Notes
-
[1]
Sur la querelle du coloris (non déclenchée mais cristallisée par la parution de l’ouvrage de R. de Piles), voir notamment J. Lichtenstein, La Couleur éloquente. Rhétorique et peinture à l’âge classique, Paris, Flammarion, 1989, rééd. 1999 ; Rubens contre Poussin. La querelle du coloris dans la peinture française à la fin du XVIIe siècle, catalogue de l’exposition d’Arras et d’Épinal, Anvers, Ludion, 2004. Sur R. de Piles plus particulièrement, voir par exemple B. Teyssèdre, Roger de Piles et les débats sur le coloris au siècle de Louis XIV, Paris, La Bibliothèque des Arts, 1957 ; Th. Puttfarken, Roger de Piles’ Theory of Art, New Haven / Londres, Yale University Press, 1985.
-
[2]
Sur les « stratégies galantes » mises en œuvre dans les « querelles de la modernité », voir A. Viala, « Querelles galantes », Seventeenth-Century French Studies, vol. 29, n° 1, août 2007, p. 9-18 ; repris en partie dans La France galante, Paris, Puf, 2008, p. 226-257.
-
[3]
Aristote, Poétique, chap. 4, 48b19, éd. R. Dupont-Roc et J. Lallot, Paris, Éd. du Seuil, 1980, p. 43.
-
[4]
Ibid., chap. 6, 50a38-50b4, p. 57.
-
[5]
R. de Piles, Dissertation sur les ouvrages des plus fameux peintres, Paris, N. Langlois, 1681, p. 61.
-
[6]
Superlatif au sens où sa composante sensuelle (spectaculaire et musicale), démultipliée, en fait un spectacle à première vue phagocyté par les hèdusmata (la couleur) au détriment du muthos (le dessin).
-
[7]
J. Lichtenstein, op. cit., p. 165-194 (« Le paradigme pictural : le monde comme tableau »).
-
[8]
Sur cette analogie, voir par exemple J. Gage, Couleur et culture, Paris, Thames & Hudson, 2008, p. 227-246 (« Le son de la couleur »).
-
[9]
J.-J. Rousseau, Essai sur l’origine des langues, chap. XVI, Œuvres complètes, Paris, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », t. V, 1995, p. 421.
-
[10]
Ch. Perrault, Critique de l’Opéra, ou Examen de la tragédie intitulée Alceste, ou le Triomphe d’Alcide [Paris, Cl. Barbin, 1674], dans Alceste, suivi de La Querelle d’Alceste. Anciens et Modernes avant 1690, éd. W. Brooks, B. Norman et J. M. Zarucchi, Genève, Droz, 1994, p. 4.
-
[11]
Ibid., p. 9.
-
[12]
Ch. Perrault, Parallèle des Anciens et des Modernes [2e éd., 1692], 2nd dialogue, Münich, Eidos, 1964, t. I, p. 209-211. On remarquera incidemment que ce même passage contient une comparaison avec la musique.
-
[13]
Id., Critique de l’Opéra, éd. cit., p. 64-65.
-
[14]
Ibid., p. 71-73.
-
[15]
Voir S. Guyot, « Sur la toile comme en scène, peindre l’amour pour “toucher”. Proposition pour une évolution de la sensibilité à l’âge classique », Littératures classiques, n° 69, 2009, p. 35-49.
-
[16]
Sur l’iconographie nourrissant ces décors, voir G. Sabatier, « Point n’avez occis le dragon », dans J. Duron (dir.), Cadmus et Hermione, Liège, Mardaga/CMBV, 2008, p. 1-27, notamment p. 21.
-
[17]
Fr. Raguenet, Paralèle des Italiens et des François en ce qui regarde la musique et les opéra, Paris, J. Moreau, 1702 [réimpr. Genève, Minkoff, 1976], p. 75.
-
[18]
R. de Piles, Vie de Rubens, L’Idée du Peintre parfait, Paris, Gallimard, 1993, p. 125.
-
[19]
Fr. Raguenet Les Monumens de Rome, ou Descriptions des plus beaux ouvrages de peinture, de sculpture et d’architecture, Paris, Vve Cl. Barbin et Vve D. Horthemels, 1700.
-
[20]
J.-L. Lecerf de la Viéville, Comparaison de la musique italienne et de la musique françoise [1705], I, 1, réimpr. Genève, Minkoff, 1972, p. 25.
-
[21]
Ibid., p. 147-149.
-
[22]
Voir C. Lanoë, La Poudre et le fard. Une histoire des cosmétiques, de la Renaissance aux Lumières, Seyssel, Champ Vallon, 2008.
-
[23]
R. Fréart de Chambray, L’Idée de la perfection de la peinture, Le Mans, J. Ysambart, 1662, Préface, n.p.
-
[24]
Ch.-A. Du Fresnoy, L’Art de peinture traduit en françois avec des remarques, Paris, N. L’Anglois, 1668, p. 27. Roger de Piles traduit fidèlement les termes latins (« Lena sororis… fucusque dolusque »).
-
[25]
J.-L. Lecerf de la Viéville, op. cit., I, « Lettre à Monsieur de La *** », p. 168-169.
-
[26]
Ibid., II, 4, p. 97.
-
[27]
Ibid., II, 5, p. 205. Nous remercions Laura Naudeix de nous avoir fait découvrir cette référence, qu’elle cite dans une perspective légèrement différente dans « Créer un créateur. La figure de Lully dans la querelle de la musique italienne (1702-1706) », Colloque « La création en question : discours et disputes », Paris-Sorbonne, 24-25 juin 2013, en ligne : http://www.agon.paris-sorbonne.fr/fr/ressources-en-ligne/podcasts/la-creation-en-questions-discours-et-disputes (consulté le 5 avril 2019).
