Notes
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[1]
A. Corbin, J.-J. Courtine et G. Vigarello (dir.), Histoire de la virilité, Paris, Éd. du Seuil, 2011, 3 vol. ; rééd. en poche, « Points-Seuil », 2015. Cette histoire est faite par des historiens mais aussi par des littéraires.
-
[2]
G. Duby et M. Perrot (dir.), Histoire des femmes en Occident, Paris, Plon, 1991, 5 vol. ; rééd. en poche Paris, Perrin, 2002.
-
[3]
A.-M. Sohn, « Sois un Homme ! » La construction de la masculinité au xixe siècle, Paris, Éd. du Seuil, 2009 ; G. Ferguson (dir.), L’Homme en tous genres. Masculinités, textes et contextes, n° 2 de la revue Itinéraires. Littérature, textes, culture, Paris, L’Harmattan, 2009. Voir plus tôt dans le monde anglo-saxon K. P. Long (dir.), High Anxiety. Masculinity in Crisis in Early Modern France, Kirksville, Truman State University Press, 2002.
-
[4]
Comme le livre de P. Bourdieu, La Domination masculine, Paris, Éd. du Seuil, 1998, mêlant sociologie et ethnologie, et qui a joué un rôle important, ou les livres de l’anthropologue Fr. Héritier, Masculin-féminin. La pensée de la différence, Paris, O. Jacob, 1996 ; id., Masculin-féminin. 2 : Dissoudre la hiérarchie, Paris, O. Jacob, 2002.
-
[5]
Même si nombre d’ouvrages se présentent aujourd’hui comme des synthèses : voir L. Laufer et Fl. Rochefort (dir.), Qu’est-ce que le genre ?, Paris, Payot, 2014 ; M. Reid, Des Femmes en littérature, Paris, Belin, 2010 ; id. (dir.), Les Femmes dans la critique et l'histoire littéraire, Paris, Champion, 2011 ; Chr. Planté, « Postface » à la réédition de sa Petite sœur de Balzac [1989], Lyon, Presses Universitaires de Lyon, 2015.
-
[6]
Dont l’article de J. W. Scott, « Genre : une catégorie utile d’analyse historique » [1985], Cahiers du GRIF, n° 37-38, 1988, p. 12-153.
-
[7]
C’est le rejet de la conception aristotélicienne exposée dans De la Génération des animaux, l. II, chap. 3, 737a, éd. P. Louis, Paris, Les Belles-Lettres, 1961, p. 62 : la femme comme mâle imparfait, déterminée à le demeurer par ses faiblesses naturelles. La thèse a eu très longue vie, d’Aristote à Thomas d’Aquin, de Thomas d’Aquin jusqu’à Régnier de Graaf, un des premiers à récuser cette définition dans son Histoire anatomique des parties génitales de l'homme et de la femme, qui servent à la génération, Bâle, König, 1679, p. 2.
-
[8]
Dans sa thèse de doctorat d’abord, puis dans Les Cultures du peuple : rituels, savoirs et résistances au XVIe siècle, Paris, Aubier, 1979 [Society and Culture in Early Modern France: Eight Essays, Stanford University Press, 1975], N. Zemon Davis est une des premières à avoir montré le rôle professionnel des femmes dans le monde du livre au XVIe siècle.
-
[9]
Voir N. Zemon Davis, « ‘Women’s History’ in Transition : The European Case », Feminist Studies, 1976, vol. 3, n° 3-4, p. 83-103 ; « Gender and Genre : Women as Historical Writers, 1400-1820 », University of Ottawa Quarterly, vol. 50, n° 1, 1980, p. 123-144 ; « Women in the Crafts in Sixteenth Century Lyon », Feminist Studies, vol. 8, n° 1, 1982, p. 47-80.
-
[10]
H. Cixous et C. Clément, La Jeune Née, Paris, UGE, « 10/18 », 1975, p. 170.
-
[11]
B. Didier, L’Écriture femme, Paris, Puf, 1980.
-
[12]
J. Butler, Trouble dans le genre, Paris, La Découverte, 2005, p. 69 [Gender Trouble : Feminism and the Subversion of Identity, Oxford, Routledge, 1990].
-
[13]
Th. Laqueur, La Fabrique du sexe. Essai sur le corps et le genre en Occident, Paris, Gallimard, 1992 [Making Sex : Body and Gender from the Greeks to Freud, Harvard University Press, 1990].
-
[14]
M. Realdo Colombo, disciple de Vésale, qui enseignait la chirurgie à l’Université de Padoue, publia De Re anatomica libri XV en 1559 ; il y décrit le « siège du plaisir féminin » (sedes voluptationis mulierum). Cela donnera immédiatement lieu à une querelle d’attribution car son successeur à Padoue, Gabriele Falloppio, lui aussi disciple de Vésale, affirme en 1561 dans ses Observationes anatomicae qu’il a été le premier à faire la découverte et c’est lui qui baptisera l’organe du nom de clitoris : voir M. Clément, « De l’anachronisme et du clitoris », Le Français préclassique, n° 13, 2011, p. 27-45.
-
[15]
C’est le cœur de la thèse de Th. Laqueur dans La Fabrique du sexe que de reconnaître le primat du monomorphisme sexuel jusqu’au XVIIIe siècle, période à partir de laquelle le dimorphisme s’imposera.
-
[16]
É. Berriot-Salvadore Les Femmes dans la société française de la Renaissance, Genève, Droz, 1990.
-
[17]
Les premiers travaux d’É. Berriot-Salvadore ont porté sur le corps féminin dans la médecine du XVIe siècle : « Le discours de la médecine et de la science », dans G. Duby et M. Perrot (dir.), Histoire des femmes en Occident, t. 3 [1991], Paris, Perrin, 2002, p. 407-454 ; Un corps, un destin. La femme dans la médecine de la Renaissance, Paris, Champion, 1993.
-
[18]
L. Timmermans, L’Accès des femmes à la culture (1598-1715), Paris, Champion, 1993.
-
[19]
Fr. Rigolot, Louise Labé Lyonnaise ou la Renaissance au féminin, Paris, Champion, 1997. Professeur à Princeton, Fr. Rigolot est plus directement en contact avec les acquis des gender studies que les universitaires français, mais il ne s’en réclame pourtant pas.
-
[20]
M. Lazard, Les Avenues de Fémynie. Les femmes et la Renaissance, Paris, Fayard, 2001.
-
[21]
K. Wilson-Chevalier (éd.), Patronnes et mécènes en France à la Renaissance, Saint-Étienne, PUSE, « L’École du genre », 2007.
-
[22]
Cl. La Charité et R. Roy (éd.), Femmes, rhétorique et éloquence sous l’Ancien Régime, Saint-Étienne, PUSE, « L’École du genre », 2012.
-
[23]
Les deux premiers tomes sont parus en 2006 et 2008 chez Perrin.
-
[24]
J. W. Scott, art. cit., p. 126-127.
-
[25]
Littérales, n° 18 (« L’écriture des femmes à la Renaissance française »), 1998 ; Littérales, n° 28 (« L’écriture des femmes à la Renaissance française. II »), 2014.
-
[26]
Voir LhT, n° 7 (« Y a-t-il une histoire littéraire des femmes ? »), avril 2010.
