Notes
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[*]
Je tiens à remercier Elsa Dorlin pour son soutien, sa patience et les discussions très enrichissantes que nous avons eues au sujet de cet article ainsi que Numa Murard pour ses commentaires constructifs, avisés et encourageants.
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[1]
Dominique Fougeyrollas-Schwebel, « Le féminisme des années 1970 », in Christine Fauré (éd.), L’encyclopédie politique et historique des femmes, Paris, PUF, 1997, p. 729-769.
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[2]
Christine Bard, « Jalons pour une histoire des études féministes en France (1970-2002) », Nouvelles questions féministes, vol. 22, n° 1, 2003, p. 47-53.
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[3]
Claude Zaidman , « Institutionnalisation des études féministes. Enseigner le féminisme ? Un projet paradoxal », in Françoise Basch, Louise Bruit, Monique Dental, Françoise Picq, Pauline Schmitt-Pantel et Claude Zaidman (éds.), Vint-cinq ans d’études féministes. L’expérience Jussieu, Paris, Publications universitaires Denis-Diderot, coll. « Cahiers du CEDREF », série « Colloques et travaux », 2001, p. 69-80.
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[4]
Christine Bard, op. cit.
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[5]
Emmanuel Renault, L’expérience de l’injustice : Reconnaissance et clinique de l’injustice, Paris, La Découverte, 2004.
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[6]
Les « études féministes », contrairement à d’autres pays européens, n’existent pas en tant que telles en France où elles ne constituent pas une discipline (d’où l’ajout des guillemets).
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[7]
Muriel Andriocci, Jules Falquet, Michèle Ferrand, Annik Houel, Emmanuelle Latour, Nicky Le Feuvre, Milka Metso et Françoise Picq, « État des lieux des enseignements et des recherches sur le genre en France », Rapport final aux ministère des Affaires sociales, du Travail et de la Solidarité, ministère délégué à la Parité et à l’Égalité professionnelle et au service des Droits des femmes et de l’Égalité, 2003, 84 p. Ce rapport est disponible sur le site de l’ANEF : http:// www. anef. org/ publications
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[8]
Muriel Andriocci et Nicky Le Feuvre, « Les enjeux sociaux de l’institution-nalisation des “ études féministes ” à l’Université », in Edmée Ollagnier, Soledad Perez et Claudie Solar (éds.), Parcours de femmes à l’Université (pp. sous presse), Genève, Presses universitaires de Genève, 2005.
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[9]
Muriel Andriocci et al., 2003, op. cit.
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[10]
Pour 87 universités et 1 407 770 étudiant(e)s, il en existerait 388 dont 151 portant spécifiquement sur le genre (toutes disciplines et cycles confondus).
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[11]
Harriet Silius, « Women’s Employment, Equal Opportunities and Women’s Studies in Nine European Countries : A Comparative Summary », in Gabriele Griffin (ed.), Women’s Employment, Women’s Studies and Equal Opportunities, 1945-2001. Reports from Nine European Countries, Hull, The University of Hull, 2002, p. 470-514.
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[12]
Emmanuel Renault, op. cit.
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[13]
. Christine Bard, op. cit.
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[14]
. Emmanuel Renault, op. cit.
-
[15]
Léo Thiers-Vidal, « De la masculinité à l’anti-masculinisme », in Nouvelles Questions Féministes, vol. 21, n° 3, décembre 2002, p. 71-83, (Accessible sur le site web : http:// www. antipatriarcat. org/ hcp/ html/ leo_thiers-vidal. html).
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[16]
Emmanuel Renault, op. cit., p. 196.
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[17]
Ibidem, p. 203.
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[18]
Invisibilisation du travail domestique, dévalorisation des principes éthiques de la sollicitude, reconnaissance dévalorisante des individus de genre féminin, stigmatisation des individus dont la morale sexuelle n’est pas conforme au code familial (homosexualité, bisexualité, transsexualité).
-
[19]
Emmanuel Renault, op. cit., p. 203.
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[20]
Pascale Molinier, « Féminité sociale et construction de l’identité sexuelle : perspectives théoriques et cliniques en psychodynamique du travail », L’orientation scolaire et professionnelle, vol. 31, n° 4, 2002, p. 565-580.
-
[21]
Richard W. Connell, Gender and Power, Cambridge, Polity, 1987.
-
[22]
Colette Guillaumin, Sexe, race et pratique du pouvoir. L’idée de nature, Paris, Côté-Femmes, 1992.
-
[23]
Jean-Robert Pélissié, « Le phénomène d’humiliation en milieu scolaire », Pratiques psychologiques, 2003-3, Féminin/masculin. Du genre et des identités sexuées, p. 80.
-
[24]
Ibidem, p. 81.
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[25]
Ibid.
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[26]
Annette Langevin, « Frères et sœurs. Approche par les sciences sociales », in Yannick Lemel et Bernard Roudet (éds.), Filles et garçons jusqu’à l’adolescence. Socialisations différentielles, Paris, L’Harmattan, coll. « Débats Jeunesses », 1999, p. 151-172.
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[27]
Alain Bihr et Roland Pfefferkorn, Hommes, femmes, quelle égalité ?, Paris, Éditions de l’Atelier/Éditions Ouvrières, 2002, p. 17.
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[28]
Ibidem, p. 131.
-
[29]
Ibid., p. 39.
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[30]
Maria Puig de la Bellacasa, « Think we must. Politiques féministes et construction des savoirs », Thèse pour le doctorat de Philosophie et Lettres - Orientation Philosophie, sous la direction d’Isabelle Stengers, Bruxelles, Université libre de Bruxelles, 2004.
-
[31]
Françoise Picq, « Du mouvement des femmes aux études féministes », in Françoise Basch et al. (éds.), Vingt-cinq ans d’études féministes. L’expérience Jussieu, Paris, CEDREF/Université de Paris VII, 2001, p. 23-31.
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[32]
Maria Puig de la Bellacasa, op. cit.
-
[33]
Cf. l’article de Coline Cardi, Delphine Naudier et Geneviève Pruvost, « Les rapports sociaux de sexe à l’université : au cœur d’une triple dénégation », dans ce même numéro.
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[34]
Claude Zaidman , « Peut-on enseigner le féminisme à l’université ? », in Soline Blanchard, Jules Falquet et Dominique Fougeyrollas (éds.), Transmission : Savoirs féministes et pratiques pédagogiques, Actes des journées d’étude des 27 et 28 mai 2005, CEDREF-EFiGiES, 2006, p. 37.
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[35]
Danilo Martucelli, « Sociologie et posture critique », in Bernard Lahire (éd.), À quoi sert la sociologie ?, La Découverte, 2002.
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[36]
Judith Butler, « Faire et défaire le genre », Conférence donnée le 25 mai 2004 à l’université de Paris X-Nanterre, dans le cadre du CREART (Centre de recherche sur l’art) et de l’École doctorale « Connaissance et Culture », traduction de Marie Ploux, (Disponible sur le site web de « Genre et action » :http:// www. genretaction. net/ article. php3? id_article= 3404)
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[37]
Ibidem.
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[38]
Cf. Ellen Messer-Davidow, Disciplining Feminism, From Social Activism to Academic Discourse, Durham and London, Duke University Press, 2002.
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[39]
Muriel Andriocci, « Quel genre d’insertion pour les diplômées en “ études genre ” ? », in Érika Flahault (éd.), L’insertion professionnelle des femmes. Entre contraintes et stratégies d’adaptation, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2006.
