonneau, Saint-Hyacinthe fait preuve, à travers son héros, d’un intérêt pour le chiffre trois qui est trop ostentatoire pour ne pas être équivoque. L’expression du poème « trois fois frappa » donne lieu à une remarque de plusieurs pages sur la perfection du chiffre en question, de nombreuses références mythologiques à l’appui. Mathanasius s’offre même le luxe de citer des exemples liturgiques (la triple couronne du Pape, etc.), mais sans jamais évoquer la Sainte Trinité [132]. Au cours d’un exposé de numérologie où il effleure tous les domaines du savoir et convoque Anciens et Modernes pour les besoins de sa démonstration ironique, Saint-Hyacinthe ne craint pas de prêter à Mathanasius un énoncé politique nettement moins orthodoxe où le sérieux l’emporte clairement :
Ce royaume heureux qu’on peut appeler un pays d’hommes, je veux dire l’Angleterre est régi par trois Puissances, l’Autorité Royale, l’Autorité de la Noblesse, l’Autorité du Peuple. Ces trois puissances sont si nécessaires pour le maintien des lois et la conservation de la liberté, qu’on remarque que les lois sont sans vigueur et la liberté éteinte dans tous les royaumes où cela ne subsiste plus ; d’où vient que les princes qui ne reconnaissent de règles que celles de leur bon plaisir […] ont eu grand soin de ne point convoquer leurs Etats et d’affaiblir sans cesse l’autorité de leurs Cours souveraines. On voit par là l’importance du nombre de Trois. [133]
137Au milieu d’une avalanche d’autorités profanes destinées à illustrer le discours du pédant, nous sommes subitement confrontés à l’autorité au sens politique et à une sorte d’apologie de l’équilibre des pouvoirs. On peut estimer, avec X. Leschevin et H. Duranton, que cette audace des premières éditions, ultérieurement édulcorée, contribua à l’interdiction du Chef-d’œuvre en France. De toute évidence, la censure ne pouvait que piquer la curiosité pour l’ouvrage de Saint-Hyacinthe et alimenter la discussion dans la République des Lettres. Deux dialogues fictifs témoignent de sa vivacité.
138Dans son Histoire de Mr. Bayle et de ses ouvrages, l’abbé Du Revest qui emprunte le pseudonyme de Mr. de la Monnaye, s’en prend vivement au « faiseur de remarques [134] » Prosper Marchand, un imprimeur qui avait publié une édition annotée de Lettres de Bayle. À la fin de l’ouvrage, une « Apostille ou dialogue d’un tour nouveau » relate un entretien entre le narrateur, auteur présumé de l’Apostille, et deux de ses amis, Eudoxe et Crisante. Elle établit un parallèle entre les notes de Marchand et le texte de Saint-Hyacinthe, les deux étant réputés partisans des modernes. Alors que le narrateur a tendance à défendre Le Chef-d’œuvre d’un inconnu, Eudoxe se montre franchement hostile :
Il ne me seroit pas difficile, répondit EUDOXE, de faire voir que cet Auteur a sur les Anciens les mêmes idées que Marchand, & que le Défenseur de Chapelain. Ces trois Illustres n’estiment guéres plus Homere qu’une Chanson du Pont-neuf ; […] Vous dites, continua-t-il, que cet Auteur a eu dessein de railler les Commentateurs ; mais je pense qu’il en veut bien moins aux Commentateurs des Anciens, qu’aux Commentateurs mêmes, & que c’est pour les rendre ridicules & méprisables, qu’il a écrit. Son Livre doit naturellement produire cet effet dans l’esprit de la Jeunesse, puisqu’il tend à lui faire regarder tous nos Commentateurs (car il n’excepte personne) comme autant de Pédans modernes, qui débitent des extravagances sur les Ecrits des Pédans anciens. Un Ouvrage qui favorise leur paresse & leur ignorance autant que celui-là, ne sauroit manquer de leur plaire. [135]
140La réplique d’Eudoxe fait apparaître un doute des lecteurs de l’époque sur la cible exacte du Chef-d’œuvre d’un inconnu. Saint-Hyacinthe visait-il les antiquaires comme les époux Dacier ou l’ensemble des « faiseurs de remarques » ? Dans cette dernière hypothèse, défendue par Eudoxe, son livre est aussi une condamnation des notes de Marchand, à qui il essaye pourtant de l’assimiler.
141Le thème de l’encouragement de la paresse intellectuelle dont Saint-Hyacinthe serait responsable se retrouve dans un ouvrage de l’abbé Antoine Gachet d’Artigny, inspiré des Ragguagli di Parnaso de Trajano Boccalini. Sa Relation de ce qui s’est passé dans une assemblée tenue au bas Parnasse, pour la réforme des belles lettres (1739) met en scène un débat animé entre tous les beaux esprits, anciens et modernes, qui se retrouvent au Parnasse. Mathanasius y croise son propre créateur, mais aussi Platon et Fontenelle. Une brève intervention de sa part provoque un échange entre l’abbé Archimbaud [136], André Dacier et son beau-père, l’humaniste protestant Tanneguy Le Fèvre (1615-1672), qui s’expriment à tour de rôle au sujet du Chef-d’œuvre d’un inconnu. En se tournant vers Saint-Hyacinthe, Dacier déplore ainsi son entreprise :
Il paroit que vôtre but a été de Critiquer en Général tous les Commentaires, & et les Auteurs Anciens. Il faut être fou pour éxécuter un projet aussi bisarre & extravagant. Les Commentaires sont utiles, ils sont même absolument nécessaires. [137]
143Sur sa lancée, Dacier en profite pour faire l’apologie de ses propres Remarques sur Horace qu’il brandit pour en lire un extrait. Son geste le transforme rapidement en sosie de Mathanasius. L’abbé Archimbaud prend alors la défense de Saint-Hyacinthe et vante « les remarques du Chef-d’œuvre […] pleines de saillies vives & heureuses [138] ». Le mot de la fin est cependant réservé à Tanneguy Le Fèvre qui répond à d’Archimbaud en reprochant à Saint-Hyacinthe d’avoir échoué dans ce que son projet pouvait avoir de légitime :
Cela serait bon […] si l’Auteur s’étoit contenté de railler les faiseurs de Commentaires dont l’imagination creuse, veut à force de subtiliter [sic] trouver dans les Auteurs qu’ils commentent, des beautés qui n’y sont pas. C’était-là le ridicule qu’il faloit saisir, & c’est ce que vôtre Mathanasius n’a pas fait : il introduit sur la Scene un Pedant impertinent & ridicule, qui fait sur une chanson ridicule, et impertinente, un Commentaire encore plus impertinent & ridicule ; qui d’ailleurs n’a aucun rapport avec les Commentaires qu’on nous a donnés jusqu’à présent. […] Qu’en est-il arrivé ? Messieurs nos Petits-Maîtres en bel esprit ont été ravis de trouver un livre qui fait fort bien l’apologie de leur ignorance et de leur paresse : delà ils concluent avec plaisir que l’étude des Anciens auteurs est inutile. [139]
145On voit que le dialogue de Gachet d’Artigny ne tranche pas vraiment : les doctes commentateurs sont effectivement une espèce bizarre, mais le procès burlesque que leur intente Saint-Hyacinthe se retourne facilement contre la culture et sa mémoire.
146Le poème que Mathanasius explique par le menu est cité intégralement, en français, dans Der Stundenrufer zu Ternate (Le Crieur de nuit de Ternate, 1739) de Jakob Friedrich Lamprecht (1707-1744), qui revendique explicitement son statut d’imitation par rapport au Chef-d’œuvre d’un inconnu [140]. Mais le texte doit au moins autant à l’exemple de Pope qu’à celui de Saint-Hyacinthe. En effet, contrairement au Chef-d’œuvre, aucune persona ne revendique la paternité de l’ouvrage et de l’ensemble des gloses. Comme dans The Dunciad, celles-ci sont le fait de toute une série d’annotateurs fictifs qui se penchent souvent sur la même expression pour contester l’explication donnée par un autre interprète. Nous retrouvons en bas de page Scriblerus, mais aussi le pape Anicetus, et d’autres savants esprits aux noms prometteurs: Goropus Becanus, Melissantes, Rodigast, Paithnerus, Phokenius, etc.
