« La valeur du désordre » : voilà un titre d’ouvrage paradoxal, puisque c’est l’ordre qui est généralement mis en avant en tant que valeur sociale. Mais dans le Nord du Tchad, dans la ville-garnison de Faya-Largeau, ou Faya, tel n’est pas le cas. Le désordre y est entretenu parce que les habitants en tirent avantage. Des fonctionnaires sont payés sans fournir de travail en contrepartie, les droits sur les jardins restent dans le flou – ce qui permet aux plus forts de s’en arroger la propriété –, les archives ne sont absolument pas classées (cf. photographie, p. 41), le pillage des biens de l’État est la règle, pour ne mentionner que quelques aspects de ce « désordre ». Mais de quoi s’agit-il exactement ? Julien Brachet et Judith Scheele brossent un tableau sans concession de la situation qui prévaut dans cette ville-garnison d’accès difficile et de la zone alentour, où les auteurs ont enquêté pendant douze mois (2011-2012). La ville de Faya, située au cœur de la vaste palmeraie du Borkou est la préfecture du BET (Borkou-Ennedi-Tibesti), région qui englobe tout le Nord du Tchad. La description qui est donnée de la vie locale ne peut que susciter l’intérêt général en ces temps troublés que connaît l’espace Sahara-Sahel.
Les auteurs cherchent à mettre en évidence, de façon subtile, l’ethos très particulier qui règne localement. Ce qu’ils s’abstiennent toutefois de souligner est que cet ethos porte la marque de la population majoritaire à Faya et dans tout le Nord du Tchad, c’est-à-dire les Toubo…
Mots-clés éditeurs : échange, Toubou, désordre, prédation, compensation pour meurtre, redistribution, Tchad, terrain ethnographique, compensation matrimoniale
Date de mise en ligne : 17/11/2020.
https://doi.org/10.4000/lhomme.37707