Notes
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[1]
Centre d’étude et de recherche Travail Organisation Pouvoir ; Université Toulouse – Jean Jaurès, Maison de la Recherche, bâtiment B26, 5 allée Antonio Machado, F-31058 Toulouse Cedex 9.
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[2]
Il existerait toutefois une déclinaison lesbienne du terme : ursula (« ourse »).
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[3]
Pour une définition de twink, voir www.urbandictionary.com.
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[4]
En France, les revues Arcadie et Juventus stigmatisaient l’efféminement, de même que la Mattachine Society aux États-Unis (cf. Jackson, 2009 : 147-150).
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[5]
Le bar Le Bears Den ouvre à Paris en 1999 et l’association Les Ours de Paris est créée en 2000.
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[6]
L’association « Santé et plaisir gai » organisait à Paris et en régions des Jack off parties, avec le même objectif, sans toutefois afficher d’identité bear.
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[7]
Certaines spécificités du type général bear sont également désignées par des noms d’animaux : par exemple cub (ourson, jeune bear), polar bear (ours blanc, aux cheveux et poils gris ou blancs), grizzly (bear très poilu et massif), otter (loutre, bear mince et poilu), panda (bear d’origine asiatique), etc.
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[8]
Ces séjours se sont déroulés du 2 au 9 septembre 2014, du 4 au 11 septembre 2016 et du 4 au 10 septembre 2017.
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[9]
Ce projet a été formulé lors d’un premier séjour à Sitges en 2013, puis affiné à l’occasion des séjours suivants. Il ne répond à aucun appel ou dispositif de soutien de la recherche et a été entièrement autofinancé.
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[10]
Pour les plus récents, Le Talec, 2013a et 2013b ; Linard & Le Talec, 2016.
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[11]
Comme l’indique Isabelle Clair (2016 : 64), le fait d’occuper « une position plus ou moins dominée dans l’espace académique, dans la profession de sociologue, dans les ordres hiérarchiques organisés par le genre et la sexualité, mais aussi la classe, l’âge et la race » aurait pu plaider pour « mutisme sur la sexualité ». Je n’ai pas choisi cette option, considérant que le mal, en la matière, était déjà fait…
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[12]
Ces différentes annonces d’événements peuvent être consultées à partir du site Gayiberia. URL : http://gayiberia.com/gay-events-in-spain/ (consulté en mai 2017).
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[13]
Une étiquette associée à l’homosexualité comprise comme déviance. Cf. Becker, 1985 [1963].
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[14]
Fondée en 2001 et officiellement intitulée Asociación Gay de Osos, Chubby, Maduros y Admiradores Bears Sitges, BSC organise chaque année deux événements en lien avec la ville : l’International Bears Meeting début mai et l’International Bears Sitges Week début septembre. URL : http://bearssitgesclub.org/
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[15]
Tous les prénoms ont été modifiés.
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[16]
Ce qui diffère d’autres dispositifs de plages, décrits par Yves Raibaud (2012).
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[17]
À l’exception du cannabis, l’usage d’autres substances psychoactives n’a pas été directement observé, mais il est très probable, puisque des dealers, postés à certains endroits stratégiques de la Bear Zone, m’en ont proposé à plusieurs reprises.
- [18]
- [19]
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[20]
« Il serait sans doute superflu d’ajouter que toutes les problématiques de l’imitation appartiennent au camp. Si l’on oppose, comme on le fait souvent, imitation à reproduction et répétition, on dira que la répétition est inférieure en camp à la reproduction qui l’est elle-même à l’imitation. » (Mauriès, 1979 : 45).
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[21]
L’expression sex role est utilisée dans le contexte du travestissement par Esther Newton (1979 : 109).
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[22]
Une hypothèse déjà abordée par des auteurs précédemment cités.
1Cet article rend compte d’une recherche portant sur un rassemblement festif annuel, organisé à Sitges en Espagne, et s’adressant à des hommes gais qui s’identifient à la « communauté bear », quel que soit le sens qu’ils accordent à cette expression. L’enquête ethnographique, déployée sur quatre années, avait pour objectif d’étudier ce rassemblement, d’en interroger les dimensions identitaire et communautaire et d’en préciser la signification du point de vue du genre, de la sexualité et des masculinités.
2Depuis les années 1990, le terme bear s’est imposé comme un repère dans la culture gaie contemporaine, d’abord aux États-Unis, puis dans l’ensemble des pays occidentaux. Qu’il soit ou non traduit (« ours » en français, oso en espagnol, Bär en allemand…), il désigne des homosexuels masculins [2], plus ou moins organisés en « communauté », que rapprochent certains traits physiques tels que la corpulence, la pilosité faciale et/ou corporelle, et l’expression d’une masculinité affirmée, en opposition au stéréotype médiatisé d’hommes gais jeunes, minces, légèrement musclés, imberbes et souvent blonds (les twinks ; Meunier, 2014 : § 11) [3]. Le terme bear peut désigner à la fois les individus et la subculture ou le mouvement, qui serait « né d’un sentiment d’exclusion » (Blidon, 2008 : 185), ressenti par des hommes « qui ne trouvaient pas leur place dans la communauté gaie, du fait de leurs goûts, de leur âge ou de leur apparence […] » (Chauvin & Lerch, 2013 : 58).
3Assez peu de travaux se sont intéressés au phénomène bear, dont l’origine peut être retracée aux États-Unis, dès les années 1960, autour de l’idée d’une virilité gaie « naturelle » et érotisée, se démarquant de la représentation de l’efféminement associé à l’homosexualité, courante et péjorative à l’époque. En termes d’identité de genre, cet enjeu « masculin » de l’homosexualité pourrait être relié à la notion d’« unisexualité », proposée par Marc-André Raffalovich à la fin du xixe siècle (Le Talec, 2008 : 26-27 ; Cardon, 2008 [1984]), ainsi qu’aux discours du mouvement homophile des années 1950 [4]. Esther Newton a souligné combien cet enjeu du genre a structuré le mouvement gai au cours des années 1970 : « […] la communauté homosexuelle masculine a mené un énorme combat pour venir à bout du stigmate de l’efféminement. Avec comme résultat le plus frappant un glissement des styles efféminés vers des styles masculins » (Newton, 1979 : xiii)
4Selon Peter Hennen, le phénomène bear contemporain s’accompagne d’une « idée de nature » (Guillaumin, 1992) et de retour aux sources (renvoyant à la forêt, aux grands espaces, à la conquête de l’Ouest…) qui sont largement fantasmés, dans la mesure où il s’agit avant tout d’un phénomène associé à la culture urbaine. Il distingue plusieurs logiques dans la constitution de la communauté bear aux États-Unis, au cours des années 1970-1990. La première s’inscrit comme une alternative au style clone post-libération gaie (Levine, 1992), qui imposait une image hypermasculine d’un corps « dur, fin, musclé, bronzé et imberbe », encore accentuée dans la subculture cuir. Tout en restant ancré dans une masculinité affirmée, le style bear en a proposé une autre image, celle du « type ordinaire » (regular guy) homosexuel, se présentant comme il est, ni imberbe, ni musclé, ni mince, mais accessible. En termes de marketing, ce « profil » a constitué une opportunité de niche dont quelques précurseurs californiens se sont saisis, en publiant des magazines et en ouvrant des bars « spécialisés ». Ceci a consolidé l’idée d’une communauté naissante (notamment par la diffusion de photographies érotiques figurant des modèles non professionnels) et l’a rendue d’autant plus concrète et attirante. En se développant, le phénomène bear a en partie absorbé la communauté des hommes gais corpulents (chubby), déjà constituée depuis les années 1970 autour du mouvement Girth and Mirth. Il a ainsi grandi par inclusion, au point que ses limites s’en sont trouvées interrogées : « Bear est un concept si ouvert, qu’en tant qu’étiquette, il accueille et absorbe tous les fantasmes, fétiches, identités et types corporels qui se rapportent au masculin. “Bear” est une formule tout compris (all-inclusive). » (Suresha, 2002 : 80, cité par Hennen, 2008 : 109). Mais d’autres auteurs soulignent que cette inclusivité trouve de sérieuses limites en termes de classe et de race : le phénomène bear concerne en très grande majorité des hommes gais blancs de la classe moyenne (Hennen, 2008 : 112-116).
