Notes
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[1]
« Diffusion européenne des œuvres de Madame de Villedieu au siècle de Louis XIV », dans E. Keller-Rahbé (éd.), Madame de Villedieu romancière. Nouvelles perspectives de recherche, Lyon, P.U.L., 2004, p. 29-70.
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[2]
Voir la classification de 2 des 3 exemplaires de la BnF.
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[3]
Roman et société sous Louis XIV : Madame de Villedieu […], Paris, Champion, 1979, t. II, p. 182.
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[4]
« Madame de Villedieu englished », dans Madame de Villedieu romancière. Nouvelles perspectives de recherche, E. Keller-Rahbé éd., Lyon, P.U.L., 2004, p. 145-160.
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[5]
Voir l’article très informatif et sympathique de J. Chupeau, dans Littératures classiques, n° 15, 1991, p. 271?289.
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[6]
Voir notre article dans la Revue d’Histoire Littéraire de la France, 2001, p. 1455-1462.
1La base de nos recherches sur la diffusion et la réception des œuvres de Mme de Villedieu et de Jean de Préchac est les livres mêmes : non seulement les éditions originales, mais toutes les éditions, et même tous les exemplaires de toutes les éditions anciennes qui se trouvent encore dans les bibliothèques européennes ou d’outre‑mer.
2Cette vaste diffusion, dont on ne se faisait pas une idée précise, ne s’explique pas uniquement par le prestige du nom de l’auteur qui, dans le cas de Mme de Villedieu, manque souvent sur les pages de titre (et pour Préchac même sur toutes les éditions originales), mais plutôt par les nombreuses initiatives des imprimeurs et libraires en France et en Europe, surtout à Lyon, Bruxelles et Amsterdam, qui connaissaient le goût de leurs clientèles respectives. Pour identifier la véritable origine de ces éditions, soit à l’adresse parisienne, même avec le texte du privilège entier, soit à d’autres fausses adresses, nous nous sommes servi des méthodes de la bibliographie matérielle, qui permettent de distinguer les différentes techniques des officines respectives.
3Lors de la préparation de notre précédent article bibliographique sur Mme de Villedieu [1], nous nous étions rendu compte que seul un renversement provisoire de perspective – de l’auteur aux libraires et aux clients – pouvait permettre d’expliquer ce succès permanent et toujours croissant de la plus grande partie de ses œuvres publiées après 1669. Si nous avons choisi Préchac pour deuxième exemple, c’est parce qu’il commence sa courte carrière d’auteur de nouvelles et d’histoires en 1676, c’est?à?dire au moment même où Mme de Villedieu se retire, pour s’arrêter, déçu, en 1688. Y aurait-il des parallèles malgré les différences entre les auteurs, leurs sujets et les conditions de la librairie ? Et quel rôle y joueront les traductions dans le domaine de la réception ?
Madame de Villedieu
41. Une jeune femme qui avait pu contribuer au Recueil des portraits et éloges en vers et en prose dédié à Son Altesse Royale Mademoiselle, et qui avait été applaudie pour son Récit en prose et en vers de la Farce des Précieuses à l’occasion de la première de Molière à Paris, a dû intéresser le libraire Claude Barbin qui, lui, avait commencé à faire imprimer ses premiers livres en 1656. Tous les deux avaient intérêt à voir leurs noms sur les pages de titre des nouveautés mises en vente au Palais.
5Il est à supposer que le libraire s’est conformé aux désirs de Mlle Desjardins, puisque, à cette époque, il était plutôt rare à Paris que le nom de l’auteur d’un roman ou d’une nouvelle s’y trouvât : le lecteur pouvait lire ce nom à la fin d’une dédicace ou dans le texte du privilège – si l’auteur avait consenti à l’y mettre, car les auteurs appartenant à la noblesse avaient plutôt intérêt à rester anonymes. En tout cas, Barbin a dû voir en Mlle Desjardins un auteur sur qui il pouvait compter durablement, en dépit de divergences passagères de 1664 à 1668 – elle avait recouru à G. Quinet pour le premier recueil de ses Œuvres (1664), à L. Billaine pour sa fameuse tragi?comédie Le Favory (1665) et à J. Ribou pour Anaxandre (1667), ce qui a eu pour conséquence que cette nouvelle ne figure dans aucune édition de ses Œuvres –, et même en dépit de leur différend consécutif à la publication contre son gré, en 1668, des Lettres et billets galants adressés par Mlle Desjardins à M. de Villedieu, mort en 1667. Pour Barbin, l’idée d’un changement de nom en « Mme de Villedieu », à un moment où M. de Villedieu était mort depuis un bon moment, ne pouvait pas être une bonne idée : il fallait acheter ou feuilleter, à partir du mois d’avril 1669, chez Barbin ou chez Ribou, le Nouveau recueil de quelques pieces galantes, faites par Me de Ville?Dieu, autrefois Mademoiselle Des?Iardins, pour connaître le nouveau nom de plume de l’auteur, qui avait la satisfaction d’y voir présenté en même temps son premier livre signé « Par Madame de Ville?Dieu » tout court : Cleonice ou le Roman galant. Nouvelle (198 pages).
6En fait, quelle que soit la signature, Mlle Desjardins pour les romans Alcidamie (1661) et Carmente (1668) et pour les nouvelles Lisandre (1663) et Anaxandre (1667), ou Mme de Villedieu pour Cleonice, ses œuvres n’ont guère intéressé des libraires hors de Paris. Les éditions originales sont bien représentées, en France et à l’étranger, même très bien pour Carmente et Cleonice avec 15 et 10 exemplaires, mais il n’y a guère de rééditions. La Sächsische Landesbibliothek de Dresde a possédé un exemplaire d’une édition d’Alcidamie (Paris 1669, 2 t.), disparu depuis 1945. Selon Lenglet?Dufresnoy (Bibliothèque des Romans, 1734, p. 52), il y a eu aussi une édition bruxelloise in?8 d’Anaxandre (1667). À Munich nous avons trouvé 2 exemplaires d’une contrefaçon hollandaise de Cleonice, parue en 1676.
7Il faut donc constater que ni le nom de Mlle Desjardins ni celui de Mme de Villedieu sur les pages de titre de ces ouvrages pleins d’intérêt et bien écrits n’ont su encourager des éditeurs de province à les réimprimer, ni des amateurs étrangers à les traduire et à publier leurs traductions. Ce que ces ouvrages ont en commun, ce sont leurs titres à l’ancienne, leurs héroïnes et héros aux beaux « noms de roman ».
8On pourrait ajouter que dans les années 1660 Barbin n’était guère connu encore comme éditeur de romans. Il avait su s’attacher des auteurs comme Molière (1662), Racine (1664), La Fontaine, La Rochefoucauld (1665), Boileau (1666), Thomas Corneille (1668), tous des auteurs de la nouvelle génération, mais le roman ne tenait pas un rôle de premier plan dans sa production éditoriale. Barbin aurait peut?être aimé que Mlle Desjardins (« l’illustre personne ») lui livre plus de manuscrits dans ce domaine. Or le seul roman appelé à figurer dans les histoires de la littérature et même, depuis 1958, dans la « Bibliothèque de la Pléiade », Le Roman bourgeois de Furetière (1666, in?8, [xxii-] 700 p.), était un anti?roman, publié sans nom d’auteur, ni sur la page de titre ni dans le privilège. Barbin avait associé quatre collègues à son privilège pour cinq ans, Th. Jolly, L. Billaine, D. Thierry et Th. Girard : ce fut un four. La première réimpression connue date de 1704 : Amsterdam, G. Kuyper, [xii-]419 p., avec gravure sur cuivre et avec nom d’auteur : « Par Antoine Furetiere, Abbé de Chalivoi, de l’Academie Françoise ». Une réédition française, revue, corrigée et augmentée suivra en 1712-1713 : Nancy, J. B. Cusson. Notons toutefois une traduction anglaise en 1671 : Scarron’s [sic] City Romance, made English, In the Savoy, H. Herringman.