-
[27]
Citons, parmi les principaux éditeurs des années 1990-2000 : Gary Ferguson, éditeur d’Anne de Marquets ; Anne Larsen, éditrice de Madeleine et Catherine des Roches ; Jean-Philippe Beaulieu et Christine de Buzon, éditeurs d’Hélisenne de Crenne ; Jean-Claude Arnould, éditeur de Marie de Gournay ; Éliane Viennot, éditrice de Marguerite de Valois ; Régine Reynolds-Cornell, éditrice et traductrice en anglais de Marguerite de Navarre (Marguerite de Navarre’s Théâtre, Ottawa, Dovehouse Press, 1992) ; Catherine Müller, éditrice de Catherine d’Amboise ; Évelyne Berriot-Salvadore, éditrice de Gabrielle de Bourbon ; Colette Winn, éditrice de Gabrielle de Coignard, de Marie Le Gendre, de Madeleine de L’Aubespine, de Marguerite de Cambis… Notons une majorité de collègues du Canada et des États-Unis.
- [28]
-
[29]
Aux éditions L’iXe en 2014.
-
[30]
Voir l’épisode « Madame le président » en 2014 et la réaction d’É. Viennot dans Libération : http://www.liberation.fr/politiques/2014/10/23/mme-le-president-l-academie-persiste-et-signe-mollement_1128128.
-
[31]
La réédition en 2015 (op. cit., avec une préface de M. Perrot) porte cet argument de présentation : « En 1989, ce livre était parmi les premiers en France à introduire le point de vue du genre dans la réflexion sur la littérature et l’histoire culturelle ».
-
[32]
En 1611, le dictionnaire de Cotgrave, A Dictionarie of the French and English Tongues [consultable en ligne], enregistre une entrée Autheur et une entrée distincte Authrice. Voir aussi A. Evain, « Histoire d’Autrice, de l’époque latine à nos jours », SÊMÉION, n° 6, février 2008 [en ligne sur le site de la SIEFAR].
-
[33]
N. de Boisregard, Reflexions sur l’usage présent de la langue française, Paris, L. d’Houry, 1689, p. 228. Pour d’autres exemples, voir « La guerre des mots », site de la SIEFAR.
-
[34]
Je cite, dans l’entrée Auteur du Dictionnaire de 1762, un seul alinéa : « En parlant d'une femme qui aura composé un livre, on dit, qu’Elle est l’Auteur d’un tel livre, d’un tel ouvrage. » La recommandation réapparaît dans toutes les éditions postérieures du Dictionnaire de l’Académie. L’édition de 1798 introduit « femme auteur ». Une précision grammaticale intéressante apparaît dans l’édition de 1835 : « On dit adjectivement, dans ce sens, Une femme auteur. » Les femmes ne sont donc qu’adjectivement des auteurs, pas substantivement. Au problème morphologique (censure des formes du féminin) s’ajoute un problème syntaxique et dans les deux cas, on voit bien qu’il s’agit d’ontologie.
-
[35]
L’Anthologie des humanistes européens de la Renaissance de J.-Cl. Margolin (Paris, Gallimard, « Folio », 2007) donne deux humanistes femmes, Thérèse d’Avila et Louise Sigée, sur 170 humanistes répertoriés – preuve que le mot humaniste s’emploie au féminin mais preuve aussi, éclatante, que l’histoire de l’humanisme est encore un peu trop masculine.
-
[36]
J’ai de mon côté recouru à des détours stylistiques, ainsi dans l’article « Nom d’auteur et identité littéraire : Louise Labé Lyonnaise. Sous quel nom être publiée en France au XVIe siècle ? », Réforme, Humanisme, Renaissance, n° 70, 2010, p. 73-101. Dans le présent article, j’opte pour auteure.
-
[37]
Pourtant, É. Viennot elle-même distingue ses propres travaux de travaux relevant des gender studies ; voir Chr. Planté, « Postface » à La Petite Sœur de Balzac, éd. cit., p. 329.
-
[38]
N. Heinich, Les Ambivalences de l’émancipation féminine, Paris, Albin Michel, 2003, p. 35 et 21.
-
[39]
Voir le livre stimulant de G. Ferguson, Queer (Re)Readings in the French Renaissance. Homosexuality, Gender, Culture, Aldershot, Ashgate, 2008.
-
[40]
Yale French Studies, n° 62, 1981, p. 135-153.
-
[41]
Voir aussi l’article de C. Yandell, « Louise Labé’s Transgession », dans High Anxiety. Masculinity in Crisis in Early Modern France, op. cit., p. 1-17.
-
[42]
D. Martin, Signe(s) d'Amante, l'agencement des œuvres de Louise Labé, Paris, Champion, 1999.
-
[43]
M. Lazard, Louise Labé, Paris, Fayard, 2004.
-
[44]
Il s’agit de la thèse de doctorat d’A. Réach-Ngô sur une fabrication d’atelier portant nom « Hélisenne de Crenne », La Mise en livre des narrations à la Renaissance : écriture éditoriale et herméneutique de l’imprimé (Université Paris-Sorbonne, 2005), publiée, revue et corrigée, sous le titre Écritures éditoriales à la Renaissance. Genèse et promotion du récit sentimental français (1530-1560), Genève, Droz, 2013 ; et du livre de M. Huchon, Louise Labé : une créature de papier, Genève, Droz, 2006. À l’inverse de l’élargissement du canon prôné par les gender studies, il s’agit là de l’amenuiser.
-
[45]
Dans les notes de bas de page.
-
[46]
Deborah Lesko Baker a écrit plusieurs articles sur Louise Labé et un livre, The Subject of Desire. Petrarchan Poetics and the Female Voice in Louise Labé, Purdue University Press, 1996.
-
[47]
Outre l’article cité supra n. 40, voir son livre The Currency of Eros. Women’s Love Lyric in Europe. 1540-1620, Bloomington / Indianapolis, Indiana University Press, 1990.
-
[48]
« Louise Labé’s Débat de Folie et d’Amour : Feminism and the Defense of learning », Tulsa Studies in Women’s Literature, n° 2, printemps 1983, p. 43-55.
-
[49]
« To choose Ink and Pen : French Renaissance women’s writing », dans S. Stephens (dir.), A History of Women's Writing in France, Cambridge, Cambridge University Press, 2000, p. 41-63.
-
[50]
Gender, Rhetoric and Print Culture in French Renaissance Writing, Cambridge University Press, 2000 ; sur Louise Labé, voir p. 86-106.
-
[51]
De G. Mathieu-Castellani, voir : « Les marques du féminin dans la parole amoureuse de Louise Labé », dans G. Demerson (éd.), Louise Labé : les voix du lyrisme, Saint-Étienne / Paris, PUSE / CNRS, 1990, p. 189-205 (pose le problème de « l’inscription du sexe dans le langage ») ; La Quenouille et la Lyre, Paris, J. Corti, 1998. Ce livre montre la condition de possibilité d’une écriture des femmes dans l’écart énonciatif par rapport aux modèles.
-
[52]
Outre l’article cité supra n. 41, voir de la même auteure Carpe Corpus. Time and Gender in Early Modern France. Newark / London, University of Delaware Press / Associated University Press, 2000, chap. 3.
