Notes
-
[1]
M. Debureaux, De l’art d’ennuyer en racontant ses voyages. Paris, Cavatines, 2005.
-
[2]
Voir par exemple P. Lane, « Barbarous tribes and unrewarding gyrations ? The changing role of ethnographic imagination in African archaeology », in A. Stahl (dir.), African Archaeology. A Critical Introduction, Londres, Blackwell, 2005 ; S. MacEachern, « Foreign countries : the development of ethnoarchaeology in Sub-Saharan Africa », Journal of World Prehistory, 10, 3, 1996, p. 243-304 ; M. Wright, « Life and technology in everyday life : reflections on the career of Mzee Stefano, master smelter in Ufipa, Tanzania », Journal of African Cultural Studies, 15, 1, 2002, p. 17-34.
-
[3]
J. Cunningham, « Integrating African ethnoarchaeology », communication inédite présentée à la Society for Africanist Archaeologists Biennal Meeting, Calgary, 22-23 juin 2006, p. 2.
-
[4]
Symptomatiquement, les initiateurs du tout nouveau journal Ethnoarchaeology décrivent leurs objectifs éditoriaux dans des termes qui soulignent remarquablement les carences de la sous-discipline : « One need that Ethnoarchaeology addresses is that there is little that unifies or defines our subdiscipline, although there has been an exponential increase in ethnoarchaeological and experimental research in the past thirty years. With such growth we must explore what distinguishes these approaches as a subdiscipline, what methods connect practitioners, and what unique suite of research attributes we contribute to the better understanding of the human condition » (www.lcoastpress.com/journal.php?id=9). Voici donc une « sous-discipline » pratiquée depuis plus de quarante ans par des chercheurs qui en sont encore à s’interroger sur ce qui les lie entre eux et les distingue d’autres praticiens, aussi bien du point de vue des méthodes de recherche que de celui des finalités. On reste songeur.
-
[5]
V. Roux, « Ethnoarchaeology : a non historical science of reference necessary for interpreting the past », Journal of Archaeological Method and Theory, 14, 2, 2007, p. 153-178.
-
[6]
J. Cunningham, « Transcending the “Obnoxious Spectator” : a case for processual pluralism in ethnoarchaeology », Journal of Anthropological Archaeology, 22, 4, 2003, p. 389-410 ; id., « Integrating African ethnoarchaeology », art. cit.
-
[7]
F. Sigaut, « Un couteau ne sert pas à couper, mais en coupant. Structure, fonctionnement et fonction dans l’analyse des objets », in 25 Ans d’études technologiques en préhistoire. Bilan et perspectives, Antibes, APDCA, 1991, p. 21-34.
-
[8]
N. David et C. Kramer, Ethnoarchaeology in Action, Cambridge, Cambridge University Press, 2001, p. 14-31 ; P. Lane, « Barbarous tribes and unrewarding gyrations ?… », art. cit. ; K. Sadr, F. Bon, F.-X. Fauvelle-Aymar, D. Gronenborn, B. Bosc-Zanardo, « Pour un nouveau comparatisme en Afrique australe-Europe occidentale : regards croisés de l’archéologie, de l’histoire et de l’ethnologie des chasseurs-cueilleurs Bushmen », in L. Astruc, F. Bon, V. Léa, P.-Y. Milcent, S. Philibert (dir.), Normes techniques et pratiques sociales. De la simplicité des outillages pré- et protohistoriques, Juan-les-Pins, APDCA, 2006.
-
[9]
Par exemple, J. Stengers et A. Van Neck, Histoire d’une grande peur, la masturbation (1984), Le Plessis-Robinson, Les Empêcheurs de penser en rond, 1998.
- [10]
-
[11]
B. Latour, Nous n’avons jamais été modernes. Essai d’anthropologie symétrique, Paris, La Découverte, 1991.
-
[12]
E. Coart et A. de Haulleville, Notes analytiques sur les collections ethnographiques du musée du Congo. La céramique, Bruxelles, Spineux et Cie, 1907.
