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Article de revue

Le mouvement des femmes de l'Irak post-Saddam

Pages 223 à 244

Notes

  • [1]
    Nadje Sadig AL-ALI, Iraqi Women : untold stories from 1948 to the present, Zed Books, 2007 ; Yasmin Husein AL-JAWAHERI, Women In Iraq : The Gender Impact of International Sanctions, I.B.Tauris, 2008.
  • [2]
    Saddam HUSSEIN, Social and foreign affairs in Iraq, Londres, 1979, p. 16.
  • [3]
    Yasmin Husein AL-JAWAHERI, Women In Iraq : The Gender Impact of International Sanctions, op. cit.
  • [4]
    Ibidem ; Marion FAROUK-SLUGLETT, « Liberation or Repression ? Pan-Arab Nationalism ant the Women’s Movement in Iraq », in Derek HOPWOOD, Habib ISHOW, Thomas KOSZINOWSKI (eds.), Iraq : Power and Society, Ithaca Press, St. Antony’s College, Oxford, 1993.
  • [5]
    Nadje Sadig AL-ALI, Iraqi Women : untold stories from 1948 to the present, op. cit. ; Yasmin Husein AL-JAWAHERI, Women In Iraq : The Gender Impact of International Sanctions, op. cit. ; Noga EFRATI, « Productive or reproductive ? The roles of Iraqi Women during the Iraq-Iran War », Middle Eastern Studies, vol. 35, n° 2, 1999, p. 27-44 ; « Negotiating rights in Iraq : Women and the Personal Statuts Law », Middle East Journal, vol. 59, n° 4, 2005, p. 575-595.
  • [6]
    Citation d’une enquêtée.
  • [7]
    Nadje Sadig AL-ALI, Iraqi Women : untold stories from 1948 to the present, op. cit. ; Yasmin Husein AL-JAWAHERI, Women In Iraq : The Gender Impact of International Sanctions, op. cit. ; Noga EFRATI, « Productive or reproductive ? The roles of Iraqi Women during the Iraq-Iran War », op. cit. ; Marion FAROUK-SLUGLETT, « Liberation or Repression ? Pan-Arab Nationalism ant the Women’s Movement in Iraq », op. cit.
  • [8]
    Elle a bombardé les infrastructures civiles, les aménagements pétroliers, les pipelines de pétrole et les raffineries, les stations d’énergie électrique, les réseaux de transport et de télécommunication, les usines de traitement et les canaux de distribution de l’eau, les plantes fertilisées, les plantes alimentaires, les entrepôts de nourriture, les industries métallurgiques, les ponts, les hôpitaux, les entrepôts, les implantations industrielles, les sites d’irrigation et les immeubles civils. Dégâts évalués à 232 milliards de dollars.
  • [9]
    Comparaison de Parker PAYSON, décrivant les chiffres du Pentagone et du Departement de Défense : « Figure it out », in The Washington Report on Middle East Affairs, May/June 1991, p. 37.
  • [10]
    Yasmin Husein AL-JAWAHERI, citant M. Ahtissaari, Report to the Secretary-General on Humanitarian Needs in Kuwait and Iraq in the Immediate Post-Crisis Environment, New York, UN Report n° S122366, mars 1991, in Women In Iraq : The Gender Impact of International Sanctions, op. cit.
  • [11]
    Le 6 aout 1991 exactement.
  • [12]
    Ex : en 1988, une enseignante pouvait gagner 75 dinars soit 227 dollars par mois, alors qu’en 1997 elle gagnait 3 000 dinars soit 1,5 dollar par mois (si on prend en compte la hausse des prix et la dévaluation du Dinar).
  • [13]
    Selon le rapport de l’UN-OCHA de 2006.
  • [14]
    UN’s Department of Humanitarian Panel.
  • [15]
    Démission des responsables : Denis Halliday responsable du programme PCN en 1999, puis de Von Sponeck en 2001 pour dénoncer la catastrophe humanitaire provoquée par l’embargo.
  • [16]
    UNIFEM 2004
  • [17]
    Près de 100 000 civils sont morts durant les bombardements de 1991.
  • [18]
    Sur les tanks de l’armée irakienne étaient écrits : la shi’a ba’d al youm (plus de chiites après ce jour). Cela vient s’ajouter aux 150 000 morts d’al Anfal en 1987-1988.
  • [19]
    L’une des seules études de terrain sur le sujet, publiée en 2008.
  • [20]
    Y compris dans le cas des viols. Des études montrent que dans les années 1990, le nombre de crimes d’honneur a augmenté en Irak. Depuis la signature du décret plus de 4 000 femmes auraient été victimes de crimes d’honneur.
  • [21]
    Rendue visible sur le plan international par l’ajout du Allahou Akbar — Dieu est le plus grand — sur le drapeau.
  • [22]
    Symboliquement : voile à la Benazir Bhutto.
  • [23]
    Même si celui-ci avait été utilisé quelques temps avant, en 1985, dans la déclaration de l’UGFI lors du Comité national de préparation de la Conférence internationale des femmes de Nairobi. Un ajout d’une terminologie est à noter : notamment l’idée que la shari’a bien appliquée est garante de l’émancipation des femmes.
  • [24]
    La plus connue est celle des 300 femmes décapitées par Uday et son groupe en 2000, selon Amnesty International.
  • [25]
    Jusqu’à atteindre une moyenne d’environ 800 morts par semaine, et uniquement pour le mois de septembre 2006 pas moins de 3 500 morts à la suite d’attentats et d’assassinats. Cf. http://www.iraqbodycount.org/ et http://icasualties.org/Iraq/IraqiDeaths.aspx.
  • [26]
    Cf. les rapports d’Amnesty International sur l’Irak, notamment celui de janvier 2010 : http://www.amnesty.org/en/region/iraq/report-2011#section-65-9 ; Human Rights Watch Report, Iraq, 2009.
  • [27]
    Iraq Legal Development Project, The Status of Women in Iraq : update to the assessment of Iraq’s de jure and de facto compliance with international legal standards, Washington, DC : American Bar Association, dec. 2006 ; Riyadh K. LAFTA et al., « La violence fondée sur le sexe. Enquête auprès d’un échantillon d’Iraquiennes », in Revue Internationale des Sciences Sociales, « Dilemmes pour la construction des nations », n° 192, 2007.
  • [28]
    Cf. le témoignage d’une ancienne membre de l’APC dans « The use and abuse of iraqi women », in Nadje Sadig AL-ALI and Nicola PRATT (eds.), What kind of liberation ? Women and the occupation of Iraq, University of California Press, Berkeley, 2009, p. 55-85.
  • [29]
    Il consacre un budget affiché de 52 milliards de dollars au projet de reconstruction : http://www.sigir.mil/index.html
  • [30]
    Sur l’IWDI, cf. sur le site du Département d’État américain : http://www.state.gov/s/gwi/rls/other/2010/141080.htm.
  • [31]
    In « The use and abuse of iraqi women », op. cit., p. 63.
  • [32]
    Ibidem.
  • [33]
    Suite à l’attentat à la bombe contre le quartier général de l’ONU ayant notamment causé la mort du représentant de l’ONU en Irak Siergio Vieira de Mello.
  • [34]
    Qui peuvent rappeler les débats sur la parité en France…
  • [35]
    Le 29 décembre 2003, une réunion du Conseil du gouvernement intérimaire présidée par Abdel ‘Aziz al-Hakim, figure du Haut Conseil islamique d’Irak, adopte le décret 137 stipulant : 1) l’application de la loi islamique dans tout ce qui concerne le mariage et « les droits conjugaux » (dote, pension, divorce, séparation, Khul’, al-‘Idda, filiation, allaitement, garde de l’enfant, héritage…) ainsi que tout ce qui relève du statut personnel, suivant les obligations imposées par les écoles juridiques. 2) L’abrogation de toutes les lois, décrets, circulaires, consignes, règles et articles qui sont en contradiction avec le point 1). Le point 3) stipulant que le décret est applicable le jour de sa publication.
  • [36]
    Le second étant le parti Da’wa.
  • [37]
    9/55 pour le premier et 2/27 membres pour le deuxième en 2006.
  • [38]
    Selon le témoignage de Hanaa Edwar dans « The Iraqi Women’s Movement », in What Kind of Libération, op. cit., p. 121-162.

