L’auteur enchaîne deux propos : après avoir rappelé en quels termes Claude Lévi-Strauss a parlé de la catastrophe bien avant qu’elle n’ait été nommée, il montre comment cette lucidité fut déterminante pour la production scientifique de l’anthropologue. L’enjeu en est double. En déplaçant l’attention du moment historique d’un terrain brésilien vers le débat écologique et politique contemporain, le structuralisme comme méthode et l’apport scientifique de Lévi-Strauss prennent d’autres dimensions.
Dans le présent ouvrage, Salvatore D’Onofrio synthétise et conclut quelques contributions antérieures sur la manière dont Claude Lévi-Strauss s’est impliqué dans l’actualité des années de guerre et d’après-guerre. Il fait preuve d’une familiarité peu commune avec les écrits de l’anthropologue, y compris les plus récents souvent négligés pour avoir été publiés dans des journaux ou liés à la séquence des séjours de Lévi-Strauss au Japon. Très tôt l’ethnographie des terres lointaines avait été doublée d’une anthropologie appelée par l’actualité de l’après-guerre – ce que Lévi-Strauss avait au reste tenté, dès son retour en France, en prenant exemple des rubriques journalistiques de Margaret Mead aux États-Unis. Ce fut sans succès dans une France qui rêvait encore de son avant-guerre. Faudrait-il s’étonner que ses dernières interventions aient été des chroniques dans la Repubblica et qu’il n’ait jamais écarté les interviews largement diffusées ? D’Onofrio le rappelle à bon escient.
Traitant de la catastrophe et des perspectives demeurant ouvertes à l’humanité – que Lévi-Strauss ait été sollicité par l’Unesco ou dans le contexte d’interviews ou de célébrations académiques (dont un hommage à Rousseau) –, ses déclarations ont rompu le silence de honte et de stupéfaction des années d’après-guerre…