Pourquoi promouvoir une approche « clinique » et « psychanalytique » à propos d’une série de phénomènes habituellement inscrits parmi les phénomènes sociétaux ? Tout d’abord parce que la perspective clinique permet de prendre en compte la singularité des phénomènes telle qu’elle se manifeste dans la parole des sujets radicalisés ; ensuite parce que cette approche par la parole offre l’occasion d’y repérer certaines récurrences, thématiques et structurales, susceptibles d’être articulées à des considérations sur le contexte culturel qui a favorisé leur émergence. Il ne s’agit donc pas seulement, dans le cadre épistémique de la psychanalyse, d’étudier la radicalisation à partir de son lien aux comportements violents et/ou potentiellement criminels dont il faudrait mesurer la dangerosité ; il ne s’agit pas non plus d’en faire la conséquence du ressentiment ou de la frustration sociale ; il ne s’agit pas, enfin, de réduire ces phénomènes à leurs dimensions géopolitique, historique et religieuse : il s’agit de voir comment s’articulent ensemble ces diverses strates, les dimensions subjective et sociétale. Loin de réduire ces phénomènes à leur stricte dimension individuelle, l’approche psychanalytique engage en réalité, comme nous l’avons détaillé dans un article, à les situer dans les différentes échelles des réalités humaines qui les englobent, à savoir les niveaux macro (civilisation contemporaine), méso (cultures locales avec effets de « niche écologique ») et micro (l’individu, le sujet)…