147L’opuscule se présente comme la prétendue traduction allemande d’un air indien, « enrichie de remarques critiques, historiques, philosophiques, philologiques, morales, et donc améliorée » de l’édition française commentée, attribuée à Julien Scopon. La chanson en question serait proférée tous les matins à cinq heures par le crieur de nuit, pour exhorter les maris moluques, à la demande expresse de leur prince, à se consacrer au devoir de la génération. Nous sommes dans un registre gaulois proche des amours de Colin et Catin, sauf qu’il s’agit des obligations du mariage, officiellement encouragées par le souverain, dont l’aimable sollicitude est amplement soulignée. Fait surprenant, la traduction en prose, richement annotée et accompagnée d’éloges adressés au traducteur, est suivie d’une traduction concurrente, en vers cette fois, avec sa propre page de titre, mais, est-il précisé, « sans remarques critiques », du moins en allemand. Elle inclut, en revanche, un extrait du document français « original » de Scopon, avec des fragments de son commentaire et sa propre version de la « Chanson du Klapperman de Ternate » :
149La surenchère des commentaires se double donc d’une surenchère de traductions allemandes, écho lointain, peut-être de l’opposition entre L’Iliade réduite et versifiée par Houdar de La Motte et sa recréation savante en prose par les soins de Mme Dacier.
150Comme chez Saint-Hyacinthe, l’exégèse savante, truffée de citations dans plusieurs langues, d’une chanson frivole et de sa présentation par Scopon, produit des effets comiques garantis. Horace et les traités de matrimonio sont appelés en renfort pour gloser le terme allemand Fortpflanzung (propagation) qui fait l’objet de trois notes distinctes, attribuées respectivement à Phokenius, Paithnerus et Radigast [142]. Lorsque la version allemande, plus savoureuse, de la chanson, exhorte les maris « Messieurs les maris courage ! / Pensez aux devoirs du mariage / Il est temps de vous redresser », le participe aufzurichten appelle la remarque suivante de Paithnerus : « n) Par redresser le crieur de nuit n’entend pas le fait de redresser les mains ou les pieds [143]. » Le Studenrufer zu Ternate exploite donc, comme ses modèles anglais et français, le registre obscène, mais l’auteur, visiblement, ne cherchait pas tant à combattre le vice qu’à divertir ses lecteurs. Le texte de Lamprecht s’inscrit, certes, dans la tradition de la satire de l’érudition et, plus généralement, du monde littéraire, mais la dimension polémique est nettement moins présente que chez ses modèles Pope et Saint-Hyacinthe.
151La grivoiserie qu’ils ont en commun est profondément étrangère à Gottlieb Wilhelm Rabener, le plus célèbre satiriste de l’Allemagne des Lumières, qui prône une conception de la satire, à la fois chaste et philanthropique, aux antipodes de celle mise en œuvre par Swift ou Pope. Dans son texte théorique Vom Mißbrauch der Satire (De l’abus de la satire, 1751), le réviseur des impôts de Leipzig qui jouissait d’une grande audience littéraire insiste beaucoup sur la différence entre la satire et le pasquin, animé quant à lui par la haine et dirigé contre un individu déterminé [144]. À la satire selon Rabener incombe une fonction sociale de lutte contre le vice en général et non contre ses représentants particuliers : elle doit donc être impersonnelle. Différentes catégories sociales, comme les princes, le clergé et les maîtres d’école ne sauraient en devenir les cibles. Son objectif est de créer des « citoyens raisonnables [145] » et son arme une « ironie sans colère [146] ».
152Rabener n’en a pas moins lu très attentivement The Dunciad et sa propre satire Von der Vortrefflichkeit der Glückwunschschreiben (De l’excellence des lettres de félicitation) est attribuée à un certain Martin Scriver, sosie de Scriblerus et incarnation, comme lui, d’un savant vaniteux, fier de ses notes polyglottes, souvent empruntées à des tiers :
Si je relie mes mots de façon approximative, je dois également les parer de toutes les notes imaginables, pour que l’étendue des lectures de l’auteur saute aux yeux. […] Je demande seulement que ces notes soient écrites en de nombreuses langues. Ce qu’on ne sait pas soi-même, nos bons amis en seront bien capables. [147]
154Cette profession de foi est accompagnée en bas de page d’extraits en grec, hébreu, italien, etc. Scriver se targue en effet d’avoir une demi-douzaine de relations qui le fournissent ainsi en notes savantes en d’autres idiomes, mais il doit avouer qu’elles ne sont pas toujours fiables :
Le professeur Kehr à Petersburg m’a promis une sélection de notes de premier choix dans des langues étrangères, totalement inouïes chez nous. Je suis chagriné qu’il tarde à exécuter sa promesse. [148]
156L’accumulation de notes en allemand ou, pire, dans d’autres langues, est pour Rabener une caractéristique de l’érudition fausse (ou devenue folle) qui constitue un des thèmes privilégiés de sa satire. Il en fera même le sujet d’une œuvre demeurée célèbre dont le titre annonce une innovation formelle qui marquera les esprits de son temps : les Noten ohne Text (Notes sans texte, 1745).
157Dans les satires de l’érudition évoquées précédemment, la parodie de l’exégèse englobait l’ensemble des pratiques périgraphiques généralement mises au service d’une édition commentée (préfaces, index, etc.) et, au-delà, les formes déjà ressenties comme archaïques du dispositif livresque (sonnets dédicatoires, épîtres interminables, etc.). Dans les Notes sans texte, l’abus des pièces liminaires que Pope et Saint-Hyacinthe poussaient jusqu’à l’absurde n’est dénoncé qu’indirectement, à travers les notes qui s’y rapportent. Plus généralement, les notes se sont émancipées de leur support textuel pour devenir une fin en soi. Le texte commenté qui avait, dans The Dunciad ou Le Chef d’œuvre d’un inconnu, une existence réelle, inséparable des gloses qui l’entourent, n’apparaît plus chez Rabener que sous la forme de segments lemmatisés, imprimés en gras, comme « Ô Muses, aidez-moi » ou « la lyre du poète résonne ». Les fragments en question sont privés d’un sens global, mais servent de prétexte à des gloses aussi grotesques que faussement philologiques.
158La satire se focalise donc sur les remarques que Hinkmar von Repkow, leur auteur supposé, définit ainsi :
On appelle notes les lignes que le typographe place au-dessous du texte. Elles n’ont d’autre rapport avec lui que celui de figurer sur la même page, ou, si l’espace l’interdit, de se référer du moins à la page où se trouvent les mots du texte. Deux conditions sont particulièrement exigées. Les notes doivent sauter aux yeux et être inattendues. La première chose arrive lorsqu’on dit quelque chose, que d’autres ont déjà dit, ou, pour parler selon l’Art, lorsqu’on cite fréquemment les Anciens et les Modernes, ainsi que les savants qui habitent les quatre coins de la terre. L’inattendu en revanche consiste à dire des choses que personne ne chercherait dans mes notes. Par exemple : dans le texte se trouve le mot Cicéron et dans la note j’examine la question : si Nabuchodonosor a vraiment mangé de l’herbe, comme une bête ? [149]
160On ne saurait dire plus clairement le discrédit qui affecte désormais une certaine pratique des notes dans la République des Lettres. Elles sont désignées comme le lieu de la répétition, de la vaine référence aux autorités et de l’interrogation subalterne sans rapport avec le passage glosé. Elles sont également caractérisées par la violence qu’elles font au lecteur en frappant son attention. Hinkmar von Repkow en arrive à considérer
que dans tel livre de Monsieur l’auteur les notes sont toujours la partie la plus distinguée et la plus importante, alors que le texte n’est que le produit d’un hasard, du moins que sa portée est loin d’égaler celles des notes. Je me réfère aux préfaces qu’on trouve dans ces ouvrages où la même phrase est dite plusieurs fois, mais de façon différente. Un tel auteur ne serait pas particulièrement ému si son texte disparaissait. Seules ses notes doivent être préservées pour la postérité. [150]
162Et il préconise une méthode beaucoup moins laborieuse de s’assurer la célébrité que « les efforts des historiens, des philosophes, des poètes et des autres savants » :
Cette réflexion m’a décidé à écrire des notes sans me soucier d’un texte puisque celui-ci, comme on vient de le voir, n’est qu’une annexe du livre. […] Je le conseillerai à tous mes petits-enfants. Qu’ils fassent des notes ! Et s’ils veulent faire carrière comme leur grand-père, qu’ils fassent des notes sans texte! Une chose qu’avant moi aucun Allemand, sans doute, n’a osé faire. [151]
164Ses notes font apparaître Hinkmar von Repkow comme un faux savant vaniteux, obsédé par sa gloire littéraire, que le ciel « a condamné à être un auteur [152] ». C’est même cette vocation qui est incompatible avec un travail herméneutique digne de ce nom :
Je ne serais pas digne d’être appelé un auteur, si j’avais eu l’intention d’expliquer ou de commenter le sens véritable du texte, sans parler du fait qu’un texte, souvent, n’a pas vraiment de sens. [153]
166Sa postérité le préoccupe particulièrement. Quand il n’anticipe pas son propre nécrologue, où il est élogieusement présenté comme le fondateur de la célèbre secte des autonotistes, il imagine le discours qu’un abbé érudit consacrera, un jour, à l’Académie française, à l’autorité qu’il sera devenu : « Voyez le Savant Allemand, Monsieur Enkemar de Repikov dans ses remarques sans Texte, &c. [154] ».