1Les femmes, leur statut et leur « émancipation » sont, à partir de la période coloniale, au cœur des débats et des représentations sur le Moyen-Orient. Après les indépendances, les régimes arabes portent à la question du « statut des femmes » une attention censée à la fois refléter l’attachement à la culture (musulmane) « authentique » et illustrer la modernité des nouveaux régimes. Cette dualité se matérialise à travers l’adoption des différents codes du statut personnel qui sont successivement réformés, amendés, voire abrogés selon les pays. Aujourd’hui, en Irak, dans le contexte qui suit l’occupation américaine de 2003 associée à l’arrivée d’un parti islamiste chiite conservateur au pouvoir, on mobilise encore une fois la « question des femmes », celle de leur statut et de leurs droits. Les principaux débats et les mobilisations autour des droits des femmes se sont exprimés dans le contexte de l’écriture de la nouvelle Constitution en 2005. Dans un climat politique tendu, marqué par l’occupation américaine, s’est posée l’éventuelle remise en cause du code du statut personnel, ainsi que la question de l’adoption d’un quota de 25 % de femmes dans les assemblées représentatives.

2 À partir d’une double approche, socio-anthropologique et historique, notre contribution cherche, à travers une ethnographie du mouvement des femmes de l’Irak post-Saddam et une étude historique de l’évolution des politiques de genre en Irak depuis l’époque ba’athiste, à éclairer les imbrications des questions de genre, de religion et de nation dans l’Irak contemporain. L’approche socio-anthropologique repose sur une enquête ethnographique menée principalement à Bagdad et dans les villes d’Erbil et de Sulaymaniyah au Kurdistan d’Irak, débutée au printemps 2010. Pendant deux ans nous avons rencontré et interrogé (sous la forme d’entretiens approfondis — récits de vie) plus de 80 femmes engagées à l’intérieur du mouvement des femmes et, en observation participante, nous avons rencontré plus d’une quarantaine d’associations et d’organisations de femmes, et réalisé des dizaines d’entretiens informels ponctuels et collectifs avec des femmes actrices du mouvement lors des différentes réunions et rencontres auxquelles nous avons participé. L’approche historique se base sur une étude approfondie de l’évolution de la société irakienne depuis l’arrivée au pouvoir du parti ba’ath, et de l’histoire des mobilisations nationalistes et féministes des femmes irakiennes depuis les années 1960.

Politiques de genre sous le ba’ath

Sous le ba’ath

3 Dans le cadre de l’Irak ba’athiste, les politiques liées à la question du statut des femmes ont connu deux périodes contradictoires : la première, des années 1970 à la moitié des années 1980, a été caractérisée par une volonté du parti, soucieux de préserver son image moderniste et laïque, mais aussi de consolider son pouvoir, de réformer la loi du statut personnel dans le sens d’une remise en question relative de normes patriarcales, remplaçant ainsi l’autorité du chef de famille par celle de l’État  [1]. Dans ce cadre politique autoritaire, le mouvement des femmes fut progressivement réduit à l’Union générale des femmes irakiennes (UGFI) formée en 1968, devenue porte-parole de l’idéologie du parti unique. Ainsi, les statuts de l’UGFI stipulent que sa tâche la plus importante est de mobiliser les femmes irakiennes « dans la bataille de la nation arabe contre l’impérialisme et le sionisme ». De la même manière, l’instruction des femmes n’était pas perçue en soi — former la moitié de la nation — mais dans le sens où les femmes auraient une influence idéologique sur leurs enfants, donc en tant que mères. Saddam dit, lors d’une conférence de l’UGFI en avril 1971 : « Une mère éclairée qui est éduquée et libérée peut donner au pays une génération de combattants conscients et engagés  [2] ». Une campagne d’envergure contre l’analphabétisme va être lancée qui va réduire considérablement le taux masculin et féminin d’illettrisme. Un rapport sur le Développement humain dans le monde arabe de 2002 indique que dans les années 1970 et 1980 le système d’éducation en Irak était le plus avancé de tout le monde arabe, notamment en ce qui concerne l’égale instruction des filles et des garçons. L’Irak va même recevoir en 1987 le prix de l’UNESCO pour son éradication de l’illettrisme  [3].

4 Sa réforme de la loi du statut personnel de 1978 va renforcer l’interdiction des ‘crimes d’honneur’, des mariages forcés et de la polygamie, re-stipuler le droit au divorce des femmes et leur donner la priorité dans le droit de garde des enfants. Le parti va mettre en place des mesures pour encourager le travail féminin et la participation des femmes au développement économique du pays. Rejoignant un mouvement plus global qui avait cours dans le monde arabe, le parti ba’ath s’est donné comme objectif, stipulé dans sa Constitution, de libérer la femme irakienne de « l’arriération » et « l’obscurantisme » du colonialisme et de garantir l’égalité entre les sexes. Il y a quelques études qui montrent que rétablir l’égalité des sexes allait de pair avec le fait de transformer la classe prolétaire en une classe moyenne urbaine et cultivée  [4].

5 La deuxième période, qui débute en 1985, accentuée au lendemain de la guerre du Golfe de 1991, est marquée par l’affaiblissement politique et économique du parti ba’ath par les guerres et l’embargo. Le parti va revenir sur son ‘féminisme d’État’, et appuyer la base de son pouvoir sur les chefs tribaux, et, pour gagner en popularité alors que la région est marquée par l’émergence de l’islam politique, il va affirmer le caractère tribal et islamique de l’identité irakienne. La loi du statut personnel relativement progressiste sur laquelle le parti s’appuyait jadis, fut réformée dans le sens d’une reprise de contrôle du tribalisme et du traditionalisme ‘islamique’  [5]. Avant 1985, le pays ne ressent pas encore les effets de la guerre qui demeure aux frontières, et celle-ci semble, dans un premier temps, avoir eu des effets ‘positifs’ sur le travail féminin qui a été encouragé, les femmes sont devenues une force de travail remplaçant les hommes partis au front.

6 Cette période a été marquante pour les Irakiennes, beaucoup de nos enquêtées ont raconté qu’elles l’ont ressentie comme un tournant, comme le début de la fin d’une période qu’elles considèrent avoir été l’âge d’or du pays. Il y a vraiment cette idée parmi les Irakiennes que tout le fardeau de la société va être placé sur leurs épaules, elles vont assumer le travail salarié et la responsabilité morale et économique du foyer  [6]. Il y a un sentiment d’avoir été trahies après tous les sacrifices faits par les femmes durant cette période difficile, le pays ne les a non seulement pas rétribuées, mais il les a en quelque sorte punies en adoptant une nouvelle politique qui va les « remettre à leur place » en les rappelant au foyer. De 1980 à 1985, le ba’ath passe d’une politique qui encourageait le travail des femmes à une politique radicalement différente à partir de 1986 qui va leur demander de démissionner pour laisser la place aux hommes qui rentrent du front, et ainsi occuper ce rôle ‘sacré’ de la maternité, car comme le dit Saddam Hussein dans un de ses discours : « une famille ayant moins de 5 enfants est déloyale à la révolution ». Un plan de trois ans va être mis en place par l’UGFI en coopération avec les ministères de la Santé, de l’Éducation et du Travail, ainsi que les médias, visant à favoriser la procréation : extension du congé maternité, renforcement des soins des mères et enfants, lutte contre la stérilité, amendes pour avortement illégal, restriction dans la vente de pilules, hausse du nombre d’hôpitaux pédiatriques, de cliniques et autres instituts de soins pour mères et enfants. De la même manière, les médias ont mené une campagne d’incitation au mariage, sur l’importance de réduire ses frais, notamment les frais de dote. Certaines figures de l’UGFI montraient l’exemple en se mettant en scène à la télévision le ventre gros  [7].