Introduction
1Les enseignements féministes, de plus en plus souvent appelés enseignements sur le genre, se sont développés dans les universités à partir de la deuxième moitié des années 1970. Ils sont « porteurs » d’un certain nombre de savoirs critiquant les catégories de pensée qui favorisent et entretiennent la sujétion des femmes [1]. En « éclairant l’ordre des sexes et des sexualités [2] », les enseignant(e)s procèdent, avec leurs étudiant(e)s, à un travail critique sur les définitions normatives du genre [3]. Pour Christine Bard, « la matière est explosive, elle n’est pas simple connaissance venant s’ajouter à d’autres, mais plutôt questionnement susceptible de changer la vie en provoquant une prise de conscience, peut-être même un engagement féministe [4] ». Mais en quoi les « études féministes » peuvent-elles « changer la vie » ? Comment définir et caractériser plus précisément ce que Christine Bard appelle une prise de conscience et un engagement féministes ? À travers ces questions, il s’agit ici d’analyser les effets du féminisme académique sur les étudiant(e)s. Après avoir donné quelques informations de cadrage concernant ces enseignements, je tenterai de montrer en quoi ce que l’on appelle une prise de conscience féministe peut être définie comme une expérience de l’injustice [5], susceptible, à ce titre, de déboucher sur un engagement, envisagé ici comme une lutte pour la transformation des conditions sociales que produisent les normes oppressives du genre. Il est important de préciser que cet article est basé sur un travail de thèse en cours.
2Les « études féministes » [6] : quelques repères
3La première reconnaissance institutionnelle de ce champ d’étude et de recherche né des mouvements féministes de la « deuxième vague » permit, dans le cadre des assises nationales sur la recherche, l’organisation d’un colloque, en 1982 à Toulouse, qui réunit plus de 800 participantes. Sept ans plus tard, naissait l’Association nationale des études féministes et, en 2001, la Direction de l’enseignement supérieur, en lien avec le ministère de l’Éducation nationale et de la Recherche, décidait de faire un état des lieux des enseignements et recherches sur le genre [7]. Ce recensement a permis de comptabiliser 388 enseignements dont 237 « contenant » la dimension du genre et 151 portant spécifi-quement sur le genre, ce qui signifie pour ces derniers que la problématique des rapports sociaux de sexe constitue la trame centrale du cours.
4Bien qu’ayant vocation à être interdisciplinaires, les « études féministes » françaises ont choisi de jouer la carte de l’intégration dans un système universitaire fortement structuré autour des disciplines [8]. Aujourd’hui, ces enseignements, qu’ils portent spécifiquement sur le genre (enseignements « spécifiques ») ou qu’ils intègrent simplement cette perspective dans le cadre d’une autre thématique (enseignements « contenant » le genre) sont disponibles dans un nombre restreint de disciplines. Sur l’ensemble des 388 enseignements recensés dans l’enquête ANEF, c’est principalement en sociologie et les disciplines connexes (ethnologie, anthropologie, démographie) que l’on trouve la majeure partie de l’offre de formation disponible sur le genre (22 %). L’anglais (13 %), la psychologie (11 %), les lettres (9 %) mais aussi la science politique (9 %) et l’histoire (8 %) sont parmi les autres disciplines où l’on peut trouver des enseignements intégrant ou portant spécifi-quement sur le genre. Du point de vue de la répartition géographique de ces enseignements, l’analyse des questionnaires effectuée par l’ANEF montrait une inégale répartition sur le territoire : l’académie de Paris et celles de la région parisienne concentrent une part importante de l’offre de formation sur le genre (120 sur 388). En province, ce sont dans les académies de Toulouse (51 enseignements), Lyon (38), Rennes (27), Lille (24) et Bordeaux (22) que ces enseignements sont potentiellement disponibles. En revanche, d’autres académies (pour celles qui ont répondu au questionnaire) disposent de très peu d’enseignements (moins de 10) : c’est le cas de 8 académies (Reims, Caen, Antilles-Guyane, Dijon, Grenoble, Amiens, Clermont, Nancy-Metz et Nice). Enfin, les enseignements sur le genre sont majoritairement disponibles à l’université en 2e (215 cours) et 3e (105) cycles et peu présents en 1er cycle (68), là où sont concentrés les effectifs étudiants [9].
5Ce rapide état des lieux permet de faire le constat d’un nombre restreint [10] d’enseignements sur le genre/féministes disponibles à l’heure actuelle en France, notamment si on les compare avec ceux de pays voisins comme les Pays-Bas, la Grande-Bretagne, l’Espagne ou l’Allemagne où ces enseignements/recherches se sont plus largement développés [11].
6Il est intéressant de noter que c’est souvent à l’occasion d’un enseignement ne portant pas spécifiquement sur le genre, mais l’abordant néanmoins (par exemple, une séance sur la socialisation sexuée dans un cours de sociologie de 1re année) que les étudiant(e)s découvrent cette thématique et décident de suivre des « enseignements spécifiques » sur le genre. C’est le cas de Willa, diplômée d’un master pro de sociologie en « études genre » :
« La première fois [qu’elle a suivi des enseignements féministes] c’était en 1re année [de DEUG], parce qu’on a un cours magistral sur les rapports sociaux ethniques, de classe, de sexe […] et en fait c’est rigolo mais quand j’ai entendu le mot « domination masculine », ça m’a fait tilt, c’est un peu fort quand même. Donc je me suis intéressée à ça et voilà, ça a été ça. Après, en 2e année, il y a un cours qui en parle et après, le top, ça a été en licence en fait, quand j’ai pris carrément cette option-là. »
« Ça faisait quand même une dizaine d’années que ce thème-là [les rapports sociaux de sexe dans sa thématique de recherche] était développé en Grande-Bretagne et aux États-Unis, donc j’ai commencé à connaître ces travaux pendant l’année du DEA. Mais je n’avais toujours pas intégré la sociologie des rapports sociaux de sexe parce que je n’en avais pas connaissance. Donc, quand j’ai démarré en thèse, j’avais vraiment envie d’approfondir cette question, […] j’avais vraiment envie de travailler sur le processus de construction des identités sexuées […]. Et donc, pour la thèse, j’ai commencé au début et ça m’a pris quand même beaucoup de temps, j’ai commencé à essayer de faire un état des lieux de ce qui pouvait se faire à ce sujet-là […]. J’ai approfondi le travail que j’avais fait sur les travaux anglo-saxons, j’ai intégré aussi certaines canadiennes qui écrivaient en français, qui faisaient des travaux un peu intermédiaires, mais [dans la ville où elle était inscrite en thèse à ce moment-là — milieu des années 1990], il n’y avait quasiment rien à la bibliothèque sur les rapports sociaux de sexe, et donc j’avais commencé par des ouvrages assez généraux, plutôt en sociologie de la famille, qui abordaient cette question-là mais pas sous l’angle théorique des rapports sociaux de sexe. Et donc c’est vraiment en arrivant à [nom de la ville], en prenant contact avec [nom d’une équipe de recherche en « études genre »] que j’ai découvert la sociologie des rapports sociaux de sexe et que je l’ai intégrée à mon cadre théorique. »
L’hétérogénéité du public en « études genre »
9Si les modalités d’entrée (« accidentelle » comme Willa, ou « volontaire » comme Valérie) ne présagent pas, de façon univoque, des effets de ces enseignements et recherches sur les étudiant(e)s, elles permettent néanmoins de repérer deux types de « public » en « études féministes » : les individus qui, en amont de l’entrée dans les « études genre », ont (plus ou moins) conscience des inégalités de genre (minoritaires, on les rencontre principalement dans le groupe des « volontaires ») ; et ceux et celles qui, a priori, n’en ont pas conscience (plutôt dans le groupe « rencontre accidentelle »). Dans ce dernier cas, les femmes font plus souvent état, dans le cadre de leur entretien biographique, d’une rupture : il y a un avant et un après les études féministes à l’université. Cependant, il est aussi tout à fait possible de rencontrer les études genre « accidentellement » et d’avoir néanmoins déjà conscience des inégalités de sexe. L’expérience de l’injustice telle que l’a conceptualisée Emmanuel Renault [12] permet d’analyser l’hétéro-généité des expériences des interviewées vis-à-vis de la conscience ou de l’« absence » de conscience des inégalités de genre en amont des « études féministes ». Cette grille de lecture donne par ailleurs des outils permettant de comprendre la diversité des effets de ces savoirs sur les individus. Dans ce cadre d’analyse, la prise de conscience et l’enga-gement féministes [13] sont envisagés comme les étapes d’un processus qui prend son origine dans le vécu de situations injustes socialement produites [14].
