Notes
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[1]
De plus en plus de maisons d’éditions possèdent un service marketing qui vise à augmenter les ventes en agissant sur la visibilité du livre. Le marketing s’adapte au produit qu’est le livre, réalisé par les services éditoriaux ; il définit quant à lui une cible et organise l’adéquation du produit et de la cible. Ses moyens relèvent de la communication et de la publicité.
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[2]
Voir S. Desaive et N. Poggioli, Le Marketing du livre. Études et stratégies, Paris, Éd. du Cercle de la Librairie, 2006 ; L. Bascle-Parkansky et M. Prieux, Le Marketing du livre. 2 : Promotion et outils de communication, Paris, Éd. du Cercle de la Librairie, 2010.
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[3]
L’établissement du texte (retour au manuscrit, collation des différentes versions, etc.) est aussi une manière, cette fois très scientifique, de rééditer un classique.
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[4]
La formule est reprise au Théâtre de l’Odéon, dans le cadre des rencontres intitulées « Les bibliothèques de l’Odéon ».
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[5]
Combray est paru à l’automne 2013, avec une préface et une transcription des corrections manuscrites de Proust par Ch. Méla ; il s’agissait d’un tirage limité à 1200 exemplaires, au prix de 189 euros. Le deuxième volume, Un amour de Swann, réalisé dans les mêmes conditions, paraîtra à l’automne 2016.
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[6]
Virgile, L’Énéide, trad. P. Veyne, Paris, Albin Michel / Les Belles Lettres, 2012.
-
[7]
Homère, Iliade, trad. J.-L. Backès, Paris, Gallimard, « Folio classique », 2013.
-
[8]
I. Calvino, La Machine Littérature. Essais, Paris, Éd. du Seuil, 1984, p. 105.
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[9]
Les prix changeant vite dans le secteur très concurrentiel du livre de poche, l’indication de la catégorie de prix permet d’éviter d’avoir à réimprimer les livres pour changer la couverture à chaque changement de prix. Il n’est besoin que de changer la tabelle des prix chez les libraires.
-
[10]
Lors de l’adaptation au cinéma de Mrs Dalloway de Virginia Woolf sous le titre The Hours (avec notamment Nicole Kidman), les ventes du livre se sont envolées. Qui a vraiment lu ce roman très difficile ? Le film, plutôt grand public, a été une porte d’entrée vers une littérature quant à elle plutôt élitiste.
-
[11]
À titre d’exemple, les slogans publicitaires visant à promouvoir le roman L’Histoire de Pi de Y. Martel à l’occasion de son adaptation au cinéma par Ang Lee fin 2012, sous le titre L’Odyssée de Pi, jouaient explicitement sur ce lien : « Découvrez le livre qui a inspiré le film » (publicité Gallimard dans les Relay). « Read the book before you see the movie », indique un macaron de la librairie Strand à New York apposé sur certains livres.
-
[12]
Que l’on pense par exemple à la publicité pour la station Radio Classique, qui ne diffuse que de la musique classique : « Vie moderne, radio classique ».
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[13]
On peut se demander si l’auteur indique ainsi la deuxième partie de Du côté de chez Swann par une forme de modestie (il reconnaît n’avoir pas tout lu), s’il désigne une préférence dans le roman, ou s’il ignore qu’il ne s’agit pas d’un roman complet.
-
[14]
On a pu voir par exemple tel homme politique avec un livre de Nerval dépassant de la poche de sa veste : le classique sert ici d’étiquette, de vernis culturel. À l’inverse, parler de manière approfondie d’un classique, en montrant qu’on l’a vraiment lu et qu’on l’a bien présent en tête parce qu’on le relit, donne de la profondeur au discours. Ce fut le cas de J.-L. Mélanchon lisant des passages des Misérables lors d’un meeting à la Bastille durant la campagne présidentielle de 2012. Cette mise en scène de soi comme homme de culture, au moyen des classiques, est une stratégie de communication qui renvoie au storytelling.
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[15]
Voir R. Bacqué, « Un président doit-il être cultivé ? », Le Monde, 24 mars 2012.
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[16]
Pour une synthèse, voir par exemple C. Fabre, « Et Nicolas Sarkozy fit la fortune du roman de Mme de La Fayette », Le Monde, 29 mars 2011.
1 La réédition des classiques aujourd’hui est d’abord affaire de paradoxe. Le classique déjoue les modes ; il les transcende. Est classique non pas ce qui est ancien mais ce qui est pérenne, qui ne vieillit ni ne se démode. Le classique bouleverse la chronologie : la qualification de « classique » désigne l’ancien toujours moderne, toujours d’actualité. Est aussi qualifié de « classique » ce qui va de soi, ce qui n’a pas à se justifier, notamment parce qu’il s’inscrit dans une tradition qui fait autorité. L’adoration sans recul des classiques a été souvent moquée dans la littérature, qu’on pense au Tristram Shandy de Sterne ou à Rabelais ridiculisant les « sorbonnards ». La notion de tradition demeure toutefois une référence, ce dont témoigne la relation toute particulière que les Français entretiennent aujourd’hui avec leur héritage littéraire.