-
[53]
A. R. Larsen et C. H. Winn (dir.), Renaissance Women Writers : French Texts, American Contexts, Detroit, Wayne State University Press, 1994.
-
[54]
Ph. Ford et G. Jondorf (éd.), Women’s writing in the French Renaissance, Cambridge, Cambridge French Colloquia, 1999.
-
[55]
Voir supra n. 49.
-
[56]
J. DeJean, Sapho. Les fictions du désir (1546-1937), trad. par Fr. Lecercle, Paris, Hachette, 1994 [Fictions of Sappho (1546-1937), 1989].
-
[57]
M. Huchon, Louise Labé : une créature de papier, op. cit., p. 84.
-
[58]
L. Tassinari, John Florio, The Man who was Shakespeare, Montréal, Giano Books, 2009.
- [59]
-
[60]
Communication personnelle.
-
[61]
Voir l’article de M. Fumaroli dans Le Monde des livres, 11 mai 2006 ; cf. l’article sur le site de la SIEFAR, ainsi que les nombreux articles qui ont paru dans la foulée.
-
[62]
Comme St. Greenblatt, auteur d’une biographie majeure de Shakespeare, Will le Magnifique, Paris, Flammarion, 2014 [Will in the World. How Shakespeare Became Shakespeare, 2004] ; voir le blog de D. Bougnoux.
-
[63]
De Natalie Zemon Davis à Rémi Jimenes, en passant par Roméo Arbour, William Kemp et Susan Broomhall.
-
[64]
Ainsi la SIEFAR.
-
[65]
Tel le livre dirigé par Chr. Planté, Masculin/féminin dans la poésie et les poétiques du XIXe siècle, Lyon, Presses Universitaires de Lyon, 2002 ; ou les Cahiers Masculin-Féminin chez le même éditeur. À noter que dans le catalogue de celui-ci, ces publications relèvent explicitement de la catégorie gender studies.
-
[66]
Tel le RING (Réseau interuniversitaire et interdisciplinaire national sur le genre), basé à Paris 8 : http://www2.univ-paris8.fr/RING/
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[67]
Comme celle de N. Heinich : voir supra n. 38.
1 Aujourd’hui en France, une histoire de la virilité est légitime [1]. Une histoire de la féminité le serait-elle tout autant ? La réponse, négative, est la preuve de l’impact des gender studies sur les pratiques intellectuelles. On sait que sous ce concept de féminité se sont cristallisés au fil de l’histoire les éléments confortant la domination masculine (douceur, fragilité, pudeur, maternage, codifications esthétiques…) et il éveille donc la suspicion critique. Mais alors comment concevoir que cette notion de féminité ait été sérieusement déconstruite dans sa dimension naturalisante par les gender studies au point qu’on lui préfère une Histoire des femmes [2], alors que les notions de masculinité ou de virilité [3] – pourtant elles aussi déconstruites comme traductions du naturel – viennent aujourd’hui, de manière insistante, sur le devant de la scène ? L’Histoire des femmes donc, face à l’Histoire de la virilité, telle serait la question. Et l’asymétrie – autre gain conceptuel des gender studies – est ainsi mise au jour, aiguillon pour penser, parce qu’il est impensable et impossible d’installer une histoire des hommes en face d’une histoire des femmes. Mais il se joue dans cette asymétrie, non plus constatée dans le corps social mais reproduite au plan critique, autre chose. C’est autour de cette asymétrie critique que j’aimerais réfléchir en interrogeant le champ des études littéraires portant sur le XVIe siècle français.
Émergences : déconstruire la naturalité
2 Depuis le début des années 1990 en France, les pratiques d’interprètes et d’historiens de la littérature portent la trace des questionnements des gender studies. C’est le résultat d’un transfert culturel complexe venu du monde anglo-saxon, intégrant des éléments hétérogènes [4] et des éléments de résistance et ne recourant que rarement sans « bricolage » ou sans emprunts tacites, au concept de genre. Avec guère plus de vingt-cinq ans de recul, il est peut-être encore un peu tôt pour faire un bilan de ce transfert culturel de la notion de gender en France [5], mais percevoir des traits propres de la réflexion sur le genre en France est possible, surtout ramené au terrain de la littérature et de l’histoire des idées.
3 Les premiers textes anglais et les premières traductions de l’anglais arrivent en France à la fin des années 1980 [6] et les premiers livres français portant trace de cette problématique – qu’on peut qualifier d’anti-aristotélicienne [7] – sont contemporains, dont L’Histoire des femmes de Michelle Perrot et Georges Duby en premier lieu. Signe marquant, c’est une historienne américaine, spécialiste de la France, qui porte la responsabilité du volume XVIe-XVIIIe siècle de cette Histoire des femmes, Natalie Zemon Davis [8], aux côtés de l’historienne française Arlette Farge. Le transfert culturel se fait donc d’abord grâce à des déplacements humains, académiques, préludes aux déplacements de concepts. C’est via l’histoire sociale faite par une chercheuse américaine que pénètre en France une forme d’interrogation féministe qui est le soubassement des gender studies [9].
4 Non que le féminisme n’ait déjà été productif en France : La Jeune Née de Catherine Clément et Hélène Cixous repérait dès 1975 les « rôles féminins » (ceux de la séductrice et de l’hystérique) dans une approche assez semblable à celle du genre, mais le projet était alors de montrer la sortie de ces rôles par « la venue d’une femme à l’écriture » et de montrer ainsi « la féminité dans l’écriture [10] » (prééminence de la parole orale, du corps). Aux antipodes de ce différentialisme français, qui revendique une singularité féminine et dont les couleurs sont alors portées par les travaux de Béatrice Didier [11] et par la politique éditoriale de la maison d’édition Des femmes, le féminisme venu d’outre-Atlantique, tel qu’il est reçu en France, est strictement constructiviste et ne réintroduit pas de la naturalité a posteriori ; il donne une définition claire du genre : l’être humain ne se perçoit sexué qu’au terme d’un processus de production et d’institution des sexes [12]. Il ne s’agit donc pas de distinguer sexe (réalité biologique première) et genre (construction sociale seconde) dans un système dualiste, mais de partir de l’hypothèse que le sexe en soi est une construction : rien de biologique donc dans le fait de se savoir une fille ou un garçon ; se reconnaître fille ou garçon revient à se modeler sur un ensemble de performances sociales, pré-déterminées selon Butler et, pour reprendre les termes de l’historien de la sexualité Thomas Laqueur, il y a une « fabrique du sexe [13] », liée à un système de représentations profondément ancrées dans l’histoire.
5 Or la non-naturalité du sexe n’est pas une invention américaine des années 1970-1980, ni une intuition de Simone de Beauvoir en 1949, elle est inscrite au cœur d’une des découvertes médicales du XVIe siècle : les femmes, selon la médecine occidentale censée pourtant décrire la naturalité anatomique, n’avaient pas de clitoris jusqu’en 1559, date de sa découverte par Matteo Colombo [14]. Cet incroyable déni médical, reposant en partie sur le monomorphisme sexuel hérité des Grecs, selon lequel les femmes et les hommes ont le même appareil sexuel, intérieur chez les unes, extérieur chez les autres [15], prouve que nous n’avons jamais accès naturellement à ce qu’est notre sexe.