La période post-1991

7 La période qui va suivre va être caractérisée par la guerre et les sanctions économiques, notamment les bombardements américains qui vont coûter très cher au pays et l’embargo qui entraînera une catastrophe humanitaire sans précédent. Après l’invasion du Koweit par l’armée irakienne en août 1990 et à partir de mi-janvier 1991, le pays connaîtra notamment six semaines de bombardements par les forces de la coalition qui ne faisaient pas de différence entre cibles militaires et civils  [8]. La campagne de bombardements a lâché plus de 88 000 tonnes d’explosifs en six semaines, plus que ce qui a été lâché par les États-Unis durant toute la guerre du Vietnam  [9]. Un rapport de l’ONU du mois de mars 1991 indiquait que l’Irak, après cette campagne de bombardements était passé d’une société moderne hautement urbanisée et mécanisée à un pays préindustriel  [10]. Dès les premiers jours de l’invasion irakienne du Koweit  [11], des sanctions économiques furent mises en place par l’ONU, et plusieurs résolutions mettront en place l’embargo économique le plus sévère qu’aucun pays n’ait jamais connu. L’embargo a détruit, au sens littéral, le pays, au niveau économique, affaiblissant le secteur public et mettant fin au régime social de l’État. Avant l’invasion du Koweit, le salaire moyen équivalait à 217 dollars, après, il n’était plus que de 3,5 dollars  [12]. Le secteur public était justement le secteur le plus investi par les femmes, le travail féminin a diminué de manière considérable pour arriver à seulement 10 %, beaucoup de femmes exprimant le fait qu’elles n’avaient plus les moyens de travailler alors que les hommes cumulaient plusieurs emplois.

8 Les secteurs de l’éducation et de la santé vont se dégrader considérablement : le taux d’instruction des filles a diminué de manière radicale, au point d’arriver, à la fin des années 1990, à ce que 55 % des femmes de 15 à 45 ans soient illettrées  [13], et l’Irak est devenu, dans les années 2000, l’un des pays du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord ayant l’un des plus haut taux d’illettrisme. Un rapport de l’ONU de 1998  [14] indique que plus de 20 % de la population irakienne vit alors dans une extrême pauvreté, on estime entre 500 000 et 1 million le nombre des victimes de l’embargo, pour la plupart des enfants, l’Irak ayant rejoint la liste des pays qui ont le plus haut taux de mortalité infantile au monde [15]. Il faut ajouter à cela le nombre de veuves, estimées à 500 000  [16], uniquement lié à la mort des hommes tués au front ou durant les bombardements  [17], mais aussi à la répression terrible, en 1991, des insurrections kurdes au nord et majoritairement chiites au sud du pays qui feront plus de 300 000 morts et 2,5 millions de réfugiés  [18].

9 L’embargo, la répression terrible et la politique que va mener Saddam Hussein vont considérablement marquer le pays et le changer en profondeur. Bien qu’on dispose de nombreuses études statistiques sur l’impact de l’embargo par exemple, on a très peu d’études ethnographiques qui font état de la dimension morale et psychologique de ces années très difficiles. Dans son étude sur l’impact de l’embargo sur les femmes, Yasmin Husein al-Jawaheri  [19] indique que la famille irakienne va énormément changer, les liens de solidarité à l’intérieur de la famille élargie vont diminuer, chaque famille étant submergée par ses propres problèmes. Les qualités de prestige social vont évoluer, un bon gendre n’est plus celui qui est issu d’une bonne famille ou un diplômé, mais plutôt celui qui a une bonne situation économique, les préoccupations d’ordre matériel sont devenues prioritaires. La situation économique de la femme va être aussi progressivement prise en compte avant son physique et son savoir-vivre. Alors même qu’antérieurement, les mariages en Irak étaient marqués très fortement par une endogamie (même quartier, même niveau social, même confession), dans ce contexte, on va marier les filles coûte que coûte, et on sera donc moins regardant sur le profil du prétendant. Cela provoque aussi une hausse du mariage précoce, ainsi qu’une hausse de la polygamie que la loi du statut personnel avait presque éradiquée en Irak. De la même manière, à cause de la misère, il devenait de plus en plus difficile à une femme de divorcer (impossibilité de s’assumer financièrement et de vivre seule), et aux veuves de se remarier. Cette situation a provoqué ce que al-Jawaheri nomme une nouvelle forme de patriarcat, plus impersonnel : les conceptions selon lesquelles les femmes seraient faibles et auraient besoin de protection se sont renforcées.

10 En ce qui concerne l’évolution de la politique du régime, Saddam qui se sent isolé au niveau international et souhaite consolider la base, notamment tribale de son pouvoir, va faire le choix ‘d’islamiser’ sa politique pour rentrer dans la tendance de la région et trouver des soutiens. Dès 1990, alors qu’il cherche à rallier les chefs tribaux avant d’envahir le Koweit, Saddam va annuler par un décret la peine qui condamne le crime d’honneur  [20]. Il va lancer al-hamlay al-imaniya — la campagne de foi  [21] — qui va le pousser à investir notamment al waqf al-sunni, à construire des mosquées cathédrales, mais aussi à faire la promotion de l’islamité de l’identité irakienne. Là encore, l’UGFI va servir de porte-parole du régime, ses leaders apparaîtront voilées  [22] à la télévision irakienne et vont commencer à utiliser le terme de shari’a  [23], et on note une apparition croissante du voile dans les années 1990 qui va presque devenir une norme vestimentaire pour les femmes. Contre l’Occident corrompu et mécréant, l’Irak est fermement attaché à sa religion et des photos de Saddam lisant le Coran vont commencer à apparaître un peu partout dans le pays. À travers cette nouvelle politique islamo-tribale, il va mener des actions symboliquement fortes : après avoir mis en place une loi punissant la prostitution, des décapitations publiques de prostituées vont avoir lieu  [24]. C’est aussi dans le cadre de la lutte contre la prostitution qu’une loi interdira aux femmes de voyager sans mahram.

11 Beaucoup d’Irakiens considèrent que la nature même de leur peuple a changé durant les 13 années d’embargo, et que ces années extrêmement difficiles, marquées par la violence politique et le manque de tout, ont ‘traumatisé’ le pays, et que les effets de ce traumatisme sont justement visibles dans la violence qui a caractérisé l’Irak post-2003. Il avait été remarqué que durant le semi-chaos qui a caractérisé la période des bombardements de 1991, il n’y avait pas eu de cambriolages, de vols, rien n’avait été saccagé, certains remarquaient même que des endroits comme les galeries d’art ou les musées n’avaient pas été touchés. En 2003, tout sera saccagé, la situation sera chaotique à tous les niveaux, il y aura des cambriolages, des saccages de magasins, une insécurité généralisée. Tout le monde a vu ces images de l’Irak à la télévision. Or, beaucoup constatent cette différence avec 1991, en mettant l’accent qu’entre-temps, l’embargo a marqué le peuple irakien en profondeur.

