Que venait faire Milda Bulle (prononcer « Boulé »), une jeune Lettonne de 30 ans, dans le nord de l’Iran, théâtre d’un mouvement révolutionnaire qui s’acheva par une éphémère république socialiste soviétique, entre 1920 et 1922 ? Et quelles demandes saugrenues formulait ce professeur français aux conservatrices de la Bibliothèque nationale de Riga, tout interloquées par son intérêt pour une illustre inconnue ? La réponse à la seconde question est contenue dans la première. Intrigué, voire fasciné par la découverte plutôt inattendue d’une jeune apparatchik communiste dans le Gilân – une province marginale de l’Iran dont il est le spécialiste reconnu –, Christian Bromberger s’est lancé dans une traque de plusieurs années pour tenter de reconstituer la biographie et la carrière de ce personnage peut-être « extraordinaire » ou, à tout le moins, relativement hors du commun, dont l’auteur se demande si elle incarne une « figure d’exception ».
Le résultat de cette enquête est proposé dans un ouvrage de petit format, publié par les éditions Créaphis, réputées pour la qualité esthétique de leurs mises en pages. Ici de nombreuses illustrations, photographies, carte, articles de presse, documents d’archives, permettent de suivre Milda dans ses déplacements, de découvrir les diverses facettes et étapes de sa vie, sans aucun doute exceptionnelles. Mais, au-delà de l’intérêt de la biographie de cette femme singulière, ce qui fait le charme de cet ouvrage est l’histoire de la découverte de Milda, le récit du périple de l’auteur, naviguant entre passé soviétique et présent de diverses républiques d’Asie centrale, une mise en abyme très réussie grâce à un style aussi élégant qu’efficace…