-
[13]
L. Franchet, Céramique primitive, Paris, Paul Geuthner, 1911, p. 1-2.
-
[14]
K. Sadr, F. Bon, F.-X. Fauvelle-Aymar, D. Gronenborn, B. Bosc-Zanardo, « Pour un nouveau comparatisme en Afrique australe-Europe occidentale… », art. cit.
-
[15]
J. Nance, The Gentle Tasaday. A Stone Age People in the Philippine Rain Forest, Londres, Victor Gollancz, 1975.
-
[16]
T. N. Headland, The Tasaday Controversy. Assessing the Evidence, American Anthropological Association, 1992.
-
[17]
P. Lane, « Present to past : ethnoarchaeology », in C. Tilley, W. Keane, S. Küchler, M. Rowlands, P. Spyer (dir.), Handbook of Material Culture, Londres, Sage, 2006, p. 403-424.
-
[18]
S. MacEachern, « Foreign countries… », art. cit.
-
[19]
K. Sadr, F. Bon, F.-X. Fauvelle-Aymar, D. Gronenborn, B. Bosc-Zanardo, « Pour un nouveau comparatisme en Afrique australe-Europe occidentale… », art. cit.
-
[20]
Par exemple, K. Klieman, The Pygmies Were our Compass. Bantu and Batwa in the History of West Central Africa, Early Times to c. 1900 C.E., Portsmouth, Heinemann, 2003 ; D. V. Joiris, « The framework of Central African hunter-gatherers and neighbouring societies », African Study Monographs, suppl. 28, 2003, p. 57-79.
-
[21]
N. David et C. Kramer, Ethnoarchaeology in Action, op. cit., p. 22-31.
-
[22]
A. Gallay, « L’ethnoarchéologie : science de référence de l’archéologie », in Coloquio internacional Arqueologia hoje, 1, 1990, p. 293.
-
[23]
Voir également A. Stahl, « Change and continuity in the Banda Area, Ghana : the direct historical approach », Journal of Field Archaeology, 21, 1994, p. 181-203.
-
[24]
A. Gallay, E. Huysecom, M. Honegger, A. Mayor, Hamdallahi, capitale de l’Empire peul du Massina, Mali. Première fouille archéologique, études historiques et ethnoarchéologiques, Stuttgart, F. Steiner, 1990 ; A. Gallay, E. Huysecom, A. Mayor, Peuples et céramiques du Delta intérieur du Niger (Mali). Un bilan de cinq années de missions (1988-1993), Mayence, P. von Zabern, 1998 ; voir surtout A. Mayor, E. Huysecom, A. Gallay, M. Rasse, A. Ballouche, « Population dynamics and paleoclimate over the past 3 000 years in the Dogon Country, Mali », Journal of Anthropological Archaeology, 24, 2005, p. 25-61.
-
[25]
N. David, « The Mandara Archaeology Project, 1994-98 », Nyame Akuma, 49, 1998, p. 7.
-
[26]
Comparer à ce propos la stupéfiante différence entre le Gallay historien (« Sociétés englobées et traditions céramiques : le cas du Pays dogon (Mali) depuis le xiiie siècle », in F. Audouze et D. Binder [dir.], Terre cuite et société. La céramique, document technique, économique, culturel, Juan-les-Pins, APDCA, 1994, p. 435-457) et le Gallay ethnoarchéologue d’obédience logiciste (« Traditions céramiques et ethnies dans le delta intérieur du Niger [Mali] : approche ethnoarchéologique », Bulletin du Centre genevois d’anthropologie, 3, 1992, p. 23-46).
-
[27]
P. Bahn. Bluff your Way in Archaeology, Horsham, Ravette Books, 1989, p. 52-53 (ma traduction).
- [28]
-
[29]
H. Balfet, Observer l’action technique. Des chaînes opératoires, pour quoi faire ?, Paris, CNRS, 1991 ; R. Creswell, « Transferts de techniques et chaînes opératoires », Techniques et Culture, 2, 1991, p. 143-163 ; P. Lemonnier, Elements for an Anthropology of Technology, Ann Arbor, Museum of Anthropology, University of Michigan, coll. « Anthropological Paper », 88, 1992.