6 L’apport majeur des études sur le genre est d’avoir détruit l’illusion de la naturalité du sexe. Les représentations sexuelles (l’identité sexuelle) sont tout sauf naturelles, étroitement dépendantes des avancées de la science, des imaginaires et des cultures : il est devenu impossible d’attribuer naïvement à la nature ce que la société a élaboré, et à la nature féminine la légitimation de la domination masculine.
7 Le premier apport des gender studies a donc été de proposer une autre voie que le différentialisme pour penser le masculin et le féminin. Et c’est cette voie constructiviste – plus sociale donc et souvent plus interdisciplinaire, empruntant à la sociologie, à l’histoire, à la médecine… – qui va être suivie dans les principales études littéraires synthétiques sur le XVIe siècle à partir des années 1990.
Revoir les prémisses disciplinaires : des pratiques tacites
8 L’analyse de la littérature du XVIe siècle a bénéficié d’apports des gender studies et donc d’apports interdisciplinaires, comme le prouvent les titres suivants, tous écrits par des spécialistes de littérature mais ouvrant plus largement sur l’histoire des idées, via la médecine, l’histoire, la sociologie. Il ne s’agit pas de dire que ces études relèvent des gender studies : aucune ne s’en réclame, mais elles relèvent toutes de l’histoire des idées influencée par les gender studies, qu’il s’agisse du livre d’Évelyne Berriot-Salvadore en 1990 [16] et de son enquête de 1993, Un corps, un destin. La femme dans la médecine de la Renaissance [17] nourrie d’interdisciplinarité, de L’Accès des femmes à la culture (1598-1715) de Linda Timmermans en 1993 [18], de Louise Labé Lyonnaise ou la Renaissance au féminin de François Rigolot [19], des Avenues de Fémynie. Les femmes et la Renaissance de Madeleine Lazard [20], de Patronnes et mécènes en France à La Renaissance [21], de Femmes, rhétorique et éloquence sous l'Ancien Régime [22] ou de la somme d’Éliane Viennot, La France, les femmes et le pouvoir [23], interrogeant l’invention de la loi salique dans le premier volume (Ve-XVIe siècle). Ces livres, écrits par des spécialistes de littérature, prouvent que certaines pratiques des gender studies ont été absorbées par l’histoire des idées et l’histoire littéraire, qu’elles ont contribuées à redéfinir. Un réexamen de leurs prémisses (comme l’avait posé Joan Scott [24]) est devenu nécessaire : on ne peut plus faire une histoire des idées, ni une histoire de la littérature sans tenir compte des femmes et de la place qui leur est faite ou refusée, jusque-là largement ignorées par le discours critique.
9 L’autre apport des gender studies en littérature est celui de la mise au jour des oubliées par un travail de repérage, de bibliographie et d’éditions. Combien de femmes ont écrit et publié au XVIe siècle ? Une petite poignée ? Deux ou trois, selon les manuels scolaires, dix ou douze pour un lecteur ou une lectrice chevronnée ? Il fallait l’enquête au long cours menée au Québec par William Kemp et Diane Desrosiers-Bonin, publiée dans une première livraison de la revue Littérales en 1998 et dans une deuxième en 2014, pour arriver au chiffre a priori incroyable de 71 femmes publiées de 1488 à 1574 (une troisième livraison est encore attendue pour les années 1575-1600) [25]. Et ce chiffre ne tient pas compte d’une production féminine restée manuscrite. Les deux bibliographies des imprimés féminins présentes dans chacun des numéros de la revue Littératures sont un outil très performant pour faire bouger les lignes d’une histoire littéraire sélectivement genrée [26]. Le travail de révision de l’histoire littéraire et d’extension du canon académique n’est donc pas inutile, et ne concerne pas quelques cas isolés. C’est le deuxième apport des gender studies dans le contexte de l’étude de la littérature : prouver, enquêtes chiffrées à l’appui, la part des productrices de littérature. Et dans un deuxième temps, de permettre d’éditer leurs textes. Outre le travail des éditeurs et éditrices scientifiques qui ont mis à disposition, en moins de vingt ans, des dizaines d’éditions critiques d’œuvres de femmes du XVIe siècle [27], les collections ouvertes aux Publications de l’Université de Saint-Étienne ont soutenu cette tendance en la transformant en politique éditoriale ; je pense aux deux collections, La Cité des dames et L’École du genre créées par Éliane Viennot aux PUSE en 2004, la première permettant l’édition en livre de poche d’œuvres de femmes, la seconde mettant à disposition, sous le titre revendiqué de genre – chose rare –, des ouvrages collectifs sur le genre.
10 Depuis peu, c’est sur la linguistique et plus précisément la lexicologie – surtout en France, du fait de l’histoire du français et des institutions qui le contrôlent – que se focalise l’intérêt des recherches des littéraires, comme le montrent la rubrique la guerre des mots du site de la SIEFAR [28] et le livre d’Éliane Viennot, Non le masculin ne l’emporte pas sur le féminin ! Petite histoire des résistances de la langue française [29]. La politique de la langue est un lieu névralgique et les crispations françaises sont toujours nombreuses, de la résistance à la démasculinisation des noms de métiers [30] à la défense virulente du masculin supposé universel. Sur le plan littéraire, le seul fait qu’auteur, écrivain et poète fassent problème pour être employés au féminin est étonnant. Dès que nous analysons des œuvres de femmes, nous sommes contraints à des contournements périphrastiques. Le livre de Christine Planté, pionnier en 1989 sur l’accès des femmes à l’écriture dans une optique de genre, La Petite Sœur de Balzac, porte comme sous-titre : Essai sur la femme auteur [31]. Or on sait qu’autrice (ou authrice) était reçu au XVIe siècle sans faire de problème [32] et que c’est dans la deuxième moitié du XVIIe siècle que les usages vont se masculiniser dans un cadre de plus en plus comminatoire :
Il faut dire cette femme est Poëte, est Philosophe, est Médecin, est Auteur, est Peintre ; et non Poëtesse, philosophesse, Médecine, Autrice, Peintresse, etc. [33]
12 Puis c’est, après le Dictionnaire de Trévoux, le Dictionnaire de l’Académie française qui va censurer les emplois du féminin [34]. Le féminin ne se dit plus, au point qu’il ne se formule même plus, contrairement à ce que fait Boisregard : la formule « on dit » du Dictionnaire de l’Académie française permet d’éviter un « on ne dit pas » qui aurait obligé à formuler le féminin ostracisé.
13 Car nous sommes entravé-e-s pour nommer certains de nos objets de recherche. Que dire ? Une femme auteur ? Une auteure ? Une autrice ? Une écrivaine ? Une poète ou une poétesse ? Partout où les épicènes (une autobiographe, une dramaturge, une humaniste [35]) ou les féminins reçus (une romancière, une épistolière) ne facilitent pas la tâche, c’est un casse-tête sans fin [36] : preuve que le problème est persistant, et que la langue en est le symptôme, avec une asymétrie lexicale refoulée au nom d’un universalisme prétendu du masculin.