-
[28]
Ibid., I, « Lettre à Monsieur de La *** », p. 183.
-
[29]
J.-J. Rousseau, La Nouvelle Héloïse, II, 23, Œuvres complètes, éd. dir. B. Gagnebin et M. Raymond, Paris, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », t. II, 1964, p. 281.
-
[30]
Ibid., p. 283 (nous soulignons).
-
[31]
Loc. cit.
-
[32]
Ibid., p. 285.
-
[33]
Ibid., II, 25, p. 291-291.
-
[34]
Sur Rousseau et la couleur, voir R. Démoris, « Rousseau et le discours sur la peinture », dans F. S. Eigeldinger (dir.), Jean-Jacques Rousseau et les arts visuels, Genève, Droz, 2003 (Annales de la Société Jean-Jacques Rousseau, t. 45), p. 237-270.
-
[35]
Voir l’étonnante Lettre sur l’opéra [1745?], Œuvres complètes, éd. cit., t. V, 1995, p. 249-257.
-
[36]
J.-J. Rousseau, Essai sur l’origine des langues, ibid., p. 413.
-
[37]
Id., Fragmens d’observations sur l’Alceste italien de M. le Chevalier Gluck, ibid., p. 450.
-
[38]
Voir l’article « Unité de mélodie » du Dictionnaire de musique, ibid., p. 1143-1146.
-
[39]
Voir R. de Piles, Dissertation sur les ouvrages des plus fameux peintres, éd. cit., p. 44-46.
-
[40]
Chr. W. Gluck (ou R. de’ Calzabigi ?), « Épître dédicatoire de l’opéra d’Alceste » [1768], dans Querelle des Gluckistes et des Piccinnistes, éd. Fr. Lesure, Genève, Minkoff, 1984, t. I, p. 15.
Coincidence ? I think not
1Quelques mois seulement séparent la publication, en 1673, du Dialogue sur le coloris de Roger de Piles de la création, en janvier 1674, de l’Alceste de Lully, deux événements à l’origine de violentes querelles où s’expriment autant la défense de telle ou telle conception de l’art qu’une véritable haine de celle qui viendrait la menacer [1]. Le ton éventuellement galant ne change d’ailleurs rien à l’affaire [2] : parce qu’elle n’engage pas moins que la définition même de l’art (peinture ou théâtre, peu importe), l’apologie de la couleur ou de l’opéra ne saurait être anodine. Certes, c’est le propre de toute querelle que de soulever des questions bien plus larges que leur objet premier. Et peut-être la coïncidence de dates relevée à l’instant n’est-elle au fond que cela : une simple coïncidence. D’autant qu’à première vue, la querelle d’Alceste porte avant tout non seulement sur le choix d’un sujet ancien, ou plutôt d’un sujet d’Ancien, mais aussi sur le traitement qu’en propose Quinault, d’emblée opposé à celui de Racine dans Iphigénie, tragédie créée en août de la même année, peu après la reprise d’Alceste lors des célébrations à Versailles de la conquête de la Franche-Comté.
2Reste qu’indépendamment même de leurs liens plus ou moins étroits avec la querelle des Anciens et des Modernes, les enjeux sont manifestement les mêmes. Ce qu’il s’agit chaque fois d’interroger, c’est d’une part le statut de cette partie de l’art qui s’adresse avant tout aux sens et risque donc de le rabattre sur sa dimension mécanique ; d’autre part le statut de la réception et plus largement du jugement esthétique, dans un contexte de prise en compte croissante du spectateur et de légitimation progressive du jugement de goût de l’honnête homme amateur, face à, voire contre, celui des connaisseurs. Dans les deux querelles en effet, l’argument du plaisir est tantôt invoqué comme une valeur en soi, tantôt disqualifié comme accessoire, voire trompeur parce que purement sensuel, justement.
3Un autre élément, non conjoncturel quant à lui, conduit en outre à s’interroger sur cette coïncidence des deux querelles, et plus particulièrement sur sa signification et ses implications possibles dans le débat sur ce genre dramatique nouveau qu’est l’opéra : la référence à la couleur, classique et consacrée depuis Aristote, au sein même du parallèle non moins topique entre peinture et théâtre. Référence qui remonte à la Poétique, où elle apparaît une première fois au chapitre 4 à propos du double statut du plaisir mimétique. Aristote distingue en effet le plaisir intellectuel de reconnaissance, lié à la qualité du muthos, et le plaisir esthétique immédiat, résultat « du fini dans l’exécution, de la couleur ou d’une autre cause de ce genre [3] ». Ce plaisir de la couleur n’est mentionné qu’en passant, puisqu’il procède largement de ce qu’Aristote appelle les hèdusmata, ces « assaisonnements » du spectacle qui relèvent non du poète mais du « fabricant d’accessoires », l’équivalent du « broyeur de couleurs » en peinture. Un peu plus loin, au chapitre 6, le parallèle réapparaît dans un sens légèrement différent. La couleur n’y est plus associée à un type de plaisir, mais à l’une des composantes essentielles de la tragédie, bien que subordonnée au muthos, « âme » de la pièce et comparé pour sa part au dessin :
c’est à peu près comme en peinture : si un peintre appliquait aux hasard les plus belles matières, le résultat n’aurait pas le même charme qu’une image dessinée en noir et blanc. [4]
5Dans les deux cas, la couleur est reléguée à une place subalterne, comme l’est également le plaisir qu’elle suscite. Il est cependant significatif que, d’une référence à l’autre, le recours à la couleur comme analogon soit instable déjà chez Aristote, à l’instar peut-être de ce qu’est la couleur elle-même matériellement. Il renvoie en effet tantôt aux agréments du langage et du spectacle extérieurs à l’essence de la tragédie (lexis et opsis, ici confondues dans les hèdusmata), tantôt aux caractères, partie constitutive, quant à elle, de cette essence. La couleur fonctionne pour ainsi dire d’emblée comme une sorte de comparant aussi commode que polyvalent, désignant à volonté sinon ce qui est haï, du moins ce qui est relégué au second plan. Cette instabilité originelle de la couleur dans son emploi analogique aura semble-t-il la vie longue : on la retrouvera telle quelle dans les débats sur l’opéra à partir de la fin du XVIIe siècle, au moment où, par ailleurs, la notion même de couleur est redéfinie par la distinction désormais essentielle entre les couleurs – dans leur application locale – et le coloris, défini comme « intelligence des couleurs [5] », soit comme la distribution des lumières et des ombres, autrement dit l’art du clair-obscur.