-
[30]
N. David et C. Kramer, Ethnoarchaeology in Action, op. cit.
-
[31]
Par exemple, B. J. Bowser, « From pottery to politics : an ethnoarchaeological study of political factionalism, ethnicity, and domestic pottery style in the Ecuadorian Amazon », Journal of Archaeological Method and Theory, 7, 2000, p. 219-248 ; id. et J. Q. Patton, « Learning and transmission of pottery style. Women’s life histories and communities of practice in the Ecuadorian Amazon », in M. Stark, B. J. Bowser, L. Horne (dir.), Cultural Transmission and Material Culture. Breaking down Boundaries, Tucson, The University of Arizona Press, 2008, p. 105-129 ; N. David, « The Archaeology of ideology : Mortuary practices in the Central Mandara Highlands, Northern Cameroon », in id. et J. Sterner (dir.), An African Commitment. Papers in Honour of Peter Lewis Shinnie, Calgary, University of Calgary Press, 1992, p. 181-210 ; C. Kramer, Pottery in Rajasthan. Ethnoarchaeology in Two Indian Cities, Washington D. C., Smithsonian Institution Press, 1997 ; A.-M. et P. Pétrequin, Objets de pouvoir en Nouvelle-Guinée. Approche ethnoarchéologique d’un système de signes sociaux, Saint-Germain-en-Laye, Musée national d’archéologie, 2006.
-
[32]
D. E. Arnold, « A model for the identification of non-local ceramic distribution : view from the present », in H. Howard et E. Morris (dir.), Production and Distribution. A Ceramic Viewpoint, Oxford, BAR International Series, 120, 1981, p. 31-44.
-
[33]
O. P. Gosselain, « Social and technical identity in a clay cristal ball », in M. Stark (dir.), The Archaeology of Social Boundaries, Washington D. C., Smithsonian Institution Press, 1998, p. 78-106 ; id., « Globalizing local pottery studies », in S. Beyries et P. Pétrequin (dir.), Ethnoarchaeology and its Transfer, Oxford, BAR International Series, 983, 2001, p. 95-111 ; id., Poteries du Cameroun méridional. Styles techniques et rapports à l’identité, Paris, CNRS, 2002.
-
[34]
La question de savoir s’il s’agit d’une situation historiquement inédite, due à l’extinction d’un artisanat concurrencé par les produits d’importation, ou du vestige d’un contexte de production caractérisé par un faible degré de concentration, d’intensité et de spécialisation reste en suspens. La seconde possibilité trouve en tout cas de nombreux échos en Afrique centrale.
-
[35]
O. P. Gosselain, « Mother Bella was not a Bella. Inherited and transformed traditions in Southwestern Niger », in M. Stark, B. J. Bowser, L. Horne (dir.), Cultural Transmission and Material Culture, op. cit., p. 150-177 ; id., « Thoughts and adjustments in the potter’s backyard », in I. Berg (dir.), Breaking the Mould. Challenging the Past through Pottery, Oxford, BAR International Series, 1861, 2008, p. 67-79.
-
[36]
Sur le terrain, la première version du récit d’apprentissage se résume parfois à la mention du nom de l’instructrice ou de l’instructeur, suivie d’une description des étapes de fabrication.
-
[37]
J. Lave et E. Wenger, Situated Learning. Legitimate Peripheral Participation, Cambridge, Cambridge University Press, 1991.
-
[38]
O. P. Gosselain, « Thoughts and adjustments in the potter’s backyard », art. cit.
-
[39]
S. Shennan et J. Steele, « Cultural learning in hominids : a behavioral ecological approach », in H. O. Box et K. R. Gibson (dir.), Mamalian Social Learning. Comparative and Ecological Perspectives, Cambridge, Cambridge University Press, 1999, p. 367-388 ; N. Thomas, Entangled Objects. Exchange, Material Culture and Colonialism in the Pacific, Cambridge, Harvard University Press, 1991 ; voir aussi S. Shennan, Genes, Memes and Human History. Darwinian Archaeology and Cultural Evolution, Londres, Thames and Hudson, 2002, p. 40-51.