2 D’un point de vue éditorial, le statut des classiques ne va pas de soi. Afin de s’imposer dans le paysage éditorial, ils nécessitent d’être remis au goût du jour. Cette réactualisation passe par une entreprise éditoriale mais aussi marketing [1], qui implique la revalorisation de la notion et du mot même de « classique » : tout comme on parle de « seniors » ou d’« anciens » pour désigner le troisième âge, il s’agit de faire en sorte que le mot ne soit plus synonyme de « vieillerie poétique » mais d’une autre modernité [2]. Ainsi intégrés à ces nouvelles stratégies de communication, les classiques deviennent des marqueurs d’un pouvoir symbolique, des signes d’une appartenance culturelle, mais aussi des objets consensuels. Comment le classique peut-il être à la fois un produit culturel parmi d’autres et conserver son pouvoir symbolique ? Comment peut-il appartenir à la culture commune, issue de l’école, et garder son caractère élitiste ? La conciliation de ces deux impératifs contradictoires – culture commune, pouvoir symbolique – est au cœur de la réédition des classiques.
3 Les politiques éditoriales engagées par les maisons d’édition visent à faire coexister ces deux processus. Dans le marché de l’édition, les classiques nécessitent d’être valorisés par le marketing ; tandis que, hors de l’édition, les classiques sont des outils de valorisation et de légitimation culturelles. Ils ont besoin de stratégies marketing pour être vendus ; et ils participent eux-mêmes à des stratégies de communication. Le caractère d’ancienneté et de référence qui définit le classique est à la fois désiré et condamné ; tantôt on l’utilise, tantôt on le cache et le transforme. Comment expliquer cette ambivalence ? Du côté des éditeurs, le marketing est mis au service des classiques pour créer une nouvelle norme : « ce qu’il faut avoir lu », qui se comprend non pas au sens de la « distinction » de Pierre Bourdieu mais du « bon goût », issu d’une culture commune. Cette norme est reprise par la société, les entreprises, le monde de la culture et du luxe, mais aussi par la politique : les classiques sont utilisés dans des stratégies de communication. Le marketing concourt-il alors à dénaturer les classiques ou les fait-il au contraire entrer dans la modernité ?
Le marketing des classiques
La place des classiques aujourd’hui, entre domaine public et numérique
4 Rééditer les classiques revient à relever un défi : le domaine public. Tout le monde peut aujourd’hui rééditer un classique, sans rien devoir à personne, ni autorisation ni paiement de droits. La publication des classiques engage ainsi une problématique générale : comment vendre un produit qui n’a pas de valeur marchande, et qui n’est pas inédit ?
5 Ce que vendent les éditeurs, c’est une culture commune. La stratégie de vente des classiques est celle de tout marché de masse : elle consiste à donner l’envie au consommateur d’acheter non pas la même chose que tout le monde, mais quelque chose qui le touchera dans sa singularité. Comment créer la rareté dans l’abondance, le singulier dans l’universel ? Il faut offrir quelque chose en plus, puisque les classiques, par définition, appartiennent au domaine public et sont accessibles à tous. Cette plus-value constitue l’apport majeur des éditeurs. Celui-ci peut prendre deux formes : il peut consister à ajouter du contenu éditorial au texte principal, ou à mettre en avant le livre grâce au marketing. Dans tous les cas, il faut justifier l’appropriation marchande d’un texte libre de droits : réintroduire de l’inédit, donner une deuxième vie au classique.
6 Il s’agit aussi de donner accès à un texte dont le public contemporain est coupé : remettre au goût du jour un texte qui peut sembler poussiéreux, démodé ; qui a été classique et ne l’est plus. Or les classiques sont précisément des textes qui souvent ne vont plus de soi. Ils peuvent être difficiles à lire car ils portent le poids d’une époque, d’un contexte historique et social, d’une certaine pratique de la langue. Un appareil critique ou un dossier d’accompagnement se justifient pleinement : les éditeurs apportent ce qu’une simple impression du texte – comme cela se pratique avec les livres numériques disponibles gratuite-ment en ligne et l’impression à la demande – ne peut donner.
7 Le problème du domaine public est redoublé par celui du numérique, qui rend les textes appartenant au domaine public encore plus facilement accessibles (que ce soit sur Gallica ou sur des sites privés). Avec le développement de la lecture sur tablette, lire un classique devient une activité simple et évidente – ou du moins le consulter, à défaut de le lire vraiment. Car ce n’est pas la lecture qui se développe le plus avec le numérique, mais le feuilletage, le « zapping ».
8 L’édition des classiques est donc soumise aujourd’hui à de profondes mutations. Avec le domaine public (enjeu juridique) et le numérique (enjeu technique), le rôle de l’éditeur se trouve renforcé. Tout ce qui relève du travail de création s’avère indispensable. Il ne s’agit plus de vendre simplement un texte, mais de créer les conditions d’accès intellectuel au texte.
Le travail éditorial : accès au classique et accompagnement dans la lecture
9 Rééditer les classiques implique de s’adapter au monde contemporain, au marché de l’édition comme à la société même. Pour rendre les classiques attractifs, il faut les rendre actuels, c’est-à-dire « dépoussiérer » leur image et les adapter à l’actualité. Deux stratégies opposées peuvent être mises en œuvre : aller vers les classiques ou les rapporter à nous. La première option concerne un marché de niche, d’amateurs, de lecteurs qui sont prêts à faire l’effort de retourner aux classiques (livres de luxe, bibliophilie). Dans le marché du livre de poche, qui est à l’inverse un marché de masse, il est nécessaire de s’adapter et de choisir la solution la plus aisée : mettre les classiques à la portée du lecteur, en en montrant la modernité.