10Il est important de noter qu’en l’état des données dont je dispose à ce jour, l’analyse proposée ci-après concerne plus spécifiquement les femmes, très majoritaires dans les enseignements dits « spécifiques », qui suivent des « études genre » dans le cadre de leurs études supérieures. Si certaines des caractéristiques mises en avant dans le processus décrit ici me paraissent utiles pour saisir les expériences d’un certain nombre d’hommes qui suivent ces enseignements, il me semble par ailleurs essentiel de prendre en compte le fait que ces savoirs ont été élaborés à partir d’une situation oppressive et que leurs effets sont, en ce sens, potentiellement différents pour des individus définis par leur apparte-nance au groupe social oppresseur [15].
Des vécus de situations injustes au sentiment d’injustice : un processus
11Dans la perspective proposée par Emmanuel Renault, un vécu d’injustice provient de la déception d’attentes normatives constituées par différents besoins de reconnaissance formulés par les individus et auxquels sont opposés des dénis de reconnaissance qui s’inscrivent toujours dans le cadre de relations intersubjectives. Néanmoins, les institutions jouent un rôle déterminant dans les types de rapports (reconnaissance ou déni) qui s’élaborent entre les individus. En effet, si elles ne constituent pas en elles-mêmes des dispositifs produisant la reconnaissance ou son déni, elles « institutionnalisent des rapports de reconnaissance [16] ». À ce titre, elles sont en mesure, soit de stabiliser les relations de reconnaissance entre les individus, soit de perpétuer les obstacles à la construction de relations sociales fondées sur la reconnaissance.
12L’auteur classe les institutions, toutes susceptibles de générer des dénis de reconnaissance (intersubjectivement constitués), en trois catégories : 1) les institutions familiales ; 2) juridiques et politiques, ainsi que 3) celles relevant du marché et de l’entreprise. À chacune de ces institutions correspondent différents types de besoins de reconnaissance formulés par les individus.
13À travers l’analyse des effets que produisent les institutions sur les subjectivités, il est possible de saisir les conditions qui peuvent déboucher sur un déni de reconnaissance institutionnalisé. L’auteur identifie plusieurs modèles de déni de reconnaissance qui découlent des différents effets des institutions sur les individus. Par exemple, en tant qu’instances de coordination, grâce aux règles qu’elles établissent, les institutions (par le biais de relations intersubjectivement constituées) sont susceptibles de déboucher sur une reconnaissance dévalorisante (l’individu n’est pas reconnu comme ayant une valeur égale aux autres), une disqualification (l’individu n’est pas considéré comme un partenaire d’action), une stigmatisation (l’individu est considéré comme un agent d’actions nuisibles ou condamnables).
14En tant qu’instances de socialisation spécifiques et de production de l’identité, les institutions sont en mesure de fournir une représentation de la valeur de l’existence de l’individu. C’est à ce titre que les institutions sont aussi le lieu où se constituent les différentes composantes de l’identité personnelle. Elles résultent « de l’intériorisation de principes normatifs, de rôles par l’intermédiaire de l’identification à des autruis significatifs [17] ». Concernant plus spécifiquement l’institution familiale, l’auteur identifie plusieurs types de dénis de reconnaissance [18] liés aux normes du genre. Pour Emmanuel Renault, ceux-ci se situent « en deçà des rapports communicationnels [19] », ce qui signifie que l’asymétrie fondamentale du genre qui s’articule à des rapports de domination, de pouvoir, ne peut être remise en cause par un simple « accord des volontés » des individus et/ou par la référence à des principes égalitaires. En effet, bien que le principe de justice que constitue l’égalité entre les hommes et les femmes soit revendiqué par un nombre de plus en plus important d’acteurs et d’actrices au sein des institutions juridiques et politiques, familiales et scolaires, la socialisation des individus continue d’opérer selon des normes qui génèrent une hiérarchie entre les identités de genre. Cela signifie concrètement que les conduites des femmes, à travers le système de la virilité, sont et tendent à rester, malgré des principes éthiques égalitaires, édictées en fonction des intérêts des hommes [20]. Ces rapports sociaux de pouvoir inhérents à un tel « ordre du genre [21] » se manifestent, de façon plus ou moins explicite, dans une multiplicité de situations en s’agençant à d’autres formes de domination comme la classe et la race [22].
15Au collège, par exemple, les filles qui tentent, dans la cour de récréation, de jouer au football avec les garçons sont « généralement refoulées eu égard à leurs prétendues inaptitudes physiques [23] ». Dans le cadre d’une enquête menée auprès de 275 collégien(ne)s, l’auteur montre que les filles sont majoritairement (73 %) touchées par le sexisme. Celles-ci font « régulièrement les frais d’attaques morales les reléguant au statut de dominées [24] ». Ces différentes formes d’agression génèrent des senti-ments de frustration, d’injustice, de rabaissement, qui semblent renforcés par le fait que les garçons ne sont pas réprimandés pour leurs actes. D’autre part, les filles qui refusent de se conformer à la domination masculine sont victimes de représailles verbales et/ou physiques (parfois extrêmement violentes) de la part des garçons. Face à ces situations d’humiliation, de discrimination sexiste et/ou homophobe, l’ensemble des victimes ont témoigné lors de cette enquête de leur incapacité à « faire face aux événements violents qu’elles vivent [25] ».
16Annette Langevin montre par ailleurs comment les familles, à travers l’éducation des frères et sœurs, tentent de gommer les fondements inégalitaires du genre tout en maintenant parallèlement sa légitimité en tant que système de différenciation des individus et comment, ce faisant, elles participent à la reproduction de normes hiérarchisant le masculin et le féminin dans le cadre de principes (discursifs) égalitaires [26].
17Ce décalage entre les principes égalitaires des familles et « des pratiques qui restent fondamentalement inégalitaires [27] » est aussi visible à travers la répartition des tâches domestiques puisque les inégalités dans la prise en charge des activités domestiques (gratuites et dévalorisées) se maintiennent : « les femmes y consacrent en moyenne deux heures de plus par jour que les hommes [28] » tandis que les hommes consacrent, quant à eux, près d’une heure et demie de plus que les femmes à leur emploi.
18Au-delà de ces quelques exemples, il s’agit de percevoir la multi-plicité des lieux et des situations dans lesquels s’énoncent des dénis de reconnaissance socialement institués concernant le genre féminin. Une interviewée exprime à mon sens particulièrement bien la prégnance de cette asymétrie qui s’inscrit dans le contexte d’une éthique égalitaire (qui reste de fait « incantatoire ») et s’impose, à travers le langage, comme une règle à laquelle il faut se soumettre :
« Je me souviens de choses qu’on ressent mais qu’on ne comprend pas, par exemple la maîtresse nous expliquait l’accord du masculin qui l’emporte sur le féminin, je me souviens qu’on nous avait raconté ça mais je trouvais que c’était injuste quoi. Et je me disais que si j’étais née garçon ça aurait été mieux. Parce qu’elle nous avait expliqué que si on était un groupe de filles et que s’il y avait eu un garçon c’était le masculin qui l’aurait emporté sur le féminin, bon ça on peut encore l’accepter, mais même un garçon l’emportait sur une maîtresse parce que si on disait “ nous sommes sortis de la classe tous ensemble ”, c’est quand même le masculin qui l’emportait sur le féminin, donc, dans mon esprit, ça voulait dire qu’un petit garçon était plus fort qu’une maîtresse, qu’une femme adulte, et je me disais mais pourquoi ? »
20Dans la perspective défendue par Emmanuel Renault, le vécu de situations injustes — provenant des besoins de reconnaissance auxquels sont opposés des dénis de reconnaissance — peut rester à l’état de souffrance latente mais il peut aussi déboucher sur un sentiment (plus ou moins implicite) d’injustice. C’est lorsque le vécu d’une situation injuste donne lieu à un sentiment d’injustice qu’il est possible pour les individus d’enclencher des dynamiques pratiques et normatives visant à transformer (en luttant contre) les conditions qui produisent l’injustice. Mais encore faut-il que les victimes aient la possibilité d’exprimer l’injustice qui a été subie, ce qui implique qu’elle ait été socialement constituée comme telle. C’est la différence entre le litige, où les plai-gnants ont la possibilité « de pouvoir exiger la réparation de l’injustice qu’ils subissent en énonçant la règle qui a été violée [29] », et le tort qui traduit cette forme d’expérience à travers laquelle les victimes n’ont pas la possibilité d’exprimer l’injustice qui a été subie et que les mots de l’interviewée citée ci-dessus (« je me souviens de choses qu’on ressent mais qu’on ne comprend pas […] et je me disais mais pourquoi ? ») expriment clairement.