14 Il y a donc trois domaines principaux où les gender studies ont fait bouger les lignes : l’écriture de livres de synthèse qui prennent en compte le rôle des femmes sur la scène de la culture et de la littérature, les éditions de textes écrits par des femmes et une vigilance linguistique pour ne pas prendre pour intangibles des usages strictement datés. Pourtant, qui aujourd’hui, malgré ces apports incontestables, se revendique des gender studies dans le domaine des études seiziémistes ? On a vu que seule la collection L’École du genre dirigée par Éliane Viennot recourt explicitement au concept [37]. Les réticences et, bien plus souvent, les silences sont toujours de mise. Il est donc difficile de les faire parler.
15 Une réticence explicite a été pour moi marquante, et je pense qu’elle reflète une position souvent partagée en France, celle de Nathalie Heinich qui, en 2003, dans Les Ambivalences de l’émancipation féminine, met en garde contre « la tentation du justicier chargé de rétablir les véritables hiérarchies contre les dévoiements de la tradition savante [38] » ; selon elle, « les études sur le genre nous ont malheureusement habitués à cette perspective normative, axée soit sur la dénonciation des inégalités, soit – plus subtilement – sur leur relativisation historique, grâce à une mise en évidence de la “construction sociale” de la différence des sexes, axée sur sa délégitimation […] or ce n’est pas parce qu’un fait est social qu’il est arbitraire ». La sociologue ici résiste à ce qui est (serait) trop marqué par un militantisme féministe au fondement des gender studies et c’est bien ce qui fait problème en France où le féminisme est en retrait à l’Université.
16 Les deux facteurs idéologiques qui expliquent en partie les résistances ou les emprunts tacites aux gender studies sont, d’une part, le communautarisme anglo-saxon à la base de la multiplication des objets d’études sentis comme un danger dans la France républicaine universaliste (women studies, men and masculinities studies, gender studies, queer studies [39], gay and lesbian studies, subaltern studies…) et, d’autre part, la plus grande timidité au self positioning des chercheurs et chercheuses françaises : dire d’où on parle, ce qui est pourtant un des grands acquis des années 1960 et 1970 en France (acquis de la French Theory comme diraient les Américains), est devenu plus rare dans la production universitaire, voire très rare dans les études seiziémistes. Sans prétendre à une neutralité axiologique impossible, elle a une volonté d’y tendre et de parler au-dessus de la mêlée, loin de ce qui est senti comme redevable à l’opinion ; or, toute position militante relève trop de l’opinion (et donc du particulier) et pas assez de la science (et donc du général).
17 Cette position éthique, de retenue méthodologique, des énonciateurs académiques, qui consiste à dire : je parle depuis mon statut, non depuis mon histoire, autorisé par mon statut et non pas déterminé par mon histoire, est à l’origine de tous les « bricolages » silencieux à partir des acquis des gender studies.
Un cas d’asymétrie critique : l’œuvre de Louise Labé
18 Dans le cas de Louise Labé, les gender studies ont été très fécondes, dès l’article fondateur en 1981 d’Ann Rosalind Jones : « Assimilation with a Difference : Renaissance Women Poets and Literary Influence [40]». Cet article montre à quelles conditions une femme peut s’approprier un discours masculin, le pétrarquisme. Il ne suffit pas de renverser la posture énonciatrice : le locuteur devient une locutrice et l’aimée devient l’aimé ; la prolifération des points de vue masculins dans le discours pétrarquiste empêche la simple réversibilité. Ann Rosalind Jones a montré l’irréversibilité du blason, en analysant de manière probante le sonnet 21, subtilement ironique, de Louise Labé [41]. Voilà l’asymétrie démontrée et ses valeurs littéraires mises au jour : l’ironie de Louise Labé (en particulier au sonnet 2, au sonnet 14 et au sonnet 21) est le produit de cet écart irréductible entre une énonciatrice féminine et le discours pétrarquiste qu’elle reprend à son compte. Les intentions rhétorico-érotiques du discours pétrarquiste sont dévoilées par Louise Labé : il est une technique « pour ardre une femmelle » (sonnet 2), et reprendre ce discours en tant que femme ne suffit pas à annuler cette potentialité.
19 C’est en se fondant sur de telles analyses et sur l’histoire des intertextualités, que François Rigolot a pu proposer la thèse forte d’une Renaissance au féminin dans son livre cité plus haut sur Louise Labé. Mais alors que les collègues américains ou travaillant aux États-Unis empruntaient cette voie du genre, les collègues français restaient sur des terres plus familières, comme le montrent le livre de Daniel Martin choisissant une perspective structurale dans Signe(s) d’Amante, l'agencement des œuvres de Louise Labé [42] et la biographie très informée et très classique de Louise Labé par Madeleine Lazard [43].
20 C’était sans compter sur la surprise de l’irruption intempestive du genre. L’hypothèse constructiviste peut mener à deux discours antagonistes, c’est la surprise… finalement peu surprenante : si le féminin n’est que du construit, alors il peut être contrefait. On a donc, d’un côté, l’hypothèse de la fabrication entière d’une œuvre de femme comme œuvre supposée, selon des travaux récents qui viennent effacer des femmes comme auteures [44] ; et de l’autre, la reconnaissance des enjeux de genre dans l’accès à la scène littéraire, donc l’analyse du travail de construction sociale qui rend possible l’avènement public de discours de femmes.
21 Il est clair que le livre de Mireille Huchon sur Louise Labé est une réponse à la prolifération des études de genre sur Louise Labé, mais une réponse qui ne se pose jamais comme telle. Alors comment la reconnaître ? Par ses silences bibliographiques. Si l’on examine la bibliographie du livre [45], aucune étude relevant des gender studies n’est mentionnée. Sur Louise Labé, en 2006, c’est un tour de force et une volonté assumée. Deborah Lesko Baker [46], Ann Rosalind Jones [47], Ann R. Larsen [48], Cathleen M. Bauschatz [49], Floyd Gray [50], Gisèle Mathieu-Castellani [51], Cathy Yandell [52] ? Tous absents. Les collectifs tels que Renaissance Women Writers : French Texts, American Contexts [53] ou Women’s writing in the French Renaissance [54] ou encore A History of Women’s Writing in France [55] : absents. Tout au plus apparaît une mention du livre de Joan DeJean [56], pour être démentie [57]. Le silence est plus parlant que tout discours ici. C’est bien le retour du genre que signe ce livre en le niant aussi évidemment. Le livre de Mireille Huchon relève d’une perspective genrée quoiqu’antiféministe car il part de l’axiome qu’une femme, roturière et courtisane, n’a pas pu écrire une telle œuvre. Et pourtant, elle refuse de dialoguer avec les thèses genrées (et féministes) nombreuses sur Louise Labé et l’enjeu du débat reste tu, dans cette discussion scientifique qui n’a pas lieu.