L’Irak post-2003 : entre occupation américaine et mobilisations de la société civile

L’Irak post-2003

12 L’Irak de l’après-chute a été caractérisé par un contexte d’insécurité sans précédent jusqu’à aujourd’hui, et arrivé à son paroxysme durant la quasi-guerre civile de 2006-2007  [25]. Le chaos qui règne dans le pays a considérablement dégradé la vie des Irakiens. Les multiples et quotidiens attentats, assassinats, enlèvements et toutes les formes de violence qui caractérisent l’Irak d’après 2003 n’ont pas été dirigés exclusivement vers les femmes. Il s’agit plus d’un phénomène global de violence à caractère politico-confessionnel qui a touché la totalité de la société irakienne, de ses dirigeants à ses simples citoyens. Dans la diversité des expressions de ce chaos, il a existé une violence fondée sur le genre qui a été doublée par la violence politique ou confessionnelle. L’arrivée au pouvoir des partis islamistes a été caractérisée par une visibilité accrue des signes de religiosité dans l’espace public, et en ce qui concerne plus particulièrement les femmes, le renforcement de la tenue dite ‘islamique’, voire son caractère très recommandé dans certaines zones, à l’exemple de Medinat as-Sadr. Les expressions de la violence genrée varient de l’assassinat de femmes politiques aux menaces de mort adressées aux militantes du mouvement des femmes, à la désapprobation sociale exprimée par des remarques de rue sur la conduite automobile par des femmes et de leur déplacement dans des tenues « non islamiques ». Le climat de violence et de chaos de l’après-régime a été caractérisé par la prolifération des kidnappings, une hausse des viols, des ‘crimes d’honneur’, des assassinats, mais aussi d’une forme nouvelle de prostitution  [26]. Des études ont fait état d’une hausse de la violence domestique  [27], et d’une hausse des mariages précoces.

13 De manière générale, l’Irak n’est un pays sûr pour personne, et la prolifération des milices politico-confessionnelles, la faiblesse de l’État, la désorganisation et l’absence de formation de la police et de l’armée, notamment après leur démantèlement durant la campagne de déba’athification lancée par Bremer, et leur infiltration par des milices politiques, tout ceci contribue à une insécurité généralisée. Il n’y a plus vraiment d’espaces de sortie appropriés pour les femmes, et leur vie sociale se résume souvent au travail, à l’université et à la maison. Leur liberté de mouvement est très restreinte dans la mesure ou elles sont souvent accompagnées par des hommes, ou emmenées par un chauffeur ou un minibus — khat — et déposées à l’endroit exact ou elles doivent se rendre. Le simple fait de se ‘promener’ dans certains lieux de Bagdad est un acte nécessitant beaucoup de courage pour une femme, y compris lorsqu’il s’agit de lieux incontournables dans la vie culturelle et intellectuelle du pays, comme al-Mutanabi ou Bab al-Muadhem. Dans ce contexte, les manifestations, les rassemblements et toute action visible dans l’espace public mettent les femmes en danger. Ainsi, bien que la chute ait ouvert un espace démocratique, les conditions de vie et la situation globale du pays ne permettent pas la mise en pratique des aspirations démocratiques de la société civile irakienne naissante.

14 La perception de cette violence varie grandement selon les expériences vécues des femmes, mais aussi l’obédience politico-religieuse privilégiant une grille de lecture sur une autre. Ainsi, entre celles, souvent engagées sur un mode séculier, qui considèrent que la situation des femmes s’est considérablement dégradée et que l’influence croissante des islamistes est en soi une menace pour les femmes, et celles, souvent de profil islamiste-chiite, qui tout en constatant la dégradation de la situation sécuritaire, considèrent que la situation s’est améliorée car les femmes sont aujourd’hui débarrassées d’un régime qui interdisait leur engagement politico-religieux, il est clair que la lecture des changements et des évolutions de la condition des femmes depuis l’après-chute varie considérablement.

Une politique d’intégration des femmes dans l’après-chute

15 Pour sensibiliser l’opinion publique américaine, de nombreux responsables américains, appuyés par des organisations d’exilés irakiens (notamment WAFDI) avaient insisté, durant les mois qui ont précédé l’invasion de l’Irak, sur le triste sort réservé aux Irakiennes par le régime de Saddam Hussein. Il a été soutenu, lors de certaines déclarations publiques, que les femmes irakiennes sous Saddam vivaient dans l’oppression la plus terrible, jusqu’à prétendre qu’elles n’avaient pas accès à l’université. L’invasion de l’Irak par les forces de la coalition menée par les États-Unis qui a débuté le 20 mars 2003, a été suivie d’une forte mobilisation d’ONG et d’organisations internationales chargées de contribuer à la reconstruction du pays. Dès le départ, l’administration américaine a mis l’accent sur l’importance de l’intégration des femmes au processus dit de reconstruction, l’Autorité provisoire de la coalition (APC), chargée de diriger le pays jusqu’à la constitution d’un gouvernement irakien, a dès le départ mis en place un Bureau des affaires féminines  [28]. Lié au gouvernement américain et consacré à la reconstruction de l’Irak, le SIGIR  [29] (Special Inspector General for Iraq Reconstruction) fut créé suite à la dissolution de l’Autorité provisoire de la coalition en juin 2004. Le SIGIR ainsi que l’USAID, le United States Institute for Peace (USIP), ou encore le Department For International Development (DFID) britannique ainsi que de nombreuses autres organisations, notamment américaines, consacrées principalement à l’Irak, mais aussi européennes, toutes ont insisté sur le caractère central de l’autonomisation et l’amélioration des conditions de vie des femmes irakiennes. Ces organisations ont consacré une partie conséquente de leur budget à des projets concernant directement l’amélioration des conditions de vie des femmes et l’encouragement à leur participation à la vie sociale, politique et économique. À titre d’exemple, un organe a été créé par le département d’État américain en 2004, le Iraqi Women’s Democracy Initiative  [30] (IWDI) qui a organisé des séminaires de formation pour environ 10 000 femmes irakiennes à travers le pays dans différents domaines tels que le leadership, la participation politique, l’entreprenariat, la défense des droits des femmes, la mise en place d’organisations de femmes ainsi que des formations en maîtrise des médias et en droits constitutionnels et internationaux.

16 Les propos de l’un des responsables du financement de ce projet au département d’État américain sont révélateurs de l’extrême intérêt du gouvernement américain et de sa conscience aiguë quant aux enjeux de l’intégration politique des femmes irakiennes : « We were under pressure for immediate results. Deputy Secretary of State Armitage said ‘No dilly-dallying. We need results.’ There was a need to bring women into the political process immediately  [31] ». Le déploiement important de l’UNIFEM (fond de l’ONU pour les femmes) dans le pays, et le partenariat de centaines d’ONG internationales avec des associations et des organisations défendant the iraqi women empowerment, ont en quelque sorte fait écho aux prétentions de l’administration américaine justifiant la guerre contre l’Irak par la volonté de libérer les Irakiens, et en premier lieu les Irakiennes, du joug de l’oppression du régime de Saddam Hussein  [32]. De plus, cette mobilisation importante des ONG dans le but de promouvoir la participation des femmes dans l’Irak post-Saddam entre dans le cadre de la résolution 1325 nommée « Femme, Paix et Sécurité » du Conseil de sécurité de l’ONU adopté en octobre 2000 qui vise l’intégration des femmes dans tous les aspects de résolution des conflits et dans la promotion de la paix.

17 Les campagnes cherchant à introduire le concept de Gender en Irak, et à en faire notamment la promotion à l’intérieur des associations et organisations locales de femmes irakiennes sont particulièrement remarquables sur le terrain. C’est dans ce contexte, de présence importante des organisations internationales et d’attention extrême portée à la question des femmes, que la participation et l’engagement politiques des Irakiennes a pris forme, et que son mouvement des femmes a trouvé des soutiens locaux et internationaux. L’immense intérêt porté à leur intégration sociale et politique et à leur investissement dans le processus dit de reconstruction du pays a rendu inévitable leur prise en compte par le monde politique irakien, notamment gouvernemental. Le monde entier ayant les yeux rivés vers ce « nouvel Irak » censé garantir plus de liberté à ses citoyens et notamment ses citoyennes, il fallait donc une forte visibilité des femmes au niveau médiatique et étatique. C’est dans ce contexte, qu’au mois de juin 2004, un ministère d’État chargé des Affaires féminines fut créé, d’ailleurs sans qu’aucun budget ne lui soit jamais attribué, celui-ci reposant, comme les organisations de la société civile, sur les financements des organisations internationales et de l’aide des autres ministères. Ainsi, selon les témoignages de nombreux responsables politiques que nous avons recueillis, il a semblé être créé dans un souci, pour le gouvernement irakien, de « montrer » sa bonne volonté dans l’intégration des femmes et l’intérêt porté à leur condition dans la phase de l’après-régime. Il est remarquable que le ministère des Femmes ait bénéficié d’une formation de l’UNIFEM, c’est-à-dire qu’il ait été formé comme toutes les autres organisations de la société civile irakienne à la politique de promotion du Gender mise en place par les programmes onusiens et américains.