167Élucider un terme, contextualiser un nom propre, justifier leur texte par la tradition, tels sont les principaux mobiles qui conduisent un certain nombre d’auteurs renaissants et baroques à accompagner leur propre texte d’un commentaire dans ses marges. Sous prétexte de rendre hommage aux autorités, de prendre appui sur leur exemple, ils préparent leur recueil de poèmes ou leur roman à exercer un jour un rôle similaire tout en orientant activement sa réception future. Les plus érudits produisent ainsi, au regard des normes de leur temps, une œuvre de savoir authentique parallèlement au produit de leur travail créateur (La Ceppède, Lohenstein, Zesen, Redi). En fonction des genres (profanes ou sacrés, poétiques ou romanesques), l’usage qu’ils font des autorités varie considérablement, mais la glose jouit encore d’un prestige peu contesté, qui tend à se communiquer au texte qu’elle accompagne.
168La crise de l’autorité, accentuée par l’avènement des Lumières, s’accompagne d’une crise du commentaire. Michel Foucault la faisait remonter à l’Âge classique où la critique, en tant qu’étude du fonctionnement d’une représentation, aurait pris le pas sur le commentaire, encore appelé « à faire lever le grand propos énigmatique [155] » caché sous les signes d’un texte. Notre tour d’horizon semble plutôt indiquer un lien de cause à effet entre la Querelle des Anciens et des Modernes et le siège de Commentariopolis auquel se livrent nos satires de l’érudition dès les premières années du XVIIIe siècle. Avec la mise en cause de la valeur exemplaire des Anciens, le labeur éditorial et exégétique suscite en effet de nombreuses railleries. L’apparat critique et, plus particulièrement, les notes font alors l’objet d’exercices parodiques variés. De Wernicke et Swift à Rabener, les travers des commentateurs professionnels comme des « autonotistes » sont sévèrement fustigés. Le fait de commenter, de produire une parole seconde, est présenté comme une activité parasitaire qui vise, à bon compte, une gloire littéraire indue. On voit ainsi se dissocier la figure du poète de celle du savant, le créateur de l’antiquaire, l’auteur de celui qui en usurpe seulement le titre (Hinkmar von Repkow). Tantôt ce sont les partisans des modernes qui sont présentés comme des annotateurs sots et prétentieux (Swift), tantôt ce sont les adeptes des Anciens qui font figures d’exégètes pédants et ridicules (Saint-Hyacinthe). Des personae, locuteurs de la satire comme Mathanasius, Scriblerus ou Hinkmar von Repkow, incarneront pour toujours l’hybris du scholiaste, aussi arbitraire dans ses interprétations douteuses qu’insatiable dans les références qu’il brandit.
169La note émerge alors comme un véritable instrument littéraire qui permet des jeux spécifiques avec la tradition et les adversaires contemporains, parfois recrutés, contre leur gré, comme autant de collaborateurs involontaires (Swift, Pope). Elle se mue en quelque chose comme un genre qui, poussé à son extrême limite, peut devenir autonome et se passer d’un texte (Rabener). Lorsque la mode de la fiction annotée l’emporte dans la seconde moitié du XVIIIe siècle, Wieland, Sterne, Jean-Paul et Voltaire se souviendront de Pope et Rabener pour aller plus loin dans les audaces de l’écriture marginale. Paradoxalement, c’est donc l’exécution de la note comme tombeau des autorités qui lui ouvrira de nouvelles possibilités et lui permettra de devenir une forme d’expression littéraire sui generis.
Notes
-
[*]
Le présent article fait partie d’une étude plus vaste, encore inédite, sur la prose notulaire.
-
[1]
Trad. A. Pfersmann. Texte original : « I chose him, that is the next yor sacred Person […]. The rather since it was his Highnesse command, to haue mee adde this second labor of annotation to my first of Invention, and both in the Honor of yor Maiesty » (Ben Jonson, The Masque of Queens, dans [Œuvres de] Ben Jonson, éd. C.H. Herfort, P. et E. Simpson, Oxford, Clarendon Press, t. VII, 1963, p. 279).
-
[2]
M. de Montaigne, Les Essais, I, 25 (« Du pédantisme »), dans Œuvres complètes, éd. A. Thibaudet et M. Rat, Paris, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », 1962, p. 132.
-
[3]
Tr. Boccalini, Ragguagli di Parnaso, éd. L. Firpo, Bari, Laterza, 1948, t. I, p. 192 : « i pedanti, gli epistolari e i commentatori ».
-
[4]
Voir W. Kühlmann, Gelehrtenrepublik und Fürstenstaat. Entwicklung und Kritik des deutschen Späthumanismus in der Literatur des Barockzeitalters, Tübingen, Max Niemeyer, 1982, p. 285 sq.
-
[5]
Abbé G. Massieu, Préface aux Œuvres de Mr de Tourreil, Paris, Brunet, 1721, t. I. Voir A. Pfersmann, « Le discours préfaciel sur les notes aux XVIIe et XVIIIe siècle », Textuel, n° 46, hiver 2004, p. 145-182.
-
[6]
P. Hazard, La Crise de la conscience européenne (1680-1715), Paris, Fayard, 1961.
-
[7]
Voir G. Leclerc, Histoire de l’autorité. L’assignation des énoncés culturels et la généalogie de la croyance, Paris, P.U.F., 1996, p. 139 sq.
-
[8]
J. Starobinski, Table d’orientation. L’auteur et son autorité, Lausanne, L’Âge d’homme, 1989, p. 9.
-
[9]
« Autorité : c’est une sentence digne d’imitation. » (Hugutius Pisanus, Magnae derivationes, s.v. augeo). Cité d’après M. B. Parkes, « The influence of the Concepts of Ordinatio and Compilation on the Development ot the Book », dans J. G. Alexander et M.T. Gibson, Medieval Learning and Literature. Essays presented to Richard William Hunt, Oxford, Clarendon Press, 1976, p. 116.
-
[10]
G. Leclerc, op. cit., p. 99. Voir également Michel Zimmermann (dir.), AUCTOR et AUCTORITAS. Invention et conformisme dans l’écriture médiévale, Paris, École des Chartes, 2001.
-
[11]
Voir B. Périgot, Dialectique et littérature : les avatars de la dispute entre Moyen Âge et Renaissance, Paris, Champion, 2005.
-
[12]
A. Compagnon consacre des pages éclairantes à l’herméneutique médiévale, mais affirmer « que le commentaire est mort de l’auctoritas » est sans doute excessif : voir La Seconde main ou le travail de la citation, Paris, Seuil, 1979, p. 221.
-
[13]
M.-A. Muret, Commentaires au Premier livre des Amours de Ronsard, éd. J. Chomarat, M.-M. Fragonard et G. Mathieu-Castellani, Genève, Droz, 1985, p. xx.
-
[14]
Selon l’expression de G. Leclerc, op. cit., p. 139.
-
[15]
Ibid., p. 155.
-
[16]
Diderot, art. « Autorité » de l’Encyclopédie, Œuvres complètes, Paris, Club français du livre, 1969-1973, t. XV, p. 100 sq.
-
[17]
Kant, « Qu’est-ce que les Lumières ? » (1784), dans Aufklärung. Les Lumières allemandes, éd. G. Raulet, Paris, GF-Flammarion, 1995, p. 25.
