En sollicitant la psychiatrie publique de façon pressante et maladroite, au moment même où elle n’est plus en mesure d’exercer valablement son rôle, les pouvoirs publics ont déclenché dans nos rangs une levée de boucliers. Nous avons dénoncé à juste titre la confusion terrorisme/maladie mentale. L’erreur inverse consisterait à nous exclure de l’intelligibilité du phénomène terroriste. Si l’explication psychopathologique exclusive est franchement ridicule face à un mal qui menace l’équilibre du monde, nous avons cependant notre place parmi d’autres. Des modèles successifs ont été invoqués, depuis la pure vengeance haineuse, politique, religieuse ou idéologique, excluant toute dimension psychique singulière, jusqu’à la prévalence du déséquilibre de la personnalité ; et depuis l’habillage religieux de la radicalité jusqu’à l’extrémité radicale du religieux (Sageman, 2005 ; Kepel, 2018 ; Roy, 2016). Le modèle général présenté ici sous l’angle psychique peut être critiqué comme « attrape-tout ». Il inclut une très grande diversité des recrutements. C’est hélas ce qui fait toute la difficulté du repérage des radicalisés susceptibles de passer à l’acte terroriste.
Pour tenter d’éclairer ma représentation, issue d’un certain nombre d’expertises de terroristes, je mettrai l’accent sur les processus psychiques et non sur le repérage illusoire d’une typologie de « personnalités terroristes ». Plutôt que la référence à une somme de traits, j’insisterai sur l’enchaînement d’une série de processus…