6L’hypothèse que nous voudrions développer ici est que la haine de l’opéra – variante de la haine du théâtre dont il est une version superlative [6] – ne serait elle-même qu’une variante d’une haine plus fondamentale, non pas seulement de l’image, mais plus précisément de la couleur, laquelle se traduirait dans la présence du paradigme pictural au sein de ces débats. Tout se passe en effet comme si ces derniers étaient le lieu d’une reprise qui rejoue une querelle coloriste aux multiples métamorphoses. Certes, comme le rappelle Jacqueline Lichtenstein, ce paradigme pictural est alors omniprésent et touche tous les champs du savoir et des arts [7]. S’agissant de l’opéra, il est en outre d’autant plus complexe qu’à la première analogie entre couleur et spectacle s’en ajoute une seconde, d’origine plus ancienne encore : l’analogie entre musique et couleurs [8], celle-là même que dénoncera Rousseau dans un chapitre de l’Essai sur l’origine des langues consacré à la « la fausse analogie des couleurs et des sons [9] ». Et si le paradigme pictural n’a en soi rien d’original, il faudra voir ce que son fonctionnement particulier révèle sur les enjeux profonds des débats et sur l’opéra lui-même. À partir de trois études de cas – la querelle d’Alceste (1674), la querelle de la musique française et de la musique italienne (1705), la polémique rousseauiste contre l’opéra français après la querelle des Bouffons (1753) –, il s’agira ainsi d’analyser le recours à la couleur et/ou au coloris pour montrer en quoi ce fonctionnement analogique est avant tout stratégique, voire idéologique.
La querelle d’Alceste ou l’opéra clair-obscur
7La querelle d’Alceste a ceci de particulier qu’elle est purement littéraire : pour Perrault, l’auteur de la Critique d’Alceste, l’enjeu est en effet de défendre l’opéra comme genre dramatique face à la tragédie. Aussi la question du spectacle et de la musique – soit, pour un lecteur moderne, la spécificité de l’opéra par rapport au théâtre – n’est absolument pas abordée, mais liquidée d’une phrase par Aristippe, le personnage qui lance le débat : « Je n’entends parler que de la Poësie : car pour la musique et les décorations, j’en suis assez content [10]. » Contre toute attente, le débat ne portera pas sur les hèdusmata aristotéliciens, manœuvre habile puisqu’elle déporte d’emblée celui-ci sur la question du muthos (la fable), soit sur le dessin, sans jamais avoir à justifier la présence envahissante de la couleur, présentée comme non problématique.
8L’examen va dès lors porter presque exclusivement sur la question non pas tant du texte que de sa composition : l’essentiel de la Critique porte sur une analyse comparée du muthos de l’Alceste d’Euripide et de celui de Quinault, en se concentrant sur ce qu’a ajouté ou éliminé ce dernier de l’intrigue originelle. Or ce que montre Perrault, c’est que toutes ces modifications visent en réalité à renforcer l’effet local et global de la pièce par un travail tout particulier sur la dispositio. Telle scène d’Euripide est par exemple éliminée parce qu’elle ôte le plaisir de la surprise et révèle trop tôt le dénouement, telle autre modifiée pour complaire au goût des contemporains, etc. Le travail de Quinault s’est ainsi limité à corriger tout ce qui n’était pas « en sa place [11] ». Au fond, ce qui est en jeu ici analogiquement, ce n’est pas la couleur mais le coloris, soit la juste distribution et répartition des différentes couleurs locales (dont les différences de registres et de tons, mais aussi des caractères et des mœurs) en vue de l’effet global. Les interventions de Quinault sur l’original d’Euripide permettent ainsi de renforcer dans l’œuvre ce que les théoriciens de l’art, Roger de Piles en particulier, appellent « le tout-ensemble ».
9Certes, le librettiste ne fait en cela que suivre l’une des « règles principales de la rhétorique » : le modèle pictural n’est pas ici explicite. Pourtant, l’argumentaire recoupe largement, dans cette défense de l’opéra comme genre moderne, celui du même Perrault dans sa défense de la supériorité des peintres modernes sur les anciens. La démonstration proposée à ce sujet dans le Parallèle repose en effet sur l’idée que les premiers maîtrisent une composante de la peinture inconnue des seconds. Limités au dessin et à la couleur, ceux-ci n’ont en effet « jamais connu […] cette troisiéme partie de la Peinture qui regarde la composition d’un Tableau » et « l’assemblage judicieux [des] figures, placées avec entente [12] », c’est-à-dire précisément le « tout-ensemble ». Or, dans la Critique, le porte-parole de Perrault, Cléon, procède exactement de la même manière lorsqu’est abordée l’épineuse question de la comparaison entre les Anciens et les Modernes : après avoir concédé que ces derniers excellent dans la description et l’expression des passions, il souligne que ces deux aspects sont néanmoins insuffisants et qu’il faut encore observer « l’économie, la distribution, et l’arrangement de toutes les parties ; ce qui demande une infinité de préceptes, qui ne peuvent être trouvés que par une longue suite d’expériences, de réflexions et de remarques [13] ». En ce sens, l’art moderne du muthos que met en pratique Quinault est moins un art du dessin qu’un art du clair-obscur. Tout se passe donc comme si la supériorité de l’opéra dans son traitement de l’intrigue venait de cette maîtrise nouvelle du coloris – non pictural mais dramatique – garant de l’effet du « tout-ensemble », donc de l’effet tout court. La défense de l’opéra comme genre nouveau va ainsi de pair avec l’évacuation de sa dimension colorée au profit non pas tant du muthos-dessin – l’un comme l’autre sont anciens – que du principe du coloris, invention proprement moderne.