22 Le problème est le suivant : faut-il lire les Œuvres de Louise Labé d’abord et avant tout comme une œuvre de femme et donc faire du genre de l’auteure et de l’énonciatrice lyrique le fait déterminant de la poétique, ou leur rendre justice comme texte, indépendamment du sexe de l’auteur, ce que l’on fait habituellement pour les œuvres d’hommes ? Les deux options sont réductrices, les deux sont nécessaires. On ne peut pas faire l’économie des interrogations de genre sur une œuvre aussi ostensiblement féministe, dans son paratexte et dans son texte, mais on ne peut y rester cantonné. Et on retrouve exactement à ce point la notion de bricolage méthodologique. Sont nécessaires les gender studies (ou les women’s studies) pour interroger le féminin dans sa formulation et ses conditions de possibilité, l’histoire du livre pour analyser le privilège obtenu par Louise Labé et pour examiner la facture du titre des Œuvres, l’histoire de la sociabilité littéraire pour analyser l’ensemble de pièces accompagnant les Œuvres sous le nom d’Escriz de Divers Poëtes à la louange de Louize Labé Lionnoize, la linguistique énonciative pour analyser les dispositifs énonciatifs lyriques, l’érudition en histoire littéraire, en rhétorique, en poétique, pour identifier les sources pétrarquistes et antiques ou les débats poétiques sous-jacents à l’emploi des genres et des formes (élégie, sonnet, débat), l’histoire pour la connaissance du milieu lyonnais humaniste… Toutes ces interrogations (qui renvoient à des articles existants) sont pertinentes croisées, aucune ne peut être étanche aux autres. Et si le chantier est prometteur sur les Œuvres de Louise Labé, c’est, entre autres, autour de deux dossiers importants encore à creuser : les Escriz de Divers Poëtes à la louange de Louize Labé Lionnoize et leur singularité dans l’univers des textes d’escorte, et la nature du Débat de Folie et d’amour. Les interrogations de genre ne sauraient en être exclues a priori.
23 Qu’un soupçon existe sur la réalité de l’accès à l’écriture de Louise Labé est une chose. Un soupçon n’est pas une preuve. Le livre de Mireille Huchon ne fait pas preuve. Là où réapparaît l’asymétrie critique, c’est dans le poids conféré au soupçon peu étayé. Prenons l’exemple de Shakespeare, sur lequel pèse un soupçon similaire, c’est-à-dire social, comme dans le cas de Louise Labé, mais pas genré : en 2009, Lamberto Tassinari publie en anglais John Florio, The Man who was Shakespeare [58] et sa thèse reste confidentielle. Shakespeare donc, selon Tassinari, n’aurait pas la culture cosmopolite et humaniste nécessaire pour avoir écrit son œuvre, dont l’auteur véritable serait John Florio, humaniste italien émigré, érudit traducteur de Montaigne. La thèse n’a pas eu d’échos dans le milieu universitaire, ni a fortiori dans le milieu des shakespeariens et un des rares défenseurs du livre en France est Daniel Bougnoux [59], qui annonce un livre sur le sujet [60].
24 Voilà, en 2006 et en 2009, deux livres qui se donnent le même objectif : désattribuer et réattribuer une grande œuvre de la Renaissance. Voilà deux livres qui ont eu deux réceptions très différentes. Un accueil en fanfare médiatique et académicienne [61] pour le livre de Mireille Huchon, dont le nombre de comptes rendus est conséquent ; un silence assourdissant pour le livre de Tassinari, avec qui ne souhaitent pas débattre les intéressés [62].
25 L’asymétrie critique, entre une désattribution féminine qui reçoit des suffrages immédiats et institutionnels forts (de son éditeur Droz, de l’Académie française, de certains confrères universitaires) et une désattribution qui n’a rien de genré (le sexe de Shakespeare et celui de Florio sont neutralisés dans l’enquête) et qui n’est pas reçue, est frappante. On ne touche pas aux auteurs comme on touche aux auteures. Tant que cet élément ne sera pas méthodiquement pris en compte, nos études seront frappées d’asymétrie critique.
26 La prudence critique qui veut qu’un texte publié sous un nom d’auteur soit un texte de l’auteur (jusqu’à preuve du contraire) n’est pas requise de la même façon pour les hommes et les femmes. Problème éthique ? Problème sur lequel les gender studies attirent notre attention.
27 Les gender studies ont beaucoup apporté aux études littéraires du XVIe siècle depuis les années 1980, en incitant à une révision du canon traditionnel des auteurs, à une réévaluation de la part active des femmes dans la société, en particulier dans le monde du livre [63], et à un examen critique des déterminismes sociaux qui les ont maintenues en état d’infériorité supposée naturelle, et ce dans une perspective interdisciplinaire. Mais ce travail critique s’est fait en général en France sans aveu d’allégeance au genre, dans les plis de l’histoire littéraire, de l’histoire du livre ou de l’histoire des idées. Présentes donc, ces interrogations qui relèvent du genre, parfois identifiées sous le nom d’études des femmes [64], du masculin et du féminin [65] ou, plus rarement, d’études du genre [66], mais le plus souvent tacites ; seul compte le fait qu’elles ont fait progressivement bouger le paysage littéraire et les pratiques d’enquête.
28 Asymétrie linguistique et asymétrie critique restent pourtant les angles morts de la réflexion : tant que nous n’aurons pas un vocabulaire adéquat pour étudier et nommer les femmes en littérature et des pratiques critiques non discriminantes pour évaluer hommes et femmes sur la scène littéraire (elle-même discriminante), l’inquiétude intellectuelle (voire l’irritation [67]) que produisent les gender studies seront fécondes.
Notes
-
[1]
A. Corbin, J.-J. Courtine et G. Vigarello (dir.), Histoire de la virilité, Paris, Éd. du Seuil, 2011, 3 vol. ; rééd. en poche, « Points-Seuil », 2015. Cette histoire est faite par des historiens mais aussi par des littéraires.
-
[2]
G. Duby et M. Perrot (dir.), Histoire des femmes en Occident, Paris, Plon, 1991, 5 vol. ; rééd. en poche Paris, Perrin, 2002.
-
[3]
A.-M. Sohn, « Sois un Homme ! » La construction de la masculinité au xixe siècle, Paris, Éd. du Seuil, 2009 ; G. Ferguson (dir.), L’Homme en tous genres. Masculinités, textes et contextes, n° 2 de la revue Itinéraires. Littérature, textes, culture, Paris, L’Harmattan, 2009. Voir plus tôt dans le monde anglo-saxon K. P. Long (dir.), High Anxiety. Masculinity in Crisis in Early Modern France, Kirksville, Truman State University Press, 2002.
-
[4]
Comme le livre de P. Bourdieu, La Domination masculine, Paris, Éd. du Seuil, 1998, mêlant sociologie et ethnologie, et qui a joué un rôle important, ou les livres de l’anthropologue Fr. Héritier, Masculin-féminin. La pensée de la différence, Paris, O. Jacob, 1996 ; id., Masculin-féminin. 2 : Dissoudre la hiérarchie, Paris, O. Jacob, 2002.
-
[5]
Même si nombre d’ouvrages se présentent aujourd’hui comme des synthèses : voir L. Laufer et Fl. Rochefort (dir.), Qu’est-ce que le genre ?, Paris, Payot, 2014 ; M. Reid, Des Femmes en littérature, Paris, Belin, 2010 ; id. (dir.), Les Femmes dans la critique et l'histoire littéraire, Paris, Champion, 2011 ; Chr. Planté, « Postface » à la réédition de sa Petite sœur de Balzac [1989], Lyon, Presses Universitaires de Lyon, 2015.
-
[6]
Dont l’article de J. W. Scott, « Genre : une catégorie utile d’analyse historique » [1985], Cahiers du GRIF, n° 37-38, 1988, p. 12-153.