92. Ce sont les nouvelles avec des titres sans nom d’héroïne ou de héros, définis par un terme d’amour ou de galanterie, qui ont fait de Mme de Villedieu un auteur célèbre lu, en France et en Europe, même au-delà du règne de Louis XIV : Le Journal amoureux (JA), Annales galantes (AG), Les Amours des grands hommes (AGH), Les Galanteries grenadines (GG), Annales galantes de Grèce (AGG), Les Désordres de l’Amour (DA) et, avec connotation négative, Portrait des faiblesses humaines (PFH). Seule exception : les Nouvelles affriquaines (NA). Seuls les deux romans, Mémoires de la vie de Henriette?Sylvie de Molière (MVHSM) et Les Exilés (EX) – car l’auteur aurait préféré Ovide ou les Exilés – demandent des titres plus « individualisés » pour attirer des lecteurs.
10Durant cette deuxième période de création de Mme de Villedieu, Barbin, suivant strictement l’usage de ses collègues parisiens, a renoncé à indiquer le nom de l’auteur sur les pages de titre (JA, AG, [AGH 3?6], MVHSM, NA, PFH, AGG) – à l’exception des ouvrages pour lesquels l’auteur avait demandé et reçu pour elle?même les privilèges (AGH 1?2, EX, GG), ce qui donne lieu de supposer qu’elle aurait préféré trouver son nom dans toutes ses productions. Le fait qu’elle a choisi pour les (deux premiers tomes des) Amours des grands Hommes un troisième nom de plume, « M. de Villedieu », combiné avec « l’audace » d’une dédicace pleine d’esprit sur l’amour omniprésent depuis « la sacrée Antiquité », adressée « AU ROY » et signée « DESJARDINS DE VILLEDIEU », expliquerait, à notre avis, le choix de ce même nom pour Les Désordres de l’Amour, à la demande de l’auteur cette dernière fois, qui aurait voulu mettre le point final au chapitre des Amours des grands hommes. La reprise de sujets du XVIe siècle formerait alors un contraste délibéré avec ses deux nouvelles, plutôt divertissantes, du JA 2, 5?6. Enfin, il faut avoir lu le bref « Au Lecteur des Désordres de l’Amour » (supprimé dans toutes les rééditions françaises) pour comprendre qu’à la fin de 1675 Mme de Villedieu avait perdu tout son enthousiasme.
Vers une formule nouvelle : publication par unités de 2 tomes, à suivre
11En 1669, une personne cultivée, certainement de qualité, a fait parvenir un manuscrit intitulé Journal amoureux à D. Thierry, imprimeur et libraire apprécié, lui demandant s’il voulait bien le publier sans donner son nom. Thierry, qui lui promet de s’en occuper, doit avoir consulté Barbin, pour qui il avait imprimé les Lettres portugaises (priv. du 28 oct. 1668, reg. 17 nov. 1668, ach. 4 janv. 1669) : 2 éditions Barbin en 1669, suivies d’un volume de sept autres Lettres (ach. 20 août 1669) et de deux séries de Réponses, 5 à l’adresse de Loyson, Paris (avec un [faux ?] priv. du 3 févr. 1669), 6 à celle de Philippes, Grenoble. Toujours en 1669, il y a eu des contrefaçons où les 5 Lettres sont suivies soit des 5, soit des 6 Réponses… Le manuscrit du Journal amoureux étant seulement un peu plus long que celui des premières Lettres portugaises, il était évident qu’il fallait faire plus : ce titre prometteur, réplique mondaine du Journal des Sçavans, servirait à d’autres histoires. Barbin pouvait proposer à Thierry d’y atteler Mme de Villedieu, qui travaillait déjà à des histoires d’amour, les futures Annales galantes. Elle apporterait quelques retouches au manuscrit et, plus important, livrerait des suites. Avec un titre pareil, on produirait des volumes…
12Thierry n’a pris le privilège pour le Journal amoureux qu’après le remaniement du tome 1 par Mme de Villedieu, le 22 sept. 1669 (ach. 25 sept. 1669), y associant Barbin comme Barbin l’associa au sien des Annales galantes du 24 oct. 1669, qu’il fit enregistrer le 5 déc. 1669. Comme Mme de Villedieu était occupée à ses Annales galantes et, après la parution des 4 premières parties, à son édition des Fables qu’elle allait dédier au Roi (priv. 24 avril 1670, ach. 7 mai 1670), elle trouva seulement le temps d’ajouter un second tome au Journal amoureux (ach. 21 avril 1670), en promettant à ses lecteurs une suite prochaine. Les tomes 3-4 ne parurent qu’en novembre (ach. 21 nov. 1670), mais l’auteur en était autre, comme elle le dira cinq mois plus tard dans le fameux « Au lecteur » du t. 5 où elle « déclare n’avoir aucune part à la troisiéme & quatriéme parties du Journal Amoureux », tout en suggérant que « l’Historien des amours de Monsieur d’Anjou [t. 3?4] sera peut?estre bien aise qu’on le laisse dans la liberté de pousser l’intrigue plus loin ». On voit qu’elle avait d’emblée compris le parti de l’éditeur d’exploiter à fond un titre aussi heureux, au besoin à l’aide d’auteurs différents, pourvu qu’ils restent anonymes. Et pourquoi ne pas ajouter deux autres tomes aux six premiers ?
13Pour Les Amours des grands hommes, dont Mme de Villedieu avait les droits de privilège, c’était différent. Elle était l’auteur des t. 1-2 (Solon, Socrate ; Jules César, Caton d’Utique) et avait signé « Par M. de Villedieu ». Dans sa dédicace « Au Roy », elle avait écrit que si ses quatre héros « obtiennent une audience favorable, ils seront suivis d’un grand nombre d’autres qui sont disposez à les imiter ». Comme on sait, elle n’a pas poursuivi ce projet. Mais Barbin, ne voulant pas renoncer à un si beau titre, doit lui avoir racheté ses droits pour donner une suite compatible avec le titre, mais du domaine du Journal amoureux : Bussy d’Amboise et D’Andelot (ach. 22 nov. 1671). Ce n’est qu’au t. 4 que « Le Libraire [s’adresse] au Lecteur »
Les Histoires que je vous presente sont l’amusement d’un Cavalier qui n’a pour tout art qu’un grand naturel & point d’autre étude que le monde. Si je les appelle Amours des grands Hommes ; c’est dans la pensée que l’Illustre personne qui a déja fait paroître quelques ouvrages sous ce même titre, ne le trouvera pas mauvais. Ie declare qu’elle n’a nulle part à celuy?cy ; & qu’on ne se sert des noms de Bussy, d’Andelot, de Bonneval, de S. André, &c. qu’afin d’en rendre par des noms connus, les avantures plus agreables.
15Les t. 3-4 paraissent sans nom d’auteur. Pour la dernière livraison (Alcibiade), d’un autre auteur resté anonyme, on a dû attendre jusqu’au mois de mars 1680. Il fallait cette suite pour arriver aux 6 tomes qui allaient faire les délices des imprimeurs lyonnais.
16Presque tous les autres ouvrages publiés du vivant de Mme de Villedieu ont observé cette stratégie de publication par unités de 2 volumes : les (recueils de) nouvelles Les Galanteries grenadines et Nouvelles affriquaines (2 t.), Les Désordres de l’Amour (2 fois 2 t. : 2 nouvelles pour 1-2, 1 nouvelle pour 3-4), les romans Mémoires de la vie de Henriette-Sylvie de Molière et Les Exilés (3 fois 2 t. à des dates différentes). Barbin se plaindra en 1678 dans l’avis « Au Lecteur » du t. 5 des Exilés de ne pas avoir reçu plus tôt la permission de l’auteur (qui avait pris le privilège) pour la publication des deux derniers tomes dont il avait le manuscrit (« le Livre ») depuis plus de trois ans, ce qui daterait la composition de fin 1674 - début 1675. Pour ce qui est des deux livres posthumes, les Annales galantes de Grèce comptent également 2 tomes, mais l’édition du Portrait des faiblesses humaines, si elle contient bien 4 « exemples », a été publiée en un seul volume (plus gros que tous les autres avec plus de 300 pages) à titre d’ouvrage de morale [2].