21Pour être en mesure de transformer un tel vécu en sentiment d’injus-tice, il est nécessaire que les individus aient accès à des représentations socialement constituées de ce qui fonde, dans leur(s) situation(s), l’injustice. C’est notamment le rôle des mouvements sociaux, des porte-parole du secteur associatif et de la critique sociale (dont notamment la sociologie) que de fournir de telles représentations, en redéfinissant par exemple les principes de justice disponibles afin qu’ils soient en mesure de prendre en compte les expériences des victimes de l’injustice. Le mouvement des femmes des années 1970, dans le sillage duquel les « études féministes » se sont développées dix ans plus tard, a participé à cette redéfinition des principes de justice. L’objectif autour duquel il se structurait était de traduire des vécus d’injustice (émanant de dénis de reconnaissance institutionnalisés) en d’autres termes que ceux de « problèmes personnels », qu’il s’agisse du travail domestique, de sexualité, de fécondité.
Des représentations de l’injustice dans l’académie : tensions et dissensions
22Néanmoins, aujourd’hui encore, de nombreux individus — principa-lement des femmes — qui subissent l’ordre du genre ne disposent pas de représentations leur permettant de formuler leurs expériences sur le mode de l’injustice. Les études féministes constituent un lieu où de telles représentations visant à questionner mais aussi à contester le système du genre sont potentiellement (dans les conditions que j’ai évoquées au début de cet article) accessibles. Questionner et contester tout à la fois car les savoirs féministes académiques ont été élaborés dans la tension d’une posture scientifique — par des universitaires — et d’une position politique de contestation, de lutte — féministes [30]. Cette tension a pris en France un aspect particulièrement « dramatique » au sens où, d’une part, le mouvement des femmes s’opposait à toute forme d’institution-nalisation et dénonçait la récupération de la lutte par des intellectuelles au profit de l’université [31] et ou, d’autre part, au sein de l’académie, les savoirs féministes (et celles qui s’en revendiquaient) étaient marginalisés en raison de la dimension militante — c’est-à-dire engagée — de ces recherches (et enseignements) qui remettait en cause l’idéologie selon laquelle une science est plus objective lorsqu’elle est désintéressée [32]. Cette position « en tension » a donné lieu, dans le champ des « études féministes », à une double stratégie : à la fois se défaire de l’étiquetage militant, notamment en se pliant aux règles du fonctionnement académique et aux critères scientifiques des disciplines dans lesquelles les universitaires féministes se sont intégrés [33] tout en se revendiquant historiquement du mouvement des femmes et du féminisme. Pour autant, même si « le féminisme comme mouvement social et politique ne s’enseigne pas dans des cours universitaires sauf d’un point de vue historique et critique [34] », les théories féministes enseignées à l’université ont indéniablement aussi des effets politiques qu’il est possible d’appréhender par le biais de l’expérience de l’injustice.
23Pour pouvoir comprendre les effets des « études genre », dont ceux qui conduisent les individus à un engagement féministe, il est nécessaire de prendre en compte la position des interviewées dans le processus de l’expérience de l’injustice (vécu de situations injustes et sentiment d’injustice) qui doit elle-même être articulée aux modalités spécifiques de l’histoire biographique (type de socialisation familiale, dispositions constituées en matière de sexualité et d’identité sexuée) des individus. Si des critères comme le nombre et le type de cours suivis (contenant le genre ou portant spécifiquement sur le genre), la discipline d’appar-tenance, le style de pédagogie utilisée par le(s) enseignant(e)(s) sont, parmi d’autres, des éléments indispensables à la compréhension des effets des études féministes/études genre sur les étudiant(e)s, ils ne sont pas déterminants (et suffisants) pour saisir la diversité des expériences des interviewées. Alors qu’un enseignement de licence (en sociologie), dans le cas d’une « rencontre accidentelle » avec les études féministes, peut conduire une femme à concevoir un sentiment d’injustice en la menant à un engagement militant, le même cours déclenchera « simplement » la perplexité chez une autre. Si toutes les femmes (dont celles qui ont été interviewées dans le cadre de cette recherche) ont vécu/vivent des situations injustes liées aux différents dénis de reconnaissance socia-lement institués vis-à-vis du genre féminin (qui s’agencent toujours à d’autres formes de déni de reconnaissance comme la classe et la race), toutes ne sont pas pour autant en mesure de formuler leurs expériences sur le mode de l’injustice. Les différentes positions des femmes, du point de vue de l’expression d’un sentiment d’injustice, en amont et à la suite des « études féministes », sont identifiables à partir des affects dont elles font part dans leurs entretiens : a) la honte exprime une souffrance liée à un déni de reconnaissance (socialement produit) non constitué comme une injustice ; b) la perplexité est une première étape du processus de constitution d’un sentiment d’injustice (le « mais pourquoi ? » de l’interviewée citée plus haut à propos des règles de grammaire) ; c) la colère constitue un indicateur fort d’un sentiment d’injustice et d) elle s’imbrique souvent à la contestation qui peut déboucher sur la révolte voire la rébellion. Autant de sentiments qui marquent le passage d’un sentiment d’injustice à diverses tentatives (collectives et formelles par le biais des mouvements militants gays, lesbiens ou féministes et/ou indivi-duelles et informelles) de lutte contre les conditions qui la produisent.
24L’analyse de la position initiale des individus vis-à-vis de la constitution d’un sentiment d’injustice constitue une étape de la recherche permettant de comprendre les effets, des plus discrets aux plus « explosifs », des « enseignements féministes ». Alors qu’ils vont permettre à un certain nombre de femmes, qui font (ont fait) l’objet de dénis de reconnaissance liés à leur appartenance de genre ou à leur sexualité, de constituer un sentiment d’injustice et de déclencher un engagement — formel et informel —, pour d’autres, ils vont permettre de donner un sens à une révolte individuelle qui, parce qu’elle n’était pas socialement contextualisée, était trop lourde à porter [35]. Pour celles qui avaient constitué un sentiment d’injustice et qui militaient avant l’entrée dans les « études féministes » (très minoritaires), ces dernières peuvent les conduire à redéfinir leur engagement. De la souffrance subjective découlant de dénis de reconnaissance socialement institués à la consti-tution d’un sentiment d’injustice et à la lutte pour la redéfinition des stéréotypes du genre et des rapports sociaux de sexe, il s’agit de restituer la diversité des expériences des individus tout en étant en mesure de les comprendre ensemble.