10 L’éditeur ne peut compter sur la presse, qui rend très peu compte des éditions nouvelles de classiques et encore moins des livres de poche, ne les considérant pas comme des « nouveautés ». Or les éditeurs cherchent à procurer une édition inédite, et ce par l’insertion d’appareils critiques nouveaux proposant une lecture guidée ou un accompagnement de lecture. Il s’agit le plus souvent d’une préface, de notes, d’une chronologie, d’une bibliographie, d’un résumé s’il s’agit d’une pièce de théâtre, d’une notice sur la genèse et la réception, éventuellement d’un index et d’un lexique, réalisés par un spécialiste de l’œuvre. Dans les éditions savantes, comme dans la « Bibliothèque de la Pléiade » ou dans certains « Folio classique », « Livre de Poche classique » ou « GF », l’éditeur scientifique se charge aussi de l’établissement du texte [3]. D’autres collections plus scolaires (tels « Folioplus classiques », « Étonnants classiques », « Classico Collège », « Pocket » et bien d’autres) proposent une lecture guidée, où le lecteur est plus encadré : les notes sont en bas de page et non à la fin, on peut trouver des axes de lecture, des questionnaires, des ébauches de plan que l’enseignant peut reprendre, suivant le modèle des anciens « Petits classiques Larousse ». C’est alors le public suivant les prescriptions scolaires et universitaires qui est visé. L’inscription à un programme de concours assure à l’éditeur de très grosses ventes.
11 Plus difficile est le rôle de l’éditeur de classiques qui vise le grand public – le fameux « grand public cultivé », si difficile à cerner. Bien des propositions éditoriales existent. Notamment l’intervention d’un auteur contemporain à propos d’un classique. C’est le cas avec des préfaces d’auteurs : en « Folio classique », Jean Échenoz pour Stevenson, J.-B. Pontalis pour Rousseau, Roger Grenier pour Tchékhov, Richard Millet pour Saint-Simon, Yves Bonnefoy pour Shakespeare ou encore, plus original, la chanteuse et auteure Patti Smith pour Hurlevent d’Emily Brontë. La collection « GF » a initié une série intitulée « Pourquoi aimez-vous ? », qui comprend un entretien avec un auteur contem-porain qui explique son rapport au classique [4]. Évoquons par exemple le point de vue d’Éric Chevillard sur Bouvard et Pécuchet, de Mathias Énard sur Au cœur des ténèbres de Conrad, ou encore de Marie Darrieussecq sur La Princesse de Clèves. Chacun de ces classiques est pertinent pour comprendre l’œuvre du romancier contemporain. L’autorité du contemporain permet de revaloriser le classique, l’autorité du classique ne s’imposant plus d’elle-même. Aussi les éditeurs peuvent-ils parvenir à « faire sortir des oubliettes » des classiques disparus depuis longtemps, comme cela a été le cas par exemple avec L’Homme de cour de Gracian, pour lequel Folio classique a commandé à Marc Fumaroli une préface, qui s’est transformée en un essai de 150 pages. Le succès a été aussi important qu’inattendu. La presse en a rendu compte, considérant qu’il s’agissait là d’une nouveauté, grâce à l’essai de Fumaroli.
12 Autre proposition éditoriale, cette fois non plus du côté du format de poche mais, à l’opposé, du beau livre : les éditions de luxe des classiques (à la manière des éditions Diane de Selliers) ou les éditions illustrées (Tardi illustrant Céline par exemple, ou Alechinsky Un amour de Swann, reprenant ainsi la tradition des livres d’artistes). Les fac-similés de luxe sont un marché de niche en pleine progression. Gallimard publie notamment les premières épreuves corrigées de Du côté de chez Swann par Proust, dans lesquelles il a ajouté un tiers de texte, avec notamment les fameuses paperoles [5]. Les Éditions des Saints Pères se sont fait une spécialité de l’édition de fac-similés de manuscrits, en s’inscrivant contre le tout-numérique. Autant de nouvelles manières de présenter les classiques, en jouant l’écrit contre l’écran, le retour au papier et à la graphie, et en mettant en avant la fabrique du chef-d’œuvre.
Republier les classiques en traduction, entre ancien et moderne
13 La question de la traduction est un lieu où se joue exemplairement la problématique de la réédition des classiques. Quand l’édition ne reprend pas une traduction ancienne, appartenant au domaine public, la commande d’une traduction nouvelle peut constituer un événement éditorial qui donnera une actualité à l’œuvre traduite. Ce fut par exemple le cas de la nouvelle traduction de l’Énéide par Paul Veyne [6], qui marque pour l’historien un retour à un livre qui l’a accompagné toute sa vie, ou encore de la traduction par Jean-Louis Backès de l’Iliade [7]. En considérant le livre avec un regard neuf et en s’y confrontant comme si c’était la première fois, les traducteurs montrent que le classique est un livre qui a toujours encore quelque chose à nous dire, pour reprendre l’une des définitions d’Italo Calvino [8].