-
[40]
R. Boyd et P. J. Richerson, Culture and the Evolutionary Process, Chicago, University of Chicago Press, 1985.
-
[41]
T. Ingold, Perception of the Environment. Essays in Livelihood, Dwelling and Skill, Londres, Routledge, 2000, p. 323.
-
[42]
J.-C. Kauffman, L’Invention de soi. Une théorie de l’identité, Paris, Armand Colin, 2004.
-
[43]
Ibid.
-
[44]
B. Pinçon, « Propos sur la technique », in Journées de réflexion sur les finalités et l’avenir du modèle de société occidental, Neuchâtel, université de Neuchâtel, 1999, p. 4.
-
[45]
M. Wright, « Life and technology in everyday life… », art. cit.
-
[46]
Ibid., p. 31 (ma traduction).
-
[47]
L’ancien site était installé à plusieurs heures de marche du village. Les fondeurs y résidaient pendant les trois mois que durait la saison de fonte.
-
[48]
R. Barndon, « Fipa ironworking and its technological style », in P. Schmidt (dir.), The Culture and Technology of African Iron Production, Gainesville, University of Florida Press, 1996, p. 58-74 ; P. Schmidt, Iron Technology in East Africa. Symbolism, Science, and Archaeology, Bloomington, Indiana University Press, 1997.
-
[49]
M. Wright, « Life and technology in everyday life… », art. cit., p. 31 (ma traduction).
-
[50]
Par exemple, P. Schmidt, Iron Technology in East Africa, op. cit.
-
[51]
www.elysee.fr/elysee/elysee.fr/francais/interventions/2007/juillet/allocution_a_l_universite_de_dakar.79184.html.
-
[52]
P. Lane, « Barbarous tribes and unrewarding gyrations ?… », art. cit.
-
[53]
T. N. Huffman, « Mapungubwe and the origins of the Zimbabwe culture », in M. Leslie et T. Maggs (dir.), African Naissance. The Limpopo Valley 1 000 years ago, Cape Town, South African Archaeological Society, coll. « Goodwin Series », 8, 2000, p. 14-29.
-
[54]
On notera qu’un système aussi basique s’applique à bien des habitats paysans.
-
[55]
P. Lane, « Barbarous tribes and unrewarding gyrations ?… », art. cit., p. 33.
-
[56]
Ibid. (ma traduction).
-
[57]
A. Appadurai, The Social Life of Things. Commodities in Cultural Perspective, New York, Cambridge University Press, 1986 ; T. Bonnot, La Vie des objets. D’ustensiles banals à objets de collection, Paris, Maison des sciences de l’homme, 2002 ; N. Thomas, Entangled Objects, op. cit. ; R. Zeebroek, O. P. Gosselain, J.-M. Decroly, « Casseroles, légumes et Halloween. Une approche multiscalaire des phénomènes de diffusion », Techniques et Culture, 51, 2008, p. 50-73.
-
[58]
T. Ingold, « Materials against materiality », Archaeological Dialogue, 14, 1, 2007, p. 1-16.
1En 1991 se tenait à Juan-les-Pins le colloque Ethnoarchéologie : justification, problèmes, limites, qui réunissait un panel international de praticiens de cette sous-discipline apparue dans le courant des années 1960. Engagé depuis un an dans une recherche doctorale sur les centres de production de poterie du Sud-Cameroun, je m’y étais rendu pour voir « de près » quelques grands noms de l’époque, mais aussi pour mieux saisir les enjeux de cette démarche que la littérature continuait à présenter comme émergente, malgré sa relative ancienneté. Influencé alors par des approches anglo-saxonnes plutôt positivistes et modélisantes, je m’y rendais aussi au terme d’une première expérience de terrain perturbante, la réalité des faits s’étant brutalement opposée à mes aspirations théoriques initiales. Rien d’exceptionnel à ce stade, sinon que le « chaos primordial » du terrain était assez anxiogène pour un ethnoarchéologue en herbe, convaincu qu’il lui restait quelques mois d’enquêtes pour contribuer au renouvellement – forcément majeur – des modèles d’interprétation dominants en archéologie.