10Dans ces conditions, on ne s’étonnera guère que le dernier argument invoqué par Perrault soit celui du plaisir, celui qu’éprouve le public « amateur » des gens de goût, nettement distingués des « connaisseurs » qui tentent de les intimider : « au lieu de se demander à soy-mesme si la Piece est bonne, si elle touche, […] on s’empresse de demander ce qu’en pensent les Connoisseurs », en oubliant que « bien souvent ces pretendus Connoisseurs ne s’y connoissent guere » et que « les Comedies ne sont pas faites pour plaire seulement aux habiles, mais à tous les honnestes gens [14] ». Une valorisation du plaisir et du jugement amateur qui fait écho, toutes choses égales par ailleurs, aux réflexions de Roger de Piles défendant le critère de l’effet dans l’exercice de ce qu’on appellera plus tard le jugement esthétique. Aussi peut-on se demander si l’opéra ne contribue pas, à côté de la peinture rubéniste, à promouvoir à sa manière non seulement un nouveau type de spectateur amateur, mais aussi un nouveau type de réception qu’on pourrait qualifier de coloriste [15]. C’est en tout cas ce que suggéreraient indirectement les emprunts des décors de maints opéras de Lully à l’iconographie coloriste, comme ce fut le cas notamment pour ceux de Persée par Berain, inspirés de l’Andromède de Titien [16].
La querelle de la musique française et de la musique italienne : l’opéra français du côté du dessin
11S’il fonctionne encore sur le mode de la simple analogie chez Perrault, le paradigme pictural trouvera une expression plus manifeste à l’occasion de la publication en 1705 par Lecerf de la Viéville de sa Comparaison de la musique italienne et de la musique française, réponse à un certain abbé Raguenet, auteur d’un Parallèle des Italiens et des Français en ce qui regarde la musique et l’opéra, lequel défendait la supériorité éclatante de l’opéra italien sur le français. Cette fois néanmoins, la querelle ne concerne plus l’opposition entre deux genres – opéra et tragédie – mais entre deux types de musique : le débat se déplace au sein même du genre de l’opéra, dont l’existence est désormais admise. Du même coup, ce n’est plus sur le texte ou l’intrigue que porte la stratégie argumentative, mais sur la musique. Pour le reste, les termes du débat restent les mêmes : les cartes sont simplement rebattues et les arguments redistribués selon une ligne de partage qui s’est déportée.
12Car le partage analogique entre dessin et couleur ne recouvre plus ici la distinction entre muthos et hédusmata, mais entre deux types de musique que tout oppose : une musique-couleur (l’italienne) et une musique-dessin (la française). Musique-couleur au sens de musique sensuelle bien sûr, défendue comme telle par Raguenet, qui la qualifie du reste de « moelleuse [17] », adjectif employé habituellement par la critique d’art coloriste pour traduire la notion italienne de morbidezza picturale ; c’est ainsi par exemple que de Piles évoque « le pinceau moelleux [18] » de Rubens dans la biographie qu’il lui consacre. Là encore, on peut voir une coïncidence – ou non, dans la mesure où Raguenet est un vrai « amateur d’art », auteur d’un ouvrage consacré aux plus beaux Monumens de Rome [19]. Reprenant le critère de la sensualité, Lecerf contre-attaque en filant quant à lui une métaphore culinaire assez usuelle dans ce domaine [20] : de simple « assaisonnement » qu’elle devrait être, la musique devient en Italie un « ragoût » indigeste et écœurant à force d’épices et de gras ; à l’inverse la musique française s’apparente à une cuisine équilibrée et saine, sorte de régime crétois à base de fruits et de « viande blanche ». Mais bientôt, le texte dérive de la gastronomie à la cosmétique, et de la critique du condiment à celle du fard :
Une comparaison pour finir. Representés-vous une vieille coquette raffinée, chargée de rouge, de blanc et de mouches, […] cachant les rides de son visage […] grimaçant sans cesse […]. Voilà la Musique Italienne. Imaginés-vous d’un autre côté une jeune personne d’un port noble, modeste […] de belles couleurs naturelles […] : une mouche ou deux de tems en tems, ou […] quelque rousseur d’accident […] c’est la Musique Françoise. Décide entr’elles, choisis. [21]
14La comparaison a beau elle aussi relever du topos [22], elle semble néanmoins reprendre tous les éléments de la rhétorique anti-coloriste de la fin du XVIIe siècle. Fréart de Chambray fustigeait par exemple, dans un passage de son Idée de la perfection en peinture (1662) cité par Furetière à l’article « Fard » de son Dictionnaire, ces peintres qui « se sont fait une nouvelle maîtresse coquette et badine qui ne demande que du fard et des couleurs pour agréer à la première rencontre, sans se soucier si elle plaira longtemps [23] ». Dans son De arte graphica (1668), Du Fresnoy évoquait également la couleur, sœur maquerelle du dessin, comme « cette prostitution, ce fard et cette tromperie [24] ». Ainsi, de même que pour Fréart la couleur, maîtresse séduisante de prime abord mais très vite lassante, ne saurait détrôner l’épouse légitime qu’est le dessin, de même pour Lecerf, la musique italienne ne peut être qu’une passade, une aventure sans lendemain d’autant plus dangereuse et immorale que la maîtresse prend volontiers les traits… d’un homme, parfois travesti, souvent eunuque. Sans s’attarder sur la question des castrats, on peut en effet remarquer que l’assimilation de la musique italienne avec la couleur est facilitée par l’allusion implicite à Venise, symbole de la peinture coloriste en même temps que capitale du dramma per musica. Ce qui est sûr en tout cas, c’est que la mention du fard permet de disqualifier définitivement la musique italienne au profit du naturel de la musique française.