-
[7]
C’est le rejet de la conception aristotélicienne exposée dans De la Génération des animaux, l. II, chap. 3, 737a, éd. P. Louis, Paris, Les Belles-Lettres, 1961, p. 62 : la femme comme mâle imparfait, déterminée à le demeurer par ses faiblesses naturelles. La thèse a eu très longue vie, d’Aristote à Thomas d’Aquin, de Thomas d’Aquin jusqu’à Régnier de Graaf, un des premiers à récuser cette définition dans son Histoire anatomique des parties génitales de l'homme et de la femme, qui servent à la génération, Bâle, König, 1679, p. 2.
-
[8]
Dans sa thèse de doctorat d’abord, puis dans Les Cultures du peuple : rituels, savoirs et résistances au XVIe siècle, Paris, Aubier, 1979 [Society and Culture in Early Modern France: Eight Essays, Stanford University Press, 1975], N. Zemon Davis est une des premières à avoir montré le rôle professionnel des femmes dans le monde du livre au XVIe siècle.
-
[9]
Voir N. Zemon Davis, « ‘Women’s History’ in Transition : The European Case », Feminist Studies, 1976, vol. 3, n° 3-4, p. 83-103 ; « Gender and Genre : Women as Historical Writers, 1400-1820 », University of Ottawa Quarterly, vol. 50, n° 1, 1980, p. 123-144 ; « Women in the Crafts in Sixteenth Century Lyon », Feminist Studies, vol. 8, n° 1, 1982, p. 47-80.
-
[10]
H. Cixous et C. Clément, La Jeune Née, Paris, UGE, « 10/18 », 1975, p. 170.
-
[11]
B. Didier, L’Écriture femme, Paris, Puf, 1980.
-
[12]
J. Butler, Trouble dans le genre, Paris, La Découverte, 2005, p. 69 [Gender Trouble : Feminism and the Subversion of Identity, Oxford, Routledge, 1990].
-
[13]
Th. Laqueur, La Fabrique du sexe. Essai sur le corps et le genre en Occident, Paris, Gallimard, 1992 [Making Sex : Body and Gender from the Greeks to Freud, Harvard University Press, 1990].
-
[14]
M. Realdo Colombo, disciple de Vésale, qui enseignait la chirurgie à l’Université de Padoue, publia De Re anatomica libri XV en 1559 ; il y décrit le « siège du plaisir féminin » (sedes voluptationis mulierum). Cela donnera immédiatement lieu à une querelle d’attribution car son successeur à Padoue, Gabriele Falloppio, lui aussi disciple de Vésale, affirme en 1561 dans ses Observationes anatomicae qu’il a été le premier à faire la découverte et c’est lui qui baptisera l’organe du nom de clitoris : voir M. Clément, « De l’anachronisme et du clitoris », Le Français préclassique, n° 13, 2011, p. 27-45.
-
[15]
C’est le cœur de la thèse de Th. Laqueur dans La Fabrique du sexe que de reconnaître le primat du monomorphisme sexuel jusqu’au XVIIIe siècle, période à partir de laquelle le dimorphisme s’imposera.
-
[16]
É. Berriot-Salvadore Les Femmes dans la société française de la Renaissance, Genève, Droz, 1990.
-
[17]
Les premiers travaux d’É. Berriot-Salvadore ont porté sur le corps féminin dans la médecine du XVIe siècle : « Le discours de la médecine et de la science », dans G. Duby et M. Perrot (dir.), Histoire des femmes en Occident, t. 3 [1991], Paris, Perrin, 2002, p. 407-454 ; Un corps, un destin. La femme dans la médecine de la Renaissance, Paris, Champion, 1993.
-
[18]
L. Timmermans, L’Accès des femmes à la culture (1598-1715), Paris, Champion, 1993.
-
[19]
Fr. Rigolot, Louise Labé Lyonnaise ou la Renaissance au féminin, Paris, Champion, 1997. Professeur à Princeton, Fr. Rigolot est plus directement en contact avec les acquis des gender studies que les universitaires français, mais il ne s’en réclame pourtant pas.
-
[20]
M. Lazard, Les Avenues de Fémynie. Les femmes et la Renaissance, Paris, Fayard, 2001.
-
[21]
K. Wilson-Chevalier (éd.), Patronnes et mécènes en France à la Renaissance, Saint-Étienne, PUSE, « L’École du genre », 2007.
-
[22]
Cl. La Charité et R. Roy (éd.), Femmes, rhétorique et éloquence sous l’Ancien Régime, Saint-Étienne, PUSE, « L’École du genre », 2012.
-
[23]
Les deux premiers tomes sont parus en 2006 et 2008 chez Perrin.
-
[24]
J. W. Scott, art. cit., p. 126-127.
-
[25]
Littérales, n° 18 (« L’écriture des femmes à la Renaissance française »), 1998 ; Littérales, n° 28 (« L’écriture des femmes à la Renaissance française. II »), 2014.
-
[26]
Voir LhT, n° 7 (« Y a-t-il une histoire littéraire des femmes ? »), avril 2010.
-
[27]
Citons, parmi les principaux éditeurs des années 1990-2000 : Gary Ferguson, éditeur d’Anne de Marquets ; Anne Larsen, éditrice de Madeleine et Catherine des Roches ; Jean-Philippe Beaulieu et Christine de Buzon, éditeurs d’Hélisenne de Crenne ; Jean-Claude Arnould, éditeur de Marie de Gournay ; Éliane Viennot, éditrice de Marguerite de Valois ; Régine Reynolds-Cornell, éditrice et traductrice en anglais de Marguerite de Navarre (Marguerite de Navarre’s Théâtre, Ottawa, Dovehouse Press, 1992) ; Catherine Müller, éditrice de Catherine d’Amboise ; Évelyne Berriot-Salvadore, éditrice de Gabrielle de Bourbon ; Colette Winn, éditrice de Gabrielle de Coignard, de Marie Le Gendre, de Madeleine de L’Aubespine, de Marguerite de Cambis… Notons une majorité de collègues du Canada et des États-Unis.
- [28]
-
[29]
Aux éditions L’iXe en 2014.
-
[30]
Voir l’épisode « Madame le président » en 2014 et la réaction d’É. Viennot dans Libération : http://www.liberation.fr/politiques/2014/10/23/mme-le-president-l-academie-persiste-et-signe-mollement_1128128.
-
[31]
La réédition en 2015 (op. cit., avec une préface de M. Perrot) porte cet argument de présentation : « En 1989, ce livre était parmi les premiers en France à introduire le point de vue du genre dans la réflexion sur la littérature et l’histoire culturelle ».
-
[32]
En 1611, le dictionnaire de Cotgrave, A Dictionarie of the French and English Tongues [consultable en ligne], enregistre une entrée Autheur et une entrée distincte Authrice. Voir aussi A. Evain, « Histoire d’Autrice, de l’époque latine à nos jours », SÊMÉION, n° 6, février 2008 [en ligne sur le site de la SIEFAR].
-
[33]
N. de Boisregard, Reflexions sur l’usage présent de la langue française, Paris, L. d’Houry, 1689, p. 228. Pour d’autres exemples, voir « La guerre des mots », site de la SIEFAR.