La honte et la souffrance
25Martha fait partie de celles qui ont rencontré « accidentellement » les « études féministes ». Elle les a découvertes en licence de sociologie et a choisi de se spécialiser sur cette thématique en maîtrise. Elle est diplômée d’un master pro en « études genre » au moment où je la rencontre. Ce n’est pas la colère qui prédomine lorsqu’elle raconte son histoire mais la souffrance, encore prégnante au moment de l’entretien :
« […] Je pense qu’elle [sa mère] a eu un petit rejet au départ quand elle a su que c’était [l’interviewée] une fille. Ensuite, je pense qu’elle a eu du mal à l’accepter, j’étais habillée avec les fringues de mes frères. J’étais la petite chose de ma mère en plus, parce que j’ai un père qui a été très très absent tout le temps et que je voyais très peu. Donc c’est vrai qu’on a eu une relation peut-être un peu particulière pour certaines personnes. Et je pense que ce sont des choses après que tu digères plus ou moins bien. […] Je crois qu’à un moment donné j’ai eu un véritable problème, je sais pas, peut-être vers 10-11 ans, un gros problème d’identité en fait et que j’ai essayé de faire taire plus ou moins pendant toute mon adolescence et qui est ressorti après, à 18-20 ans, et puis quand je me suis retrouvée en fac et peut-être un peu libérée aussi de ma cellule familiale. »
27Lors de l’entretien, il lui est encore difficile d’exprimer les raisons qui l’ont poussée à suivre ces enseignements en licence :
« Il y avait des gens qui savaient pourquoi j’avais fait ça, moi aussi je le sais d’ailleurs. Est-ce qu’on tombe par hasard sur une UV [unité de valeur] comme ça ? Je sais pas, qu’est-ce qui peut attirer les gens ? Moi, ce qui m’a intéressé c’était… Qu’est-ce qui m’a intéressé, c’est difficile à dire tu sais. […] Je vais te dire, en licence, on devait faire un petit dossier et le choix de ce dossier-là, que j’ai fait avec une amie, enfin avec une fille avec qui j’étais en cours, c’était la notion de 3e sexe social, voilà. Et au départ je pense que ce qui m’a attirée dans cette UV c’est ça. [...] Et je crois que j’ai vraiment accroché là-dessus. »
« […] Et c’est vrai que les études que j’ai choisies m’ont peut-être aidée à faire le tri dans tout ça, mettre les choses dans le bon ordre et à essayer de vivre avec ce qui était là. […] Si t’es pas dans un milieu bien spécifique, par exemple une fac qui va aborder ce sujet-là, ou si t’es pas dans une association ou si tu tombes pas par chance sur quelqu’un qui a un peu le même truc que toi et avec qui tu vas pouvoir en parler, c’est quelque chose tu vois que tu étouffes et t’essayes de passer dessus, de vivre un peu comme tout le monde. Mais je crois que mes études y sont pour beaucoup dans le fait que j’assume certaines choses aujourd’hui et que je peux vivre à peu près sereinement par rapport à tout ça. »
30Ces savoirs, en resocialisant des difficultés subjectives socialement produites, liées à une identité sexuée et sexuelle considérée comme déviante par le système de genre hétéronormatif, ouvrent la possibilité d’une « réconciliation identitaire ». Si une conception normative du genre peut défaire, déconstruire une personne en l’empêchant, à long terme, de persévérer dans sa quête d’une vie vivable [36], l’expérience de Martha montre qu’en déconstruisant les normes restrictives du genre, il est possible d’inaugurer une nouvelle identité qui assure une meilleure viabilité [37]. Cette réconciliation identitaire, qui s’effectue dans le cadre d’une autonomisation vis-à-vis du milieu familial par le biais de l’accès à l’université, a par ailleurs redéfini ses rapports aux autres :
« Je crois que quand on a vécu certaines choses, qu’on a pris le temps de réfléchir dessus, qu’on a eu de la chance de pouvoir réfléchir dessus parce qu’on a fait des études […] je crois quand tu as réfléchi un peu sur toi, de ce que tu as vécu, tu es forcément plus attentif aux problèmes des autres et tu arrives plus facilement à mettre tout ça en arrière et à être disponible. »
La perplexité et la contestation
32Comme l’interviewée précédente, Noëlle découvre les « études fémi-nistes » à l’université :
« La première année de DEUG se passe tranquillement, découverte de la fac. Et en deuxième année, je devais choisir un cours transversal et en regardant le programme j’ai vu l’intitulé du cours de [une enseignante] qui s’appelait [elle cite l’intitulé du cours : il traite spécifiquement d’une catégorie de femmes à un siècle donné]. Je me suis dit tiens enfin quelque chose qui sort de l’ordinaire. »
34Durant ce premier cours, Noëlle (23 ans au moment de l’entretien) découvre l’invisibilité des femmes dans sa discipline, l’histoire.
35« Finalement les seules femmes qu’on nous présentait au niveau de l’histoire, c’était Jeanne d’Arc et Marie-Antoinette, et Jeanne d’Arc se fait quand même brûler et Marie-Antoinette se fait décapiter, comme si il y en avait pas d’autres. Et ça m’a paru tellement évident que je me suis dit il faut que je continue […]. Ça me plaît tellement, j’ai envie de poursuivre là-dedans, donc vraiment une évidence. »
36En maîtrise et en DEA, Noëlle opte pour un sujet de recherche en « études genre ». Elle indique que la découverte de l’invisibilité des femmes en histoire va fonctionner comme un révélateur :
« [Dans ce premier cours, l’enseignante] nous montrait que finalement oui, il y avait les femmes et que le rôle et la place des femmes étaient tout aussi révélateurs que la place et le rôle des hommes. Et c’est en ça que je me suis dit mais évidemment, évidemment, il y avait des femmes comme il y avait des hommes, mais cette question je ne me l’étais jamais posée parce que l’enseignement que j’avais suivi au lycée m’avait paru tellement généraliste que je me suis dit mais il y a les femmes et je m’étais jamais posée la question de l’universalisme et du genre. […] C’était basique, mais c’étaient des questions que je ne m’étais jamais posées. »
38Noëlle qualifie sa famille de « plutôt égalitaire ». Son père participait activement aux tâches domestiques et elle indique que la sexualité était un sujet de discussion « libre ». Mais dans son entretien, elle parle rapi-dement de ses grands-parents maternels qu’elle définit ainsi :
« C’est mon grand-père le chef de famille, ma grand-mère lui sert à manger, ma mère était la fille donc ça a beau être l’aînée, elle passait au second plan, par contre son frère, c’était le petit génie. »
40Elle raconte que petite, son grand-père maternel voulait lui imposer de le servir à table : « tu vas faire comme ta mère et ta grand-mère ». Noëlle précise que sa mère a très mal vécu cette situation :
« Elle a toujours été un peu en conflit avec ses parents, du coup, quand elle voyait qu’il [son grand-père] réagissait comme ça avec moi elle était en conflit avec lui, mais quand j’étais gamine je m’en rendais finalement pas tellement compte parce qu’on fait pas attention à ces choses-là. C’est quand on commence, à 16-17 ans, à entendre toujours la même rengaine que ça devient difficile. Mais ma mère, ça l’a énormément marquée. »
42Si Noëlle a vécu dans ce qu’elle définit comme une famille égalitaire (parents), elle a subi et a été témoin, dans le cadre des relations avec ses grands-parents maternels, de situations injustes (que sa mère définit comme telles et auxquelles elle s’oppose) liées à la domination mascu-line. C’est à l’adolescence (comme de nombreuses autres interviewées), lorsque les injonctions à se conformer à l’ordre du genre deviennent plus intenses et que les dénis de reconnaissance prennent une nouvelle ampleur que Noëlle évoque des difficultés.