18 Les actions et activités menées par les composantes du mouvement des femmes en Irak sont donc directement liées à des financements internationaux, et cette dépendance financière et l’omniprésence des ONG, bien que n’étant pas sur le terrain depuis l’évacuation des fonctionnaires et acteurs onusiens et leur retranchement en zone verte à partir d’août 2003  [33], les fonctionnaires, conseillers et observateurs internationaux ont influé de manière importante sur l’agenda du mouvement des femmes, ainsi que sur leur mode d’action.

Le mouvement des femmes : activisme, actions, mobilisation

19 Durant ces dix dernières années, le mouvement des femmes a connu d’importantes mobilisations, qui ont pris plus d’une fois une dimension internationale. Dans ce contexte, les femmes se sont investies massivement au sein des organisations de la société civile, elles se sont engagées sur le plan social, humanitaire et politique de manière remarquable dès la chute du régime de Saddam, et il n’est pas anodin que l’une des premières manifestations qu’a connue l’Irak post-Saddam ait été un rassemblement du mouvement des femmes naissant au mois de janvier 2004 sur la place Firdaous dans le centre de Bagdad. La formation des premiers groupes de femmes s’est effectuée dans un climat d’effervescence ou chacun-e cherchait à trouver sa place et à contribuer à organiser l’après-chute. Les premières organisations ayant été généralement mises en place par des femmes instruites actives professionnellement sous l’ancien régime, ou des femmes ayant mené des activités secrètes de solidarité ou d’instruction religieuse comme ce fut le cas de nombreuses islamistes, ou encore par des exilées politiques de retour au pays.

20 Dans le contexte de l’écriture de la nouvelle Constitution en 2005, le mouvement des femmes dans son ensemble a trouvé un point d’unité mais aussi de succès, lors de l’adoption d’un quota de femmes dans les assemblées représentatives du pays. Cependant, bien que les Irakiennes furent unies autour d’une même revendication et d’une motivation identique : imposer la présence des femmes à l’intérieur des instances de pouvoir, les lectures des mobilisations autour du quota sont divergentes, et son efficacité et sa pertinence font l’objet de vives critiques. Certaines considèrent que cela a provoqué l’émergence au sein du parlement de femmes de partis qui n’avaient aucune conviction féministe et qui étaient présentes uniquement pour remplir le nombre de sièges attribués aux femmes. On retrouve des arguments  [34] qui s’opposent au quota en principe, considérant que c’est sur la compétence et non le sexe qu’un élu doit être choisi, mais ces femmes le soutiennent en pratique considérant que sans le quota, les femmes ne pourraient accéder aux instances de pouvoir. Parmi les autres mobilisations relevant du registre du droit, la question de l’adoption de la CEDAW (Convention on the Elimination of all forms of Discrimination Against Women) par le gouvernement irakien, ou l’insistance sur l’application de la résolution onusienne 1325 garantissant l’implication des femmes dans la résolution des conflits, constituent des éléments de discussion importants, qui ont révélé le souci des actrices irakiennes de mobiliser les outils de jurisprudence internationale pour protéger les droits des femmes et promouvoir leur participation dans l’Irak post-Saddam.

21 En ce qui concerne le Gender, la manière dont les militantes irakiennes se sont appropriées cette notion est intéressante. Les islamistes sont divisées, beaucoup d’entre elles reproduisent le discours selon lequel le Gender est une idée occidentale visant à demander une égalité qui n’est pas islamique, puisque les rapports sociaux de sexe en islam seraient régis par le principe de complémentarité posant une équité et non une égalité. Mais beaucoup d’entre elles ont suivi les formations dispensées par les ONG sur le Gender, et utilisent ce vocable. De manière générale, parmi celles qui utilisent la notion de Gender, il n’y a pas de différence majeure dans sa définition. Laïques et islamistes se sont appropriées cette notion d’une manière qui convient à ce qu’il est possible de dire dans la société irakienne sans être taxées d’occidentalisées ou de « féministes radicales ». L’idée étant que le Gender vise à inciter les femmes à ne pas se cantonner à la sphère domestique et à s’investir dans tous les domaines, et à occuper des positions qui les placent au cœur des prises de décision et du pouvoir. Les laïques utiliseront plus volontiers le terme d’égalité, mais toutes, sans exception, laïques, anti-islamistes, islamistes, toutes affirment qu’il ne s’agit pas de demander, « comme les occidentales », l’assimilation aux rôles des hommes, et de ne pas chercher à leur ressembler, ni de faire la promotion de la liberté sexuelle et de l’homosexualité. Toutes affirment qu’elles ne défendent pas le modèle « occidental » de féminité et surtout pas de féminisme. « Nous, nous sommes des Orientaux et nous avons nos spécificités » : si on leur demande lesquelles, elles répondront, « Nous sommes une société conservatrice, et demander la liberté sexuelle ou le droit de s’habiller de manière indécente ne fait pas partie de nos revendications ». Beaucoup d’entre elles considèrent « que cela ne fera jamais partie de notre combat », « nous ne voulons pas devenir comme les Occidentaux qui font la promotion du libertinage et de l’homosexualité ».

Un engagement politique pro-femmes : gérer l’urgence et palier au délitement de l’État

22 Sur le plan plus strictement politique, l’engagement des femmes peut relever d’un investissement dans la société civile ou au niveau gouvernemental. Il est assez courant que les actrices du mouvement qui occupent des postes à responsabilités dans une institution gouvernementale, comme le Conseil préfectoral par exemple, soient aussi actives au sein d’une organisation de la société civile. Très souvent, les frontières entre société civile et pouvoir étatique ne sont pas clairement établies, et la situation dans laquelle se trouve l’Irak sous occupation a rendu possible des alliances et des partenariats inédits. En ce qui concerne le fait de travailler ou non avec les forces de la coalition, les militantes irakiennes sont divisées, et les positions diffèrent selon les fonctions qu’elles occupent et leur implication au sein du gouvernement (municipalités, conseils préfectoraux, parlement, ministères). Au sein de la société civile, beaucoup d’entre elles ont participé au mouvement démocratique réclamant l’indépendance de l’Irak commençant par la fin de l’occupation et notamment dans le cadre de nombreuses initiatives civiles cherchant à défendre et préserver la démocratie et la liberté d’expression en Irak, ainsi que la lutte contre la corruption. Ainsi, des femmes irakiennes ont été à l’initiative de la mobilisation qui a demandé l’accélération de la formation du gouvernement en 2010, et la révision des salaires des membres du gouvernement. Le mouvement des femmes a manifesté contre le terrorisme, pour demander au gouvernement de prendre des mesures pour combattre l’insécurité, mais il s’est aussi investi sur d’autres questions de politique intérieure et extérieure comme la question du fédéralisme, ou encore la question de l’indépendance politique de l’Irak dans la région et celle des ingérences étrangères.

23 Au niveau social et humanitaire, les femmes irakiennes se sont distinguées en investissant massivement les organisations de la société civile venant en aide aux nécessiteux et cherchant à palier au manque criant de services étatiques et aux carences des institutions de l’État fonctionnant encore de manière très chaotique. Ainsi, elles sont investies notamment auprès des veuves, des femmes victimes de violence domestique, de nombreuses campagnes visant la santé des femmes ont été menées, à l’exemple de celle autour de la prévention du cancer du sein, mais aussi des campagnes d’alphabétisation à l’échelle de tout le pays.