14 Mais les éditeurs ne négligent pas pour autant les traductions plus anciennes, qui font partie de notre patrimoine littéraire : ce sont elles qui ont rendu ces textes célèbres ; c’est dans ces versions que les auteurs français les ont lus et les citent. Il est important de rendre accessibles les traductions qui ont fait date, celles qui ont été les vecteurs de transmission des classiques. Quand de bonnes traductions existent, il est utile de les remettre en circulation, et de les faire connaître. Il revient aux éditeurs scientifiques de corriger les fautes éventuelles (soit en intervenant directement, soit en signalant les erreurs en notes). La révision des traductions classiques est le choix éditorial le plus fréquent. C’est ce qu’a fait « Folio classique » ces dernières années, par exemple pour les traductions de Tristram Shandy par Alfred Hédouin (1890-1891), révisée par Alexis Tadié (2012) ; de L’Utopie de Thomas More par Jean Le Blond (1550), revue par Barthélemy Aneau (1559), révisée par Guillaume Navaud (2012) ; de L’Homme de cour de Gracian par Amelot de la Houssaie (1687) – traduction que tous les grands auteurs français ont lue, notamment La Rochefoucauld qui s’en est beaucoup inspiré –, révisée par Sylvia Roubaud (2010).
Les classiques numériques : des éditions enrichies
15 C’est tout naturellement que les éditeurs de classiques s’orientent vers l’édition numérique, qui permet des éditions dites augmentées – comme on parle de réalité augmentée pour désigner un certain mode d’accès enrichi à la réalité. En 2014 a été lancée chez Gallimard la collection « Folio+vidéo » : il s’agit de classiques au format ebook, accompagnés de vidéos dans lesquelles un comédien connu des adolescents (le plus souvent un humoriste ou un acteur de série télévisée) récite, sur un mode léger, des commentaires rédigés par un enseignant. On y trouve aussi des « notes interactives » (renvois à des définitions et explications en cliquant sur un mot) et des questionnaires. « Par cette nouvelle collection, Folio désire apporter une vision inédite de l’œuvre de La Fontaine, pour une approche à la fois ludique et studieuse », écrit l’éditeur sur son site Internet à propos des Fables de La Fontaine. L’idée est de donner envie aux élèves d’étudier les classiques, en s’inspirant des techniques qui leur sont familières : les vidéos et Internet.
16 L’enrichissement des éditions se joue aussi en introduisant du lien entre lecteurs et éditeur. Celui-ci offre un prolongement du livre sur Internet, notamment en répondant aux questions que les lecteurs posent sur Facebook ou par mail. Il montre ainsi que, derrière un auteur classique « mort », il y a un éditeur « vivant », qui fait vivre le classique. Par le biais du webmarketing, l’éditeur va chercher les lecteurs sur leur terrain. À la rentrés scolaire 2015, Folio a lancé une communication sur les réseaux sociaux (Facebook, Twitter, Instagram) en direction des lycéens, les invitant à discuter des livres prescrits autour du hashtag #FinisTonClassique : il s’agissait de détourner, par l’humour, la difficulté souvent rencontrée par les élèves à aller jusqu’au bout d’un livre prescrit. Le recul de la lecture chez les jeunes est pris à bras le corps par l’éditeur. En faisant circuler la marque sur les réseaux sociaux, l’enjeu est d’imposer les collections Folio dans l’univers extrêmement concurrentiel des classiques scolaires.
L’accompagnement marketing
17 Appareils critiques, dossiers d’accompagnement scolaires, lectures guidées ; préfaces d’auteurs contemporains ; éditions illustrées : tel est en substance ce que peut produire le travail interne de l’édition des classiques aujourd’hui. D’un autre point de vue, complémentaire, s’effectue un travail marketing, externe, qui vient compléter et mettre en valeur le travail éditorial. Il peut s’agir de bandes entourant le livre, qui signalent un événement (« Au cinéma », « Bicentenaire de la naissance », « Programme du Bac »…) ou mettent en avant les spécificités de l’édition (« Traduction nouvelle », « Nouvelle édition »…). Une bande est un marqueur de nouveauté. Elle attire l’attention du client en librairie et, en mettant l’accent sur l’atout principal du livre, sur son apport, peut lui permettre de faire son choix parmi des titres similaires – les différentes éditions concurrentes d’un même classique –, et justifier un prix éventuellement plus élevé par rapport aux autres.
18 Le « marquage du prix » sur le livre – au lieu de la seule indication de la catégorie de prix, comme cela se fait habituellement avec les livres de poche [9] – met en avant l’argument du prix. Car c’est à une véritable guerre des prix que se livrent les éditeurs de classiques, d’autant qu’ils sont concurrencés par l’offre gratuite en ligne. Quand le prix est un atout commercial, notamment lors d’une baisse de prix pratiquée sur un titre ancien déjà suffisamment rentabilisé, l’éditeur l’indique sur la couverture (« GF » et « Folio classique » ajoutent la mention « Petit prix »). Il me semble néanmoins que cette lutte des prix est vouée à l’échec, aucun prix ne pouvant concurrencer la gratuité en ligne. C’est au contraire en renforçant le contenu éditorial que l’éditeur peut justifier le prix pratiqué. Le macaron « Édition avec dossier » (par opposition aux textes seuls, disponibles sur Internet) me semble fondamental. Car ce que l’éditeur vend, ce n’est pas un classique, c’est l’accès au classique – et ce grâce à l’appareil critique qui, lui, est inédit.