2À Juan-les-Pins, les chercheurs qui se succédaient au pupitre défendaient brillamment et passionnément cette démarche ethnoarchéologique dont ils étaient devenus les champions. En termes théoriques, beaucoup s’appuyaient néanmoins sur des concepts – « logicisme », middle range theory – qui me parlaient peu. Face à eux, des collègues tout aussi passionnés remettaient la démarche en cause, avec des arguments qui ne me parlaient guère plus : « sociétés déstructurées », trop faible « homologie entre le passé et le présent », absence de construction théorique préalable. Le débat portait en somme sur des questions d’emballage, d’arsenal théorique et conceptuel, et non de contenu ethnographique. C’étaient les voix des acteurs de la polémique qui se faisaient entendre, non celles des individus dont on s’efforçait officiellement de documenter les pratiques.
3En creux se percevait également l’agacement croissant de certains archéologues pour ces collègues donneurs de leçons, qui avaient non seulement sorti les mains du « cambouis » du chantier et du laboratoire, mais adoptaient l’attitude un peu condescendante de ceux qui « ont fait l’Afrique », « l’Asie », ou « la jungle amazonienne », et dont la pathologie est si bien décrite par Matthias Debureaux dans De l’art d’ennuyer en racontant ses voyages [1].
4Je crois que c’est à Juan-les-Pins que j’ai commencé à perdre la foi.
5*
6Ce qui précède n’est pas l’annonce d’une autobiographie à prétention scientifique. Il s’agit seulement de souligner le caractère forcément subjectif de ce qui va suivre. En effet, ce chapitre est globalement le portrait à charge d’une approche dont je me suis détaché depuis longtemps, intellectuellement du moins. Une tout autre perspective – plus convaincante ? – pourrait être proposée par de brillants collègues. Il se trouve simplement que des expériences de terrain, des questionnements, des rencontres et des lectures ont entraîné chez moi un malaise grandissant par rapport à la démarche ethnoarchéologique, malaise qui est longtemps resté diffus, mais qui tend peu à peu à s’objectiver.
7De ce point de vue, la présente contribution relève bien plus de la mise bout à bout de ruminations et de notes de lecture que d’une réflexion structurée. Elle rejoint cependant les critiques formulées depuis quelques années par des archéologues et historiens anglo-saxons [2], qui enjoignent aux ethnoarchéologues de s’interroger sur la nature des données qu’ils exploitent. À lire ces auteurs et à considérer le cas de l’ethnoarchéologie de plus près, on peut d’ailleurs se demander s’il est encore opportun de tirer sur une telle ambulance. Prenons l’exemple de l’ouvrage de synthèse Ethnoarchaeology in Action, publié par Nicholas David et la regrettée Carol Kramer en 2001. À première vue, celui-ci semble esquisser un avenir brillant, en célébrant le travail accompli par deux ou trois générations de chercheurs. Mais on le referme en songeant à ces compilations de rockers vieillissants, sorties typiquement lorsque s’annonce la fin de carrière ou la rupture de contrat. Les temps ont changé, l’excitation est retombée, la magie n’opère plus : on perçoit surtout les défauts d’une démarche dont l’apport concret reste peu déchiffrable. Comme le remarque l’ethnoarchéologue Jeremy Cunningham, « peu de programmes de recherche ont échoué de façon aussi spectaculaire que l’ethnoarchéologie dans sa quête de corrélations non ambiguës [3] » entre les comportements et la culture matérielle. Pour une sous-discipline dont l’émergence est intrinsèquement liée à la recherche de telles corrélations, le constat est plutôt inquiétant. Par ailleurs, si la popularité d’une approche scientifique se mesure à la place occupée dans les programmes d’enseignement, il faut bien admettre que l’étoile de l’ethnoarchéologie a considérablement pâli ces dernières années. À l’exception notoire des universités nord-américaines – desquelles émane d’ailleurs le journal Ethnoarchaeology, lancé au printemps 2009 –, les cours d’ethnoarchéologie apparaissent de façon très sporadique, généralement en association avec un chercheur ou un programme de recherche particulier.