5Une seconde logique s’inscrit cette fois dans le contexte de l’épidémie d’infection à VIH : la peur associée au stigmate de l’amaigrissement extrême, caractéristique des malades au stade Sida, « […] a contribué à la très grande popularité et au développement [aux États-Unis] de la culture bear à la fin des années 1980 et au début des années 1990, puis à son expansion internationale dans les années qui ont suivi. » (Hennen, 2008 : 108). C’est en effet au début des années 2000 que sont fondés en France des associations et des établissements destinés aux bears [5]. Mais on peut sans doute attribuer à l’association « Santé et plaisir gai », fondée au début des années 1990, une filiation avec les Bear Hugs Meetings qui, à San Francisco, ont organisé dès 1987 des réunions axées sur la dimension sensuelle et érotique de la sexualité sans risque [6].
6Une dernière logique réside dans la manière particulière d’incarner une masculinité bear, construite en opposition à l’efféminement, tout autant qu’à une certaine féminisation du corps gai masculin, véhiculée par les médias identitaires et généralistes. L’identité bear se réaliserait donc en se démarquant à la fois des (drag) queens et des twinks, et en se référant à un idéal de virilité :
En refusant d’incarner la « soumission » ou « l’efféminement », les bears exercent une sorte de capacité d’agir [agency] limitée, dans la mesure où le corps bear est perçu par les hommes hétérosexuels comme à la fois « non hétérosexuel » et « non efféminé. »
8De ce point de vue, cette construction reproduirait la masculinité hégémonique, ou tenterait de la reproduire. Peter Hennen tire de son étude l’idée que l’identité bear concrétise un projet de normalisation paradoxale de l’homo-sexualité masculine :
Clairement, les bears ont produit une tendance vers la normalisation, de même qu’une identification aux hommes hétérosexuels, un mouvement qui pourrait ironiquement perturber profondément la masculinité hégémonique.
10L’identité de genre bear peut aussi être analysée comme une parodie, qui « ne présuppose pas l’existence d’un original, [mais qui porterait] sur l’idée même d’original. » (Butler, 2006 [1990] : 261). Elle serait en l’occurrence une production performative, dans laquelle la masculinité hétérosexuelle hégémonique ferait fonction d’idéal fantasmatique. Selon Peter Hennen (2008 : 120), « [l]a volonté de s’habiller et de s’apprêter comme “un homme, un vrai” frôle le travestissement, mais ne l’atteint jamais vraiment consciemment dans l’esprit typiquement bear. » Une analyse que ne partage pas Daniel Harris, qui comprend l’identité bear comme le produit d’une parodie et d’une performance factice d’une masculinité « naturelle » :
Finalement, l’idéal hirsute de masculinité sauvage est aussi artificiel que l’esthétisme d’une folle modasse [designer queen]. Alors que les Bears prétendent se démarquer de l’allure « non naturelle » des hommes gais urbains, rien ne pourrait être plus opposé à la nature, ni plus urbain et « classe moyenne » que le fantasme bucolique d’un montagnard malodorant en caleçon long, une performance costumée que beaucoup d’homosexuels interprètent aussi sciemment que jadis Marie-Antoinette et sa suite, qui se déguisaient en bergers et en bergères.
12Pour ajouter à la diversité d’interprétation du phénomène bear, le rapport avec l’ours et le monde animal reste peu explicité, bien qu’il soit largement décliné dans cette subculture gaie [7]. Selon l’historien Michel Pastoureau, « [d]epuis des temps immémoriaux, l’ours est dans tout le monde germanique, au nord comme au sud, une créature spécialement admirée. Plus fort qu’aucune autre bête, il est le roi de la forêt et celui de tous les animaux. » (Pastoureau, 2007 : 13). Sur le plan symbolique, l’ours évoque la nature sauvage, mais aussi la force et la domination : d’après d’anciennes croyances, cet animal incarnait en effet une « virilité » violente et brutale, puisque les mâles étaient supposés pouvoir enlever et violer de jeunes femmes. L’ours a fait l’objet de nombreux cultes, il a été une figure divine en Europe germanique, qu’à partir de l’époque carolingienne l’église catholique s’est s’appliquée à combattre et éradiquer, avec succès. Il reste donc peu de choses de la force symbolique originelle de l’ours dans la culture occidentale, si ce n’est sa forme très assagie de jouet en peluche et de héros de contes pour enfants… C’est là une « revanche de l’ours » selon Michel Pastoureau (2007 : 325-332), qui, néanmoins, ne mentionne pas sa résurgence dans la culture sexuelle gaie occidentale contemporaine. Dans le contexte états-unien, les significations symboliques de l’ours dans les cultures natives amérindiennes ne sont jamais évoquées, ce qui tend à souligner que le phénomène bear repose avant tout sur une identité de genre liée à la blanchité.
Une immersion « flottante » en villégiature
13Avec l’expérience qu’un sociologue en vacances ne l’est jamais complètement, j’ai choisi cette destination de vacances en 2013, avec la curiosité de découvrir Sitges (que je ne connaissais pas) et de participer à un rassemblement « d’ours à la plage » (une expérience jamais tentée). Sans m’être inconnue ni indifférente, l’identité bear ne constituait pas un repère personnel et n’avait jusque-là jamais fait l’objet de mes travaux académiques, plutôt consacrés à l’étude sociologique des folles et du camp. D’où, sans doute, mon grand intérêt pour l’une des premières scènes nocturnes données à voir, celle de la rencontre des ours et de Lady Diamond, une artiste travestie très connue localement (j’y reviendrai) ; et ma décision, à ce moment, d’ouvrir un journal de terrain, avec en tête la question du genre dans le contexte de ce tourisme gai. Ayant apprécié ce premier séjour, j’ai renouvelé l’expérience à plusieurs reprises, avec également l’intérêt de compléter mes observations de terrain.