19 Le travail du marketing consiste aussi à valoriser un fonds. Pour cela, les éditeurs sortent ou ressortent un classique à l’occasion d’un anniversaire, comme la célébration d’un centenaire, car la presse rend compte de telles commémorations qui rythment l’actualité culturelle. Les journalistes peuvent alors, à cette occasion, parler des classiques, ce qu’ils font très peu d’habitude.
20 Le marketing rend visible et amplifie le travail éditorial. Sur la couverture des nouvelles éditions « GF » comprenant l’interview d’un auteur contemporain, « Pourquoi aimez-vous ? », un autocollant est apposé, qui signale ce contenu supplémentaire. C’est aussi un moyen de « relooker » la couverture, en la rajeunissant. Cette pratique de l’autocollant comme signal renvoie à la notion d’étiquette. On pense à la pratique du « coup de cœur » en librairie. Mais aussi à l’usage du « j’aime » sur Facebook, le fait de « liker » pour signaler son approbation. « X aime ça » est le signe d’une appartenance à une communauté. On trouve sur Amazon une rubrique « ceux qui ont lu ceci ont aussi lu cela » ou « si vous aimez ceci, vous aimerez cela ». Les classiques bénéficient de ces pratiques contemporaines : mise en avant de l’opinion et de la subjectivité, autorité du consensus. Le contemporain vient au secours du classique.
Les classiques au cinéma
21 Le cinéma est également un facteur important dans la vente des classiques aujourd’hui. Quand, lors de l’adaptation d’un classique à la télévision ou au cinéma, une maison d’édition peut reprendre à son compte cette adaptation, le succès commercial est presque toujours au rendez-vous – et ce quel que soit le succès de l’adaptation. Un livre avec une affiche de film en couverture peut ainsi voir ses ventes quadrupler. La ruse éditoriale consiste alors à suggérer que c’est précisément cette édition, et non le texte, qui a été mis à l’écran. Le livre ne se vend pas en raison de la qualité du film, de son succès critique ou public : il se vend parce qu’une adaptation cinématographique en est faite, quelle qu’elle soit [10]. Aussi le classique se trouve-t-il réinvesti de l’extérieur : par le lien à quelque chose d’extra-littéraire perçu comme plus moderne que la littérature.
22 L’obtention d’un accord exclusif avec le distributeur d’un film adapté d’une œuvre classique est ainsi l’objet d’une vive concurrence entre ses différents éditeurs. Avant la sortie d’un film de ce type, chaque service marketing propose au distributeur du film un projet visant à mettre en avant aussi bien le livre que le film : livret d’extraits du livre distribué gratuitement en librairie et dans les cinémas, concours sur le site de l’éditeur pour faire gagner des places de cinéma, affichage dans les magasins Relay des gares… Le distributeur choisit alors l’éditeur qui lui offre la promotion qui l’intéresse le plus, et lui accorde un partenariat exclusif, notamment le droit d’utiliser l’affiche du film en couverture du livre. C’est l’assurance d’une nouvelle mise en place en librairies (comme si le livre était une nouveauté) et de très grosses ventes. Les éditeurs qui n’obtiennent pas ce droit mettent souvent tout de même une bande promotionnelle sur le livre avec la mention « Au cinéma ».
23 Le cinéma procède ainsi à une forme de modernisation du classique et atteste que celui-ci est digne d’être adapté ou de servir de trame à un scénario. Le classique est ainsi placé « à la remorque » du cinéma [11]. Est-ce une condition nécessaire pour sa survie ? Cette pratique, aujourd’hui largement répandue, risque-t-elle de le dévaluer ?
Les classiques, outils marketing
24 Nombre de classiques sont aujourd’hui valorisés pour la tradition qu’ils incarnent : pour leur aura, pour la « mythologie » qui leur est associée. Le classique apparaît comme un concentré de culture, un marqueur mis au service de la constitution d’un discours et d’une posture. Son pouvoir symbolique est exploité aussi bien dans le monde de la culture que dans d’autres domaines de la société, notamment en politique. Cela peut sembler paradoxal : l’utilisation des classiques comme outils de communication est inversement proportionnelle à leur place et leur poids réels dans le marché de la culture. De quoi le classique est-il le nom ? Quelles sont les valeurs qui lui sont associées ? Comment est-il convoqué en tant que symbole ?
25 La plaisanterie le dit bien : « les classiques, c’est ce qu’on est toujours en train de relire ». On sait qu’il faut les avoir lus, mais peu l’ont vraiment fait –l’exemple paradigmatique étant Ulysse de Joyce, roman très difficile mais dont on sait qu’il s’agit d’un ouvrage marquant de la modernité littéraire. Les classiques sont comme l’enfance de notre éducation : le socle sur lequel on se construit, réellement ou de manière fantasmée. Mais leur statut n’est pas en adéquation avec la pratique réelle qu’on en a.
26 Aujourd’hui le marketing et la publicité sont parvenus à modifier la nature scolaire du classique et à en faire un marqueur culturel, intellectuel et non plus une norme fondée sur l’éducation. Le classique n’est plus vu comme une obligation scolaire. Des connotations positives lui sont associées : le classique est aujourd’hui ce que l’on appelle une « valeur refuge », un produit clé du « patrimonial ». Le retour aux classiques est synonyme de retour aux fondamentaux (« réviser ses classiques »). Qu’est-ce qui donne aux classiques ce statut mixte, et contradictoire, d’exception et de consensus ? Est-ce parce que personne n’a vraiment lu les classiques qu’il est « chic » d’en parler ?