15Or, pour rebattu qu’il soit, le topos semble être cependant resémantisé, puisqu’un peu plus loin dans le texte Lecerf approfondit l’analogie entre musique et peinture à partir du dogme de l’ut pictura :
Quelle est la beauté de la Poësie ? C’est de faire avec des paroles ce que le Peintre fait avec des couleurs. Ut pictura pœsis erit. […] Maintenant quelle est la beauté de la Musique des Opera ? C’est d’achever de rendre la Poësie de ces Opera, une peinture vraiment parlante. C’est pour ainsi dire, de la retoucher, de lui donner les dernieres couleurs. [25]
17Là où Perrault défendait l’opéra en l’associant au clair-obscur, Lecerf, lui, défend une esthétique de la touche et de la retouche délicate, où la musique consiste en une recherche raffinée de la couleur qui, parce qu’elle permet de bien exprimer les passions, permet aussi, justement, de toucher. Par son usage modéré de la couleur, elle imite du reste la nature et son pinceau économe :
Les plus beaux Ouvrages [de la Nature] sont si simples. Quelle merveille est-ce que ces Lys et ces Roses ? ce n’est que du blanc et du rouge. Et aprés tout le plus beau teint du monde n'est qu’un mêlange de ces deux couleurs. N’auroit-il pas été bien plus magnifique à la Nature, de faire les beaux teints de sept ou huit couleurs differentes, et bien bigarrées ? Et quelle pitié encore que ces beaux yeux, ces yeux qui ont tant renversé de cervelles de Héros et épuisé de cervelles de Poëtes, ne soient, tout bien compté, qu’un peu de blanc, de bleu et de noir. [26]
19En somme, la musique française joue avant tout sur la transparence pour laisser le beau rôle au dessin. De fait, plus que comme une musique-aquarelle, c’est bien comme une musique-dessin que se présente celle de Lully, dont on ne cesse de louer la « droiture », le caractère « uni ». Son récitatif en particulier obéit à un tracé parfait, tout comme ses airs instrumentaux, ce dont témoigne une anecdote selon laquelle c’est la cadence de sa monture qui lui aurait donné au cours d’une promenade « l’idée d’un air de Violon, dans lequel vous sentiez l'expression du pas d’un Cheval [27] ». Imitant parfaitement la nature incarnée dans l’animal, la musique de Lully rejoint ainsi, contre la couleur, l’idéal de la ligne, du disegno.
20On ne s’étonnera pas, dès lors, que, de fondamentalement modernes qu’ils étaient chez Perrault, Lully et l’opéra français passent chez Lecerf du côté des Anciens :
C’est précisément la querelle des anciens et des modernes, renouvellée sous d’autres noms. […] il y a longtems que j’avais pris garde à cette conformité de Lulli, aux anciens : et des Heros de la Musique Italienne, aux modernes. [28]
22Une « ancienneté » qui n’a ici rien de chronologique ou d’historique, mais qui relève purement et simplement d’une stratégie de légitimation d’un genre, l’opéra, et d’une institution, l’Opéra, somme toute encore fragiles, et ce d’autant plus qu’ils sont menacés en leur sein même par le rival italien, comme l’avait été la peinture française quelques décennies auparavant. Aussi pourrait-on suggérer qu’assimiler la musique de Lully au dessin, c’est au fond revenir à la position originelle de l’Académie, avant que la menace coloriste (italianisante) ne vienne ébranler son autorité ; c’est donc aussi et surtout asseoir définitivement non seulement sa supériorité, mais sa légitimité incontestables.
Le retournement rousseauiste
23Pourtant cette légitimité esthétique et institutionnelle de l’opéra français sera de nouveau attaquée et littéralement renversée quelque temps plus tard – renversement qui, comme par hasard, prendra une fois encore la forme d’une redistribution des cartes du dessin et de la couleur. De Perrault à Lecerf de la Viéville, et d’une querelle à l’autre, nous avons en effet vu l’opéra français passer des Modernes aux Anciens, et du clair-obscur au dessin ; avec Rousseau, platonicien avéré et par ailleurs spécialiste incontesté des renversements, il va repasser du côté de la couleur, tandis que l’opéra italien sera investi des prestiges du dessin.
24Parmi les nombreux passages de Jean-Jacques illustrant cette substitution, la plupart tirés de ses textes théoriques, il en est un particulièrement significatif, ne serait-ce que parce qu’il intervient dans un roman. La lettre 23 de la seconde partie de La Nouvelle Héloïse est en effet consacrée à une longue description du « plus superbe monument de la magnificence de Louis XIV [29] ». D’emblée, Rousseau opère un déplacement révélateur puisque là où Perrault se concentrait sur le texte et Lecerf sur la musique, c’est ce qu’il y « [a] vu [lui]-même [30] », soit le spectacle, qui retient d’abord son attention. Manœuvre habile qui permet, en réduisant l’opéra à sa matérialité, de donner à voir un tableau – et quel tableau !