14La méthode est donc ethnographique, en immersion, reposant sur une observation flottante, à l’insu des personnes observées. Cette forme particulière d’observation, décrite par Colette Pétonnet, « consiste à rester en toute circonstance vacant et disponible, à ne pas mobiliser l’attention sur un objet précis, mais à la laisser “flotter” afin que les informations pénètrent sans filtre, sans a priori, jusqu’à ce que des points de repères, des convergences, apparaissent et que l’on parvienne alors à découvrir des règles sous-jacentes. » (Pétonnet, 1982 : 39). Il s’agissait de capter les situations et les interactions prises dans une perspective large, sans délimitation très précise du terrain d’enquête. Les premières observations ont été effectuées entre le 9 et le 15 septembre 2013, à divers moments du jour et de la nuit, aussi bien au cœur du rassemblement bear (l’espace public, le « quartier gai », les établissements commerciaux, les plages…) qu’en situations plus périphériques (d’autres quartiers de la ville, le bord de mer…). Elles ont été complétées à l’occasion de trois autres séjours, en septembre 2014, 2016 et 2017 [8].
15L’ethnographie a été constituée à partir de notes de terrain et surtout de plusieurs centaines de photographies. Elle a été complétée par des éléments de recherche documentaire et par le recueil de données quantitatives sur un site internet de rencontres destiné à des hommes gais s’identifiant comme Bears. Ces données, confidentielles au sens où seul le chercheur y a accès, ont été traitées de manière anonyme (voir encadré).
Des Ours venus principalement d’Europe
Selon le Bears Sitges Club, organisateur de la Bears Week, la fréquentation globale a fortement augmenté entre 2008 et 2014 et s’est depuis stabilisée autour de 5 000 participants. L’échantillon constitué en 2014, 2016 et 2017 sur Internet représente entre 20 % et 30 % de cette affluence attendue et son analyse permet une estimation de l’origine géographique des bears réunis à Sitges.
Les résultats sont presque identiques en 2014 (n = 1 605), 2016 (n = 1318) et 2017 (n = 1 137) : ces hommes résident avant tout en Europe (89 % à 92 % selon les années), puis aux Amériques (5 % à 8 %, États-Unis et Canada principalement), en Afrique, au Proche- et Moyen-Orient (2 %) et en Asie-Océanie (1 %, Australie principalement). Parmi les Européens, environ un tiers réside en Espagne, un quart en France et 15 % en Italie. Viennent ensuite le Royaume-Uni, l’Allemagne, le Benelux et le reste de l’Union européenne (environ 6 % chacun). Les Européens résidant hors UE représentent 3 % et habitent surtout en Suisse. Au total, les données mentionnent 76 pays différents. Cette estimation indique que la participation à la Bears Week est massivement européenne et assez largement locale.
16Les conditions dans lesquelles cette enquête a été réalisée présentent quelques particularités. Il s’agit tout d’abord d’un projet autonome et personnel, qui a pris corps au contact du terrain [9]. Je me suis volontairement placé dans une double situation, celle des loisirs (prendre des vacances) et celle du travail (de recherche). L’arbitrage entre ces deux dispositions n’était pas programmé à l’avance et s’opérait de manière fluide, dans l’instant : je pouvais juger que certaines situations qui se présentaient spontanément méritaient d’être observées attentivement, ou tout autant décider de consacrer un moment à l’observation flottante, sans raison particulière, ou enfin choisir à d’autres moments d’être en vacances, sans aucune préoccupation de recherche. Cette implication « flottante » explique en partie la succession des sessions sur le terrain, réparties sur quatre années.
17Ma posture de recherche se présente d’emblée comme étant située, à l’opposé de toute idée de neutralité axiologique. En tant qu’homme et sociologue ouvertement gai, travaillant sur le genre et la sexualité, mon intérêt pour ce terrain est évident : j’en connais en partie les enjeux, les codes et les conduites, que j’ai déjà abordés dans mes travaux sur les folles, de même que sur la sexualité gaie dans le contexte VIH-Sida [10]. En tant qu’insider à l’aise sur un tel terrain, je souhaitais interroger le phénomène et l’identité bear, notamment en regard de mes précédents intérêts pour l’efféminement et le camp.
18Il s’agit pour finir d’une recherche impliquant la sexualité, celle des acteurs impliqués susceptible d’être observée, et la mienne susceptible d’être mise en jeu sur le terrain. Je n’ai en l’occurrence pas fait mienne la « règle non écrite, non dite, et pour l’essentiel non questionnée » qui, selon Don Kulick, s’impose aux anthropologues : « ne pas » (avoir de sexe sur le terrain ; cf. Kulick, 2011 : § 24). J’ai au contraire tenté de prendre en compte les réflexions de Ralph Bolton (1995), et plus récemment d’Isabelle Clair sur le « tabou méthodologique » que représente la sexualité dans la relation d’enquête (Clair, 2016). En l’occurrence, la Bears Week peut être comprise comme un vaste terrain de jeux sexuels pouvant se dérouler en tous lieux et à tout moment. En étant omniprésente, la sexualité imprègne presque toutes les situations et les interactions et se présente a minima comme éventualité (simples regards, séduction, drague…), comme une connivence (gestes démonstratifs entre partenaires), ou comme un engagement observé ou vécu. Sa prise en compte s’impose alors comme « un paramètre de la situation d’enquête », sans être élevée au rang d’aveu (les situations me concernant ne sont pas systématiquement évoquées). Elle éclaire dans l’ensemble une compréhension des enquêtés et participe dans une certaine mesure d’une stratégie d’enquête, par la simple connaissance des codes de la culture (sexuelle) gaie, qui m’ont facilité l’accès au terrain [11]. Elle n’est pas exempte de difficultés et d’éventuelles complications, comme le souligne avec un certain humour Esther Newton : « Such are the perils of fieldwork. » (Newton, 2000 [1993] : 252).
Des ours en vacances
19Les offres touristiques proposées aux hommes gais sont fort nombreuses en Europe, et notamment en Espagne, où elles se déclinent souvent sur un mode thématique et affinitaire. Durant la saison touristique, des événements sont spécifiquement proposés aux bears, sur un rythme mensuel : un meeting bear à Sitges en mai, une croisière Cruise4Bear au départ de Barcelone en juin, la semaine Bear Pride à Madrid en juillet, la Mad Bear Beach Party à Torremolinos en août, la Bears Week à Sitges en septembre, le rassemblement GuadalkiBear à Séville en octobre… [12] La plupart de ces offres consistent en la prévente de droits d’entrée et de consommations à un prix avantageux dans une sélection d’établissements commerciaux ; elles incluent parfois des propositions de logement, mais les participants restent le plus souvent libres d’organiser leur séjour comme ils l’entendent. Une telle abondance d’offres commerciales suggère qu’une large clientèle potentielle d’hommes gais s’identifient à cette « étiquette » bear [13], quelles qu’en soient la compréhension et les pratiques sociales qu’ils y associent.