Dialectiques
27 Les classiques sont au cœur de la dialectique de l’ancien et du nouveau, de la tradition et de la modernité, de l’histoire et de l’actualité : il s’agit de concilier ancrage dans une tradition et inscription dans l’air du temps [12]. Au plan symbolique, le classique renforce le moderne : il lui donne de la profondeur, du champ historique, et ce dans tous les domaines. Dans le discours de la communication, le retour aux classiques est ainsi orchestré comme un retour aux fondamentaux, une volonté d’authenticité. Utilisés par la publicité, les classiques s’inscrivent dans la mode du « vintage », du « revival » : c’est le retour à un style des générations précédant la nôtre, associé à la notion de savoir-faire. On le voit dans le retour sur le devant de la scène de marques traditionnelles qui ont pu tomber dans l’oubli mais continuent d’incarner une qualité, une histoire, des valeurs – et notamment le « made in France ». Que ce soit en art ou dans la mode ou le design, le classique est une valeur sûre.
28 À cet égard, les classiques littéraires sont doublement une valeur sûre, parce que la lecture elle-même, face aux autres média culturels, fait de plus en plus figure d’exception. Le classique est le signe de la culture, il en exprime la quintessence : parce qu’il renvoie à la culture idéale, celle que l’école a formée ; celle qui accompagne l’individu toute sa vie ; celle que nos parents nous ont transmise. Le classique devient alors synonyme de mémoire, de tradition, d’histoire : autant de valeurs associées au temps long, qui peuvent contrebalancer le règne actuel de l’immédiateté, de l’hyper-actualité, avec des produits qui en remplacent d’autres, sans mémoire. Le classique est alors utilisé, d’un point de vue marketing, comme un contrepoint à l’air du temps. C’est en cela qu’il acquiert un statut d’exception : il est rare, alors même que, par définition, il appartient à la culture commune. Son adaptabilité aux discours publicitaires atteste sa plasticité : le marketing parvient à gommer son aspect scolaire et le caractère peu séduisant d’obligation, de prescription, pour ne garder que les connotations positives attachées à la tradition, à l’indémodable.
29 Pourtant, le classique n’a besoin ni de justification ni d’explication. Il n’est pas remis en question. Ce statut est très utile dans la publicité : le classique relève de l’« en-soi », de l’évidence, de la norme ; il se fonde lui-même. Il remplace un long discours : c’est pourquoi il est recherché dans les slogans publicitaires, parce qu’il est un précipité de culture.
Constitution d’une posture d’auteur : le classique au secours du contemporain
30 Le classique singularise (puisque les lecteurs lisent davantage de romans contemporains que de classiques) et, tout à la fois, inscrit l’individu dans un groupe, un milieu, une histoire. Plus précisément, c’est en inscrivant l’individu dans une communauté particulière de lecteurs qu’il le singularise. Les classiques sont utilisés par le marketing et la publicité comme marqueur : marqueurs d’une double appartenance contradictoire, à la fois au monde de la culture – plutôt élitiste – et à la culture commune, telle qu’elle est donnée par l’école.
31 Le classique est à ce titre souvent utilisé dans la constitution d’une posture d’auteur. Exemple frappant de ce phénomène : des artistes qui n’appartiennent pas au monde de la littérature citent souvent des classiques pour parler de leur formation, de leurs sources d’inspiration, de leur « univers ». Le chanteur de rock Julian Casablancas cite l’Odyssée comme étant son livre de référence, dans une page que lui consacre Elle (22 mai 2015). Dans Elle toujours, Folio a publié au printemps 2015 un encart publicitaire intitulé « Les Folio préférés des stars », dans lequel Valérie Lemercier expliquait pourquoi elle aimait La Retraite sentimentale de Colette, Helena Noguerra Hurlevent ou encore Agnès B. La Vie devant soi.
32 En faisant référence à un classique, le romancier contemporain inscrit implicitement son œuvre dans une tradition, dans une filiation. C’est notamment le cas des auteurs de littérature populaire et de best-sellers, qui utilisent la référence aux classiques pour légitimer leur pratique d’écriture. Sur son site internet personnel, Marc Lévy propose, après sa biographie, une rubrique « Livres favoris » dans laquelle il cite : Clair de femme de Romain Gary, L’Arabe d’Antoine Audouard, Jacques Prévert, Ernest Hemingway, Stephen King, Jean Giono, dans cet ordre et, ajoute-t-il, « entre autres ». Les derniers classiques cités sont des auteurs et non des livres, comme si ces auteurs étaient « tellement » classiques qu’ils faisaient bloc avec leur œuvre : c’est leur être même qui est classique. Sur son site, Guillaume Musso a aussi une telle rubrique, intitulée « Mes 10 + 2 livres cultes », qui mêle également classiques et best-sellers contemporains : Les Hauts de Hurlevent d’Emily Brontë, Un amour de Swann de Proust [13], Aurélien d’Aragon, Le Hussard sur le toit de Giono, Belle du Seigneur de Cohen, La Route de Cormac McCarthy, Les Années d’Annie Ernaux et des romans policiers. Ces choix sont savamment orchestrés et composent un portrait de l’auteur : il se donne comme quelqu’un qui connaît ses classiques, tout en se tenant au courant de la création contemporaine (McCarthy, Ernaux) et en rendant hommage aux auteurs de best-sellers qui l’ont précédé.