17Alors qu’aucune des nouvelles écrites par les quatre auteurs anonymes (JA 1, 3?4 ; AGH 3?4, 5?6) ne fait allusion à des suites possibles, on trouve des annonces de tomes ultérieurs dans presque tous les ouvrages de Mme de Villedieu. Pour le Journal amoureux, elle avait parlé d’une suite à la fin du t. 2 et pensé même à une continuation des t. 3?4 par son collègue anonyme après le 6e tome, ce qui aurait correspondu aux 8 de ses Annales galantes. À la fin des 4 premières parties des Annales galantes, elle s’adresse ainsi à ses lecteurs : « Nous donnerons un peu de relâche à notre plume. Ce qu’il y a de fait de ces Annales, est d’un premier trait : il doit être permis de se reposer après une course si rapide. » La promesse topique d’une interruption – servant implicitement d’annonce d’une suite correspondante (avec le t. 8 l’ouvrage sera complet) – se retrouvera à la fin du t. 2 des Amours des grands hommes, mais la suite, comme pour le t. 3 du Journal amoureux, ne sera pas de Mme de Villedieu.
18Avec la fin de la « Seconde Partie » des Galanteries grenadines commencent les renvois explicites à un « Tome suivant ». Les anticipations des malheurs des héros, concrétisées par des scènes prévues, pourraient faire croire aux lecteurs qu’il s’agit en effet d’un ouvrage que l’auteur avait l’intention de mener à son terme. Nous y voyons plutôt un artifice : à toute unité de deux volumes on pourrait joindre un autre. Dans aucun des cas dont nous parlerons ce tome n’a vu le jour. Voyons les Nouvelles affriquaines, premier ouvrage à sujet contemporain comme le dit l’« Avis » et comme le répètent les dernières pages : « Mais il faut réserver ce recit pour le Tome suivant. Ceux-ci me semblent suffisamment remplis. » Suivent quelques lignes sur Mahemet Lapsi et « la belle Morte, qui fut ressuscitée en Affrique », et une volte-face : « Mon dessein n’est pas de la faire mieux connoître, & c’est pourquoi je finirai brusquement. » De même, la fin de la sixième et dernière partie du roman des Exilés (nous soulignons) :
Il [le désespoir de Tisienus] étoit trop grand pour renfermer ses effets dans la fin de ce Tome, il est déja d’une grosseur qui malgré la diversité des incidens qu’il contient, pourroit le rendre ennuyeux. Il en faut au moins un suivant, pour tracer l’image de ce qu’étoit alors la Ville de Rome. Je me hâte d’y passer, & de chercher les revolutions que l’amour fait incessamment dans les Cours fameuses & dans les grandes Villes, de quoy soulager mes Exilez & mes Amans de Thalassie, des divers chagrins dont je les laisse accablez.
20Même les deux ouvrages publiés à titre posthume présentent ce stéréotype : le Portrait des faiblesses humaines, qui commence par une « Première Partie » composée de quatre « exemples », se clôt sur un petit paragraphe de transition vers une « seconde partie » qui ne s’y rencontre pas. Quant aux derniers mots de l’auteur des Annales galantes de Grèce, également adressés aux lecteurs, ils restent dans le vague : « Mes Lecteurs ne s’ennuyent?ils pas d’un si long séjour, & ne faut?il point les en délasser par quelques autres recherches ? »
21« Le roman [Annales galantes de Grèce], comme Les Exilés, finit par une pirouette. » Nous adhérons volontiers à cette belle formule de M. Cuénin [3], mais nous ne voyons pas qu’elle contredise notre observation selon laquelle, dès le Journal amoureux, Mme de Villedieu a marqué de son empreinte ce type de « publication par unités de 2 tomes, à suivre », comme elle?même en a été marquée, fût?ce dans son « cabinet » après la résolution de ne plus rien publier. Barbin, ne voulant renoncer à rien, n’a pas touché à ces « ponts » débouchant sur le vide, alors qu’il lui aurait suffi de supprimer « Première partie » au départ du Portrait des faiblesses humaines et de renoncer au dernier paragraphe pour constituer un ensemble clos.
22Enfin, il ne faut surtout pas oublier que c’est grâce à ce rythme plus libre que l’auteur a pu travailler en même temps à des projets différents, sans être obligée de remettre au libraire les manuscrits complets des ouvrages majeurs. Quant à Barbin, il pouvait susciter et entretenir la curiosité de sa clientèle. On comprend donc son mécontentement d’avoir dû retenir plus de trois ans la troisième livraison des Exilés. Enfin, il convient de relever deux exceptions, les Mémoires de la vie de Henriette-Sylvie de Molière et Les Désordres de l’Amour, pour lesquels l’idée d’un « Tome suivant » eût été incompatible avec le message du livre.
Réception immédiate
23De 1669 à 1678, on constate d’emblée une diffusion très étendue de cette nouvelle phase de production de Mme de Villedieu, signalée par les exemplaires de réimpressions et traductions conservés dans les bibliothèques européennes et d’outre?mer.
24À part les éditions originales, il y a les contrefaçons nationales, souvent lyonnaises, à l’adresse de Barbin.
25(Recueils de) nouvelles : JA 1 [1669 ?], JA 1670?71, AG 1671?70?71 (2 éd.), AGH 1?2 1672, GG 1673 (2), NA (ex. inconnu) et DA (3 éd. 1675/1676, 1676, et 1676 Toulouse). Les Annales galantes ont connu en plus une réédition lyonnaise légale de 1671 (Comba, Bailly, Demen, Thioly, associés au privilège de Barbin « à condition qu’il n’en sera point envoyé dans la ville de Paris »). Des contrefaçons hollandaises, également au nom de Barbin ou à l’adresse de Vleugart de Bruxelles (la bonne) ou de Van Dyck d’Amsterdam, sont connues pour JA (2) 1670?1672, AG 1675/1676, AGH 1?2 (2 : 1671 et Hoogenhuysen, Wesel 1673), AGH 3?4 1676 (« Les Amours des grands hommes de France » – ordre inversé des 2 t., dû à une remarque entre parenthèses au début du dernier paragraphe du t. 3 de l’original), GG 1672/1673 (2 : Vleugart et Hoogenhuysen), DA 1676.
26Romans : Les Exilez. Par Me de Villedieu, 1?2 1672, 3?4 1673. Il y a eu quelques contrefaçons françaises servant d’exemplaires de remplacement des tomes épuisés de l’édition originale et une contrefaçon lyonnaise dont on ne connaît que les exemplaires des t. 3?4. (Pierre Vleugart le J. de Bruxelles) a attendu jusqu’à 1675 pour donner son édition des 4 premières parties : Les Exilez de la Cour d’Auguste. Par M. de Ville?Dieu. Ce titre plus explicite et plus sérieux se retrouvera dans toutes les éditions hollandaises, tout comme l’attribution à « M. de Villedieu » d’après l’exemple des AGH. Il a fallu la parution des t. 5?6 au deuxième semestre de 1678 pour renforcer l’intérêt pour ce roman.
27Tout autre est le bilan des MVHSM : déjà les t. 1?2 de l’édition originale 1671 ont dû être réimprimés en 1672 et en 1678. Les t. 3?4 (1672) et 5?6 (début 1674) ayant complété l’édition intégrale dans un espace de temps de deux ans et demi, la demande a pu être plus forte : 10 éditions nouvelles jusqu’en 1678, soit 5 contrefaçons françaises (dont 3 lyonnaises et 1 toulousaine), 1 édition lyonnaise légale, 3 contrefaçons hollandaises, 1 édition de Liège. Mais aucune des autres titres n’a été procurée par les libraires. Cet ouvrage publié sans nom d’auteur avec un simple privilège pour 5 ans a pu faire fortune sans qu’on ait su qui en était l’auteur. Les Mémoires pouvaient passer pour authentiques.