20La Bears Week se déroule chaque année, durant la première semaine de septembre, à Sitges, ville située à une quarantaine de kilomètres au sud-ouest de Barcelone. Cette station balnéaire réputée est une destination appréciée des gais et des lesbiennes depuis la transition démocratique des années 1970, voire depuis les années 1930, comme l’affirme un panneau vu sur l’une des plages naturistes. Organisée par l’association Bears Sitges Club [14], l’événement attire plusieurs milliers d’hommes venus principalement d’Europe (voir encadré). Il ne s’agit pas d’un séjour structuré ou fermé, mais plutôt d’un événement que les hommes fréquentent à leur guise ; si certains sont assidus du premier au dernier jour, beaucoup d’autres sont de passage :
Il est environ minuit, le Bear’s Bar est bondé comme tous les soirs. Les clients boivent beaucoup et reprennent en chœur les chansons populaires que passe le DJ […] Je rencontre Pablo [15] dans la backroom. Dans le bestiaire des ours, ce serait une « loutre polaire », il est mince, velu, barbu, cheveux et poils gris clair. Nous passons un moment ensemble. [Puis] nous revenons au bar prendre un verre. Il me dit qu’il est venu pour la soirée, qu’il ne sait pas s’il pourra revenir demain, et me propose de rentrer avec lui à Barcelone, où il vit. Je décline son invitation, je préfère rester à Sitges. Avant de partir, il me donne une accolade en m’embrassant et en me caressant le dos et la tête, un bear hug dans les règles de l’art !
Je rencontre Tim sur la plage de Balmins, ou plutôt dans l’eau. Le rituel est bien rôdé, quelques regards appuyés, un ou deux sourires et nous nous rapprochons. Nous jouons un moment […] Puis Tim me dit qu’il doit rejoindre son mari sur la plage et nous regagnons lentement le rivage en continuant à discuter. Il m’explique qu’ils sont en voyage de noce en Europe, qu’ils ont visité plusieurs villes d’Espagne et qu’ils doivent prendre l’avion tard ce soir pour Londres. Ils feront ensuite une longue croisière avant de regagner l’Australie, où ils habitent. Dans leur périple, ils n’auront passé qu’une seule nuit à Sitges.
23Schématiquement, la Bears Week se déploie sur quelques plages le jour et dans le quartier gai habituel de la ville la nuit (une zone assez délimitée d’établissements identitaires). Il s’agit d’un événement festif, il ne s’y déroule aucune forme d’expression ou de manifestation communautaire ou militante visible. C’est aussi une forme de tourisme sexuel : les occasions de rencontres et d’interactions sont en effet permanentes, dans les espaces publics (lieux de drague, plages) et les établissements où les échanges sexuels sont possibles (un sauna, plusieurs sex clubs).
Les plages : une construction du « naturel »
24Durant la Bears Week, la plage gaie habituelle (Platja de la Bassa Rodona) de la ville tient lieu de plage « officielle » des bears. Elle est très fréquentée pendant la journée.
En cette fin d’après-midi, la « plage des ours » est bondée, uniquement occupée par des hommes. Les transats, installés face à la mer en rangées serrées sont presque tous occupés. D’autres hommes sont installés sur la bande de sable laissée libre le long du rivage. Cette foule dense discute en de multiples langues, s’apostrophe, circule, et accessoirement se baigne. Les corps se montrent, plus ou moins bronzés, tatoués, opulents, musclés, poilus, sur un patchwork de couleurs vives (les maillots, les serviettes…). L’impression générale est bourdonnante, joyeuse, assez « bon enfant ».
26Sitges offre également l’attrait de plages naturistes. Facile d’accès et proche, à l’est du centre-ville, la Platja dels Balmins est également très fréquentée.
Cette année, la plage est littéralement bondée, peut-être parce que la marée montante limite encore plus l’espace disponible en ce milieu d’après-midi. De loin, la foule paraît compacte et il semble ne plus y avoir le moindre espace libre. Beaucoup d’hommes dans l’eau également, ils ont l’air de flotter en groupes, sans beaucoup nager. L’affluence est particulièrement dense autour du bar, au bout de la plage, là où se trouvent aussi les transats à louer, tous occupés.
28À l’opposé, vers l’ouest, la plage de la Desenrocada est bien plus éloignée et difficile d’accès, plus sauvage aussi.
En longeant la mer, il faut marcher au-delà des plages et du quartier Terramar, longer le terrain de golf et passer devant l’Atlantida, une discothèque jadis réputée pour ses soirées gaies, aujourd’hui à l’abandon. Il faut continuer à pieds, sur un chemin pierreux qui suit la crête des falaises de Garaff, entre la mer et la voie de chemin de fer. La plage est signalée de loin par un drapeau gai et on accède à cette petite crique par un chemin en pente. Un panneau annonce qu’il s’agit de la première plage gaie du monde, depuis 1930… Même en pleine nature, il y a une buvette et un loueur de transats et de parasols, mais l’effet est moins policé que sur la plage urbaine, ici les transats sont disposés au hasard des arrivées. Il n’y a que des hommes, presque tous nus, seuls, en couples ou en groupes. La relative difficulté du trajet (45 minutes de marche en plein soleil) en rebute probablement certains (comme me l’a dit l’un d’entre eux à l’hôtel hier). Il fait très chaud ici, beaucoup d’hommes se baignent. Les corps s’exposent sans ostentation, les conversations vont bon train… Il y a un flux incessant entre la plage et la buvette. En traversant la voie de chemin de fer, on accède une vaste zone boisée qui sert de lieu de drague et de rencontres sexuelles.
30Pendant la journée, les plages offrent un cadre « pseudo naturel » au regroupement et à l’exposition des corps bear. Ce sont en fait des extensions de l’espace urbain, aménagées, marchandisées et soigneusement entretenues [16]. Les hommes s’y montrent de manière aussi peu « naturelle » que l’est en fait l’espace qu’ils investissent et qu’ils transforment en le sexuant et en le sexualisant (la plage et la frange littorale dévolue à la baignade). L’observation d’ensemble de ces groupes compacts en bord de mer donne une impression d’uniformité, accentuée par la (quasi-)nudité : une foule d’hommes blancs, adultes et matures, plus ou moins corpulents, le plus souvent barbus. En plan plus rapproché, au milieu de la foule, l’uniformité se fait moins évidente et une certaine diversité se dégage : il y a aussi quelques hommes non blancs, d’autres très jeunes ou au contraire très âgés, des hommes minces, élancés, musclés, d’autres encore imberbes ou glabres… Comme l’a suggéré Peter Hennen, la conformité des corps à un idéal bear – l’expression d’une masculinité blanche « épanouie » et « naturelle » – s’avère à la fois relative et inclusive.
31La présentation et la mise en scène des corps traduisent cependant cet idéal de manière performative. Beaucoup d’hommes se tiennent debout en groupe, au bord de l’eau ou autour de la buvette, ils discutent, plaisantent, se touchent, se caressent et s’embrassent parfois, dans une posture décontractée et néanmoins étudiée, le plus souvent bien droits et « plantés » sur le sable, jambes légèrement écartées. Ils parlent fort, n’ont pas l’air de « poser », mais s’exposent aux regards qui pourraient les apprécier (photo 1). À l’opposé d’une image voulue sans affectation, on peut observer des barbes et des cheveux taillés avec précision, des corps sculptés par la musculation. La plupart des hommes portent des tatouages de tous styles, formes et tailles, avec une prédilection pour des ornements monochromes rappelant le style modern primitives des années 1990 (Vale & Juno eds, 1989). Les piercings visibles sont plus rares, de même que les bijoux, à l’exception de quelques chaînes et montres volumineuses. Même sur les plages naturistes, le port du maillot de bain semble suivre un code et un effet de mode.