-
[18]
Voir J. Kl. Kipf, « “Pluto ist als vil als Lucifer”. Zur ältesten Verwendung gedruckter Marginalnoten in deutschen literarischen Texten (bis 1520) », conférence présentée en 2006 lors du colloque d’Erfurt sur les notes, à paraître dans les actes.
-
[19]
Voir G. Ruh, Hieronymus Emser. Eyn deutsche Satyra vnd straffe des Eebruchs. Untersuchung und Text, Tübingen, Huth, 1964, passim.
-
[20]
Trad. A. Pfersmann. Texte original : « Thisbe vnd Pyramus, czwey iunge menschen czu Babilonia, hetten einander lieb vnd heimlich czu der Ee genommen, deßhalben sie einander czilten in eyn waldt. Als nu thisbe erstlich do hin kam, fand sie ein leuen […] den floch sie vnd ließ irn rock do hinden. darnoch, als Pyramus hernach kam vnd iren rock von dem leuen czurissen ansach, gedacht er, das sie der leo auch fressen, vnd stach sich vor leid czu todt. Darnoch, als Thisbe wider do hin vnd in todt fand, nam sie das selbig schwert vnd stach sich auch domit czu tod. iiij. Methamorphoseos » (ibid., p. 203).
-
[21]
Y. Quenot, Les Lectures de La Ceppède, Genève, Droz, 1986, p. 199.
-
[22]
J. de La Ceppède, Les Théorèmes sur le sacré mystère de nostre redemption, éd. Y. Quenot, Paris, Nizet, 1988-1989, t. I, p. 60.
-
[23]
Ibid., t. II, p. 668.
-
[24]
Ibid., t. I, p. 141.
-
[25]
Ibid., n. 2, p. 142.
-
[26]
Ibid., n. 3, p. 143.
-
[27]
Ibid., p. 146, l. 95.
-
[28]
Ibid., p. 151.
-
[29]
Ibid., p. 159.
-
[30]
Y. Quenot, ibid. Françoise Charpentier suggère très prudemment que l’importance du commentaire relatif à la « sueur de sang » aurait la fonction d’« endiguer des affects trop violents qui trahiraient les obsessions du poète » (« L’auto-commentaire de Jean de La Ceppède », dans G. Mathieu-Castellani et M. Plaisance (dir.), Les Commentaires et la naissance de la critique littéraire (France/Italie, XIVe-XVIe siècles), Paris, Aux amateurs de livres, 1990, p. 109).
-
[31]
La Ceppède, Les Théorèmes, éd. cit., t. I, p. 164.
-
[32]
Ibid., p. 164, l. 575.
-
[33]
Ibid.
-
[34]
Voir F. von Ingen, « Roman und Geschichte. Zu ihrem Verhältnis im 17. Jahrhundert », dans From Wolfram and Petrarca to Goethe and Grass. Studies in Literature in Honour of Leonard Forster, D. H. Green et alii éd., Baden-Baden, Körner, 1982, p. 463.
-
[35]
C’est la thèse de Franz Günther Sieveke : voir « Philipp von Zesens “Assenat”. Doctrina und Eruditio im Dienste des “Exemplificare” », Jahrbuch der deutschen Schillergesellschaft, vol. XIII, 1969, p. 125.
-
[36]
Voir l’introduction de Volker Meid à son édition d’Asssenat, Max Niemeyer, Tübingen, 1967, p. 23.
-
[37]
« Zum 279 / und 280 blatte. / Hiesige begäbnüs erzehlet Moses ebenmäßig im 45 hauptstükke des Buchs der Schöpfung ; als auch Greiffensohn / und Josef / der Jüdische Geschichtsschreiber » (Assenat, éd. cit., p. 556).
-
[38]
« Mir ist im übrigen auch sehr wohl bekant / daß andere das wort Madrigale lieber von madre herleiten wollen / also dass es ihnen so viel sein sol / wie sie schreiben / als madre della gale, das ist eine Mutter der lieder. Und dieses gefället mir auch nicht übel ; weil ein Schattenliedlein in der taht und wahrheit / indem es so klein ist / eine Mutter / das ist ein uhrsprung / begin oder anfang der andern lieder und gesänge genennet werden kan. Dan in dem verstande wird / so wohl im Wälschen / als Spanischen / das wort madre als auch matrize vielmahls gebraucht. […] So benahmen wir auch die Muschel / darinnen die Perlen wachsen / oder daraus sie ihren uhrsprung haben / Perlenmutter / wie die Spanier madreperla [sic], und die Wälschen madre de perlas [sic]. » (ibid., p. 550 sq.).
-
[39]
G. Genette, Seuils [1987], Paris, Seuil, « Points », 2002, p. 321.
-
[40]
Ch. Sorel, « Remarques sur le premier livre du Berger Extravagant », Le Berger extravagant, Paris, T. Du Bray, 1627-1628 [réimpr. Genève, Slatkine, 1972], t. III, p. 17. L’ensemble des « Remarques » figure dans ce t. III, auquel renverront les citations ultérieures.
-
[41]
Ibid., IIe partie, « Aduertissement aux Lecteurs », t. II.
-
[42]
« Remarques sur le VIII. liure du Berger Extrauagan », ibid., p. 356. Sigrun Thiessen montre comment Sorel omet sciemment dans le cours du récit des informations qui intéressent le lecteur afin de créer un suspens, piquer la curiosité du lecteur et l’inciter à chercher la solution dans les Remarques : voir Charles Sorel. Rekonstruktion einer antiklassizistischen Literaturtheorie und Studien zum « Anti-roman », Munich, Fink, 1977, p. 167 et 309. Sur les remarques de Sorel, on consultera également A. L. Franchetti, Il « Berger extravagant » di Charles Sorel, Florence, Olschki, 1977, p. 23-42 ; F. Garavini, La Maison des jeux. Science du roman et roman de la science au XVIIe siècle, trad. A. Estève, Paris, Champion, 1998, p. 89 sq.
-
[43]
Elles seront redistribuées, à la fin de chaque livre, dans l’édition B de 1633-1634. Sur les différences entre ces deux versions, voir A. L. Franchetti, op. cit., et H. D. Béchade, Les Romans comiques de Charles Sorel. Fiction narrative, langue et langages, Genève, Droz, 1981, p. 289 sq.
-
[44]
D. Chouinard, « Charles Sorel (anti)romancier et le brouillage du discours », Études françaises, n° 14 (1?2), avril 1978, p. 68.
-
[45]
H. Coulet, Le Roman jusqu’à la Révolution, Paris, A. Colin, 1967, p. 198.
-
[46]
Voir A. Pfersmann, « La lanterne magique du romanesque », dans A. Schaffner (dir.), Romanesques I. Récit d’enfance et romanesque, Amiens, Centre d’Études du Roman et du Romanesque, 2004, p. 13-61 ; republié par Vox poetica en février 2006 : http://www.vox-poetica.org/t/pfersmann.html.
-
[47]
Sorel, op. cit., t. III, p. 4.
-
[48]
Ibid., t. III, p. 6.
-
[49]
Voir W. Benjamin, Der Begriff der Kunstkritik in der deutschen Romantik, Gesammelte Schriften, éd. R. Tiedemann et H. Schweppenhäuser, vol. I. 1, Francfort, Suhrkamp, 1980, p. 69 et passim.
-
[50]
Sorel, op. cit., IIe partie, « Aduertissement aux lecteurs », t. II.
-
[51]
« Remarques sue le XIII. liure», ibid, p. 705/ 622.
-
[52]
Au sujet de l’autocommentaire des poètes italiens de la Renaissance, on consultera Sh. Roush, Hermes’ Lyre. Italian Poetic Self-Commentary from Dante to Tommaso Campanella, Toronto/Buffalo/Londres, University of Toronto Press, 2002.
-
[53]
Voir Fr. Redi, Bacco in Toscana, éd. C. Chiodo, Rome, Bulzoni, 1996, p. 77 sq. Cette édition illustre de façon spectaculaire le mépris de certains chercheurs, encore de nos jours, pour les notes auctoriales des poètes qu’ils prétendent éditer et, de façon plus grave, pour les règles élémentaires de la déontologie. Tout en affichant une prise en compte des annotazioni, « per la prima volta usate nel commento », l’éditeur se dispense de les reproduire pour mieux les piller textuellement, souvent sans recourir aux guillemets de rigueur. Le plagiat est pratiqué à grande échelle dans l’Introduzione du volume, qui pille également, mot pour mot, l’étude d’Enrica Micheli Pelligrini, Francesco Redi. Letterato e poeta, Firenze, Successori Le Monnier, 1911. L’ampleur du vol est telle qu’elle jette le discrédit sur toute l’édition.