24 Dans ce domaine, on peut dire que ce sont les groupes islamistes qui se sont le plus investis, les groupes à caractère laïques ont investis le terrain juridique et le domaine de la revendication des droits, alors que les réseaux de charité (aide aux veuves, aux orphelins, aux familles démunies, etc.) sont le cœur du travail des islamistes (sunnites dans les quartiers sunnites et chiites dans les zones chiites), la militance non religieuse ne s’investit pas dans ce domaine. À titre d’exemple, la Ligue de la femme irakienne ou l’Association des femmes de Bagdad vont consacrer leurs activités sur des campagnes de taw’iya (conscientisation) sur les droits des femmes, la démocratie, l’empowerment, etc ; surtout depuis 2005 ou les ONG et les États (à travers leurs ambassades) ne financent plus que des projets déterminés, et ne financent plus les structures en elles-mêmes, considérant que c’est au gouvernement ou à l’État de financer ce qui relève du développement et de la société civile.

25 Les islamistes possèdent leurs propres réseaux de donateurs et ont multiplié les instituts religieux, les cliniques, les dispensaires, les refuges pour les démunis, les veuves et les orphelins. En ce qui concerne le terrain du droit, les groupes de femmes islamistes se sont investis, aux côtés des laïques, pour la revendication de l’adoption d’une loi fixant un salaire pour les veuves. C’est d’ailleurs sur ce terrain que s’allient islamistes et laïques le plus fréquemment.

Loi du statut personnel ou la bataille pour la définition du « nouvel » Irak

L’élaboration de la nouvelle Constitution : contexte

26 L’un des sujets majeurs qui a divisé le mouvement des femmes a été la question de la place de l’islam dans le champ politique et juridique, et sa visibilité dans l’espace public, les différentes positions s’étant exprimées à travers la mobilisation autour du décret 137  [35], réitéré lors de l’écriture de la nouvelle Constitution dans l’article 41 stipulant une liberté de choix des différentes communautés religieuses du pays dans le domaine régi par la loi du statut personnel. De nombreuses tensions et discordes ont caractérisé les débats autour de la visibilité de l’islam dans le domaine politique et ces divergences et polémiques permettent de mettre au jour les différentes tendances et sensibilités politiques au sein non seulement du mouvement des femmes, mais aussi du monde politique irakien dans son ensemble.

27 Une grande partie des militantes, notamment laïques mais non exclusivement, car des islamistes, notamment sunnites, ont aussi exprimé leur désapprobation quant à l’abrogation de l’ancien statut personnel, a considéré ce décret, proposé par le leader d’un des deux principaux partis islamistes chiites au pouvoir  [36], comme une menace pour les droits des femmes, mais aussi pour le cadre séculier garanti par l’ancienne loi qui s’appliquait à toutes les communautés religieuses qui composent l’Irak. La crainte qui est exprimée ici est moins la communautarisation du statut personnel que la peur de l’emprise des conservateurs religieux sur les questions relatives aux droits des femmes. L’idée étant que non seulement il faut maintenir le statut de 1959, mais qu’il faut même le réviser dans le sens de l’acquisition de plus de droits pour les femmes (comme l’annulation de l’article sur ta’dib al-zawja, etc.). Or, pour les islamistes chiites notamment, la question n’a pas du tout été posée de cette manière, ce décret représentant la rupture avec le sécularisme de l’ancien régime et le retour (tant attendu) au respect de la religion musulmane en Irak, qui ne peut être discriminatoire ou injuste, car « Les Lois de Dieu sont fondées sur la justice. »

28 Il y aura, quelques semaines après l’adoption du décret 137, une forte mobilisation, plus forte à l’extérieur de l’Irak qu’à l’intérieur d’ailleurs, qui va prendre une dimension internationale à l’issue de laquelle Bremer (qui dirige l’Autorité provisoire de la coalition) ne signera pas le décret. Mais celui-ci sera reformulé dans l’article 41 de la nouvelle Constitution qui sera suivie d’une forte mobilisation. Il faut resituer les débats autour de la Constitution et la manière dont les choses se sont déroulées pour comprendre l’adoption de l’article 41 et saisir comment les questions de genre ont été soulevées — pour être étouffées — dans un contexte ou se jouait l’identité de ce « nouvel » Irak autour de questions ethniques, confessionnelles et religieuses, sous l’occupation, c’est-à-dire dans un contexte que beaucoup jugent illégitime.

29 D’une part, dans le comité d’écriture de la Constitution qui devait être soumise au référendum par l’Assemblée nationale de transition en octobre 2005 ou le Comité de révision de la Constitution en 2006, il n’y avait que très peu de femmes  [37]. Tout s’est passé comme si, étant donné qu’il était question d’enjeux déterminants pour le futur du pays (fédéralisme, place de l’islam, etc.), la question de la défense des droits des femmes devenait secondaire. On a fait très vite comprendre aux groupes de femmes qui faisaient pression autour de l’article 41, qu’au vu des enjeux, il serait difficile de retirer l’article, mais en échange on leur a proposé un quota fixant à 25 % (30 % pour le Kurdistan) le nombre de femmes dans les assemblées représentatives. On choisit donc de « régler » la question en fixant un « taux » et en garantissant une visibilité des femmes dans le monde politique.

30 Les sunnites vont être intégrés tardivement au processus d’élaboration de la nouvelle Constitution, alors que les Kurdes et les chiites se sont plus ou moins mis d’accord au préalable sur l’essentiel. Parmi les questions importantes, il s’agissait, pour les sunnites (laïques et islamistes), de réclamer l’arrêt de la « déba’athicifation » qu’ils concevaient comme une manière détournée de discriminer la communauté sunnite, et surtout de défendre l’arabité et l’unité du territoire irakien, c’est-à-dire leur refus du fédéralisme et la demande du centralisme dans la distribution des revenus du pétrole (étant donné que les zones sunnites en sont dépourvues). Pour les Kurdes, il s’agissait de défendre le fédéralisme de l’État pour préserver la quasi-autonomie du Kurdistan, voire l’étendre à Kirkuk et se garantir une part des revenus du pétrole. Pour les islamistes chiites, il s’agissait d’asseoir leur pouvoir politique et économique, et la promotion de leur vision idéologique de l’islam, notamment en l’inscrivant dans la loi irakienne. Les militantes irakiennes chiites ont exprimé le fait que ce retour à la « shari’a » ne pouvait être que positif, dans la mesure ou il signifiait une rupture avec l’ancien régime dont le « sécularisme avait tellement fait souffrir les islamistes ».

31 Un sit-in fut organisé le 19 juillet 2005 place Ferdaous par le Réseau des femmes irakiennes, revendiquant l’abrogation de l’article 41, ainsi que la préservation de la loi du statut personnel n° 188 de 1959. Face à ce rassemblement, un groupe de femmes aurait brandi des pancartes dénonçant « l’égalité absolue entre les hommes et les femmes » et défendant « l’islam et le Coran »  [38]. Une situation s’étant reproduite à plusieurs reprises lors des rassemblements organisés notamment par le Réseau des femmes irakiennes. Ainsi, des femmes d’obédience islamiste ont défendu l’article 41 considérant qu’il garantirait l’établissement de la « shari’a » en Irak. Ainsi, pour Naziha A., ancienne parlementaire et militante d’un parti chiite, l’Irak étant une société musulmane, il est incompréhensible qu’il ne soit pas régi par des lois musulmanes :

32

« Le statut personnel possède de bons côtés et des mauvais. C’est une loi complexe et elle ne couvre pas toutes les dimensions de la vie. Il ne s’agit pas de l’abroger complètement : ce qui convient à la femme irakienne dans les limites de la shari’a islamique, car nous sommes une société musulmane, je le garde, ce qui ne convient pas à la shari’a je l’enlève. Il y a un paragraphe de la Constitution qui dit qu’aucune loi en contradiction avec la shari’a islamique ne peut être votée en Irak. Donc, ce qui rentre en contradiction avec l’islam, on se doit de l’abroger ou de le modifier. »

33 À la question de l’égalité des droits en matière de mariage, d’héritage et de divorce, elle répond :

34

« Sit Zahra toutes ces choses sont prescrites dans la loi islamique, malheureusement nos tribunaux, nos juges ne font pas selon le vrai islam. Si nous appliquions réellement l’islam authentique, les femmes irakiennes seraient les mieux loties au monde. »

35 Ainsi, pour cette militante islamiste chiite, comme pour de nombreuses femmes irakiennes, la shari’a ne peut être synonyme d’injustice et si elle instaure une « inégalité » de droits, cela entre dans la cadre de la vision islamique de la société garantissant une complémentarité entre les hommes et les femmes.