Photo 1 – Postures typiques d’hommes en conversation sur la plage naturiste de Balmins
Photo 1 – Postures typiques d’hommes en conversation sur la plage naturiste de Balmins
Sur la plage de Balmins, je note un changement cette année : il semble que le naturisme soit moins pratiqué, sans que le règlement de la plage ait apparemment changé. Beaucoup d’hommes portent un short, un caleçon ou un slip de bain, toutes les couleurs et les formes étant admises, à l’exception des strings, et à condition de figurer le logo bien visible d’une marque de sport ou de mode masculine, qui tiendrait lieu de signe de distinction de culture et de classe. Le rituel vestimentaire paraît parfois subtil, certains mettent leur maillot pour se baigner, l’enlèvent pour bronzer, le remettent pour déambuler, se doucher ou aller au bar, sans qu’il s’agisse d’une règle absolue. Une partie des hommes restent fidèles au naturisme dans toutes leurs activités, d’autres ne se dénudent jamais. Une scène exceptionnelle se déroule aujourd’hui : je remarque un homme très efféminé, qui se tient au bar de la plage avec un groupe de bears. Il porte un string, une sorte de déshabillé très léger et ce qui ressemble à un chapeau de paille. Il semble très à l’aise, de même que les hommes avec qui il discute en buvant un verre.
33Les pratiques sexuelles restent relativement discrètes à la plage et se limitent à des gestes sensuels, parfois des activités ludiques.
C’est la fin d’après-midi, il y a beaucoup moins de monde sur la plage. Je remarque non loin un groupe d’une dizaine d’hommes, qui se tiennent debout en cercle. Je ne distingue pas immédiatement ce qu’ils font, mais je finis par comprendre : ils se montrent leurs sexes et les comparent ! Un « concours de bites », pour le dire prosaïquement, comme pourraient le faire des adolescents. Ils ont l’air de beaucoup s’amuser…
35L’impact de la Bears Week et de l’affluence des participants sur ces quelques plages est flagrant. En donnant une « impression de nature » (la plage, la mer, les corps dévêtus), ces espaces qui prolongent la ville se trouvent en réalité reconfigurés en termes de genre, de classe et de race. Ils sont avant tout totalement sexués et sexualisés, occupés par des hommes qui rendent visible leur homosexualité par leurs attitudes et leurs pratiques sensuelles démonstratives. La présence de femmes ou de transgenres y est exceptionnelle, sans pour autant faire l’objet d’un quelconque rejet lorsqu’elle est effective. Les plages servent de théâtre à la représentation performative d’une virilité donnée pour « ordinaire », essentiellement blanche et, par de nombreux signes, aisée.
36Un certain second degré reste cependant perceptible, matérialisé par l’expression fugace de références au camp : un geste, une posture, un déhanchement, une intonation, un dialogue au féminin… La mise à distance de l’efféminement, qui caractérise l’identité bear selon Peter Hennen (2008 : 117), admet ici quelques exceptions. Le camp, comme art de la parodie et de l’imitation, introduit un décalage (auto)critique fondé sur l’humour et suggère que l’affirmation virile peut aussi relever d’une performance. C’est aussi une référence majeure de la culture homosexuelle, un lien social entre pairs (Newton, 1979 ; Le Talec, 2012), qui peut contribuer à développer ou renforcer la « dimension communautaire » de ce rassemblement d’hommes bear, même de manière discrète.
La Bear Zone, un espace de convivialité sensuelle et sexuelle
37En fin d’après-midi, lorsque le soleil décline, les plages se vident progressivement. Les bears se retrouvent en début de soirée, à l’étape suivante de leur parcours : la Bear Zone et son épicentre, le bar El Horno (photo 2).
Photo 2 – Début de soirée Carrer de Joan Tarrida, devant le bar El Horno, au cœur de la Bear Zone
Photo 2 – Début de soirée Carrer de Joan Tarrida, devant le bar El Horno, au cœur de la Bear Zone
La Carrer de Joan Tarrida est une rue assez étroite, longue d’une centaine de mètres environ, qui relie la Carrer Bonaire à la Plaça Industria. Elle passerait presque inaperçue en journée, mais à l’heure de l’apéritif, le grondement de la foule attire l’attention. Plusieurs centaines d’hommes occupent l’espace, debout en rangs serrés, un verre à la main, devant El Horno et les quelques bars alentour. Sur la place, la foule qui déambule s’éclaircit un peu, mais les terrasses qui en bordent les quatre côtés sont bondées.
39Cette foule fluctue de manière plus ou moins dense tout au long de la nuit, jusqu’à la fermeture des principaux bars, puis des (sex-) clubs. Les hommes circulent et dînent dans l’ensemble du quartier gai. Dès que l’on s’éloigne de l’axe de la Carrer Bonaire et des rues adjacentes (la Bear Zone), ils se font un peu plus rares, mais leur présence reste visible dans tout le centre-ville. La cohabitation avec les résidents et les touristes (qui sont encore nombreux en septembre) ne semble poser aucune difficulté, ni causer la moindre friction.
Il est près de minuit, les bears s’apprêtent à sortir après le dîner. Je marche dans les rues du centre, en m’éloignant un peu de la Bear Zone. Dans la Carrer Parellades, les touristes sont encore très nombreux, ils se promènent ou occupent les terrasses. Deux hommes se dirigent tranquillement vers la Bear Zone, habillés de manière presque semblable : brodequins militaires, short noir, torse nu avec un harnais en cuir. Une vraie « tenue de combat » pour la soirée ! J’observe que leur passage ne suscite aucun émoi, aucun regard désapprobateur, ni même d’attention appuyée de la part des piétons qu’ils croisent ou des touristes attablées en terrasse.
41D’autres scènes comparables ont été observées à plusieurs reprises. La sexualisation de l’espace public et l’affirmation visible de l’expérience minoritaire semblent aller de soi dans le contexte particulier de la Bears Week, et plus largement à Sitges, où les événements liés à la culture gaie sont nombreux chaque année. Jusqu’au petit matin, les bears circulent ainsi sans contrainte particulière entre les pôles d’attraction nocturne : la Bear Zone et ses bars, le Bear Village (une discothèque en plein air, installée sur la promenade en bord de plage au niveau de la Carrer Bonaire), puis plus tard les boîtes de nuit et les sex-clubs du quartier gai, sans oublier la zone de drague un peu plus éloignée, sur la plage.
42L’impression d’uniformité que dégage cette foule masculine reste forte, comme sur les plages, mais là aussi l’observation plus rapprochée révèle une plus grande diversité encore et de multiples variations de « l’idéal bear ». Beaucoup d’hommes sont vêtus de manière décontractée, short et T-shirt ou débardeur (sur lesquels l’animal ours, son empreinte stylisée, ou le mot bear figurent souvent), mais d’autres choisissent des tenues plus stylisées (kilts, tenues de sport, dandy…) ou s’inscrivent dans le registre des cultures BDSM (cuir, latex), qui constitue la marge la plus visible du phénomène bear.