28Restent les traductions. Il n’y en a eu qu’en Angleterre et aux Pays?Bas. Pour plus d’informations nous renvoyons à l’article de D. Kuizenga [4]. Traductions anglaises : JA 1 1672, AG 1672, AGH 1?2 1673, AGH 3?4 1673 (ordre correspondant à celui de la contrefaçon hollandaise de 1676), DA 3?4 1677 ; MVHSM 1 1672 (traduction à la troisième personne), MVHSM 2?6 1677. Traduction hollandaise : MVHSM 1?2 1672.
Réception de longue durée
29Il a fallu au moins trois coïncidences pour initier une première édition d’œuvres (choisies) de Mme de Villedieu. En 1675, Th. Amaulry, parisien qui avait fait son apprentissage d’imprimeur à Paris, commence sa carrière de libraire à Lyon. En 1678, Cl. Barbin réussit enfin à faire paraître les tomes 5 et 6 des Exilés malgré les objections avancées par l’auteur. Et en 1679, Barbin trouve un autre auteur anonyme pour compléter Les Amours des grands hommes, dont les tomes 5 et 6 sont achevés d’imprimer le 12 mars 1680.
30En 1679, Amaulry a passé un contrat avec Barbin lui permettant de réimprimer Les Exilés pour une édition lyonnaise légale. Son édition en 3 vol. dont le dernier (avec l’« Avis » de Barbin) était aussi offert séparément (pour ceux qui possédaient les tomes 1?4 de l’édition parisienne) fut suivie en 1680 d’une édition en 3 vol. des Amours des grands hommes « Par M. de Villedieu » (avec les mêmes préférences pour les tomes 5?6) et d’une autre du Journal amoureux « Par Mme de Villedieu », en 3 vol. avec toutes les pièces liminaires. D’un seul coup, Mme/M. de Villedieu était devenu(e) l’auteur de trois ouvrages à six tomes chacun. À la différence de leurs collègues parisiens, les éditeurs lyonnais préféraient les romans signés.
31Cette première édition lyonnaise légale de trois de ses œuvres, enrichie en 1683 d’un titre qui n’était pas d’elle, fut augmentée en 1686 du Portrait des faiblesses humaines, des Désordres de l’Amour et des Annales galantes puis, en 1691, de Nouvelles Œuvres meslées. La tradition lyonnaise fut continuée, de 1694 à 1697, par H. Baritel et J. Guerrier (10 titres, dont 2 fausses attributions) et, de 1712 à 1715, par Baritel l’aîné et A. Besson (19 ou 20 vol., dont la plus grande partie à de fausses dates et adresses de la fin du XVIIe siècle, avec plusieurs nouveaux titres apocryphes). C’est de cette édition de la fin du siècle de Louis XIV que nous connaissons une demi?douzaine d’exemplaires (pas toujours complets) à Copenhague, Madrid, Palermo, Piacenza, Torino et Paris.
32Les Mémoires de la vie de Henriette-Sylvie de Molière, n’ayant jamais été attribués à Mme de Villedieu, ont eu encore au moins 3 réimpressions lyonnaises (1684?1696), 1 toulousaine (1701) et, sous le titre hollandais Les Avantures ou Mémoires de la vie de Henriette-Sylvie de Molière, 5 contrefaçons françaises à diverses adresses d’Amsterdam (1709?1738), dont la plus grande partie provenait de Rouen.
33Les réimpressions hollandaises publiées après 1678 sont moins nombreuses que les éditions françaises de cette période, mais avec un nombre d’exemplaires conservés supérieur : AG 2 (La Haye 1700, Amsterdam 1709 sous le titre Histoires galantes de diverses personnes qui se sont rendues illustres par leur savoir ou par leur bravoure), AGH 3 (Amsterdam 1688 et 1692/1702, Utrecht s.d.), EX 3 (Utrecht 1684, Amsterdam 1695, Leyde 1703), PFH 1 (Amsterdam 1686), AGG 1 (La Haye 1688), alors qu’il y a eu 1 édition de Bruxelles (1707) et 2 éditions d’Amsterdam (1695, 1700) avec des émissions La Haye 1715 et 1725 des Avantures ou Mémoires de la vie de Henriette-Sylvie de Molière.
34Quant aux traductions parues depuis 1679, on notera 3 versions anglaises du roman des Exilés [de la Cour d’Auguste] de 1679, 1726 et 1754, et une (la seule) allemande des Mémoires de la vie de Henriette-Sylvie de Molière de 1680.
35L’édition des Œuvres de Mme de Villedieu de D. Desclassan, Toulouse, 1702 (inspirée par la tradition lyonnaise, 6 vol.) et celle de la veuve Barbin, Paris, 1702 (avec les premiers romans et nouvelles de Mlle Desjardins [sauf Anaxandre] et les Nouvelles Affriquaines qui – à cause de leur titre ni amoureux ni galant ? – n’avaient pas attiré l’attention des libraires provinciaux ou étrangers, 10 vol.), réimprimée (augmentée de 2 vol. apocryphes, dont 1 pris du t. 4 de Desclassan) en 1721 et 1740, prouvent assez que l’œuvre romanesque de notre auteur a remporté un succès international de longue durée. En France, ce sont les Mémoires de la vie de Henriette-Sylvie de Molière, réimprimés plusieurs fois encore lors de la parution de La Vie de Marianne, qui ont eu le plus grand succès. Les acheteurs et les lectrices et lecteurs n’y trouvaient toujours pas de nom d’auteur sur la page de titre.
Jean de Préchac
36Jean de Préchac, de sept ans plus jeune que Mme de Villedieu – donc né en 1647 comme la petite Henriette?Sylvie de Molière – a commencé à publier quand Mme de Villedieu s’est retirée. Le privilège de sa nouvelle La Princesse d’Angleterre ou la Duchesse Reyne date de juillet 1676, celui de son dernier récit moderne, Le Prince esclave, d’avril 1688. Il a qualifié presque tous ses ouvrages d’Histoire galante ou véritable – et même galante et véritable – ou de Nouvelle galante ou historique (il existe un cas particulier de Nouvelle allégorique), jamais de roman. Depuis 1676, il est « lecteur de Monsieur » et commence sa difficile carrière de « romancier courtisan [5] ». Comme le Béarnais avait été reçu avocat au Parlement de Navarre en 1669, il connaissait bien l’administration. Il ne confiait pas ses manuscrits à un éditeur particulier, mais demandait et recevait lui?même les privilèges pour les vendre avec les manuscrits à des libraires toujours différents au Palais. Ceux?ci associaient parfois des collègues, bientôt aussi à Lyon (18 fois Th. Amaulry), pour réduire leurs frais et empêcher des contrefaçons (mais non les réimpressions des libraires hollandais). Comme il espérait beaucoup de Monsieur, Préchac se comportait comme il se doit : si aucune édition originale ne porte son nom en page de titre, plus des deux tiers sont ornées d’épîtres dédicatoires adressées de préférence à des personnes haut placées, et signées Préchac.
37Pour donner une idée de la diversité de l’œuvre de cet auteur, et surtout de sa réception en France et en Europe, nous étudierons trois cas particuliers, dont deux ont quelque rapport avec Mme de Villedieu. Le premier concerne L’Illustre Parisienne, dernier texte du tome XII des Œuvres de Madame de Villedieu (Paris, 1721 et 1740) ; le deuxième, un groupe de trois Histoires traitant des événements récents des guerres ottomanes : Cara Mustapha Grand Vizir (1684), Séraskier Bacha (1685) et Le Comte Tékély (1686) ; le troisième, L’Héroïne Mousquetaire (1677-1678).