43Elle exprime plus de la contestation que de la colère dans son entretien. Elle indique qu’elle a toujours protesté (« je râlais ») lorsqu’elle était témoin de « blagues sexistes », sans savoir quels types d’arguments y opposer. C’est à l’université, lorsqu’elle découvre, à travers un ensei-gnement qui l’attirait par son intitulé féminisé, le déni de reconnaissance dont les femmes font l’objet dans sa discipline, qu’elle constitue un sentiment d’injustice qui se manifeste, dans les premiers moments, sous la forme d’un questionnement :
« Dans tous les grands événements [historiques] importants, pas de femmes ou presque. Or, c’est quand même la moitié de la population, donc elles étaient bien quelque part, même si elles étaient non actives mais auquel cas ce serait révélateur d’une situation. Et c’est en réfléchissant que je me suis dit mais bien sûr. Et je me suis replongée dans mes manuels de 1re et terminale en me disant quand même, peut-être qu’elle [l’enseignante en « études féministes »] exagère, et je me suis dit mais non elle n’exagère pas. Et à partir de là le questionnement s’est produit, je me suis questionnée en me disant mais à quoi c’est dû ? »
45Chez certaines interviewées qui se situent dans cette phase, la colère est plus ou moins visible et est liée à la multiplication de l’identification des situations injustes. À cette étape du processus, la constitution d’un sentiment d’injustice (qui se manifeste par la contestation) se concrétise fréquemment par la définition de soi comme « féministe » :
« Aujourd’hui, je me revendique féministe, par contre dans le sens pas excessif du terme, dans le sens volonté d’instaurer cette égalité entre les sexes dans tous les domaines mais sans vouloir mettre un haro sur les hommes en les culpabilisant parce que finalement je pense pas que ce soit la solution. Je suis une féministe modérée même si mes revendications sont entières. »
La rébellion et la souffrance
47À la différence de Noëlle et encore plus de Martha, la colère, la révolte sont des sentiments qui sont très présents dans l’entretien d’Aya, qui a 24 ans au moment où je la rencontre. Elle se classe elle-même dans le groupe des interviewées qui ont rencontré « accidentellement » les « études féministes » mais fait part, dans son entretien, d’un fort sentiment d’injustice. Elle réussit brillamment sa scolarité jusqu’à l’obtention de son baccalauréat S (scientifique). Elle s’oriente ensuite en droit pour « se battre », pour « combattre l’injustice », pour « aider les autres » : « Je suis animée d’un sentiment de révolte » dit-elle. Elle est en rébellion depuis l’enfance, contre son père : « Il se faisait servir à table, j’ai jamais supporté ça » ; contre ses frères : « C’est vrai que sur mes frères, je me suis imposée : “ non ça n’est pas qu’à moi de faire la vaisselle ”, “ moi aussi je veux faire du sport ” » ; contre l’invisibilisation des questions liées à l’immigration dans le système scolaire :
« L’impression que j’avais toujours par rapport à ma culture c’est que notre culture était inférieure et que la culture française était supérieure, c’est plus ou moins ce qui est véhiculé à l’école et c’est dramatique. C’est l’idée que tu reçois des coups et que tu n’arrives pas à les renvoyer en fait, et tu prends, tu prends et tu ne comprends pas en fait. »
49Dans le cas d’Aya, le sentiment d’injustice se traduit par une révolte qui s’effectue à titre individuel, c’est-à-dire qu’elle ne possède pas de significations sociales des raisons qui la poussent à contester les différents dénis de reconnaissance dont elle est victime.
« Et c’est clair, nous, on est une famille maghrébine, je n’y échappe pas, je fais partie de la règle, je ne suis pas l’exception : c’est le père qui se fait servir et la mère qui sert et moi, depuis toute petite, j’assiste à ça et je n’ai jamais supporté ça et je ne le supporte toujours pas et c’est pour ça que c’est dur, parce que finalement, dans ma culture, je suis une exception parce que je ne l’accepte pas. Et française, je ne le suis pas, c’est pour ça que ça a toujours été très difficile de faire du ping-pong, mais je ne suis pas la seule, je sais qu’on est des milliers comme ça. »
51Le sentiment d’injustice s’énonce d’autant plus chez Aya qu’elle fait l’objet de multiples dénis de reconnaissance induits par les rapports de domination qu’elle subit du fait de sa classe sociale, de son genre et de son origine ethnique.
52À partir de l’université, Aya enchaîne des périodes d’abattement et de ressaisissement. Elle réussit néanmoins à obtenir sa maîtrise, malgré des moments de grande difficulté. Jamais, au cours de son cursus de droit (dans plusieurs universités), elle ne rencontrera sur sa route des « enseignements féministes ». C’est après sa maîtrise de droit qu’elle suit le même master pro de sociologie en « études genre » que Martha et Willa. À l’instar de nombreuses interviewées qui préparent ou sont titulaires de ce diplôme, Aya a choisi cette formation pour son caractère professionnalisant dans le domaine du social : « Je ne suis pas arrivée [dans cette formation] en me disant c’est parce qu’il y a une idée d’être féministe tout ça, non pas du tout en fait. »
53Elle est absente durant tout le premier mois de sa formation en « études genre » pour visiter le pays du Maghreb dont ses parents sont originaires : « J’ai tellement occulté ce que j’étais ». C’est donc tardivement qu’elle débute ses cours sur le genre dans un état d’épuisement psychique et physique intense : « Je dormais, au début, en cours ». La recontextualisation sociale des expériences (des souffrances) vécues individuellement a des effets de « réconciliation identitaire » chez Aya qui se rapprochent de ceux identifiés chez Martha :
« Cette formation m’a servie de thérapie psychologique parce que j’ai retrouvé plein de choses et avec du recul en fait et je me sentais énormément concernée. Par exemple, on a fait plein de choses sur l’immigration et toutes ces choses dont je n’avais jamais entendu parler pendant mon cursus de droit et c’était une sorte de psychothérapie, j’écoutais des choses et je les comprenais, je n’avais pas besoin d’exemples là-dessus, je le ressentais, je le vivais. Cette double culture, du rapport avec la religion, les parents, de cet enfermement, de plein de choses et en fait j’écoutais les intervenants et je les regardais et moi je comprenais, pour moi c’était du vécu, et j’ai trouvé hallucinant que des choses étaient écrites et qui ramènent si près de la réalité et j’ai trouvé ça génial en fait. »
L’engagement dans la lutte
55Nina a 38 ans au moment de l’entretien, elle reprend des études après une formation et une expérience professionnelle dans le travail social. À la suite de sa maîtrise, elle choisit de préparer un master recherche en « études genre » (qui n’existe plus aujourd’hui). Elle conçoit un sentiment d’injustice lié à la domination masculine à l’adolescence, au moment où s’intensifient les injonctions normatives du genre :
« En fait je me suis rendu compte que les femmes étaient victimes des hommes, assez jeune, parce que je l’ai évalué à peu près à 15 ans et je l’ai vu tout simplement à travers mes parents, c’est-à-dire que je me suis rendu compte, je ne sais trop comment, que ma mère faisait toutes les tâches ménagères et que mon père ne faisait rien et à un moment ça a dû me sauter aux yeux ou je ne sais pas trop, je n’arrive plus vraiment à préciser, mais je trouvais ça dégueulasse, je me disais mais pourquoi ? »
57Elle décrit son éducation comme « très traditionnelle » : sa mère souhaite faire d’elle « une bonne maîtresse de maison » même si elle ne remet pas en question la nécessité d’une activité professionnelle pour sa fille à condition que celle-ci n’empiète pas sur la vie de famille. La mère de Nina, sans emploi, assure l’ensemble des tâches domestiques et de soin ; son père, fortement investi dans son activité professionnelle, est cadre moyen dans une entreprise privée. La révolte de Nina semble être directement liée à la résignation de sa mère vis-à-vis de l’ordre de genre :
« Et ce qui m’étonnait aussi c’est que ma mère ne se révoltait pas, donc tu te rends compte d’un truc, tu te dis c’est pas normal, mais en même temps ceux qui le vivent trouvent ça normal, alors ça me posait question. Et quand j’en parlais à ma mère pour qu’elle se révolte, elle ne se révoltait pas donc je ne comprenais pas. »
59L’insoumission de Nina vis-à-vis de ce schéma parental prend un nouveau contour à partir de ses 18 ans :