Les classiques, un marqueur identitaire
33 Utilisés en politique, les classiques font signe vers le monde de la culture et vers l’école. Ils permettent de fédérer un grand nombre de citoyens attachés aux valeurs associées à ces deux univers. Ils donnent à l’individu qui les exhibe une étiquette de bon élève, indiquent qu’il se préoccupe de l’histoire et non pas seulement de l’écume de l’actualité, et l’inscrivent dans une certaine tradition, celle des politiciens [14], et notamment des présidents, cultivés [15].
34 On se souvient de la polémique déclenchée par les propos du président Sarkozy, en 2006, énoncés sur un ton goguenard et moqueur :
L’autre jour je m’amusais – on s’amuse comme on peut – à regarder le programme du concours d’attaché d’administration. Un sadique ou un imbécile avait mis dans le programme d’interroger les concurrents sur La Princesse de Clèves. Je ne sais pas si cela vous est arrivé de demander à la guichetière ce qu’elle pensait de La Princesse de Clèves. Imaginez un peu le spectacle !
36 La phrase a été interprétée comme une attaque contre le monde de la culture – c’est ici en fait la notion de culture générale qui est en cause. Elle était aussi insultante pour les fonctionnaires en question – le président sous-entendant que ce livre n’était pas « pour eux » (« Imaginez un peu le spectacle ! ») – et pour les examinateurs, c’est-à-dire plus largement tous ceux qui considèrent ce texte comme un élément fondamental de la culture française. Cette critique moqueuse de Nicolas Sarkozy avait cristallisé le mécontentement contre une attitude jugée anti-intellectualiste, anti-culturelle. La Princesse de Clèves était également devenu le symbole de la défense des humanités lors de la réforme des universités. Les classiques jouent un rôle politique et social : c’est leur pouvoir symbolique et leur fonction de concentré de culture qui est en jeu. Le roman de Mme de Lafayette a été repris comme symbole : des lectures publiques intégrales du roman ont été organisées par plusieurs universités ; des badges ont été créés ; en 2008 Christophe Honoré a adapté le roman à l’époque contemporaine dans La Belle Personne [16]. Cette utilisation du classique comme marqueur identitaire, comme signe d’appartenance à une communauté de valeurs, montre le statut du classique aujourd’hui, qui est moins considéré en tant que texte que pour les valeurs qui lui sont associées : tradition, ancrage dans une histoire et un temps long, valeur sûre, éducation, culture commune.
Constitution d’un nouveau consensus
37 Les classiques sont utilisés comme un argument majeur de certaines stratégies de communication, alors même que, dans l’édition, ils ont besoin de stratégies de communication pour se vendre. Ce paradoxe tient à la nature même des classiques – leur caractère indémodable et leur plasticité – mais aussi aux procédés marketing engagés par le monde de l’édition. Le retour aux classiques est au cœur des stratégies de communication qui gouvernent leur promotion : en montrant que les classiques peuvent se soumettre aux stratégies marketing de vente, l’édition rend possible leur utilisation dans l’univers de la communication. En appliquant aux classiques des techniques extra-littéraires, elle organise leur sortie de l’espace littéraire.
38 On peut alors se demander si le marketing des classiques ne vient pas compenser leur recul à l’école. La présence des classiques dans le cursus scolaire diminue : ils sont notamment moins étudiés en œuvre intégrale, et davantage sous forme d’extraits. On tend vers l’idée qu’un classique ne se lit pas mais s’étudie ; et ne s’étudie que sous forme d’extraits, pris dans un groupement de textes, autour d’une thématique. Or, si les classiques sont moins enseignés, si l’on constate une perte de prestige symbolique de l’école comme prescripteur, les classiques se maintiennent néanmoins paradoxalement dans la société, en raison des valeurs symboliques qui leur sont associées. Le classique devient-il ainsi un instrument de conformisme culturel ?
39 Rééditer les classiques reviendrait alors à participer à la constitution d’un consensus culturel, mais d’un consensus a minima. La définition du classique en sort profondément modifiée : on ne le lit plus pour des raisons scolaires, mais sociales. C’est le « socle commun » de culture littéraire qu’il faut avoir. On est très loin de l’idée de chef-d’œuvre, d’une œuvre qui nous dépasse, nous transporte, nous modifie. La raison principale du succès des classiques résiderait dans un impératif social : il faut lire les classiques pour appartenir à un certain milieu, pour acquérir et témoigner d’une certaine culture. C’est le passage d’une courbe ascendante (la lecture d’un classique nous instruit, nous élève, nous grandit) à une ligne horizontale (reproduction par imitation). On ne lit plus un classique pour être transformé mais pour être comme tout le monde.
41 Les classiques sortent-ils renforcés ou amoindris de ce passage par les stratégies de communication ? Le classique se dissout-il dans son universalisation commerciale et sociale ? L’hypermédiatisation est à la fois une chance pour le classique – elle permet son renouvellement et sa pérennité – et un risque : elle concourt à sa dégradation en produit marketing. Les accusations que l’on peut formuler contre de tels procédés commerciaux sont évidentes : le mercanti-lisme pousserait au « merchandising », qui réduirait les classiques à un rôle de vernis culturel. Les classiques participeraient désormais d’un art de la citation et du zapping qui n’auraient rien à envier au name-dropping. C’est le passage de l’art à la culture, de la culture au divertissement, de la lecture à la consultation. Mais l’on peut aussi y voir la preuve de la faculté d’adaptation du classique, de sa plasticité : il s’adapte à toutes les époques et à tous les discours (scolaire, commercial, politique). Si les classiques sont classiques, c’est aussi parce qu’ils sortent de leur cadre ; parce qu’ils sont aisément réinvestis par d’autres domaines que ceux du livre. En cela, la pérennité des classiques est assurée.