L’Illustre Parisienne
38« Histoire galante et véritable », dont la Première partie a été publiée en 1679, est la seule nouvelle de Préchac dont il existe des éditions modernes, celle de Fr. Gevrey (S.T.F.M., 1993) et celle de M. Cuénin (dans Nouvelles du XVIIe siècle, Gallimard, « Bibl. de la Pléiade », 1997). Ces éditions, pourvues d’introductions, notes et commentaires excellents, ne parviennent pourtant pas à résoudre le problème de la datation du tome 2. En bibliothèque, on ne connaissait qu’un seul exemplaire de la Seconde partie, daté de 1690, à l’adresse de Claude Barbin (il en existe un autre à la B.U. d’Augsburg, ayant appartenu à la Bibliothèque des Comtes Oettingen?Wallerstein). Du tome 1 de la veuve d’Olivier de Varennes, on connaît en plus 3 exemplaires en Europe (B.U. Tours, Stadtbibliothek Ansbach, Universitäts-bibliothek Erlangen) et 4 aux États?Unis. J. Chupeau a placé le t. 2 à la fin de sa bibliographie comme étant la dernière publication du nouvelliste, et Fr. Gevrey n’a pas osé insister sur ses doutes (p. XLI). La première réimpression connue du texte entier datant de 1696, 1690 ne serait pas impossible.
39C’est un traducteur allemand de l’ouvrage entier qui nous expliquera, dans une préface à la deuxième partie, ce qui s’est passé. « Isidorus Fidelis » – pseudonyme du Prince [margrave] Johann Friedrich von Ansbach – écrit (nous traduisons) :
Quoique j’eusse voulu moi?même, depuis longtemps, mettre au jour cette autre et dernière partie pour le plaisir entier du lecteur, je n’en ai pas été capable jusqu’à présent parce que tous mes efforts pour faire venir un exemplaire de Paris ont été inutiles, sauf ces tout derniers jours où je me suis adonné au travail tant que mes heures de loisir le permettaient. Je ne doute pas non plus que le long temps où tu as dû attendre cette suite ne soit récompensé par quelque grâce toute particulière, d’autant plus que cette dernière partie l’emporte sur la première par la singularité des événements.
41La deuxième partie n’avait donc pas été achevée au moment où Préchac avait remis son manuscrit de la première à la veuve d’Olivier de Varennes. Le privilège datant de mars 1679, l’auteur terminait la suite dans la deuxième moitié de 1680, ce qui lui permit d’y placer une nouvelle dédicace pour faire sa cour et de démontrer publiquement son dévouement à l’entourage de Monsieur.
42Selon toute vraisemblance, la date de 1690 sur le tome 2 à l’adresse de Barbin est donc une simple erreur. Barbin, sûrement associé au privilège de la veuve de Varennes, n’a pas fait corriger la faute d’un X de trop sur la page de titre – comme il n’a pas ajouté l’X manquant sur les deux premiers tomes des Œuvres mêlées de Mme de Villedieu où il y en avait un de moins : 1664 au lieu de 1674 [6] (d’après une contrefaçon française datée 1680 pour les 2 tomes, il doit y avoir eu également des tomes 2 au nom de Varennes). Le grand écart entre les deux parties explique facilement le fait qu’aujourd’hui on connaît encore plus d’une demi?douzaine d’exemplaires du tome 1, mais 2 seulement du tome 2 (il en allait de même pour l’édition d’Amaulry, associé au privilège parisien, dont on ne connaît que des tomes 1). Quand la Seconde partie parut, on n’avait plus son exemplaire de la première. On garde rarement des tomes 2 seuls. Les petits romans et nouvelles ne rentraient pas souvent dans les bibliothèques – sauf à l’étranger où on était fier de posséder les nouveautés de Paris.
43Tant qu’on se borne aux fonds des bibliothèques françaises et aux catalogues de la British Library et des États?Unis (National Union Catalogue [NUC]), on peut établir la liste suivante de rééditions françaises :
441. Paris, Vve Mauger, 1696, 2 t., 144 et 152 p., sans préf. et épîtres dédicatoires, priv. mq. ; 4 ex. : BnF, B.M. Beaune, B.M. Marseille ; Library of Congress (DLC).
452. « Nouvelle édition revue et corrigée » publiée sous 3 adresses :
- Nancy, Jean?Baptiste Cusson, 1714, [iv-] 209(1) p., frontisp. (sans préf. et épîtres) : B.M. Rouen (Leber 2040) ;
- « À Nancy, & se trouve À Paris, Chez Pierre Witte […] », 1714 (« Avec Permission ») ; 6 ex. : Paris Ars. (2), B. Hist. de la Ville de Paris, BnF, B.M. Besançon, Staats- und Stadtbibliothek Augsburg ;
- La Haye, H. van Bulderen, 1714 : Univ. of California Berkeley.
46À l’étranger, on trouve en plus :
- 1 contrefaçon française « Paris, Vve d’O. de Varennes », 1680, [viii-] 136 et 128 p. (Universitätsbibliothek Mannheim, ex Bibl. Desbillon) ;
- 1 contrefaçon du t. 1 « Suivant la Copie imprimée À Paris », 1679, 132 p. [Amsterd., Wolfgang] (Staats- und Universitätsbibliothek Hamburg) ;
- 1 contrefaçon du t. 1 « Dediée à la Nouvelle Reyne d’Espagne […]. Par le Sr. Prechac. Suivant la Copie imprimée À Paris […] », 1679, 113 p. [Amsterd., Wolfgang] ; t. 2 (à la sphère) même adresse, 1680 [Elzévier], 132 p. [3 ex. complets : Universitäts- und Landesbibliothek Halle, Staats- und Universitäts-bibliothek Hamburg, British Library ; 2 incomplets : t. 1 Universitätsbibliothek Tübingen, t. 2 Ostfriesische Landschaftsbibliothek Aurich) ;
- 1 autre contref. hollandaise « Suivant la Copie imprimée À Paris », 1692, 107 et 108 p. ; 2 ex. Bayerische Staatsbibliothek München, 1 ex. Herzog-August-Bibliothek Wolfenbüttel ; 1 ex. B.M. Dijon t. 1 (« Amsterdam, Aux dépens d’E. Roger », 1712), t. 2 (« Paris », 1692).
47Mais il y a mieux : nous avons découvert 3 traductions allemandes et 1 italienne et trouvé des renvois bibliographiques à 1 traduction anglaise et à 2 hollandaises, preuve d’un intérêt européen ininterrompu jusqu’au XVIIIe siècle. En voici la liste :
- Die unvergleichlich- verliebt- und geliebte Pariserin. In sich haltend Eine sehr annehmlich- und wahrhafftige Begebenheit bey müssigen Stunden verteütschet und herausgegeben Von Isidoro Fidele. Erster [Anderer] Theil, Onolzbach [= Ansbach], Gedruckt bey Jeremiam Kretschmann, 1680, 144 et 119 p., avec 10 pl. en taille?douce (sign. Joh. Meyer). 1 ex. : Herzog-August-Bibliothek Wolfenbüttel, Wa 5751 (ex. incomplet : mq. p. 3-6, 21/22, signé Johann Friedrich Fürst v. Anspach).
- Die So vergnügt- als betrübte Betrogene. In Einer Anmuthigen Und Sinnreichen Liebes-Geschicht vorgestellet, Gedruckt im Jahr 1686. [xx-] 215 p. (gravure en taille?douce mq.). 1 ex. : Staatsbibliothek zu Berlin - Preußischer Kulturbesitz (Unter den Linden), Berlin, Yu 8411 R.
- L’Illustre Parigina. Historia Galante, e vera. Parte Prima [Seconda, et ultima Parte], In Venetia, Appresso Pontio Bernardone Libraro, 1687, [viii-] 128 et 127 p. 1 ex. : Herzog-August-Bibliothek Wolfenbüttel, Lm 4221.
- Die Durchleuchtige Burgers-Tochter in Paris. Aus der Frantzösischen Sprache in unser Hochteutsche getreulich übersetzet [par Johann Friedrich Riederer ?]. Page de titre mq. [1721 ?], in-8 (Erster Theil p. 1?95, Zweyter Theil p. 96?188). 1 ex. : Universitäts- und Landesbibliothek Halle (4 an), Ha 5793.
- The disguis’d prince : or, The beautiful Parisian. A true history. Translated from the French, London, Printed for T. Corbett, at Addison’s-Head […], 1728?1729, in-8. 1 ex. : Harvard Univ., Cambridge (microfilm Universitäts-bibliothek Augsburg).