Figurez-vous une gaine large d’une quinzaine de pieds et longue à proportion, cette gaine est le théâtre. Aux deux côtés on place par intervalles des feuilles de paravent sur lesquelles sont grossièrement peints les objets que la scène doit représenter. Le fond est un grand rideau peint de même […]. Le ciel est représenté par certaines guenilles bleuâtres, suspendues à des bâtons ou à des cordes […]. On voit vers le bas de la machine l’illumination de deux ou trois chandelles puantes et mal mouchées qui tandis que le personnage se démène […] l’enfument tout à son aise. […] La mer agitée est composée de longues lanternes angulaires de toile ou de carton bleu […]. Quand [des démons] doivent s’élever dans les airs, on leur substitue adroitement de petits démons de toile brune empaillée, ou quelquefois de vrais ramoneurs. [31]
26Présenté par les Parisiens comme « le spectacle le plus admirable qu’inventa jamais l’art humain », cette « toile » se caractérise en fait par un usage exécrable et particulièrement pauvre de la palette chromatique, limitée au brun et au bleu, d’une qualité en outre douteuse, voire crasseuse : non seulement les teintes jurent entre elles, mais elles sont appliquées par aplat, sans aucun sens ni de la couleur locale ni du coloris. Le clair-obscur est ainsi assuré par une chandelle mal mouchée et le sfumato remplacé par… de la fumée. En fait de chef-d’œuvre, on aurait donc plutôt affaire à une croûte. La transposition musicale d’un tel barbouillage est évidemment la cacophonie, les « cris affreux » et les « longs mugissements dont retentit le théâtre » se traduisant ici… par la couleur rougeaude des chanteuses qui s’époumonent : « On voit les actrices, presque en convulsion, […] le visage enflammé, les vaisseaux gonflés, l’estomac pantelant : on ne sait lequel est le plus désagréablement affecté, de l’œil ou de l’oreille [32]. » Rousseau a beau jeu d’avertir des dangers de la fausse analogie des couleurs et des sons, il est ici le premier à la mettre en œuvre, et ce indépendamment même de l’assimilation classique et séculaire de la couleur à l’harmonie. Harmonie représentée en l’occurrence pour lui par Rameau, symbole même de l’opéra français au moment de la querelle des Bouffons.
27Mais ce n’est pas tout. De cette lettre qui appartient à la série des lettres parisiennes, dont la très fameuse lettre sur le théâtre, on se contente généralement de dire qu’elle en est une simple variation, permettant à Saint-Preux de continuer à exercer son humeur critique. Elle est du reste d’autant moins commentée qu’elle est pour ainsi dire coincée, et par là même occultée, entre les deux célèbres lettres du diptyque consacré au portrait de Julie – endroit stratégique s’il en est. Or ce portrait, objet de félicité dans la lettre 22, provoque presque aussitôt un véritable désenchantement, évoqué dans la lettre 25. Trop et mal coloré, tout entier du côté du fard et de l’artifice, il aboutit à altérer les contours et le dessin de Julie, c’est-à-dire, en fait, son essence :
C’est dans ton cœur, ma Julie, qu’est le fard de ton visage, et celui-là ne s’imite point. […] [Le peintre] a placé la racine des cheveux trop loin des tempes, ce qui donne au front un contour moins agréable […]. Il a oublié les rameaux de pourpre que font à cet endroit deux ou trois petites veines sous la peau, à peu près comme dans ces fleurs d’iris que nous considérions un jour au jardin de Clarens. Le coloris des joues est trop près des yeux, et ne se fond pas délicieusement en couleur de rose vers le bas du visage comme sur le modèle ; on dirait que c’est du rouge artificiel plaqué comme le carmin des femmes de ce pays. [33]
29La position concrète de la lettre 23 est dans ces conditions d’autant plus orientée et signifiante : outre qu’elle prépare et annonce le moment de la désillusion, elle montre surtout que la haine de l’opéra français cache en fait une haine plus générale de la couleur. Couleur assimilée elle-même à la matière, et à ce titre principal obstacle à la véritable imitation [34]. Elle montre aussi indirectement, et comme par transitivité, qu’une fois passé le moment fugace de l’éblouissement, l’opéra français ne peut que décevoir cruellement. Rousseau en est la preuve vivante, qui fut dans sa jeunesse un fervent défenseur de la tragédie lyrique, grand admirateur de Rameau [35]. Et comme en peinture aussi, le salut de la musique et de l’opéra se trouve exclusivement du côté du dessin et de la ligne, seuls capables de la véritable imitation, ainsi que le répète à l’envi son Dictionnaire de musique, et encore l’Essai sur l’origine des langues :
De belles couleurs bien nuancées plaisent à la vue, mais ce plaisir est purement de sensation. C’est le dessein, c’est l’imitation qui donne à ces couleurs de la vie et de l’ame […]. L’intérest et le sentiment ne tiennent point aux couleurs ; les traits d’un tableau touchant nous touchent encore dans une estampe : otez ces traits dans le Tableau, les couleurs ne feront plus rien. La melodie fait précisement dans la musique ce que fait le dessein dans la peinture ; c’est elle qui marque les traits et les figures dont les accords et les sons ne sont que les couleurs. […] Seule l’imitation élève la peinture et la musique au rang de beaux-arts. Or qu’est-ce qui fait de la peinture un art d’imitation ? C’est le dessein. Qu’est-ce qui de la musique en fait un autre ? C’est la mélodie. [36]
31Redéfinie comme représentation indirecte, immatérielle et non sensible, non plus d’un objet mais du sentiment et des effets moraux provoqués par celui-ci, l’imitation suppose ainsi un déplacement de l’extériorité de l’objet vers l’intériorité du spectateur – ce dont est seule capable la mélodie. Car contrairement à l’harmonie qui se contente de « flatter l’oreille comme de belles couleurs flattent les yeux », et puisque « le dessin par lui-même peut, sans coloris, nous représenter des objets attendrissants », « la mélodie imitative peut de même nous émouvoir seule sans le secours des accords [37] ». Or, on le sait, la mélodie est le chiffre de la musique et de l’opéra italiens, où règne par ailleurs ce que Rousseau nomme « unité de mélodie », dont la définition semble être directement décalquée de la notion du « tout-ensemble [38] ». Retors comme toujours, Rousseau parvient ainsi à retourner l’argumentation et à opérer un double transfert de l’opéra français vers la couleur, et de l’opéra italien vers le dessin, auquel il annexe, en un ultime coup de force, le « tout-ensemble » pourtant explicitement placé sous le signe de la couleur depuis Roger de Piles [39].