43L’ambiance est conviviale dans la rue, la plupart des hommes discutent en groupes et expriment une proximité physique démonstrative : ils se serrent dans les bras (bear hug), se tiennent par l’épaule, se touchent, se câlinent (cuddling), se caressent les poils (nuzzling), ou s’embrassent. Ces marques de sensualité et d’érotisation du corps seraient l’un des traits caractéristiques de « l’identité » bear (Hennen, 2008 : 130). Elles témoignent aussi d’une aisance collective et d’une volonté de visibilité homosexuelle.
44Avec l’avancée de la nuit, la circulation des corps s’intensifie dans la Bear Zone, les bars, les clubs. L’énergie sexuelle devient plus prégnante, désinhibée par la consommation d’alcool [17]. Les différents lieux où l’activité sexuelle est possible ne désemplissent pas jusqu’à leur fermeture. Dans les backrooms, l’ambiance et les pratiques sexuelles, dans la mesure où elles sont observables (Bozon, 1995), ne semblent pas différentes de ce que l’on peut constater habituellement dans de tels endroits. En d’autres termes, rien n’indique que les bears aient une activité sexuelle spécifique, au-delà des gestes sensuels précédemment décrits.
45Il reste à mentionner que dans les lieux de sexe, comme dans l’ensemble de la Bears Week, rien ne vient rappeler les enjeux relatifs à la santé sexuelle, ce qui relève en partie du contexte local, mais tient aussi aux choix des organisateurs : la brochure officielle de la Bears Week ne contient aucun message de prévention ou de réduction des risques ; seul y figure le logo d’une association d’hommes gais séropositifs à Barcelone, sans plus d’information [18]. Le lien précédemment évoqué entre le développement du phénomène bear et l’épidémie de Sida semble ici totalement rompu, signe sans doute que les temps ont changé et que les représentations de l’infection à VIH ont profondément évolué dans la population gaie.
Performances nocturnes
46Lady Diamond est une artiste travestie connue en Grande-Bretagne et à Sitges, où elle se produit chaque année durant la saison touristique. Pendant la Bears Week, elle chante notamment à la terrasse du restaurant Parrots, au cœur de la Bear Zone (photo 3). Alors que les clients terminent leur dîner, elle apparaît vers 23 heures en full drag et enchaîne un répertoire de « tubes » de variété, bien connus dans la culture gaie (« Parfois, mes interprétations prennent une tournure un peu paillarde, quand je chante mes propres paroles sur des airs populaires » [19]). Son tour de chant live est entrecoupé de petits sketchs et d’interactions taquines avec son public. Ce spectacle s’inscrit dans la pure tradition du drag show, mais c’est aussi techniquement un spectacle de rue, dans la mesure où les nombreux passants de la Carrer Joan Tarrida peuvent aussi s’arrêter un moment et profiter du spectacle.
Photo 3 – Annonce du spectacle travesti de Lady Diamond, devant le restaurant Parrots, pendant le Bears Week
Photo 3 – Annonce du spectacle travesti de Lady Diamond, devant le restaurant Parrots, pendant le Bears Week
Ce soir, je suis pile à l’heure pour le tour de chant de Lady Diamond au Parrots. La terrasse du restaurant est comble, des bears en majorité, mais il y a aussi quelques tables de touristes « ordinaires » semble-t-il. Je me place dans la rue, adossé au mur qui fait face à la terrasse ; il y a déjà là quelques hommes qui ont eu la même idée… Le flot de piétons qui emprunte cette petite rue est toujours dense. Alors que la Lady entame ses premières chansons, vite reprises en chœur par les dîneurs attablés, je note qu’une partie des passants s’arrêtent, se rangent aussi le long du mur, et se mettent à fredonner les refrains connus. Ils ont l’air ravis, ils rient aux plaisanteries de la Lady. D’autres hommes, en revanche, passent sans s’arrêter ni jeter un regard et s’écartent à peine de leur chemin pour éviter l’artiste. La Lady est pourtant imposante dans sa robe longue, avec son immense perruque blonde ! Pour ces marcheurs pressés, on dirait que ce show est invisible, ou plus exactement qu’ils ne veulent pas le voir et qu’ils ne portent aucun intérêt à ce spectacle drag (peut-être l’ont-ils déjà vu à plusieurs reprises). Ils manifestent une indifférence explicite, sans toutefois exprimer de réprobation ou perturber le spectacle dans la rue. Ce ne sont finalement pas les plus nombreux : à mesure que Lady Diamond déroule son tour de chant, de plus en plus de bears s’arrêtent et viennent grossir le groupe de spectateurs, debout face à la terrasse. Ils forment un second public dans le dos de l’artiste, bientôt presque aussi nombreux que les spectateurs assis, auxquels s’adresse principalement la Lady. Celle-ci ne l’ignore pas, elle se retourne régulièrement à demi et répond aux applaudissements de ce public « parallèle » par un sourire, un clin d’œil ou un commentaire cabotin.
48Cette scène avait retenu mon attention lors de mon premier séjour en 2013 et je l’ai par la suite observée chaque année. Dans sa forme particulière d’un classique drag show de cabaret transposé dans la rue, le spectacle travesti de Lady Diamond injecte littéralement une dose de camp dans l’espace nocturne de la Bear Zone. L’observation des réactions spontanées des hommes confrontés à cette situation indiquent moins une mise à distance, matérialisée par un désintérêt marqué, qu’une connivence amusée, voire enthousiaste, avec une performance de genre fondée sur la parodie et l’humour. Ce que provoque le ressort spectaculaire de l’imitation et du camp [20] fait écho aux signes fugaces déjà constatés sur la plage : un certain second degré et un décalage performatif dans l’affirmation d’une virilité « naturelle ».
49Ces références à la culture camp sont d’ailleurs présentes tout au long de la Bears Week. D’autres établissements proposent des performances travesties et, en début de soirée, lorsque la Bear Zone est bondée, les artistes drag queens déambulent dans la foule des bears pour faire la publicité de leur spectacle. Là encore, les interactions sont sympathiques et parfois l’occasion de surjouer les « rôles de sexe » [21] et le contraste féminin/masculin. Une dernière observation va dans ce sens et illustre la possibilité d’un jeu sur la performance de genre.