- Het ongelyk huwelyk, of De minnehandel tussen een koopmans dogter, en de prins van ***, [ca. 1759], 2 vol. in-8. 1 ex. : Den Haag, 30 G 15.
- De Parysche burger dochter, een waare historie ; en Gevallen van Lucile, geschikt als een roman (Memoires de Lucile) door den Baron de V** S**. Beide […] uit het Fransch vertaald, Amsterdam, 1763. 1 ex. : British Libr., 12510.aa.16.
« Histoires » ottomanes
48Trois nouvelles consacrées aux guerres ottomanes, parues de 1684 à 1686, ont également eu un succès immédiat remarquable : Cara Mustapha Grand Vizir, Le Seraskier Bacha et Le Comte Tekely.
49En la personne de Claude Blageart, « Imprimeur?Libraire de Paris, Court?neuve du Palais, au Dauphin », Préchac a trouvé un éditeur expert de trois de ses titres, à savoir Cara Mustapha, L’Illustre Génoise (dédiée à S.A.R. Monsieur) et Le Seraskier Bacha. Blageart a inséré dans les deux derniers des trois volumes une notice de publicité pour les deux autres. Et il a pourvu son édition de Cara Mustapha, Grand Vizir. Histoire Contenant son élevation, ses amours dans le Serrail, ses divers Emplois, le vray sujet qui lui a fait entreprendre le Siege de Vienne, & les particularitez de sa mort d’une belle planche pliante illustrant la scène de la proclamation de l’arrêt de mort (« J. Berrin delineauit, d’Oliuar sculpsit »). Par ailleurs il a associé Th. Amaulry de Lyon à ses éditions, de sorte qu’il y en a des exemplaires d’une même impression aux adresses de l’un et de l’autre (par mégarde jusqu’à l’adresse introuvable : « À Paris, Chez T. Amaulry, Rue Merciere, au Mercure Galant »).
50Nous avons relevé 10 ex. de cette édition à 309 p. :
- 6 Blageart : Paris Ars., 8-B-18330 (pl. mq.) ; BnF, Y2-20298, Y2-6890 ; B. Méjanes Aix?en?Pce, P.A. C 6542,2 ; B.M. Toulouse, FaD 6558 ; Universitäts-Bibliothek Rostock, Ru 311 ;
- 2 « Imprimé à Ps, et se vend À Lyon » : Paris Ars., 8-B-18332, 8-Hist.-17257 ;
- 2 « Paris, Amaulry » : B. Méjanes Aix-en-Pce, P.A. C 6753 ; Universitäts- und Landesbibliothek Halle, Nr 431.8.
51À ces 4 éditions françaises s’ajoutent deux contrefaçons de Wolfgang d’Amsterdam, « Suivant la Copie imprimée À Paris », 1684 et 1685, 154 p. avec la planche à l’envers : Paris Ars., 8-B-18003 ; Universitätsbibliothek Erlangen, EZ-II 1147 b 1 ; Österreichische Nationalbibliothek Wien, 63.K.29) et 1685 (B.M. Nîmes, 62742 ; Universitätsbibliothek Erlangen, HIST 1319 angeb. ; Universitätsbibliothek Mannheim (2 ex.) ; Amsterdam, 1998 E 18 :1 ; Österreichische Nationalbibliothek Wien, 47.609?A. La seule édition postérieure (1711) imitant le titre, le nombre de pages et les pratiques techniques hollandaises (réclames à toutes les pages) des éditions d’Amsterdam semble être une contrefaçon française calquée sur une des deux éditions de Wolfgang : Paris Ars., 8-B-18333 ; BnF, Rés. J 2689).
52Le grand succès immédiat de cet ouvrage se manifeste également par des traductions en allemand, anglais et italien :
- Des Gros-vezirs Cara Mustapha Historie. Worinnen kürtzlich enthalten desselben Erziehung, Liebesgeschichte im Serrail, verschiedene Bedienungen, wahre Ursache, warumb er sich die Belägerung der Stadt Wien unternommen und wie bald darnach, auch mit was Umbständen, seines Lebens Ende erfolget. Aus dem im verwichenen Jahr zu Paris heraußgegebenen exemplar ins Teutsche übersetzet, Hamburg, Bey Georg Wolffen, Buchhändler in St. Johannis Kirchen, 1685, [viii-] 190 p. 2 ex. : Niedersächsische Landesbibliothek Hannover, Gm?A 1586(1) ; British Libr., 10604.a.35.(2).
- The Grand Vizier : or The history of the life of Cara Mustapha, who commanded the Turkish army at the siege of Vienne, in the yeaur 1683, London, Printed by H. Hills jun. for J. Whitlock, 1685, 138 p. 2 ex. : British Libr., 1450.a.21 ; NUC : ICN.
- The True History of Cara Mustapha, late grand visier. Being a Most faithful account of his rising, the several degrees of his fortune, his amours in the serragliog, his emplois, the true cause of his undertaking the siege of Vienna, together with the particulars of his death. Written originally in French by a person of quality, and now translated in English by Francis Philon. gent. London, Printed for L. Curtise […] and Hen. Rodes, 1685. 5 p.l., 13 p., front. 6 ex. : British Libr., 10605.de.19 ; NUC : CLU?C, CtY, DFo, ICN, NjP.
- Cara Mvstafa gran visir. Historia in cui si contiene il suo innalzamento, suoi amori nel serraglio, la diuersità de’ suoi impieghi, la vera cagione che gl’ha fatto l’assedio di Vienna, e le particolarità della sua morte. Portata dal francese dal Pazzaglia […], Venetia, Per Steffano Curti, 1686, 167 p. 1 ex. : NUC : MH.
53Le Seraskier Bacha. Nouvelle du temps. Contenant ce qui s’est passé au Siége de Bude (dédié à Madame la Dauphine), Blageart 1685, et Le Comte Tekely. Nouvelle historique, Barbin 1686, sont des cas parallèles, mais moins spectaculaires (les héros ne sont pas mis à mort, il n’y a pas de planches valorisant les livres en tant qu’objets). Le nombre d’exemplaires conservés est donc moins élevé, mais le système de distribution européenne reste le même.
54L’édition originale Blageart du Seraskier ([viii-] 256 p.) est bien représentée. 6 ex. : Paris Ars., BnF, B.M. Blois, Lille, Poitiers et Rostock ; 1 ex. « Imprimé à Paris & se vend À Lyon », T. Amaulry, Paris Ars., 8-B-18395. Celle de Barbin du Comte Tekely ([viii-] 258 p.) à peine moins : Paris Ars., BnF (2), B. Méjanes Aix, British Libr. ; 1 ex. d’une édition lyonnaise d’Amaulry (Paris Ars., 8-B-18077). Il y a eu en plus une contrefaçon provinciale à l’adresse parisienne des deux titres : Seraskier, [vi-] 131 p. (B.M. Grenoble, E. 13818) ; Tekely, 92 p. (B.M. Montpellier, 35910 ; Universitätsbibliothek Mannheim, Sch 077/291).
55Les contrefaçons hollandaises « Suivant la Copie de Paris » du Seraskier (sphère de Wolfgang d’Amsterdam), [vi-] 129 p., 8 ex. [Paris Ste-Genev., 8-Z-593.15 inv 1929 FA (2) ; Amsterdam ; Ansbach ; Hamburg ; Mannheim ; Wien ; NUC (2)], et celles du Comte Tekely, Amsterdam, H. Desbordes, [iv-]116 p., 7 ex. [B.M. Lyon, SJB 294/14 ; Dresden ; Bibliothek Franckesche Stiftungen Halle ; Rostock ; Stuttgart ; Wien ; Wolfenbüttel] et La Haye, H. de Bulderen, [viii-] 123 p., 4 ex. [Paris Ars., 8-B-18976 ; B.M. Châlons?en?Champagne, AF 23018(1) ; Universitäts-bibliothek München ; Herzogin Anna Amalia Bibliothek Weimar], toutes datées comme les éditions originales, ont été contrefaites en France (Seraskier : Paris Ars., 8-B-18394) ou munies d’une nouvelle page de titre (Tekely, La Haye, Jean Swart, 1711 : Herzog-August-Bibliothek Wolfenbüttel). On voit que la richesse d’éditions de ces titres témoigne surtout d’un succès immédiat confirmé par le grand nombre de traductions.