36 Les militantes féministes kurdes ne se sont pas senties concernées par le débat étant donné que l’abrogation du statut personnel ne concernait pas le Kurdistan qui l’a même amendé dans un sens positif pour les droits des femmes depuis1991. Au Kurdistan, la réponse « oui » au référendum a été massive, les Kurdes ont souhaité préserver leur autonomie vis-à-vis du gouvernement central. Dans les régions sunnites du pays, c’est le « non » qui l’a emporté, alors que dans le reste du pays la population a approuvé la nouvelle Constitution.

Ingérence occidentale

37 S’ajoute aux divisions internes du mouvement la question de l’ingérence des pays occidentaux, beaucoup de militantes du mouvement des femmes considèrent que les mobilisations autour du décret 137, du quota et de l’article 41 ont été initiées par des acteurs internationaux qui ont mis en garde les militantes irakiennes sur la menace éventuelle que pourrait impliquer ces textes. Iman A., académicienne spécialisée dans les questions de genre, fondatrice du Centre irakien pour les études et militante féministe du Réseau des femmes irakiennes donne sa lecture de la mobilisation des Irakiennes autour du décret 137 et de l’article 41 de la Constitution :

38

« Le mouvement irakien a été actif là-dessus, mais les femmes ont agi selon les orientations et le soutien de l’ambassade britannique et d’organisations étrangères. Elles pensent que la victoire est liée à leur engagement, alors que sans les Américains et les Britanniques, ils n’auraient rien obtenu. J’en suis témoin. Je me souviens qu’au ministère des Municipalités, il y avait à l’époque Nesreen Perwari qui commençait à être active, elle a réuni les femmes qui travaillaient dans ce domaine, il y avait Maysoon al-Demelouji lorsqu’elle était vice-ministre de la Culture, Nermin Othman bien sûr, et Michkat Moumin qui est devenu ministre de l’Environnement. […] Il y avait une femme qui travaillait à l’ambassade américaine, elle les a mises en garde pendant cette réunion sur un décret qui allait passer et qui pourrait être dangereux pour les femmes. Ils n’ont pas compris le film. Je me souviens m’être levée pour dire qu’il fallait qu’elles aient une position claire sur ce qui allait être voté, qu’il fallait qu’elles fassent entendre leur voix là-dessus. Mais à cette époque il n’y avait aucune conscience féministe, les femmes sortaient d’un isolement total, elles étaient restées des années dans leur foyer, personne ne pensait à la cause des femmes. Y compris des femmes comme Nesreen Perwari, à l’exception de Nermin Othman qui avait été au Kurdistan, à Suleymanyah ou ils avaient une avance sur nous depuis l’autonomie de 1991. Maysoon est arrivée de l’extérieur avec cette conscience. Hanaa Edwar venait juste d’arriver à Bagdad […]. Même dans la compréhension de ces choses, les femmes des ambassades ont aidé en explicitant la question. Le rassemblement qui a eu lieu à la place Firdaous, auquel j’ai participé, qui était un rassemblement extraordinaire, et à la suite duquel le décret 137 a été refusé, il y a eu une grande mobilisation… Mais en réalité, même s’il y avait eu le double ou le triple de mobilisés, ce décret serait passé sans l’opposition britannique et américaine. Et ils nous l’ont repris dans l’article 41 qui est passé notamment à travers le soutien des parlementaires. »

39 Les militantes irakiennes ont eu clairement conscience de l’utilisation de la question des femmes par les leaders politiques irakiens et les gouvernements des forces de la coalition menées par les États-Unis. Malika N., chercheuse féministe, partage aussi ce point de vue quant au contexte dans lequel cette mobilisation a eu lieu :

40

« Je suis persuadée que sans la présence des Américains nous n’aurions jamais pu convaincre les responsables politiques d’obédience religieuse. Pour une raison simple, nous ne possédions aucune arme pouvant faire pression, rien ne les obligeait à voter ces articles. S’ils l’avaient fait pour nous, cela aurait signifié qu’ils sont des libéraux. Or, sans la présence des Américains et leur volonté de montrer une image démocratique vis-à-vis des Américains et du monde, ils n’auraient jamais voté ces articles. C’est notre travail bien sûr, mais sans ce contexte où ils voulaient jouer les démocrates face au monde, nous n’aurions rien obtenu. »

Pour conclure. Fractures laïques et islamistes : quelles réalités ?

41 Aujourd’hui encore, dans les sociétés majoritairement musulmanes, les codes du statut personnel continuent de faire débat, comme on l’a vu récemment en Tunisie, et, très souvent, les divergences sont appréhendées de manière simpliste à travers l’opposition entre laïques et islamistes. Or, il est clair qu’en Irak, il est impossible de saisir les débats autour du code du statut personnel sans parler de la question de la fragmentation de la citoyenneté irakienne (sunnite, chiite, arabe, kurde, etc.) et de la dimension géopolitique qu’implique la mobilisation autour des droits des femmes dans un contexte marqué par une occupation menée par les États-Unis. La fracture entre militante d’obédience laïque et islamiste est une réalité sur le plan du discours politique et de la rhétorique idéologique, mais il faut la mettre en complexité et la placer dans le contexte de l’Irak post-2003, marqué par une crise politique à teneur communautaire, et une occupation impérialiste qui se joue des droits des femmes et sur-politise ainsi les positions relatives aux questions de genre.

42 Que signifie aujourd’hui, en Irak ou ailleurs, de parler de culture « authentique » ou de l’« islam » comme constituant une spécificité en ce qui concerne l’appréhension de la question des droits des femmes ? Le code du statut personnel adopté après la « révolution d’Abdel Karim Qasem » de juillet 1958 était l’un des plus progressistes de la région. Or, il a été élaboré de manière consensuelle avec les autorités religieuses de l’époque.

43 L’« islam » s’est donc accommodé de ce cadre légal séculier et d’aspiration égalitariste. Cela montre qu’il reflète la société et ses représentations de genre à un moment précis. Pourquoi ce qui a été admis hier de manière consensuelle fait-il l’objet de débats aujourd’hui ? La réponse ne réside pas dans les « spécificités culturelles » liées à l’islam, mais dans les réalités vécues par les femmes (et les hommes). Et comprendre ces réalités nécessite d’en aborder les différents aspects :

44 - La question coloniale et post-coloniale : on ne peut comprendre la mobilisation islamiste sur la question des droits des femmes si on ne prend pas en considération l’histoire coloniale hier et post-coloniale aujourd’hui. Or, l’argumentaire autour des droits des femmes est utilisé aujourd’hui à des fins impérialistes ; l’Afghanistan et l’Irak en sont des exemples manifestes.

45 - La question démocratique : les militantes irakiennes ont été au premier rang des mobilisations pour la démocratie en Irak car elles savent que l’espace démocratique permet l’existence d’une société civile vitale à la défense des droits des femmes.

46 - La question des rapports de pouvoir politiques, nationaux et internationaux : il est indispensable de « désislamiser » notre lecture et de montrer combien les questions de genre reflètent en réalité des rapports de pouvoir politiques, voire géopolitiques. La communautarisation du débat sur les droits des femmes en Irak en constitue l’illustration.