-
[54]
Texte original : « e quel che più importa cum notibusse et comentaribusse » ; cité d’après E. Micheli Pellegrini, op. cit., p. 92.
-
[55]
Trad. A. Pfersmann. Texte original : « Solamente mi pregò, che io gli facessi il servizio di qualche aggiunta nelle Annotazioni, ed io gliele feci e gli diedi alcune nuove annotazioncelle ed egli le ha ristampate con le altre mettendole ai loro propri luoghi » (lettre du 24 février 1691 à Guiseppe Lanzoni, citée d’après E. Micheli Pellegrini, op. cit., p. 93).
-
[56]
Trad A. Pfersmann. Texte original : « P. 4. V. 15. Giovinezza. / Alcuni Gramatici hanno voluto dire, che la voce Giovinezza sia solamente delle Scritture moderne, e Giovanezza delle antiche. S’ingannarono. Dante stampato in Firenze dall’Academia della Crusca Purg. 20 / Per concurre ad onor la giovinezza. […] Potrei addure molti, molti esempli degli antichi Testi a penna. » (« Annotazioni di Francesco Redi Aretino Academico della Crvsca al ditirambo », Bacco in Toscana. Colle annotazioni accresciute, Florence, Piero Matini, 1691, p. 16).
-
[57]
Voir supra, n. 52.
-
[58]
Trad. A. Pfersmann. Texte original : « Dell’Indico Oriente / Domator glorioso il Dio del Vino. / Molti Poeti Latini, e Greci hanno dato a Bacco il titolo di Domador dell’India, e con questo lo circoscrive Il Ronsardo nell Inno delle Lodi della Francia : / Plus qu’en nul lieu Dame Ceres la blonde, / Et le donteur des Indes i abonde. » (Fr. Redi, op. cit., p. 1).
-
[59]
Postel fut le librettiste le plus prolifique de l’Opéra de Hambourg ; voir par exemple Die schöne und getreue Ariadne (musique de Johann Georg Conradi).
-
[60]
« Dunckle Erklärungen dieses Helden-Gedichts », dans Christian Wernickes Epigramme, éd. R. Pechel, Berlin, Mayer & Müller, 1909, p. 653.
-
[61]
Ibid., p. 545 : « Es würden auch diejenige ihre Mühe verlieren, die die angeführte Deutsche, Welsche, Englische, und Frantzösische Oerter den Hans Sachs betreffend, anderswo als in meinen Anmerckungen aufsuchen wolten. Welches aber bey denen nicht zu besorgen stehet, die so gleich im ersten Anblick verspüren werden, dass auch eben dieselbe nicht ohne ein gewisses Absehen geschrieben worden sind ».
-
[62]
J. J. Bodmer, Sammlung Critischer, Poetischer und andrer geistvoller Schriften, Zur Verbesserung des Urtheils und des Wizes in den Wercken der Wolredenheit und der Poesie, Zürich, Orell, 1741-1744, t. I, p. 132 sq. : « Diese Erklärungen zielen auf die Postelschen Vorreden u. Anmerkungen zu seinen Singspielen, item zu seiner Juno, wo er aus allen Sprachen ähnliche Vorstellungen, Nachahmungen, Beschreibungen, Alterthümer, zusammengetragen, womit er unleugbar eine weitläuftige Belesenheit gezeiget, der es aber an einem ordnenden Verstande gefehlet hat, sie auf eine geschickte und angenehme Weise zu gebrauchen. Er hat meistentheils nur Stellen auf Stellen, ohne daß er etwas von dem seinigen dazugethan, weil er zu wenig Tüchtigkeit besessen, das innre Wesen davon zu beurtheilen, und den Werth einer jeden Stelle in Vergleichung der andern nach der besondern Absicht bey jeder zu bestimmen und auszumachen. Dazu kömmt, daß er sie zu seinen Opern angehängt hat, deren Leser zu dergleichen gelehrten Kram keinen Magen hatten. »
Prudent, Bodmer estime toutefois que Wernicke a exagéré dans ses sarcasmes à l’encontre des notes de Postel qui auraient le mérite d’indiquer aux lecteurs allemands éclairés la trace des Anciens. -
[63]
Christian Wernickes Epigramme, op. cit., p. 563 sq. : « Diss war Hans Sachs gewahr.) Wo es dem Leser nicht allbereit bekannt ist, so wird ihm hiemit zu wissen gethan, dass Hans Sachs ein berühmter Schuster und Pritschmeister in Deutschland gewesen, welcher mit Verwunderung nicht allein Schuhe, sonder auch Füsse zu machen gewusst : Wie solches nicht allein der Grossmächtige Gregorio Leti in seinem Coglione, davon er in Parenthesi ein gantz Buch geschrieben, mit diesen Worten klar und hell dargethan : Vaglia il vero, il più grand [sic] Coglione che si sia mai trovato fra i Poetastri nella terra Tedescha, fù il chiamato Hans Sachs, und wie die Worte ferner lauten; sondern auch unser eigner Landsmann […] der unvergleichliche Stephen Hartopf in seinem nunmehro nicht mehr zu bekommenden Gedichte von der Marcketenterey mit diesen Worten bezeuget :
Ein feines Knäblein Hans Sachs war,
Der Gänse-Federn braucht, und auch zugleich Schweinshaar; […]
Welche schöne und fürtreffliche Verse der in den Uhralten deutschen Gedichten wollerfahrne und gelehrte Frantzoss, Jerome des Flibustiers Seigneur de la Rodomontade also übersetzet :
Moy Jerome, etc. » -
[64]
Ibid., p. 564 sq. : « Also scheint es, dass der hochtrabende Italiäner Cusa ein gantz Buch de docta ignorantia geschrieben. Wie nun diesen letztern Stelpo in einer gewissen Vorrede cum elogio citiret; also erhellet es aus dessen Schriften, dass er ein eyfriger Fortplantzer dieser unwissenden Gelartheit, oder gelahrten Unwissenheit sey. Sintemahl dieselbe am besten durch ungeheure Worte die man nicht verstehet, begriffen wird ».
On ose à peine rappeler que le théologien Nicolas de Cues (1401-1464), de son vrai nom Nikolaus Krebs, était allemand et non pas italien. L’appartenance nationale qu’on lui attribue de façon erronée indique-t-elle que le pédantisme est alors perçu, en Allemagne, comme une spécialité italienne ? La « docte ignorance » abordée par Cues dans son célèbre traité n’est rien d’autre que la reconnaissance de notre ignorance ou des limites humaines de la connaissance. -
[65]
Chr. Fr. Hunold, Der thörichte Pritschmeister Oder Schwermende Poete In einer lustigen Comoedie […], Coblence, Marteau, 1704. Hunold a été récemment tiré de l’oubli par Jens-Fietje Dwars, Leben und Werk des vormals berühmten Christian Friedrich Hunold alias Menantes, Bucha, Quartus, 2005.
-
[66]
A. Martino, Daniel Casper von Lohenstein. Geschichte seiner Rezeption, trad. H. Streicher, Tübingen, Max Niemeyer, 1978, p. 234. Éd. originale : Daniel Caspar von Lohenstein. Storia della sua ricezione, Pisa, Athenaeum, 1975.
-
[67]
Voir J. J. Bodmer, op. cit., t. 2, p. 115-137.
-
[68]
Ibid., p. 121 : « eine vollkommene Wissenschaft der Welt, derer Gebräuche, Sitten und Sprachen sich an Höfen erworben haben ». Gunter Grimm fait justement remarquer que c’est des cours allemandes, et non de la bourgeoisie, que Wernicke attend un renouvellement de la littérature allemande (Literatur und Gelehrten in Deutschland. Untersuchungen zum Wandel ihres Verhältnisses vom Humanismus bis zur Frühaufklärung, Tübingen, Niemeyer, 1983, p. 537 sq.).