56Du Seraskier Bacha, on connaît deux traductions allemandes, une anglaise et une italienne, toutes datées 1685 ; du Comte Tekely, une anglaise (1686), une hollandaise, deux italiennes (1687) et une allemande de 1708 : Lebens- und Liebes?Beschreibung des berühmten Graffen Emerich von Teckely. Aus dem Frantzoesischen ins Teutsche uebersetzet von Christina Sibylla Muellerin, 94 p. 1 ex. : Herzogin Anna Amalia Bibliothek Weimar, 33,3 : 61(4).
L’Héroïne Mousquetaire
57Sans les Mémoires de la vie de Henriette?Sylvie de Molière, Préchac n’aurait pas écrit L’Héroïne mousquetaire, cette curieuse « histoire véritable ». D’autre part, il n’y a pas un autre livre de l’auteur béarnais aussi authentique, original, drôle que ce petit roman d’aventures modernes où Christine de Meyrac, alias Saint?Aubin, alias Montalban, finit par trouver la mort par un simple coup de mousquet. Quand « Nostre bien?aimé le Sieur de Prechac nous a fait remontrer qu’il desirerait faire imprimer une petite Histoire intitulée L’Heroïne Mousquetaire », il n’avait écrit que le premier tome (priv. 8 avril 1677, ach. 19 mai 1677). Dans son épître dédicatoire adressée au comte de Louvigny, gouverneur de Navarre et de Béarn, l’auteur exprime sa conviction :
Vous ne refuserez pas d’estre le Protecteur d’une Heroïne que vous avez quasi engagée dans le mestier, par le bruit de vos grandes Actions, en Pologne, en Flandres, en Hollande, & en Allemagne. […] on épargnera mon Livre par la seule consideration de vostre Nom : Et comme c’est le beau Sexe qui decide ordinairement de ces petits Ouvrages, j’ay sujet de croire qu’avec la protection du Seigneur de la Cour le plus galand, de la meilleure mine, & qui est le mieux avec les Dames, on aura du moins de l’indulgence pour ma petite Histoire, puisque je ne l’ay écrite que pour vous divertir.
59Pour le t. 2 (ach. 1er sept. 1677), Préchac rédigea une nouvelle épître, adressée au marquis de Dangeau, gouverneur de Touraine, aide de camp de Louis XIV dans toutes ses campagnes, membre de l’Académie française et protecteur renommé des écrivains : témoignage jubilant de reconnaissance et de soulagement. Les « gens de la Cour », les « gens de guerre » et les « gens de Lettres » n’oseraient pas dire du mal de son Heroïne mousquetaire dès qu’on saurait que le marquis de Dangeau l’a trouvée à son goût. Seul le t. 3 (ach. 19 janv. 1678) se passera de dédicace – et pour cause : à Paris, au Palais, Saint-Aubin est confrontée à sa propre histoire imprimée. Cette mise en abyme d’après le début de la seconde partie du Don Quijote vaut certainement une épître. Celle de la 4e et dernière partie (ach. 11 mai 1678) souligne encore une fois le bon accueil « à la Cour » pour aspirer enfin à un succès plus grand encore : « je tâche à luy trouver [à mon héroïne] des Amis dans la Ville, qui puissent la defendre dans les occasions ». Voilà pourquoi il aurait choisi M. Frizon, Avocat au Conseil, et véritable ami, « pour le Mecenas de [s]on Livre ».
60À cause de la publication successive des 4 parties, les exemplaires conservés des premières éditions sont fort rares. Voici d’abord les éditions parisiennes :
- Th. Girard, 1677, t. 1 [xvi-] 240[242] p., t. 2, [viii-] 242 p. ; 1678, t. 3 [iv-] 248 p., t. 4 [viii-] 256 p. On trouve 1 ex. complet (B.M. Troyes, bb. 17.3872 BL), 2 ex. du t. 1?2 (B.M. Nîmes, 60687 ; B.M. Niort, 83740) et 2 ex. du t. 1 seul (Paris Ars., 8-B- 17638 ; British Libr., 12511.de.6) ;
- Compagnie des libraires, 1697 (même nombre de pages, sans pièces liminaires). 2 ex. mixtes (Paris Ars., 8-B-17639 t.1, 2?4 1677/78 ; B.U. Tours, FB 4788-89 t. 2?4, t. 1 1677) ;
- Pierre Witte, 1713, « Ornée de Figures en taille?douce », [vi-] 364 p., 4 pl. Comme pour l’éd. Witte de L’Illustre Parisienne, il s’agit d’une version revue et modernisée, qui sera reprise dans les éditions parisiennes suivantes. Witte a vendu une partie de ses exemplaires à Claude Jordan d’Amsterdam, voir infra. 1 ex. : Versailles, ancien Royer in-12 EPk 2 ;
- Pierre Witte, 1722, « Ornée de Figures en taille?douce », [viii-] 310 p., 4 pl. 8 ex. : BnF, Y2-41852 et Y2-6657 ; Paris Ste-Genev., 8-Z-6114 inv. 9321 FA ; Herzog-August-Bibliothek Wolfenbüttel, Lm 2898 ; British Libr. (2) ; NUC (2) ;
- Damonneville, 1744, « Ornée de Figures en taille?douce », [iv-]438(2) p. L’éditeur a partagé son édition avec Neaulme de La Haye qui vendait le livre sous un titre différent, propre à faire concurrence aux éditions d’Amsterdam, voir infra. 2 ex. : Versailles, ancien F.A. in-12 E 697e ; NUC : ICN.
61Hors de France, la diffusion du texte français a été assurée avec beaucoup de succès par deux voies différentes. D’abord par les éditions hollandaises au titre original :
- « Par le Sieur de Préchac » (sphère). « Suivant la Copie imprimée À Paris, Chez Th. G… », 1677, 119 p. (contref. de La Haye). 1 ex. : Niedersächsische Landesbibliothek Hannover, Lr 7976 ;
- « À Amsterdam, Jaques le Jeune », 1677?78 (petit in?12), 110, 99, 96, 95 p. (impr. D. Elzevier). 16 ex. (dont 10 en Allemagne, 1 British Libr., 5 NUC) ;
- même adresse, 1680 ; 372 p., 4 pl. 6 ex. (dont 4 en Allemagne, 2 NUC) ;
- même adresse, 1692, 4 parties en 1 vol., 111, 103, 101, 95 p. 3 ex. : Herzogin Anna Amalia Bibliothek Weimar, Er 4 : 47(1/4) ; Universitätsbibliothek Leipzig t. 1?3 ; 4 (1678) ; NUC).
- « Ornée de Figures […] », Amsterdam, Claude Jordan Libraire, dans le Wyde?steegh sur le Roquin, 1713. (Il s’agit d’une nouvelle émission de l’éd. parisienne de P. Witte 1713 au texte revu.). 2 ex. : Bayerische Staatsbibliothek München, P.o.gall. 1736 v ; British Libr., 1094.c.13.
62Encore en 1744, il y a eu une édition « À La Haye, chez Neaulme », mise au goût du jour par le titre Les Memoires et Avantures de Saint Aubin, Histoire véritable & intéressante, [ii-] 438 p. (2 : approb. de 1712, priv. de 1721 comme l’édition Witte 1722), nouvelle émission de l’édition Damonneville de Paris, 1744, munie de fleurons différents pour les pages de titre des 4 parties, contenant le texte « corrigé » depuis 1713. 2 ex. : Versailles, ancien Lebaudy P 679 ; Universitätsbibl. Rostock, Co-4877). Au XVIIIe siècle, on ne trouvait plus le texte original de Préchac à Paris, ni en province ni à l’étranger.