Date de mise en ligne : 10/03/2014

https://doi.org/10.3917/lhs.189.0223

Notes

  • [1]
    Nadje Sadig AL-ALI, Iraqi Women : untold stories from 1948 to the present, Zed Books, 2007 ; Yasmin Husein AL-JAWAHERI, Women In Iraq : The Gender Impact of International Sanctions, I.B.Tauris, 2008.
  • [2]
    Saddam HUSSEIN, Social and foreign affairs in Iraq, Londres, 1979, p. 16.
  • [3]
    Yasmin Husein AL-JAWAHERI, Women In Iraq : The Gender Impact of International Sanctions, op. cit.
  • [4]
    Ibidem ; Marion FAROUK-SLUGLETT, « Liberation or Repression ? Pan-Arab Nationalism ant the Women’s Movement in Iraq », in Derek HOPWOOD, Habib ISHOW, Thomas KOSZINOWSKI (eds.), Iraq : Power and Society, Ithaca Press, St. Antony’s College, Oxford, 1993.
  • [5]
    Nadje Sadig AL-ALI, Iraqi Women : untold stories from 1948 to the present, op. cit. ; Yasmin Husein AL-JAWAHERI, Women In Iraq : The Gender Impact of International Sanctions, op. cit. ; Noga EFRATI, « Productive or reproductive ? The roles of Iraqi Women during the Iraq-Iran War », Middle Eastern Studies, vol. 35, n° 2, 1999, p. 27-44 ; « Negotiating rights in Iraq : Women and the Personal Statuts Law », Middle East Journal, vol. 59, n° 4, 2005, p. 575-595.
  • [6]
    Citation d’une enquêtée.
  • [7]
    Nadje Sadig AL-ALI, Iraqi Women : untold stories from 1948 to the present, op. cit. ; Yasmin Husein AL-JAWAHERI, Women In Iraq : The Gender Impact of International Sanctions, op. cit. ; Noga EFRATI, « Productive or reproductive ? The roles of Iraqi Women during the Iraq-Iran War », op. cit. ; Marion FAROUK-SLUGLETT, « Liberation or Repression ? Pan-Arab Nationalism ant the Women’s Movement in Iraq », op. cit.
  • [8]
    Elle a bombardé les infrastructures civiles, les aménagements pétroliers, les pipelines de pétrole et les raffineries, les stations d’énergie électrique, les réseaux de transport et de télécommunication, les usines de traitement et les canaux de distribution de l’eau, les plantes fertilisées, les plantes alimentaires, les entrepôts de nourriture, les industries métallurgiques, les ponts, les hôpitaux, les entrepôts, les implantations industrielles, les sites d’irrigation et les immeubles civils. Dégâts évalués à 232 milliards de dollars.
  • [9]
    Comparaison de Parker PAYSON, décrivant les chiffres du Pentagone et du Departement de Défense : « Figure it out », in The Washington Report on Middle East Affairs, May/June 1991, p. 37.
  • [10]
    Yasmin Husein AL-JAWAHERI, citant M. Ahtissaari, Report to the Secretary-General on Humanitarian Needs in Kuwait and Iraq in the Immediate Post-Crisis Environment, New York, UN Report n° S122366, mars 1991, in Women In Iraq : The Gender Impact of International Sanctions, op. cit.
  • [11]
    Le 6 aout 1991 exactement.
  • [12]
    Ex : en 1988, une enseignante pouvait gagner 75 dinars soit 227 dollars par mois, alors qu’en 1997 elle gagnait 3 000 dinars soit 1,5 dollar par mois (si on prend en compte la hausse des prix et la dévaluation du Dinar).
  • [13]
    Selon le rapport de l’UN-OCHA de 2006.
  • [14]
    UN’s Department of Humanitarian Panel.
  • [15]
    Démission des responsables : Denis Halliday responsable du programme PCN en 1999, puis de Von Sponeck en 2001 pour dénoncer la catastrophe humanitaire provoquée par l’embargo.
  • [16]
    UNIFEM 2004
  • [17]
    Près de 100 000 civils sont morts durant les bombardements de 1991.
  • [18]
    Sur les tanks de l’armée irakienne étaient écrits : la shi’a ba’d al youm (plus de chiites après ce jour). Cela vient s’ajouter aux 150 000 morts d’al Anfal en 1987-1988.
  • [19]
    L’une des seules études de terrain sur le sujet, publiée en 2008.
  • [20]
    Y compris dans le cas des viols. Des études montrent que dans les années 1990, le nombre de crimes d’honneur a augmenté en Irak. Depuis la signature du décret plus de 4 000 femmes auraient été victimes de crimes d’honneur.
  • [21]
    Rendue visible sur le plan international par l’ajout du Allahou Akbar — Dieu est le plus grand — sur le drapeau.
  • [22]
    Symboliquement : voile à la Benazir Bhutto.
  • [23]
    Même si celui-ci avait été utilisé quelques temps avant, en 1985, dans la déclaration de l’UGFI lors du Comité national de préparation de la Conférence internationale des femmes de Nairobi. Un ajout d’une terminologie est à noter : notamment l’idée que la shari’a bien appliquée est garante de l’émancipation des femmes.
  • [24]
    La plus connue est celle des 300 femmes décapitées par Uday et son groupe en 2000, selon Amnesty International.
  • [25]
    Jusqu’à atteindre une moyenne d’environ 800 morts par semaine, et uniquement pour le mois de septembre 2006 pas moins de 3 500 morts à la suite d’attentats et d’assassinats. Cf. http://www.iraqbodycount.org/ et http://icasualties.org/Iraq/IraqiDeaths.aspx.
  • [26]
    Cf. les rapports d’Amnesty International sur l’Irak, notamment celui de janvier 2010 : http://www.amnesty.org/en/region/iraq/report-2011#section-65-9 ; Human Rights Watch Report, Iraq, 2009.
  • [27]
    Iraq Legal Development Project, The Status of Women in Iraq : update to the assessment of Iraq’s de jure and de facto compliance with international legal standards, Washington, DC : American Bar Association, dec. 2006 ; Riyadh K. LAFTA et al., « La violence fondée sur le sexe. Enquête auprès d’un échantillon d’Iraquiennes », in Revue Internationale des Sciences Sociales, « Dilemmes pour la construction des nations », n° 192, 2007.
  • [28]
    Cf. le témoignage d’une ancienne membre de l’APC dans « The use and abuse of iraqi women », in Nadje Sadig AL-ALI and Nicola PRATT (eds.), What kind of liberation ? Women and the occupation of Iraq, University of California Press, Berkeley, 2009, p. 55-85.
  • [29]
    Il consacre un budget affiché de 52 milliards de dollars au projet de reconstruction : http://www.sigir.mil/index.html
  • [30]
    Sur l’IWDI, cf. sur le site du Département d’État américain : http://www.state.gov/s/gwi/rls/other/2010/141080.htm.
  • [31]
    In « The use and abuse of iraqi women », op. cit., p. 63.
  • [32]
    Ibidem.
  • [33]
    Suite à l’attentat à la bombe contre le quartier général de l’ONU ayant notamment causé la mort du représentant de l’ONU en Irak Siergio Vieira de Mello.
  • [34]
    Qui peuvent rappeler les débats sur la parité en France…
  • [35]
    Le 29 décembre 2003, une réunion du Conseil du gouvernement intérimaire présidée par Abdel ‘Aziz al-Hakim, figure du Haut Conseil islamique d’Irak, adopte le décret 137 stipulant : 1) l’application de la loi islamique dans tout ce qui concerne le mariage et « les droits conjugaux » (dote, pension, divorce, séparation, Khul’, al-‘Idda, filiation, allaitement, garde de l’enfant, héritage…) ainsi que tout ce qui relève du statut personnel, suivant les obligations imposées par les écoles juridiques. 2) L’abrogation de toutes les lois, décrets, circulaires, consignes, règles et articles qui sont en contradiction avec le point 1). Le point 3) stipulant que le décret est applicable le jour de sa publication.
  • [36]
    Le second étant le parti Da’wa.
  • [37]
    9/55 pour le premier et 2/27 membres pour le deuxième en 2006.
  • [38]
    Selon le témoignage de Hanaa Edwar dans « The Iraqi Women’s Movement », in What Kind of Libération, op. cit., p. 121-162.

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