-
[69]
Voir M. Plaisance, « Réécriture et écriture dans les deux commentaires burlesques d’Antonfrancesco Grazzini », dans Réécritures : commentaires, parodies, variations dans la littérature italienne de la Renaissance, Paris, Université de la Sorbonne Nouvelle, 1983-1987, t. I, p. 185-223 ; A. Corsaro et P. Procaccioli (dir.), Cum notibusse et commentaribusse : l’esegesi parodistica e giocosa del Cinquecento, Manziana, Vecchiarelli, 2002 ; D. Romei et alii (éd.), Ludi esegetici, Manziana, Vecchiarelli, 2005.
-
[70]
Voir Fr. Berni, Poesie e prose, éd. Ezio Chiòrboli, Genève et Florence, Olschki, 1934, p. 205 ss et Guilio Ferroni, « Les genres comiques dans les commentaires », in Les Commentaires et la naissance de la critique littéraire. France/Italie (XIVe-XVIe siècle), G. Mathieu-Castellani et M. Plaisance éd., Paris, Aux Amateurs de livres, 1990, p. 67.
-
[71]
Je reprends le terme choisi par Bayle qui cite des extraits de ce commentaire à l’article « Molsa » (Remarque E) de son Dictionnaire historique et critique, sans me cacher que cette traduction ne résout pas le problème de l’ambiguïté polysémique du terme ficata (« bêtise ») qui renvoie à la figue (italien fico), mais aussi à la signification symbolique de ce fruit censé représenter le sexe féminin (italien fica).
-
[72]
Voir Fr. Titelmans, Commentarii doctissimi in Cantica canticorum Salomonis, aeditione prima (recenti quidem) emendatiores, authore fratre Francisco Titelmanno, Paris, J. Roigny, 1547.
-
[73]
On ne peut que renvoyer ici à l’article « Satire » de l’Encyclopédie, dû au chevalier de Jaucourt, ainsi qu’aux études modernes sur la satire des Lumières, assez bien documentée aujourd’hui : J. Brummack, art. « Satire », Reallexikon der deutschen Literaturgeschichte, dir. P. Merker et W. Stammler, Berlin / New York, de Gruyter, 1958-1984, t. 3, p. 601-614 ; M. Tronskaja, Die deutsche Prosasatire der Aufklärung, Berlin, Rütten & Loening, 1969 ; J. N. Schmidt, Satire : Swift und Pope, Stuttgart, Kohlhammer, 1977 ; H. D. Weinbrot, Eighteenth-Century Satire : essays on text and context from Dryden to Peter Pindar, Cambridge University Press, 1988 ; R. Seibert, Satirische Empirie : literarische Struktur und geschichtlicher wandel der Satire in Spätaufklärung, Würzburg, Königshausen & Neumann, 1981 ; H. Kämmerer, « Nur um Himmels willen keine Satyren… ». Deutsche Satire und Satiretheorie des 18. Jahrhunderts im Kontext von Anglophilie, Swift-Rezeption und ästhetischer Theorie, Heidelberg, Winter, 1999 ; A. Kosenina, Der gelehrte Narr. Gelehrtensatire seit der Aufklärung, Göttingen, Wallstein, 2003.
-
[74]
Sur la parenté entre le burlesque et la satire, voir S. Duval et M. Martinez, La Satire, Paris, A. Colin, 2000, p. 154 sq. Claudine Nédélec montre très bien que le satirique et le burlesque sont fréquemment associés, sans l’être toujours nécessairement : Les États et empires du burlesque, Paris, Champion, 2004, p. 239 sq.
-
[75]
J. Swift, Le Conte du tonneau, éd. et trad. G. Lemoine, Paris, Aubier-Montaigne, 1980, p. 116. Texte original : « But satire being levelled at all is never resented for an offence by any, since every individual person makes bold to understand it of others, and very wisely removes his particular part of the burden upon the shoulders of the world, which are broad enough and able to bear it » (A Tale of a Tub and Other Works, éd. A. Ross et D. Woolley, Oxford, Oxford University Press, 1999, p. 23). Toutes nos citations ultérieures renvoient à ces deux éditions.
-
[76]
Ibid., p. 83. Texte anglais : « Thus prepared, he thought the numerous and gross corruptions in Religion and Learning might furnish matter for a satire that would be useful diverting. […] The abuses in Religion he proposed to set forth in the Allegory of the Coats and the three Brothers, which was to make the body of the discourse. Those in Learning he chose to introduce by way of digressions » (p. 2).
-
[77]
Ibid., p. 180. Texte anglais : « I claim an absolute authority in right, as the freshest modern, which gives me a despotic power over all authors before me » (p. 62).
-
[78]
Ibid., p. 154. Texte anglais : « These have with unwearied pains made many useful searches into the weak side of the ancients, and given us a comprehensive list of them* » ; « *See Wotton of Ancient and Modern Learning » (p. 46).
-
[79]
Pour l’histoire du texte de Swift, on se reportera à l’édition, déjà ancienne, de Guthkelch et Smith, qui reproduit notamment le texte de Wotton et la Clé de Curll : A Tale of a Tub, éd. A.C. Guthkelch et D. Nichol Smith, Oxford, Clarendon Press, 1958.
-
[80]
Le Conte du tonneau, éd. cit., p. 110. Texte anglais : « That seamen have a custom when they meet a whale, to fling him out an empty tub by way of amusement, to divert him from laying violent hands upon the ship » (p. 18).
-
[81]
Trad. A. Pfersmann. Texte anglais : « It is so perfect a Grub-street-piece, it will be forgotten in a week » (Lettre à Benjamin Tooke, 29 juin 1710, The Correspondence of Jonathan Swift, éd. H. Williams, Oxford, Clarendon Press, 1963-1965, t. I, p. 165).
-
[82]
Une clé complète du Conte du tonneau, avec quelques indications sur les auteurs, l’occasion et le dessein ayant présidé à son écriture, et un examen des remarques de Mr. Wotton.
-
[83]
Trad. A.Pfersmann. Texte anglais : « Inclose I have sent the Key, and think it would be much more proper to add the notes at the bottom of the respective pages they refer to, than printing them at the and and by themselves » (Lettre à Benjamin Tooke, 29 juin 1710, éd. cit., p. 166).
-
[84]
Le Conte du tonneau, éd. cit., p. 163. Texte anglais : « By his whispering-office of the relief of eavesdroppers, physicians, bawds, and privy-councillors, he ridicules auricular confession ; and the priest who takes it, is described by the ass’s head. W. WOTTON » (p. 51).
-
[85]
Ibid., p. 137. Texte anglais : « X By his coats which he gave his Sons, the Garments of the Israelites. W. WOTTON. An Error (with Submission) of the learned Commentator; for by coats are meant the Doctrine and Faith of Christianity, by the Wisdom of the Divine Founder fitted to all times, places and circumstances. LAMBIN » (p. 34).
-
[86]
Ibid., p. 216. Texte anglais : « I cannot conjecture what the author means here, or how this chasm could be filled, thought it is capable of more than on interpretation » (p. 87).
-
[87]
Ibid., p. 224. Texte anglais : « Therefore, the thrue illuminateda (that is to say the darkest of all) have met with such numberless commentators, whose scholiastic midwifery hath delivered them of meanings that the authors themselves perhaps never conceived, and yet may very justly be allowed the lawful parents of themb » (p. 90).
-
[88]
« Nothing is more frequent than for Commentators to force interpretations, which the authors never meant » (ibid.).
-
[89]
Voir J.-P. Forster, « Swift and Wotton : the unintended mousetrap », Swift Studies, n° 7, 1992, p. 24.
-
[90]
Trad. A. Pfersmann. Texte anglais : « The number of these Sons born thus at one Birth, looks asquint at the TRINIT, and one of the Books in our Author’s Catalogue in the Off-page over-against the Title, is a Panegyric upon the Number THREE, which Word is the only one that is put in Capitals in that whole Page. » (Wotton, A Defense of the Reflections upon Ancient and Modern Learning, dans Swift, A Tale of a Tub, éd. A. C. Guthkelch et D. Nichol Smith, op. cit., p. 317).
-
[91]
Le Conte du tonneau, éd. et trad. Georges Lemoine, p. 86.
-
[92]
Ibid., p. 111.
-
[93]
« Lettre XXII sur M. Pope et quelques autres poètes fameux », Lettres philosophiques (1733), dans Voltaire, Mélanges, éd. J. Van den Heuvel, Paris, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », 1961, p. 1394 (passage intercalé à partir de 1756).