63Restent les traductions. Il y a 2 éd. d’une version anglaise : The Heroine Musqueteer : or, The Female Warrior. A true history : very delightful, and full of pleasant adventures in the campagnes of 1676, & 1677. Translated out of French, London […], 1678?1679 (3 vol. in 1) et 1700. Particulièrement impressionnantes sont les 4 éd. hollandaises de 1679, 1680, 1686 et 1738 : De Musket?draagende Heldin. Ofte een waarachtig verhaal van het Doorluchtige Leeven, Dappere Oorlogs?daaden, zeldzaame Minneryen, en wonderlijke ontmoetingen van Kristina van Meirak, Dochter van den Baron van Meirak ; Voorgevallen in de voornamste Plaatsen van Vrankrijk, Spanje, Engeland, en Nederland […]. Uit het Fransch vertaald door G. v. Broekhuysen, Amsterdam, T. ten Hoorn, 1679, [viii-] 440 et 6 p. de table, avec frontispice et 7 gravures. La BnF et la B.M. de Bordeaux possèdent un ex. de la première édition. 1680 : K. Bibl. Den Haag. 1686 : B.U. Amsterdam ; British Libr. 1738 : Amsterdam, Den Haag (3 ex.), B.U. Leiden, NUC. En 1681, il y a eu une traduction italienne : L’Heroina Moschettiera, Historia. Trasportata dal Francese, Venise, G. Hertz (2 ex. München, 1 Wien).
64À Dresden, nous avons trouvé un exemplaire d’une traduction allemande (dont le titre renvoie, comme celui des traductions hollandaises, à un exemplaire de la deuxième série hollandaise) : Der so genannten Heroine Mousquetaire Oder Fräulein Christinen Baronesse de Meyrac Lebens- Liebes- und Helden-Geschichte. Vormahls in Frantzöischer Sprache Durch Mr. Brechac Hrsg. Anietzo aber ins Teutsche übers. Von ** [= Leonhard Rost?Meletaon (pseud.)], [Altenburg], 1727. P. de titre [mq.] et 500 p. (Staats- und Universitätsbibliothek Dresden, 2.A.6971)
65Les cinq ouvrages de Préchac dont nous avons étudié la diffusion et la réception en Europe sont certainement les plus impressionnants, mais pas les seuls à avoir été traduits. À l’aide du British Library Catalogue et du NUC, nous avons trouvé des renvois à 5 autres traductions anglaises de 4 titres (La Princesse d’Angleterre, 1678 et 1686 ; Le Beau Polonois, 1681 ; La Princesse de Fez, 1682 ; Yolande de Sicile, 1685), et par d’autres recherches une autre traduction hollandaise (Le Voyage de Fontainebleau, 1680), italienne (La Duchesse de Milan, 1817), suédoise (L’Illustre Génoise, 1709) et, en bibliothèque, encore 7 traductions allemandes (Le Beau Polonois, 1681 et 1711 ; Le Triomphe de l’amitié et Le Voyage de la Reine d’Espagne, 1682 ; L’Ambitieuse Grenadine, 1684 ; L’Illustre Génoise, 1687 ; Le Gris?de?lin, 1700). Il est évident que, surtout pour l’Allemagne, les histoires d’amour d’un Préchac (dont le nom ne se trouve que sur une seule page de titre des 15 traductions allemandes) correspondaient exactement à ce qu’on attendait d’un romancier français à partir de 1678 ou 1680 : littérature divertissante permettant de connaître de près la courtoisie française et les intrigues de la cour, d’être témoin de ce qui s’était passé dans les dernières campagnes et triomphes de Louis le Grand, mais aussi de suivre des héros turcs, hongrois jusqu’aux remparts de Bude ou de Vienne, sans renoncer à des aventures amoureuses.
66Pour l’Allemagne cultivée, il est évident qu’à la suite des ravages de la guerre de Trente Ans, qui avaient réduit la population d’un tiers et freiné le développement d’une littérature comparable à celle des grands romans baroques d’un La Calprenède ou d’une Mlle de Scudéry, les productions d’outre?Rhin devaient paraître pleines d’attrait. Pour se faire une idée de la fascination exercée par la nouvelle littérature française, il suffit de se rappeler que le Simplicissimus de Grimmelshausen, qui, dans une tradition picaresque, reflète les troubles d’environ 1632 à 1645, date de 1669, et que le premier grand roman baroque du duc Anton Ulrich de Braunschweig-Lüneburg, Die Durchleuchtige Syrerin Aramena, dont l’action se déroule dans un cadre antique, a paru de 1669 à 1673. C’est juste le moment où Le Journal amoureux, les Annales galantes et les Mémoires de la vie de Henriette?Sylvie de Molière ont paru à Paris, Bruxelles et Amsterdam. Les nombreux exemplaires conservés dans les bibliothèques étrangères témoignent jusqu’à nos jours du grand intérêt de la noblesse pour connaître les livres qu’on lisait en France. Et L’Héroïne mousquetaire, dont J. Chupeau a relevé « l’intertextualité souriante » avec les Mémoires de la vie de Henriette?Sylvie de Molière, commençait à paraître en mai 1677. Le récit à la troisième personne a permis à l’auteur, il faut l’admettre, de parler de son héroïne en courtisan. Mais elle aussi a vite appris à se faire un jeu de l’érotisme de son entourage, en France comme en Espagne : hommes et femmes tombent amoureux d’elle, et elle se plaît à les démasquer. C’est vraiment dommage qu’il n’existe toujours pas de nouvelle édition, fût?ce en reprint. Pour comprendre le goût d’une grande partie des lectrices et lecteurs des années 1670 jusqu’à la Régence, en France et en Europe, on devrait ne plus ignorer Jean de Préchac.
67D’autre part, l’histoire du livre peut aussi servir à découvrir des injustices à première vue inexplicables. Ce qu’étaient les Nouvelles affriquaines pour Mme de Villedieu, négligées par tous les éditeurs français et hollandais, Le Fameux Voyageur (Paris, Vve d’A. Padeloup, 1682, 230 p.) semble l’avoir été pour Préchac. Avec la Relation d’un Voyage fait en Provence (Paris, Barbin, 1683, 2 parties, 144 et 192 p., in?8) qui n’est pas un roman mais, comme le dit son titre, une relation de voyage enrichie de quelques contes des participants, c’est le seul titre dont nous n’avons trouvé aucune réimpression. Pourtant J. Chupeau a certainement raison de citer à plusieurs reprises justement Le Fameux Voyageur, qui ne serait pas sans rapport avec l’expérience de l’auteur. La Princesse de Clèves, par contre, qui joue un très grand rôle dans la conception et les discussions du Voyage de Fontainebleau (ach. fin octobre 1678), l’un des meilleurs ouvrages de Préchac, n’a pu être traduit en allemand qu’à partir d’un titre « modernisé » dans une édition hollandaise (Amourettes du Duc de Nemours et de la Princesse de Clèves, Amsterdam, Jean Wolters, 1695 et 1698) : Liebesgeschichte des Hertzogs von Nemours und der Printzeß von Cleve, Frankfurt / Leipzig, Pauli, [vers 1713]. Habent sua fata libelli.
Notes
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[1]
« Diffusion européenne des œuvres de Madame de Villedieu au siècle de Louis XIV », dans E. Keller-Rahbé (éd.), Madame de Villedieu romancière. Nouvelles perspectives de recherche, Lyon, P.U.L., 2004, p. 29-70.
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[2]
Voir la classification de 2 des 3 exemplaires de la BnF.
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[3]
Roman et société sous Louis XIV : Madame de Villedieu […], Paris, Champion, 1979, t. II, p. 182.
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[4]
« Madame de Villedieu englished », dans Madame de Villedieu romancière. Nouvelles perspectives de recherche, E. Keller-Rahbé éd., Lyon, P.U.L., 2004, p. 145-160.
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[5]
Voir l’article très informatif et sympathique de J. Chupeau, dans Littératures classiques, n° 15, 1991, p. 271?289.
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[6]
Voir notre article dans la Revue d’Histoire Littéraire de la France, 2001, p. 1455-1462.