8De toute évidence, l’ethnoarchéologie se porte mal [4]. Deux attitudes sont alors envisageables. La première consiste à tenter un énième sauvetage de la démarche, en redéfinissant ses objectifs, ses champs d’application et ses méthodes. C’est ce que font notamment Valentine Roux [5] et Jeremy Cunningham [6], parmi bien d’autres. La seconde consiste à donner un ultime coup de pied dans la coque de l’épave, pour qu’elle coule enfin et cesse d’envoûter l’archéologie comme elle le fait depuis trente ans. À trop se nourrir des succédanés qu’elle a elle-même engendrés, cette dernière en est arrivée en effet à se désintéresser des avancées enregistrées dans les disciplines sœurs que sont l’histoire, l’anthropologie, la sociologie, la linguistique ou la géographie.
9On l’aura compris, c’est bien d’un coup de pied dont il s’agit ici.
Les racines du mal, les racines du monde
10Toutes les synthèses consacrées à l’ethnoarchéologie se plaisent à le répéter : l’analogie ethnographique est aussi vieille que la discipline archéologique et intrinsèquement liée à sa constitution. Le premier à interpréter un fragment de pierre comme un outil de facture humaine, vraisemblablement utilisé pour « couper », ne fait rien d’autre que de l’analogie. Et ce recours à des connaissances développées dans d’autres domaines de recherche ou par d’autres acteurs n’est rien de moins qu’un impératif : qui, parmi les universitaires que nous sommes, possède des compétences suffisantes en matière de techniques de chasse ou de pêche, d’agriculture, d’architecture ou d’artisanat – domaines que nous abordons inlassablement dans nos travaux ? Bien peu sans doute.
11Toutefois, si l’analogie est une nécessité, son choix et son usage sont loin d’aller de soi et peuvent conduire à des raisonnements tout aussi farfelus que ceux qui se fondent sur une méconnaissance avérée du monde réel. Pour reprendre l’exemple élimé du couteau en pierre, souvenons-nous de la démonstration espiègle de François Sigaut, qui nous rappelle qu’un « couteau ne sert pas à couper, mais en coupant [7] ».
12C’est pour échapper aux pièges du recours non raisonné à l’analogie qu’émerge, dans les années 1960, la sous-discipline ethnoarchéologique. À l’époque, les pratiques archéologiques sont violemment remises en question par une jeune génération de chercheurs – surtout anglo-saxons – qui veulent transformer l’archéologie en « science » à part entière, sur le modèle des sciences naturelles. Quoi de plus normal, dans ce contexte, que de considérer qu’il faut à l’archéologie l’équivalent de ce laboratoire dans lequel se construisent les sciences de la nature ? Et puisqu’un tel laboratoire se trouve manifestement à portée de main – sur le terrain ethnographique ou expérimental –, il faut entreprendre une reformulation « explicitement scientifique » des paradigmes du transfert entre le « présent » et le « passé ». L’essor des recherches archéologiques non européennes date de la même époque. En Afrique, en Océanie, en Amérique du Sud, les archéologues occidentaux sont régulièrement confrontés à des populations dont le mode de vie est très éloigné du leur et, croient-ils, proche de celui de populations pré- et proto-historiques. L’attention accordée aux peuples exotiques va donc croître et se systématiser [8].
13Que les premières heures de l’ethnoarchéologie nous aient livré des travaux dont la naïveté et la faible utilité font aujourd’hui sourire n’a rien d’étonnant. Après tout, quelle science émergente n’offre-t-elle pas à la postérité son contingent de bêtises et de fausses vérités ? Or celles-ci ne préjugent en rien de la robustesse ou de la pertinence que cette science peut acquérir à des époques ultérieures. Songeons ici à certains traités de médecine des xviie et xviiie siècles [9].
14Plutôt que de revenir sur ces erreurs de jeunesse, c’est sur le fil conducteur méthodologique et idéologique de l’ethnoarchéologie que je souhaite m’arrêter, car si celui-ci émerge, sans surprise, avec les premières tentatives d’analogie ethnographique, il va se maintenir des décennies durant, sans pratiquement être remis en question. Ce fil conducteur, c’est le choix du « contexte ethnographique de référence ».