Je passe la soirée avec Miguel, que j’ai rencontré la veille (il vit à Saragosse et profite du week-end à Sitges, chez des amis). La soirée est bien avancée et nous décidons d’aller faire un tour au Bear Village, la boîte de nuit en plein air installée sur la promenade qui longe la plage. Le podium central du DJ domine la piste de danse, il est flanqué de deux longs bars. Comme partout, c’est la foule, il faut faire la queue pour commander un verre, les clients se parlent en patientant dans la bonne humeur. Je laisse Miguel un moment avec ses amis et je vais sur la piste de danse. L’impression d’uniformité y est plus présente, beaucoup de danseurs sont torse nu ou portent juste un harnais. Je vois deux jeunes femmes, lesbiennes, qui se tiennent par l’épaule et qui évoluent dans la foule. Elles sont habillées d’une chemise, bleue unie pour l’une et à grands motifs floraux pour l’autre. Elles portent surtout chacune une moustache postiche, imposante et noire pour la brune, plus courte et jaune pour la blonde. Elles ont l’air de beaucoup s’amuser avec ce déguisement minimaliste qui interpelle les bears qu’elles croisent : ils rient, leur font des signes, prennent des photos avec leur téléphone, les embrassent. Je continue d’observer un moment les interactions avec les deux « drag kings », à aucun moment les hommes n’ont l’air de se sentir moqués ou ridiculisés par cette parodie « macho », au contraire, ils semblent en apprécier l’humour. Je n’observe en tous cas aucun signe de désapprobation ou d’hostilité. Alors que les deux jeunes femmes quittent la piste de danse et se dirigent vers le bar, je rejoins Miguel et lui raconte l’anecdote.
51Cette scène indique que la virilité bear est incarnée de manière suffisamment distanciée pour que la performance de femmes lesbiennes « moustachues » soit perçue avec humour, en quelque sorte comme la parodie d’une parodie. Il ne s’agit pas dans ce cas d’une imitation de la « féminité », telle que la figurent les drag queens et la Lady, mais d’une performance genderfuck « ayant recours à des technologies queer de production de la masculinité » (Bourcier, 2017 : 110), une lecture qui pourrait s’appliquer aux bears eux-mêmes et à leur performance de la masculinité. En outre, la seule présence de ces deux femmes « remarquables » et remarquées met en relief et, en quelque sorte, rend visible et évidente la non-mixité de la foule rassemblée pour danser, une dimension constante de l’occupation de l’espace public, donnée comme allant de soi. De fait, les femmes (cis ou trans) sont très peu présentes dans les lieux investis par les bears, à la plage comme en ville.
La Bears Week, un théâtre du genre
52L’observation prolongée du rassemblement international de la Bears Week à Sitges permet de préciser, dans ce contexte, quelques aspects du phénomène bear européen. Cet événement repose sur un socle que l’on peut qualifier d’identitaire ou de communautaire : le Bears Sitges Club, une association locale qui en assure l’organisation. Mais il s’agit aussi, et sans doute avant tout, d’un projet commercial, dont les retombées économiques bénéficient à toute la ville (hébergements, restauration, commerces…), ce que souligne le soutien officiel de la municipalité, de la guilde du tourisme et de la police locale et provinciale. Un immense calicot, affiché sur le front de mer non loin du Bear Village, vient d’ailleurs rappeler que la ville accueille la Bears Week…
53Il serait donc plus adéquat de considérer l’événement comme une entreprise économique « à dimension identitaire », d’autant qu’elle se résume à la proposition d’un séjour touristique, festif et sexuel. Les manifestations qui pourraient être qualifiées de communautaires, telles que l’entraide, les rencontres informatives ou réflexives, les activités militantes ou politiques en sont absentes.
54Pour autant, les participants font-ils, ou pensent-ils faire communauté en se retrouvant à Sitges, en concrétisant ainsi une « communauté bear » européenne et internationale ? L’effet de groupe y contribue sans aucun doute et le rassemblement repose sur « l’appropriation » d’espaces propres, rendus non mixtes de manière quasi exclusive, sur quelques plages et quartiers de la ville, de jour comme de nuit. Ces espaces, assez localisés, sont transformés, sexués et sexualisés, et fonctionnent comme des hétérotopies genrées (Foucault, 2001), dans lesquelles la logique minoritaire se trouve inversée. Au-delà de ces espaces précisément situés, les participants ont en commun de mettre en scène un coming out permanent et joyeux, à l’opposé de toute discrétion, en donnant à voir des interactions explicites (contacts, caresses, baisers, hugs), qui démontrent une proximité amicale, affective, sensuelle, sexuelle ou amoureuse. L’exhibition corporelle va de soi, sur les plages ou dans la rue. Ces hommes peuvent évoluer en toute visibilité, être reconnus pour ce qu’ils sont (des « touristes gais ») et finalement être intégrés à la ville, de manière apparemment consensuelle, sans friction ni conflit avec les résidents ni avec les autres estivants.
55Pour le moins, l’ensemble de ce contexte et de ces pratiques contribue à entretenir chez les participants un élan collectif, voire à constituer ce qui ressemblerait une communauté informelle et éphémère, le temps de la Bears Week. D’autres données seraient nécessaires pour approfondir la compréhension du « sens communautaire » que les bears attribuent à ce rassemblement. À l’évidence, pour certains, la « communauté bear » correspond à une réalité qu’ils vivent et à laquelle ils adhèrent, si l’on se fie aux signes visibles qu’ils en donnent (par exemple, les associations dont ils portent le nom et le logo sur leurs T-shirt). Pour d’autres, la question se pose.
56Comment s’articulent ce « sentiment communautaire » et les dimensions identitaires du phénomène bear majoritairement européen observé à Sitges, en regard des propositions et des analyses publiées dans la littérature états-unienne ? Une première hypothèse suppose une double rupture, avec le stigmate de l’efféminement, d’une part, et avec le profil féminisé de l’homosexuel médiatique, d’autre part. Une seconde hypothèse avance l’idée d’une identité inclusive, à partir d’un socle constitué par un idéal performatif d’une virilité blanche et mature, conforme à l’ordre du genre et assortie d’une « idée de nature ». Si les données d’observation donnent effectivement l’impression qu’un tel socle opère une « attraction » identitaire, elles indiquent aussi que ce modèle admet une plus ou moins grande part de diversité, en termes d’âge, d’origine ethnique, de constitution physique (corpulence, musculature, pilosité…) et de présentation de soi. Elles suggèrent que le processus identitaire procède moins d’une idée d’inclusion, à partir d’un idéal-type précisément défini, que d’une forme d’exclusion floue par les marges, selon un principe de « ni/ni ». Un bear ne serait ni vraiment un « musclor » (un culturiste acharné), ni vraiment un clubbeur (un hunk abonné aux Circuit parties et aux afters), ni vraiment un twink (un gai branché, une image de magazine gai), ni vraiment une diva (efféminé, drag queen), ni vraiment un queer (explorant les infinies possibilités d’un système de genre non binaire)… Mais il pourrait être un peu de ceci ou cela, selon le moment et l’opportunité, tout en étant à la base un « mec ordinaire ».
57Plusieurs registres d’observations éclairent la compréhension de cette « masculinité bear », inscrite selon Peter Hennen dans une logique de normalisation paradoxale (Hennen, 2005 : 130). L’occupation de l’espace public sur un mode de non-mixité, « naturellement » construite et imposée comme allant de soi, peut être comprise comme une pratique de genre hégémonique. Mais la visibilité gaie, fondée sur une homosocialité démonstrative, affectueuse, sensuelle et sexuelle, représentée dans les mêmes espaces comme allant tout autant de soi, produit deux effets : elle dévalue partiellement la réalisation d’une hégémonie hétéronormée, et neutralise simultanément le rapport de subordination à cette même hégémonie (Connell, 2014 : 75). Les pratiques de genre observées produisent donc une configuration hybride, propre à la masculinité bear, à la fois de complicité et d’insubordination, qui réalise partiellement un projet de normalisation de la masculinité gaie, par un processus d’identification subversive à la référence hégémonique.