42 Les classiques aujourd’hui permettent la réintroduction de la singularité dans un univers d’abondance, d’hyperconsommation et d’uniformité. Le classique est à la fois unique et universel. Il est ainsi le symbole même de cette stratégie marketing qui consiste à donner envie au plus grand nombre d’acheter la même chose en leur faisant croire au maintien de leur singularité dans ce geste d’achat. Le classique a dès lors toute sa place dans une société en quête d’authenticité. Il agit aujourd’hui comme un objet transitionnel, pour reprendre l’expression du psychanalyste Donald Winnicott : c’est le livre de chevet par excellence, le livre qu’on aime avoir à portée de main pour se rassurer sans pour autant le lire assidûment.
Notes
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[1]
De plus en plus de maisons d’éditions possèdent un service marketing qui vise à augmenter les ventes en agissant sur la visibilité du livre. Le marketing s’adapte au produit qu’est le livre, réalisé par les services éditoriaux ; il définit quant à lui une cible et organise l’adéquation du produit et de la cible. Ses moyens relèvent de la communication et de la publicité.
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[2]
Voir S. Desaive et N. Poggioli, Le Marketing du livre. Études et stratégies, Paris, Éd. du Cercle de la Librairie, 2006 ; L. Bascle-Parkansky et M. Prieux, Le Marketing du livre. 2 : Promotion et outils de communication, Paris, Éd. du Cercle de la Librairie, 2010.
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[3]
L’établissement du texte (retour au manuscrit, collation des différentes versions, etc.) est aussi une manière, cette fois très scientifique, de rééditer un classique.
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[4]
La formule est reprise au Théâtre de l’Odéon, dans le cadre des rencontres intitulées « Les bibliothèques de l’Odéon ».
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[5]
Combray est paru à l’automne 2013, avec une préface et une transcription des corrections manuscrites de Proust par Ch. Méla ; il s’agissait d’un tirage limité à 1200 exemplaires, au prix de 189 euros. Le deuxième volume, Un amour de Swann, réalisé dans les mêmes conditions, paraîtra à l’automne 2016.
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[6]
Virgile, L’Énéide, trad. P. Veyne, Paris, Albin Michel / Les Belles Lettres, 2012.
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[7]
Homère, Iliade, trad. J.-L. Backès, Paris, Gallimard, « Folio classique », 2013.
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[8]
I. Calvino, La Machine Littérature. Essais, Paris, Éd. du Seuil, 1984, p. 105.
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[9]
Les prix changeant vite dans le secteur très concurrentiel du livre de poche, l’indication de la catégorie de prix permet d’éviter d’avoir à réimprimer les livres pour changer la couverture à chaque changement de prix. Il n’est besoin que de changer la tabelle des prix chez les libraires.
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[10]
Lors de l’adaptation au cinéma de Mrs Dalloway de Virginia Woolf sous le titre The Hours (avec notamment Nicole Kidman), les ventes du livre se sont envolées. Qui a vraiment lu ce roman très difficile ? Le film, plutôt grand public, a été une porte d’entrée vers une littérature quant à elle plutôt élitiste.
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[11]
À titre d’exemple, les slogans publicitaires visant à promouvoir le roman L’Histoire de Pi de Y. Martel à l’occasion de son adaptation au cinéma par Ang Lee fin 2012, sous le titre L’Odyssée de Pi, jouaient explicitement sur ce lien : « Découvrez le livre qui a inspiré le film » (publicité Gallimard dans les Relay). « Read the book before you see the movie », indique un macaron de la librairie Strand à New York apposé sur certains livres.
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[12]
Que l’on pense par exemple à la publicité pour la station Radio Classique, qui ne diffuse que de la musique classique : « Vie moderne, radio classique ».
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[13]
On peut se demander si l’auteur indique ainsi la deuxième partie de Du côté de chez Swann par une forme de modestie (il reconnaît n’avoir pas tout lu), s’il désigne une préférence dans le roman, ou s’il ignore qu’il ne s’agit pas d’un roman complet.
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[14]
On a pu voir par exemple tel homme politique avec un livre de Nerval dépassant de la poche de sa veste : le classique sert ici d’étiquette, de vernis culturel. À l’inverse, parler de manière approfondie d’un classique, en montrant qu’on l’a vraiment lu et qu’on l’a bien présent en tête parce qu’on le relit, donne de la profondeur au discours. Ce fut le cas de J.-L. Mélanchon lisant des passages des Misérables lors d’un meeting à la Bastille durant la campagne présidentielle de 2012. Cette mise en scène de soi comme homme de culture, au moyen des classiques, est une stratégie de communication qui renvoie au storytelling.
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[15]
Voir R. Bacqué, « Un président doit-il être cultivé ? », Le Monde, 24 mars 2012.
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[16]
Pour une synthèse, voir par exemple C. Fabre, « Et Nicolas Sarkozy fit la fortune du roman de Mme de La Fayette », Le Monde, 29 mars 2011.