-
[94]
Voir Fr. Palmeri, « The satiric footnotes of Swift and Gibbon », in The Eighteenth Century, vol. 31, automne 1980, p. 245-262 ; E. Zimmermann, Swift’s Narrative Satires. Author and authority, Ithaca / Londres, Cornell University Press, 1983.
-
[95]
Voir ibid., p. 258.
-
[96]
A Tale of a Tub et The Dunciad sont considérés par William Kinsley comme « les deux grands “mock-books” du XVIIIe anglais », genre qu’il définit comme « une parodie de la forme du livre ou du livresque » (« Le “mock-book” », Études françaises n° 18/2, p. 42-60). Cf. H. Weinbrot, « The Dunciad as notable poem », dans Menippean satire reconsidered : from antiquity to the eighteenth century, Baltimore, Johns Hopkins University Press, 2005, p. 251-273.
-
[97]
Voir l’introduction de James Sutherland à son édition de The Dunciad, Londres / New Haven, Methune / Yale University Press, 19633.
-
[98]
Voir J. Swift, Correspondance avec le Scriblerus Club, trad. D. Bosc, Paris, Allia, 2005, p. 21 sq. Dans son introduction, D. Bosc rappelle que Scriblerus vient « de l’anglais scribler : griffoneur, gratte-papier, écrivassier ».
-
[99]
Les Memoirs of the extraordinary life, works and discoveries of Martinus Scriblerus parurent pour la première fois en 1741, dans le tome III des Œuvres de Pope.
-
[100]
Voir Devine si tu peux, ou Discours prononcé dernierement dans une assemblée de Franc-maçons, pour la réception de Messieurs***, par M.*** orateur de la loge. Avec les notes & les observations du chevalier Scriblerus, Londres [recte : Paris], 1744.
-
[101]
Œuvres complètes de Boileau, Genève, Fabri et Barrillot, 1716, 2 vol.
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[102]
Voir J. McLaverty, « The Mode of Existence of Literary Works of Art : The Case of the Dunciad Variorum », Studies in bibliography, vol. 37, 1984, p. 99 sq. Un des aspects extrêmement critiquables de l’édition de J. Sutherland est la suppression de cette distinction voulue par Pope : voir « Note on the texte », The Dunciad, éd. cit., p. 3.
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[103]
Trad. A. Pfersmann. Texte original : « suffered to step into the world naked, unguarded, and unattended » (« A letter to the publisher », The Dunciad in four books, dans Alexander Pope, Poetical Works, éd. H. Davis et P. Rogers [1966], Oxford /New York, Oxford University Press, 1989, p. 430). Le texte de Pope sera cité d’après cette édition, plus lisible que celle de J. Sutherland qui tombe dans le piège du poète en intégrant ses propres commentaires aux notes d’origine.
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[104]
J. Swift, Correspondance avec le Scriblerus Club, éd. cit., p. 236. Texte original : « I have often run over the Dunciad […]. The Notes I could wish to be very large, in what relates to the person concerned ; for I have long observed that twenty miles from London no body [sic] understands hints, initial letters, or town-facts and passages : and in a few years not even those who live in London. I would have the names of those scriblers printed indexically at the beginning or end of the Poem, with an account of their works, for the reader to refer to. I would have all the Parodies (as they are called) refered to the authors they imitate. […] I am sure it will be a great disadvantage to the poem, that the persons and facts will not be understood, till an explanation comes out, and a very full one » (The Correspondence of Jonathan Swift, éd. cit., t. III, p. 293).
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[105]
Correspondance avec le Scriblerus Club, éd. cit., p. 234 (trad. modifiée). Texte original : « The Dunciad is going to be printed in all pomp […]. It will be attended with Proeme, Prolegomena, Testimonia Scriptorum, Index Authorum, and Notes Variorum. As to the latter, I desire you to read over the Text, and make a few in any way you like best, whether dry raillery, upon the style and way of commenting of trivial Critics ; or humorous, upon the authors in the poem ; or historical, of persons, places, times ; or explanatory ; or collecting the parallel passages of the Ancients » (The Correspondence of Jonathan Swift, éd. cit., t. III, p. 103).
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[106]
Voir l’introduction de J. Sutherland à son édition, op. cit., p. xxiii.
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[107]
Voir A. L. Williams, Pope’s Dunciad. A Study of its Meaning, Londres, Methuen, 1955, p. 77 et passim.
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[108]
Trad. A. Pfersmann. Texte original : « The DUNCIAD, sic MS. It may well be disputed whether this be a right reading : Ought it not rather to be spelled Dunceiad, as the Etymology evidently demands ? Dunce with an e, therefore Dunceiad with an e. » (The Dunciad in four books, éd. Herbert Davis, op. cit., p. 470).
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[109]
Trad. A. Pfersmann. Texte original : « Though I have as just a value for the letter E, as any Grammarian living, and the same affection for the Name of this Poem as any Critic for that of his Author ; yet cannot it induce me to agree with those who would add yet another e to it, and call it the Dunceiade ; which being a French and foreign termination, is no way proper to a word entirely English, and vernacular. One e therefore in this case is right, and two e’s wrong. Yet upon the whole I shall follow the Manuscript, and print it without any e at all ; moved thereto by Authority (at all times, with Critics, equal, if not superior to Reason) » (ibid., p. 471).
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[110]
Œuvres diverses de Pope, trad. É. de Joncourt, Amsterdam et Leipzig, Arkstee & Merkus, 1758, t. III, p. 311 (trad. modifiée). Texte original : « Before them march’d that awful Aristarch ; / Plow’d was his front with many deep Remark » (The Dunciad in four books, éd. Herbert Davis p. 560). Rappelons que dans son Épître aux Pisons, Horace rend hommage à la critique impitoyable d’Aristarque (v. 450).
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[111]
Œuvres diverses de Pope, éd. cit., p. 314 sq. (trad. modifiée et complétée). Texte original : « For thee explain a thing till all men doubt it, / And write about it, Goddess, and about it […] With the same Cement, ever sure to bind, / We bring to one dead level ev’ry mind » (ibid, p. 564).
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[112]
Trad. A. Pfersmann. Texte original : « But there is on general Method […] and that is AUTHORITY, the universal Cement, which fills all the cracks and chasms of lifeless matter, shuts up all the pores of living substance, and brings all human minds to one dead level » (ibid., p. 564).
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[113]
J. Mc Laverty (loc. cit.) a probablement raison d’estimer que Pope suit, là encore, le modèle de l’édition des Œuvres de Boileau établie par Brossette. Un des aspects extrêmement critiquables de l’édition de The Dunciad par J. Sutherland est précisément la suppression de cette distinction entre Imitations et Remarks, voulue par Pope.
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[114]
Trad. A. Pfersmann. Texte original : « It is no easy Task to make something out of a hundred Pedants that is not Pedantical; yet this he must do, who would give a tolerable Abstract of the former Expositors of Homer » (A. Pope, The Iliad of Homer. Books I-IX, éd. M. Mack, Londres/New Haven, Methuen et Yale University Press, 1967, p. 82). Comme l’a montré, en son temps, E. Audra, Pope a pillé sans vergogne dans son édition les remarques de Mme Dacier : voir L’Influence française dans l’œuvre de Pope, Paris, Champion, 1931, p. 290 sq.
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[115]
Trad. A. Pfersmann. Texte original : « Those Loads of Prose Rubbish, wherewith you have almost smother’d your Dunciad » (C. Cibber, A letter from Mr. Cibber, to Mr. Pope, Inquiring into the Motives that might induce him in his Satyrical Works, to be so frequently fond [sic] of Mr. Cibber’s Name [1742], éd. H. Koon, Los Angeles, William Andrews Clark Memorial Library / University of California, 1973, p. 9). Voir Cl. Rawson, « Heroic Notes : Epic Idiom, Revision and the Mock-Footnote from the Rape of the Lock to the Dunciad », Proceedings of the British Academy, n° 91, p. 69-110.
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[116]
Trad. A. Pfersmann. Texte original : « A better Poem of its Kind than ever was writ » ; « Those vain-glorious encumbrances of Notes, and Remarks, upon almost every Line of it » (ibid.).
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[117]
« Without your own commendatory Notes upon them » (ibid., p. 10).