32D’une polémique à l’autre, le paradigme pictural dans les discours sur l’opéra fonctionne donc manifestement sur un mode qui dépasse la simple analogie ou le simple topos. Il ne cesse en effet de réactiver la querelle coloriste en redistribuant chaque fois les termes d’un débat éventuellement lointain et clos depuis longtemps : à l’époque où écrit Rousseau, l’Académie royale de peinture a de longue date adopté la position coloriste et l’opposition binaire entre dessin et couleur n’a plus lieu d’être. Pourquoi dès lors choisir de ranimer une question désormais entendue et risquer d’affaiblir un raisonnement par l’anachronisme ? Parce qu’en réalité, de même que le véritable enjeu de la querelle du coloris, du moins en France, était avant tout celui d’une légitimation idéologique et institutionnelle autant qu’esthétique, de même les débats sur l’opéra reviennent tous sur la question de sa légitimité en tant que genre, spectacle et institution. Or c’est du côté du dessin, qui symboliquement représente toujours l’autorité, que se trouve la légitimité. Peut-être est-ce donc ainsi que peuvent se comprendre la présence et la réversibilité à première vue paradoxale du paradigme pictural dans ces débats : dès qu’il s’agit de défendre et de légitimer l’opéra, ou un certain opéra, il semble que ce soit toujours au dessin qu’on l’associe. Là réside l’ultime coup de force de Rousseau – car détacher l’opéra français du dessin pour le rabattre sur la couleur revient du même coup à attaquer violemment l’institution de l’Opéra, à la rendre aussi instable que la couleur elle-même, et donc à déstabiliser avec elle, en fait, tout l’édifice politique : d’où la portée radicalement subversive de sa réflexion sur l’opéra.
33À la lumière de ces quelques exemples, il semble qu’existe dans les discours et débats sur l’opéra une sorte de pattern dont la réactivation cyclique, au gré des querelles, s’accompagne d’une redistribution perpétuelle des arguments selon les parties en présence et selon des lignes de partage qui ne cessent de bouger. À défaut d’une enquête plus systématique, et au risque de paraître vouloir boucler une boucle presque trop parfaite, il est tentant néanmoins de mettre en résonance la Critique de l’Alceste de Lully par Perrault avec l’Épître dédicatoire de la partition de l’Alceste de Gluck, rédigée près d’un siècle plus tard : entre dessin, couleur et coloris, les rôles demeurent mais sont une fois encore réattribués. Pour Gluck – ou pour son librettiste Calzabigi, qui pourrait bien être l’auteur de ce texte –, la musique est en effet pensée comme ce qui doit « ajouter à la poésie ce qu’ajoute à un dessin correct et bien composé, la vivacité des couleurs et l’accord heureux des lumières et des ombres, qui servent à animer les figures sans en altérer les contours [40] ». Où l’on voit que d’une Alceste à l’autre, ce qui se joue est aussi le passage d’un clair-obscur à l’autre.
Notes
-
[1]
Sur la querelle du coloris (non déclenchée mais cristallisée par la parution de l’ouvrage de R. de Piles), voir notamment J. Lichtenstein, La Couleur éloquente. Rhétorique et peinture à l’âge classique, Paris, Flammarion, 1989, rééd. 1999 ; Rubens contre Poussin. La querelle du coloris dans la peinture française à la fin du XVIIe siècle, catalogue de l’exposition d’Arras et d’Épinal, Anvers, Ludion, 2004. Sur R. de Piles plus particulièrement, voir par exemple B. Teyssèdre, Roger de Piles et les débats sur le coloris au siècle de Louis XIV, Paris, La Bibliothèque des Arts, 1957 ; Th. Puttfarken, Roger de Piles’ Theory of Art, New Haven / Londres, Yale University Press, 1985.
-
[2]
Sur les « stratégies galantes » mises en œuvre dans les « querelles de la modernité », voir A. Viala, « Querelles galantes », Seventeenth-Century French Studies, vol. 29, n° 1, août 2007, p. 9-18 ; repris en partie dans La France galante, Paris, Puf, 2008, p. 226-257.
-
[3]
Aristote, Poétique, chap. 4, 48b19, éd. R. Dupont-Roc et J. Lallot, Paris, Éd. du Seuil, 1980, p. 43.
-
[4]
Ibid., chap. 6, 50a38-50b4, p. 57.
-
[5]
R. de Piles, Dissertation sur les ouvrages des plus fameux peintres, Paris, N. Langlois, 1681, p. 61.
-
[6]
Superlatif au sens où sa composante sensuelle (spectaculaire et musicale), démultipliée, en fait un spectacle à première vue phagocyté par les hèdusmata (la couleur) au détriment du muthos (le dessin).