« Et en terminale, je me suis mise à lire Le Deuxième Sexe de Simone de Beauvoir. Alors je pense qu’à l’époque je n’ai pas tout compris, mais ça a été une révélation. C’était une révélation dans le sens où ce qui vivotait dans ma tête depuis deux ou trois ans, et bien j’ai eu l’impression de tout comprendre, enfin je pense que je n’avais pas tout compris mais ça m’a permis de mettre des mots sur ce que j’avais ressenti ou qui m’avait énervée […] et, à partir de ce moment-là, je n’ai plus fait que bouquiner, enfin j’avais une soif de lire et de comprendre, j’avais en fait besoin de comprendre mais je n’arrivais pas à bien prendre du recul et ce qui fait que je me sentais complètement écrabouillée par tout ce qui se passait au niveau des femmes. Je pense qu’il y a eu au moins deux ou trois ans comme ça. »
« J’ai pris contact avec [la structure féministe dans sa ville en province] parce qu’en fait quand je voyais que les gens autour de moi ne comprenaient rien de ce que je racontais, je suis allée chercher des gens qui pouvaient être féministes en fait, enfin je ne sais pas si je le disais comme ça mais j’essayais de trouver des gens avec qui je pouvais parler, qui me prenaient pas pour une nana qui délirait. »
62Après plusieurs années d’activité professionnelle dans le travail social et de militantisme féministe, elle décide de reprendre des études. Sa formation en « études féministes » semble redéfinir son engagement dans un sens plus réflexif et moins activiste :
« […] Si tu veux, je pense que je suis passée à un autre cap dans ma vie de féministe. Je pense que la fac, au fur et à mesure du temps, m’a fait basculer plus côté recherches féministes, plus côté intellectuel et beaucoup moins active, puisque je ne milite plus depuis 1990. »
64À l’instar de Nina, les rares individus — parmi les interviewé(e)s — qui militaient dans des associations féministes, gay ou lesbiennes en amont des études genre ne poursuivent pas cette forme d’activisme par la suite. Ainsi, alors que les études féministes vont amener certains individus (par le biais de la constitution d’un sentiment d’injustice) à s’investir dans le militantisme à la suite de leur(s) formation(s), elles en conduisent d’autres à prendre de la distance vis-à-vis d’une inscription militante (homosexuelle, lesbienne ou féministe) — réelle ou induite par un objet de recherche stigmatisé — handicapante dans le monde académique, notamment si l’on souhaite accéder, à l’issue de son doctorat (c’est le cas pour 3 des 4 interviewé(e)s), à des postes au sein de l’institution. Nina exprime (comme les autres femmes qui ont constitué un sentiment d’injustice) la tension récurrente entre la révolte vis-à-vis de l’ordre de genre — qui peut, comme dans le cas de cette interviewée, aboutir à un militantisme féministe —, et les injonctions à se défaire de la colère (en la disciplinant [38]) dans le cadre universitaire : « C’est que plus j’avançais au niveau universitaire et plus il fallait que je sois théorique et neutre ».
65Si Nina n’est plus une militante féministe active, elle reste néanmoins engagée dans la lutte vis-à-vis de l’ordre de genre viril. En effet, du militantisme féministe et/ou lesbien à un engagement informel (dans le cadre des relations intersubjectives), il existe différentes manières de lutter contre l’injustice découlant des rapports de genre, certaines étant plus ou moins admises (tolérées), à l’université comme ailleurs. Cet engagement est fonction de la constitution d’un sentiment d’injustice dont les « études féministes » peuvent être le déclencheur pour certaines femmes, alors qu’elles permettront à d’autres de formaliser (dans un contexte académique, ce qui n’est pas anodin, comme j’ai essayé de le montrer) un sentiment déjà constitué mais non socialement contextualisé. La potentialité et les formes de cet engagement pour la transformation des normes du genre sont toujours à inscrire dans le contexte spécifique de l’histoire biographique des individus. Néanmoins, le type de formation universitaire que les étudiantes ont suivi (professionnelles ou généra-listes) tout comme les possibilités d’emploi, restreintes en France [39], en lien notamment avec l’égalité entre les hommes et les femmes, sont aussi des facteurs qui orientent le caractère formel — militant/professionnel à travers des organisations, des associations — ou informel — dans les rapports intersubjectifs au quotidien — de la lutte contre les prescriptions sociales de sexe.
66Les « études genre » et l’engagement formel et informel
67Naïma et Willa, dont la constitution d’un sentiment d’injustice procède de la rencontre avec les « études féministes » ont suivi le même cursus de sociologie (licence, maîtrise et master pro) en « études genre ». Au moment de l’entretien, Naïma exerce une activité professionnelle dans un cadre associatif militant (ce qui est le cas pour la plupart des emplois dans le secteur des droits des femmes) :
« C’est typiquement le type de lieu où on peut aller travailler [quand on a une formation en « études genre »] parce que la problématique, elle est là. Même si les filles qui travaillent là [les militantes qui ont monté la Maison des femmes] n’ont pas intellectualisé la chose, on parle des mêmes choses, on utilise les mêmes concepts même si moi je les rattache à d’autres choses. En quelque sorte, je fais de la « dévulgarisation » dans l’équipe. Elles ne savent pas qui a conceptualisé le truc mais en tout cas elles l’utilisent, donc c’était facile de s’intégrer. Et j’apportais ce plus d’avoir étudié réellement cette chose. »
69Willa, qui a le même parcours universitaire que Naïma, exprime bien l’aspect informel de l’engagement dans la lutte pour la subversion des rapports sociaux de sexe qui génèrent différents types de dénis de reconnaissance :
« Je crois que je ne passe plus sur “ Madame le Maire ”, Madame le Député, je ne passe pas non plus sur “ les femmes d’abord ”, je ne passe pas sur les publicités où on montre des corps de nanas pour faire la pub pour des chaussettes ou des yaourts même, je ne passe pas sur ça, je ne passe pas. […] Je vais passer sur M Magazine qui fait comment être hyper performant au pieux, comment la faire jouir du premier coup, comment répéter l’orgasme : ça, ça me fait délirer parce que le mec veut être performant aussi pour lui mais aussi pour la nana, car il s’aperçoit que s’il veut la garder il faut qu’il soit performant, ça veut dire que les nanas ont enfin des exigences et qu’elles les affirment aussi et qu’elles les revendiquent. Je ne passe pas sur le préservatif à chaque fois, je ne passe pas sur ça, je dis oui le préservatif qu’il soit masculin ou féminin parce qu’on a les 2 aujourd’hui. Je ne passe pas non plus sur le fait que la femme doit prendre le nom du mari une fois qu’elle est mariée, je ne passe pas sur le fait que ce soit le père qui accompagne la mariée à l’église jusqu’à l’autel où il y a le mari qui l’attend. »
Conclusion
71Du vécu de situations générant un déni de reconnaissance à la constitution d’un sentiment d’injustice et à la lutte pour la transformation des rapports sociaux de sexe, les expériences des femmes vis-à-vis de l’ordre de genre sont hétérogènes, tout comme le sont les effets des « études genre ». La constitution d’un sentiment d’injustice est l’élément pivot qui permet d’appréhender cette diversité. Il permet par ailleurs d’envisager à la fois les effets des « études genre » sur les identités des femmes mais aussi dans leurs rapports intersubjectifs. Il semble que ce soit à partir du moment où les interviewées analysent un certain nombre de situations du point de vue de l’injustice (et cela se fait par le biais de leurs propres expériences) qu’elles sont potentiellement en mesure d’œuvrer à la transformation des conditions sociales qui la génèrent. Mais l’engagement est à l’image de l’ensemble du processus mis en lumière ici : les femmes qui suivent ou ont suivi des enseignements et/ou ont accès à des recherches sur le genre ne s’impliquent pas — ni dans les mêmes proportions ni dans des termes identiques — dans la lutte pour la transformation des normes du genre. Dans un contexte sociétal contradictoire qui, dans un même temps dénonce et légitime des normes oppressives (l’université n’est à ce titre pas différente des autres institutions sociales), les « études féministes » sont susceptibles, parce que les savoirs transmis ont été élaborés dans la tension d’une position politique (de lutte contre l’injustice) et scientifique (de « contextualisation sociale » de l’injustice dans des cadres disciplinaires qui ont aussi pour vocation de discipliner la colère), de fournir des outils permettant aux individus de se désengager (toujours partiellement) de normes injustes et, ce faisant, de ne pas contribuer à leur reproduction.