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[118]
« He begins it thus, / “When I find my Name in the Satyrical Works of this Poet,” &c. / But I say, – / “When I, therefore, find my Name, at length, in the Satyrical Works of our most celebrated living Author” » (ibid., p. 54).
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[119]
« Because you have often suffer’d your Friend Scriblerus (that is yourself) in your Notes to make you Compliments of y much higher Nature » (ibid., p. 55).
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[120]
Voir The Dunciad in four books, éd. H. Davis, op. cit., p. 586.
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[121]
Voir W. Kinsley, « The Dunciad as Mock-Book », dans Pope : Recent Essays by Several Hands, p. 723 ; cité par G. D. Atkins, Quest of Difference : Reading Pope’s Poems, The University Press of Kentucky, 1986, p. 158.
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[122]
Réédition augmentée en 1771 sous le titre La Dunciade, poème en dix chants.
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[123]
Voir la préface d’Henri Duranton : Saint-Hyacinthe, Le Chef-d’œuvre d’un Inconnu, éd. H. Duranton, Paris/Saint-Étienne, CNRS-Publications de l’Université de Saint-Étienne, 1991, p. 12 sq. Dans l’édition qu’il a établie au début du XIXe siècle, X. Leschevin a répertorié les principales imitations du texte : voir Le Chef-d’œuvre d’un inconnu. Neuvième édition, par X. Leschevin, Paris, Imprimerie bibliographique, 1807, p. 423 sq.
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[124]
Cl. Lelouch analyse ce portrait d’autant plus inhabituel que, dans la seule édition originale, le visage de l’auteur supposé était tourné vers la gauche et non pas vers la page de titre (« Le Chef-d’œuvre d’un inconnu de Saint-Hyacinthe », Littératures classiques, n° 37, automne 1999, p. 193).
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[125]
Le Chef-d’œuvre d’un inconnu, éd. H. Duranton, p. 14.
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[126]
Ibid., p. 142.
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[127]
Ibid.
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[128]
Journal littéraire, sept.-oct. 1714, t. V, Ière partie, La Haye, Gosse, 1723, p. 69-70.
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[129]
Ibid.
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[130]
Cité d’après la biographie d’É. Carayol, Thémiseul de Saint-Hyacinthe (1684-1746), Oxford, The Voltaire Foundation, 1984, p. 47.
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[131]
Voir infra l’article de J. Dürrenmatt.
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[132]
Voir A. Gaillard, « Le Chef-d’œuvre d’un inconnu de Thémiseul de Saint-Hyacinthe (1714) : Folie raisonnante », dans Folies romanesques au siècle des Lumières, R. Démoris et H. Lafon éd., Paris, Desjonquères, 1998, p. 288.
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[133]
Saint-Hyacinthe, Le Chef-d’œuvre d’un inconnu, éd. cit., p. 92.
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[134]
[Abbé Du Revest], Histoire de Mr. Bayle et de ses ouvrages par Mr. de la Monnaye. Nouvelle édition, Amsterdam, Desbordes, 1716, p. 392 et 428.
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[135]
Ibid., p. 520-521.
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[136]
Auteur oublié d’un Nouveau Recueil de pièces fugitives d’histoire, de littérature, etc, Paris, Lamesle, 1717.
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[137]
[Antoine Gachet d’Artigny], Relation de ce qui s’est passé dans une assemblée tenue au bas Parnasse, pour la réforme des belles lettres, ouvrage curieux et composé de pièces rapportées, selon la méthode des beaux esprits de ce tems, La Haye, P. Paupié, 1739, p. 123.
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[138]
Ibid., p. 126.
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[139]
Ibid., p. 127 sq.
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[140]
[Jakob Friedrich Lamprecht], Der Stundenrufer zu Ternate, aus dem Französischen des Herrn Julien Scopon übersetzt und mit critischen, philologischen, historischen, moralischen, physicalischen etc. Anmerkungen vermehret und folglich verbessert, Bamberg, 1739, p. 26.
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[141]
Ibid., [p. 52].
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[142]
Ibid., p. 3 sq.
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[143]
« Ihr Herrn Männer fasset Muth / Denkt an des Ehestandes Pflichten ! / Izt ist es Zeit euch aufzurichten. » ; « n) Aufzurichten. Durch dieses Aufrichten versteht der Stundenrufer nicht das Aufrichten der Hände oder der Füsse. PAITHNERUS » (ibid., p. 15).
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[144]
Voir G. W. Rabener, Von dem Mißbrauch der Satire, Sämtliche Werke, éd. Ernst Ortlepp, Stuttgart, Scheible, 1839, p. 54-86.
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[145]
« Vernünftige Bürger zu schaffen » (ibid., p. 62).
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[146]
M. Tronskaja, Die deutsche Prosasatire der Aufklärung, op. cit., p. 63.
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[147]
« Wenn ich meine Worte auf eine ungefähre Art verknüpfe; so muß ich sie auch mit allen nur ersinnlichen Anmerkungen auszieren, damit die Belesenheit des Verfassers in die Augen falle. […] Diese Anmerkungen müssen aus vielerley Sprachen bestehen » (Rabener, Von der Vortrefflichkeit der Glückwunschschreiben, Satiren, Leipzig, J.G. Dyk, 1761, p. 61).
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[148]
« Herr Prof. Kehr in Peterburg hat mir eine auserlesene Sammlung von Noten in ausländischen, und bey uns ganz unerhörten Sprachen versprochen. Es ist mir verdrießlich, daß er in Erfüllung seines Versprechens so saumselig ist » (ibid., p. 65).
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[149]
« Anmerkungen heissen diejenige Zeilen, welche der Buchdrucker unter den Text setzt. Mit diesem haben sie keine Verbindung weiter, als daß sie auf eben der Seite stehen, oder wofern der Raum dieses nicht zulassen will, wenigstens sich allemal auf diejenige Seite beziehen, wo die Worte des Textes zu finden sind. Besonders zweyerley wird dabey erfodert. Sie müssen in die Augen fallen, und unerwartet seyn. Jenes geschieht, wenn man sagt, was andre schon gesagt haben, oder kunstmässig zu reden, wenn man die Alten und Neuen fein häufig anführt, und die Gelehrten, welche gegen die alle vier Winde wohnen, citiert. Das Unerwartete hingegen besteht darinnen, wenn ich Sachen sage, welche kein Mensch in meinen Anmerkungen suchen würde : Im Texte steht das Wort, Cicero, und in der Anmerkung untersuche ich die Frage: Ob Nebukadnezar auch wirklich Gras gefressen habe, wie ein Vieh ? » (Rabener, Noten ohne Text, Sammlung satyrischer Schriften, Karlsruhe, 1779, t. II, p. 128).
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[150]
« […] daß bei einem dergleichen Buche des Herrn Verfassers Noten allemal das vornehmste und wichtigste sind, der Text selbst aber nur etwas zufälliges, wenigstens von der Erheblichkeit lange nicht ist, als die angehängten Noten. Ich beziehe mich auf die Vorreden, so man vor diesen Bücher findet, und worinnen mein Satz allemal, nur auf verschiedene Weise, behauptet ist. Einem solchen Verfasser würde es daher gleichviel gelten, wenn der Text auch gar untergienge. Nur um seine Noten darf die Nachwelt nicht kommen. » (ibid, p. 118).
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[151]
« Diese Betrachtung hat mich zu dem Entschlusse gebracht, Noten zu schreiben, ohne um einen Text besorgt zu seyn, da dieser, wie gedacht, ohnedem nur ein Nebenumstand bey einem Buche ist. […] Allen meinen Enkeln will ich es anrathen: Noten sollen sie machen ! Und, wollen sie es hoch bringen, wie ihr Großvater, so machen sie Noten ohne Text ! Ein Sache, welche, ausser mir, wohl noch kein Teutscher gewagt hat. » (ibid, p. 199).
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[152]
« […] der Himmel verdammt hat, ein Autor zu seyn » (ibid., p. 17).
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[153]
« Ich wäre nicht werth, daß ich ein Autor hiesse, wenn ich bey diesen Anmerkungen die Absicht gehabt hätte, den eigentlichen Verstand des Textes zu erklären, oder zu erläutern, zu geschweigen, daß vielmals ein Text keinen eigentlichen Verstand hat » (ibid., p. 129).
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[154]
En français dans le texte (ibid. p. 120).
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[155]
M. Foucault, Les Mots et les choses, Paris, Gallimard, 1966, p. 94.