-
[7]
J. Lichtenstein, op. cit., p. 165-194 (« Le paradigme pictural : le monde comme tableau »).
-
[8]
Sur cette analogie, voir par exemple J. Gage, Couleur et culture, Paris, Thames & Hudson, 2008, p. 227-246 (« Le son de la couleur »).
-
[9]
J.-J. Rousseau, Essai sur l’origine des langues, chap. XVI, Œuvres complètes, Paris, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », t. V, 1995, p. 421.
-
[10]
Ch. Perrault, Critique de l’Opéra, ou Examen de la tragédie intitulée Alceste, ou le Triomphe d’Alcide [Paris, Cl. Barbin, 1674], dans Alceste, suivi de La Querelle d’Alceste. Anciens et Modernes avant 1690, éd. W. Brooks, B. Norman et J. M. Zarucchi, Genève, Droz, 1994, p. 4.
-
[11]
Ibid., p. 9.
-
[12]
Ch. Perrault, Parallèle des Anciens et des Modernes [2e éd., 1692], 2nd dialogue, Münich, Eidos, 1964, t. I, p. 209-211. On remarquera incidemment que ce même passage contient une comparaison avec la musique.
-
[13]
Id., Critique de l’Opéra, éd. cit., p. 64-65.
-
[14]
Ibid., p. 71-73.
-
[15]
Voir S. Guyot, « Sur la toile comme en scène, peindre l’amour pour “toucher”. Proposition pour une évolution de la sensibilité à l’âge classique », Littératures classiques, n° 69, 2009, p. 35-49.
-
[16]
Sur l’iconographie nourrissant ces décors, voir G. Sabatier, « Point n’avez occis le dragon », dans J. Duron (dir.), Cadmus et Hermione, Liège, Mardaga/CMBV, 2008, p. 1-27, notamment p. 21.
-
[17]
Fr. Raguenet, Paralèle des Italiens et des François en ce qui regarde la musique et les opéra, Paris, J. Moreau, 1702 [réimpr. Genève, Minkoff, 1976], p. 75.
-
[18]
R. de Piles, Vie de Rubens, L’Idée du Peintre parfait, Paris, Gallimard, 1993, p. 125.
-
[19]
Fr. Raguenet Les Monumens de Rome, ou Descriptions des plus beaux ouvrages de peinture, de sculpture et d’architecture, Paris, Vve Cl. Barbin et Vve D. Horthemels, 1700.
-
[20]
J.-L. Lecerf de la Viéville, Comparaison de la musique italienne et de la musique françoise [1705], I, 1, réimpr. Genève, Minkoff, 1972, p. 25.
-
[21]
Ibid., p. 147-149.
-
[22]
Voir C. Lanoë, La Poudre et le fard. Une histoire des cosmétiques, de la Renaissance aux Lumières, Seyssel, Champ Vallon, 2008.
-
[23]
R. Fréart de Chambray, L’Idée de la perfection de la peinture, Le Mans, J. Ysambart, 1662, Préface, n.p.
-
[24]
Ch.-A. Du Fresnoy, L’Art de peinture traduit en françois avec des remarques, Paris, N. L’Anglois, 1668, p. 27. Roger de Piles traduit fidèlement les termes latins (« Lena sororis… fucusque dolusque »).
-
[25]
J.-L. Lecerf de la Viéville, op. cit., I, « Lettre à Monsieur de La *** », p. 168-169.
-
[26]
Ibid., II, 4, p. 97.
-
[27]
Ibid., II, 5, p. 205. Nous remercions Laura Naudeix de nous avoir fait découvrir cette référence, qu’elle cite dans une perspective légèrement différente dans « Créer un créateur. La figure de Lully dans la querelle de la musique italienne (1702-1706) », Colloque « La création en question : discours et disputes », Paris-Sorbonne, 24-25 juin 2013, en ligne : http://www.agon.paris-sorbonne.fr/fr/ressources-en-ligne/podcasts/la-creation-en-questions-discours-et-disputes (consulté le 5 avril 2019).
-
[28]
Ibid., I, « Lettre à Monsieur de La *** », p. 183.
-
[29]
J.-J. Rousseau, La Nouvelle Héloïse, II, 23, Œuvres complètes, éd. dir. B. Gagnebin et M. Raymond, Paris, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », t. II, 1964, p. 281.
-
[30]
Ibid., p. 283 (nous soulignons).
-
[31]
Loc. cit.
-
[32]
Ibid., p. 285.
-
[33]
Ibid., II, 25, p. 291-291.
-
[34]
Sur Rousseau et la couleur, voir R. Démoris, « Rousseau et le discours sur la peinture », dans F. S. Eigeldinger (dir.), Jean-Jacques Rousseau et les arts visuels, Genève, Droz, 2003 (Annales de la Société Jean-Jacques Rousseau, t. 45), p. 237-270.
-
[35]
Voir l’étonnante Lettre sur l’opéra [1745?], Œuvres complètes, éd. cit., t. V, 1995, p. 249-257.
-
[36]
J.-J. Rousseau, Essai sur l’origine des langues, ibid., p. 413.
-
[37]
Id., Fragmens d’observations sur l’Alceste italien de M. le Chevalier Gluck, ibid., p. 450.
-
[38]
Voir l’article « Unité de mélodie » du Dictionnaire de musique, ibid., p. 1143-1146.
-
[39]
Voir R. de Piles, Dissertation sur les ouvrages des plus fameux peintres, éd. cit., p. 44-46.
-
[40]
Chr. W. Gluck (ou R. de’ Calzabigi ?), « Épître dédicatoire de l’opéra d’Alceste » [1768], dans Querelle des Gluckistes et des Piccinnistes, éd. Fr. Lesure, Genève, Minkoff, 1984, t. I, p. 15.