Notes
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[*]
Je tiens à remercier Elsa Dorlin pour son soutien, sa patience et les discussions très enrichissantes que nous avons eues au sujet de cet article ainsi que Numa Murard pour ses commentaires constructifs, avisés et encourageants.
-
[1]
Dominique Fougeyrollas-Schwebel, « Le féminisme des années 1970 », in Christine Fauré (éd.), L’encyclopédie politique et historique des femmes, Paris, PUF, 1997, p. 729-769.
-
[2]
Christine Bard, « Jalons pour une histoire des études féministes en France (1970-2002) », Nouvelles questions féministes, vol. 22, n° 1, 2003, p. 47-53.
-
[3]
Claude Zaidman , « Institutionnalisation des études féministes. Enseigner le féminisme ? Un projet paradoxal », in Françoise Basch, Louise Bruit, Monique Dental, Françoise Picq, Pauline Schmitt-Pantel et Claude Zaidman (éds.), Vint-cinq ans d’études féministes. L’expérience Jussieu, Paris, Publications universitaires Denis-Diderot, coll. « Cahiers du CEDREF », série « Colloques et travaux », 2001, p. 69-80.
-
[4]
Christine Bard, op. cit.
-
[5]
Emmanuel Renault, L’expérience de l’injustice : Reconnaissance et clinique de l’injustice, Paris, La Découverte, 2004.
-
[6]
Les « études féministes », contrairement à d’autres pays européens, n’existent pas en tant que telles en France où elles ne constituent pas une discipline (d’où l’ajout des guillemets).
-
[7]
Muriel Andriocci, Jules Falquet, Michèle Ferrand, Annik Houel, Emmanuelle Latour, Nicky Le Feuvre, Milka Metso et Françoise Picq, « État des lieux des enseignements et des recherches sur le genre en France », Rapport final aux ministère des Affaires sociales, du Travail et de la Solidarité, ministère délégué à la Parité et à l’Égalité professionnelle et au service des Droits des femmes et de l’Égalité, 2003, 84 p. Ce rapport est disponible sur le site de l’ANEF : http:// www. anef. org/ publications
-
[8]
Muriel Andriocci et Nicky Le Feuvre, « Les enjeux sociaux de l’institution-nalisation des “ études féministes ” à l’Université », in Edmée Ollagnier, Soledad Perez et Claudie Solar (éds.), Parcours de femmes à l’Université (pp. sous presse), Genève, Presses universitaires de Genève, 2005.
-
[9]
Muriel Andriocci et al., 2003, op. cit.
-
[10]
Pour 87 universités et 1 407 770 étudiant(e)s, il en existerait 388 dont 151 portant spécifiquement sur le genre (toutes disciplines et cycles confondus).
-
[11]
Harriet Silius, « Women’s Employment, Equal Opportunities and Women’s Studies in Nine European Countries : A Comparative Summary », in Gabriele Griffin (ed.), Women’s Employment, Women’s Studies and Equal Opportunities, 1945-2001. Reports from Nine European Countries, Hull, The University of Hull, 2002, p. 470-514.
-
[12]
Emmanuel Renault, op. cit.
-
[13]
. Christine Bard, op. cit.
-
[14]
. Emmanuel Renault, op. cit.
-
[15]
Léo Thiers-Vidal, « De la masculinité à l’anti-masculinisme », in Nouvelles Questions Féministes, vol. 21, n° 3, décembre 2002, p. 71-83, (Accessible sur le site web : http:// www. antipatriarcat. org/ hcp/ html/ leo_thiers-vidal. html).
-
[16]
Emmanuel Renault, op. cit., p. 196.
-
[17]
Ibidem, p. 203.
-
[18]
Invisibilisation du travail domestique, dévalorisation des principes éthiques de la sollicitude, reconnaissance dévalorisante des individus de genre féminin, stigmatisation des individus dont la morale sexuelle n’est pas conforme au code familial (homosexualité, bisexualité, transsexualité).
-
[19]
Emmanuel Renault, op. cit., p. 203.
-
[20]
Pascale Molinier, « Féminité sociale et construction de l’identité sexuelle : perspectives théoriques et cliniques en psychodynamique du travail », L’orientation scolaire et professionnelle, vol. 31, n° 4, 2002, p. 565-580.
-
[21]
Richard W. Connell, Gender and Power, Cambridge, Polity, 1987.
-
[22]
Colette Guillaumin, Sexe, race et pratique du pouvoir. L’idée de nature, Paris, Côté-Femmes, 1992.
-
[23]
Jean-Robert Pélissié, « Le phénomène d’humiliation en milieu scolaire », Pratiques psychologiques, 2003-3, Féminin/masculin. Du genre et des identités sexuées, p. 80.
-
[24]
Ibidem, p. 81.
-
[25]
Ibid.
-
[26]
Annette Langevin, « Frères et sœurs. Approche par les sciences sociales », in Yannick Lemel et Bernard Roudet (éds.), Filles et garçons jusqu’à l’adolescence. Socialisations différentielles, Paris, L’Harmattan, coll. « Débats Jeunesses », 1999, p. 151-172.
-
[27]
Alain Bihr et Roland Pfefferkorn, Hommes, femmes, quelle égalité ?, Paris, Éditions de l’Atelier/Éditions Ouvrières, 2002, p. 17.
-
[28]
Ibidem, p. 131.
-
[29]
Ibid., p. 39.
-
[30]
Maria Puig de la Bellacasa, « Think we must. Politiques féministes et construction des savoirs », Thèse pour le doctorat de Philosophie et Lettres - Orientation Philosophie, sous la direction d’Isabelle Stengers, Bruxelles, Université libre de Bruxelles, 2004.
-
[31]
Françoise Picq, « Du mouvement des femmes aux études féministes », in Françoise Basch et al. (éds.), Vingt-cinq ans d’études féministes. L’expérience Jussieu, Paris, CEDREF/Université de Paris VII, 2001, p. 23-31.
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[32]
Maria Puig de la Bellacasa, op. cit.
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[33]
Cf. l’article de Coline Cardi, Delphine Naudier et Geneviève Pruvost, « Les rapports sociaux de sexe à l’université : au cœur d’une triple dénégation », dans ce même numéro.
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[34]
Claude Zaidman , « Peut-on enseigner le féminisme à l’université ? », in Soline Blanchard, Jules Falquet et Dominique Fougeyrollas (éds.), Transmission : Savoirs féministes et pratiques pédagogiques, Actes des journées d’étude des 27 et 28 mai 2005, CEDREF-EFiGiES, 2006, p. 37.
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[35]
Danilo Martucelli, « Sociologie et posture critique », in Bernard Lahire (éd.), À quoi sert la sociologie ?, La Découverte, 2002.
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[36]
Judith Butler, « Faire et défaire le genre », Conférence donnée le 25 mai 2004 à l’université de Paris X-Nanterre, dans le cadre du CREART (Centre de recherche sur l’art) et de l’École doctorale « Connaissance et Culture », traduction de Marie Ploux, (Disponible sur le site web de « Genre et action » :http:// www. genretaction. net/ article. php3? id_article= 3404)
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[37]
Ibidem.
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[38]
Cf. Ellen Messer-Davidow, Disciplining Feminism, From Social Activism to Academic Discourse, Durham and London, Duke University Press, 2002.
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[39]
Muriel Andriocci, « Quel genre d’insertion pour les diplômées en “ études genre ” ? », in Érika Flahault (éd.), L’insertion professionnelle des femmes. Entre contraintes et stratégies d’adaptation, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2006.