-
[34]
Je cite, dans l’entrée Auteur du Dictionnaire de 1762, un seul alinéa : « En parlant d'une femme qui aura composé un livre, on dit, qu’Elle est l’Auteur d’un tel livre, d’un tel ouvrage. » La recommandation réapparaît dans toutes les éditions postérieures du Dictionnaire de l’Académie. L’édition de 1798 introduit « femme auteur ». Une précision grammaticale intéressante apparaît dans l’édition de 1835 : « On dit adjectivement, dans ce sens, Une femme auteur. » Les femmes ne sont donc qu’adjectivement des auteurs, pas substantivement. Au problème morphologique (censure des formes du féminin) s’ajoute un problème syntaxique et dans les deux cas, on voit bien qu’il s’agit d’ontologie.
-
[35]
L’Anthologie des humanistes européens de la Renaissance de J.-Cl. Margolin (Paris, Gallimard, « Folio », 2007) donne deux humanistes femmes, Thérèse d’Avila et Louise Sigée, sur 170 humanistes répertoriés – preuve que le mot humaniste s’emploie au féminin mais preuve aussi, éclatante, que l’histoire de l’humanisme est encore un peu trop masculine.
-
[36]
J’ai de mon côté recouru à des détours stylistiques, ainsi dans l’article « Nom d’auteur et identité littéraire : Louise Labé Lyonnaise. Sous quel nom être publiée en France au XVIe siècle ? », Réforme, Humanisme, Renaissance, n° 70, 2010, p. 73-101. Dans le présent article, j’opte pour auteure.
-
[37]
Pourtant, É. Viennot elle-même distingue ses propres travaux de travaux relevant des gender studies ; voir Chr. Planté, « Postface » à La Petite Sœur de Balzac, éd. cit., p. 329.
-
[38]
N. Heinich, Les Ambivalences de l’émancipation féminine, Paris, Albin Michel, 2003, p. 35 et 21.
-
[39]
Voir le livre stimulant de G. Ferguson, Queer (Re)Readings in the French Renaissance. Homosexuality, Gender, Culture, Aldershot, Ashgate, 2008.
-
[40]
Yale French Studies, n° 62, 1981, p. 135-153.
-
[41]
Voir aussi l’article de C. Yandell, « Louise Labé’s Transgession », dans High Anxiety. Masculinity in Crisis in Early Modern France, op. cit., p. 1-17.
-
[42]
D. Martin, Signe(s) d'Amante, l'agencement des œuvres de Louise Labé, Paris, Champion, 1999.
-
[43]
M. Lazard, Louise Labé, Paris, Fayard, 2004.
-
[44]
Il s’agit de la thèse de doctorat d’A. Réach-Ngô sur une fabrication d’atelier portant nom « Hélisenne de Crenne », La Mise en livre des narrations à la Renaissance : écriture éditoriale et herméneutique de l’imprimé (Université Paris-Sorbonne, 2005), publiée, revue et corrigée, sous le titre Écritures éditoriales à la Renaissance. Genèse et promotion du récit sentimental français (1530-1560), Genève, Droz, 2013 ; et du livre de M. Huchon, Louise Labé : une créature de papier, Genève, Droz, 2006. À l’inverse de l’élargissement du canon prôné par les gender studies, il s’agit là de l’amenuiser.
-
[45]
Dans les notes de bas de page.
-
[46]
Deborah Lesko Baker a écrit plusieurs articles sur Louise Labé et un livre, The Subject of Desire. Petrarchan Poetics and the Female Voice in Louise Labé, Purdue University Press, 1996.
-
[47]
Outre l’article cité supra n. 40, voir son livre The Currency of Eros. Women’s Love Lyric in Europe. 1540-1620, Bloomington / Indianapolis, Indiana University Press, 1990.
-
[48]
« Louise Labé’s Débat de Folie et d’Amour : Feminism and the Defense of learning », Tulsa Studies in Women’s Literature, n° 2, printemps 1983, p. 43-55.
-
[49]
« To choose Ink and Pen : French Renaissance women’s writing », dans S. Stephens (dir.), A History of Women's Writing in France, Cambridge, Cambridge University Press, 2000, p. 41-63.
-
[50]
Gender, Rhetoric and Print Culture in French Renaissance Writing, Cambridge University Press, 2000 ; sur Louise Labé, voir p. 86-106.
-
[51]
De G. Mathieu-Castellani, voir : « Les marques du féminin dans la parole amoureuse de Louise Labé », dans G. Demerson (éd.), Louise Labé : les voix du lyrisme, Saint-Étienne / Paris, PUSE / CNRS, 1990, p. 189-205 (pose le problème de « l’inscription du sexe dans le langage ») ; La Quenouille et la Lyre, Paris, J. Corti, 1998. Ce livre montre la condition de possibilité d’une écriture des femmes dans l’écart énonciatif par rapport aux modèles.
-
[52]
Outre l’article cité supra n. 41, voir de la même auteure Carpe Corpus. Time and Gender in Early Modern France. Newark / London, University of Delaware Press / Associated University Press, 2000, chap. 3.
-
[53]
A. R. Larsen et C. H. Winn (dir.), Renaissance Women Writers : French Texts, American Contexts, Detroit, Wayne State University Press, 1994.
-
[54]
Ph. Ford et G. Jondorf (éd.), Women’s writing in the French Renaissance, Cambridge, Cambridge French Colloquia, 1999.
-
[55]
Voir supra n. 49.
-
[56]
J. DeJean, Sapho. Les fictions du désir (1546-1937), trad. par Fr. Lecercle, Paris, Hachette, 1994 [Fictions of Sappho (1546-1937), 1989].
-
[57]
M. Huchon, Louise Labé : une créature de papier, op. cit., p. 84.
-
[58]
L. Tassinari, John Florio, The Man who was Shakespeare, Montréal, Giano Books, 2009.
- [59]
-
[60]
Communication personnelle.
-
[61]
Voir l’article de M. Fumaroli dans Le Monde des livres, 11 mai 2006 ; cf. l’article sur le site de la SIEFAR, ainsi que les nombreux articles qui ont paru dans la foulée.
-
[62]
Comme St. Greenblatt, auteur d’une biographie majeure de Shakespeare, Will le Magnifique, Paris, Flammarion, 2014 [Will in the World. How Shakespeare Became Shakespeare, 2004] ; voir le blog de D. Bougnoux.
-
[63]
De Natalie Zemon Davis à Rémi Jimenes, en passant par Roméo Arbour, William Kemp et Susan Broomhall.
-
[64]
Ainsi la SIEFAR.
-
[65]
Tel le livre dirigé par Chr. Planté, Masculin/féminin dans la poésie et les poétiques du XIXe siècle, Lyon, Presses Universitaires de Lyon, 2002 ; ou les Cahiers Masculin-Féminin chez le même éditeur. À noter que dans le catalogue de celui-ci, ces publications relèvent explicitement de la catégorie gender studies.
-
[66]
Tel le RING (Réseau interuniversitaire et interdisciplinaire national sur le genre), basé à Paris 8 : http://www2.univ-paris8.fr/RING/
-
[67]
Comme celle de N. Heinich : voir supra n. 38.