58L’observation des scènes d’interaction avec des personnages travestis, drag queens ou drag kings, soulignent une certaine connivence, une reconnaissance de la dimension imitative et parodique du genre [22]. Dans cette perspective, l’idéal performatif de la masculinité bear serait aussi l’objet de performance, au moins chez certains hommes, à certains moments. De même que la distance à l’efféminement et au camp paraît assez relative dans le contexte de la Bears Week, la conviction d’incarner un modèle ontologique d’« identité stable » peut sembler tout aussi relative. La proposition de Judith Butler prend ici tout son sens :
L’effet du genre est produit par la stylisation du corps et doit être compris comme la façon banale dont toutes sortes de gestes, de mouvements et de styles corporels donnent l’illusion d’un soi genré durable. Cette façon de formuler les choses extrait la conception du genre d’un modèle substantiel de l’identité au profit d’une conception qui le voit comme une temporalité sociale constituée.
60À cette notion de temporalité, s’ajoute aussi celle de localité :
[…] si le camp est bien une esthétique de la performance, ce n’est pas au sens, maniériste, du prodigieux, mais à celui, approximativement linguistique, de l’interlocution : le camp est indissociable de son théâtre d’énonciation […]
62Le rassemblent de la Bears Week ne tient finalement ni d’une manifestation communautaire ni d’une mobilisation fondée sur une identité. Il s’agit plus d’une « convergence collective » autour d’un « sentiment identitaire » et d’un projet commun de loisirs touristiques, festifs et sexuels, ce qui fait sans doute son succès. La Bears Week plante surtout le décor d’un théâtre du genre précisément situé dans le temps et dans l’espace, où se jouent de multiples performances d’une forme de masculinité qui s’invente, entre hommes gais majoritairement blancs, mûrs et aisés. Tout en se référant à un « idéal hégémonique » de sexe, de classe et de race, ces hommes se placent dans une configuration d’insubordination démonstrative. Ils ne renoncent pas à l’héritage et aux ressources du camp, qu’ils mobilisent à divers degrés en tant que lien social et subculture partagée, au moins sur un mode de connivence performative. De ce point de vue, le phénomène bear européen observé à Sitges serait peut-être moins rigide, en quelque sorte plus genderfuck que son modèle états-unien, tel qu’il est du moins décrit dans la littérature. Cette hypothèse mériterait d’être approfondie en poursuivant ce travail de recherche, sur d’autres terrains et dans d’autres contextes. De plus, la dimension générationnelle du phénomène bear, peu explorée dans cette recherche, peut faire écho à l’histoire collective des babyboomers gais occidentaux, qui ont à la fois connu et traversé la « libération gaie » des années 1970-1980, puis la crise du Sida des années 1980-1990. Dans cette perspective, les configurations de pratiques de genre associées au style bear, et leur éventuel potentiel de normalisation, pourraient prendre des significations individuelles et collectives plus diverses et nuancées, qui restent à investiguer plus précisément.
Bibliographie
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Mots-clés éditeurs : hommes, homosexualité, masculinité, culture gaie, genre
Date de mise en ligne : 10/06/2019.
https://doi.org/10.3917/lhs.208.0117Notes
-
[1]
Centre d’étude et de recherche Travail Organisation Pouvoir ; Université Toulouse – Jean Jaurès, Maison de la Recherche, bâtiment B26, 5 allée Antonio Machado, F-31058 Toulouse Cedex 9.
-
[2]
Il existerait toutefois une déclinaison lesbienne du terme : ursula (« ourse »).
-
[3]
Pour une définition de twink, voir www.urbandictionary.com.
-
[4]
En France, les revues Arcadie et Juventus stigmatisaient l’efféminement, de même que la Mattachine Society aux États-Unis (cf. Jackson, 2009 : 147-150).
-
[5]
Le bar Le Bears Den ouvre à Paris en 1999 et l’association Les Ours de Paris est créée en 2000.
-
[6]
L’association « Santé et plaisir gai » organisait à Paris et en régions des Jack off parties, avec le même objectif, sans toutefois afficher d’identité bear.
-
[7]
Certaines spécificités du type général bear sont également désignées par des noms d’animaux : par exemple cub (ourson, jeune bear), polar bear (ours blanc, aux cheveux et poils gris ou blancs), grizzly (bear très poilu et massif), otter (loutre, bear mince et poilu), panda (bear d’origine asiatique), etc.
-
[8]
Ces séjours se sont déroulés du 2 au 9 septembre 2014, du 4 au 11 septembre 2016 et du 4 au 10 septembre 2017.
-
[9]
Ce projet a été formulé lors d’un premier séjour à Sitges en 2013, puis affiné à l’occasion des séjours suivants. Il ne répond à aucun appel ou dispositif de soutien de la recherche et a été entièrement autofinancé.
-
[10]
Pour les plus récents, Le Talec, 2013a et 2013b ; Linard & Le Talec, 2016.
-
[11]
Comme l’indique Isabelle Clair (2016 : 64), le fait d’occuper « une position plus ou moins dominée dans l’espace académique, dans la profession de sociologue, dans les ordres hiérarchiques organisés par le genre et la sexualité, mais aussi la classe, l’âge et la race » aurait pu plaider pour « mutisme sur la sexualité ». Je n’ai pas choisi cette option, considérant que le mal, en la matière, était déjà fait…
-
[12]
Ces différentes annonces d’événements peuvent être consultées à partir du site Gayiberia. URL : http://gayiberia.com/gay-events-in-spain/ (consulté en mai 2017).
-
[13]
Une étiquette associée à l’homosexualité comprise comme déviance. Cf. Becker, 1985 [1963].
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[14]
Fondée en 2001 et officiellement intitulée Asociación Gay de Osos, Chubby, Maduros y Admiradores Bears Sitges, BSC organise chaque année deux événements en lien avec la ville : l’International Bears Meeting début mai et l’International Bears Sitges Week début septembre. URL : http://bearssitgesclub.org/
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[15]
Tous les prénoms ont été modifiés.
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[16]
Ce qui diffère d’autres dispositifs de plages, décrits par Yves Raibaud (2012).
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[17]
À l’exception du cannabis, l’usage d’autres substances psychoactives n’a pas été directement observé, mais il est très probable, puisque des dealers, postés à certains endroits stratégiques de la Bear Zone, m’en ont proposé à plusieurs reprises.
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[20]
« Il serait sans doute superflu d’ajouter que toutes les problématiques de l’imitation appartiennent au camp. Si l’on oppose, comme on le fait souvent, imitation à reproduction et répétition, on dira que la répétition est inférieure en camp à la reproduction qui l’est elle-même à l’imitation. » (Mauriès, 1979 : 45).
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[21]
L’expression sex role est utilisée dans le contexte du travestissement par Esther Newton (1979 : 109).
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[22]
Une hypothèse déjà abordée par des auteurs précédemment cités.