Ectoplasme ! Fossile exotique !
15Dans l’introduction d’un ouvrage collectif [10] qui synthétise des recherches menées durant les années 1970 et 1980, William Longacre – l’un des pères fondateurs de l’ethnoarchéologie, présent au colloque de Juan-les-Pins – estime que la sélection d’une société à étudier constitue l’aspect le plus important de l’élaboration d’une recherche ethnoarchéologique. Cette sélection doit être opérée soigneusement en fonction du problème que l’on veut explorer et doit mener logiquement à l’identification de la société la plus appropriée pour y entreprendre son travail.
16Or, que va-t-on logiquement identifier comme société appropriée ? Tout d’abord des groupes d’individus qui pratiquent des activités intéressant directement les archéologues. C’est évident – et c’est la raison pour laquelle, par exemple, j’ai commencé à travailler avec des fabricants de poterie plutôt que des garagistes ou des informaticiens. Mais on va également rechercher des sociétés qui correspondent à l’image que l’on se fait des populations du passé. Et c’est ici que le projet ethnoarchéologique se heurte à un solide écueil : celui de l’idéologie qui s’est mise en place dans l’Europe des Lumières [11] et que l’ethnologie coloniale a considérablement renforcé. Dans sa version évolutionniste – la plus explicite – cette idéologie envisage l’Occident moderne comme le fruit d’une histoire dont les paliers inférieurs sont encore occupés par les peuples exotiques. Voici, à titre d’illustration, comment Franchet, ainsi que Coart et Haulleville – pères fondateurs, pour l’Afrique, de ce qui deviendra plusieurs décennies plus tard l’« ethnoarchéologie de la poterie » – envisagent la situation :
L’étude de la céramique n’offre pas moins d’intérêt si, au lieu de l’envisager dans le passé, on l’observe dans son état de développement actuel chez les non civilisés. On trouve chez eux cette industrie en pleine activité à un stade inférieur de son évolution et on peut saisir sur le vif les particularités de mœurs et de technique dont les termes correspondant remontent chez nous aux âges préhistoriques. C’est assez dire combien, en ces matières, la connaissance raisonnée du présent peut contribuer à élucider le passé, et de quelle importance peuvent être, au point de vue général, les notions particulières relatives aux manifestations de l’activité humaine chez ces peuples arriérés [12].
[…] les vases antiques que nous trouvons enfouis dans le sol, dans les sépultures, dans les ruines des villes disparues, conservent souvent une partie de leurs secrets et autorisent des hypothèses, souvent dangereuses en pareille matière. Nous avons donc besoin de connaître la valeur de ces hypothèses et c’est là où l’ethnographie va venir en aide à l’archéologie. Il existe, en effet, des peuplades qui sont, encore aujourd’hui, dans un état primitif et chez lesquelles notre technique n’a point encore pénétré. C’est donc parmi ces peuplades que nous pourrons surprendre beaucoup de secrets que recèle la céramique antique, car il semble absolument certain que tous les peuples ont passé par les mêmes phases, au point de vue de la progression de l’intelligence et des conceptions de l’esprit [13].
18Au moment où l’ethnoarchéologie émerge en tant que sous-discipline, de telles conceptions n’ont plus explicitement cours dans les sciences humaines. La décolonisation a eu lieu ou est en marche et l’évolutionnisme n’est plus qu’un lointain (mauvais) souvenir. Mais l’idéologie sur laquelle se fonde ce courant de pensée reste prégnante en Occident, sans doute parce qu’elle constitue un élément fondateur de notre rapport avec le reste du monde. Ainsi, lorsque les premiers ethnoarchéologues se mettent en quête de laboratoires humains où tester des hypothèses relatives au fonctionnement des sociétés pré- et proto-historiques – cœurs de cible de l’ethnoarchéologie –, ils vont jeter leur dévolu sur les régions du globe où résident les peuples considérés comme « pré-modernes ». Les chasseurs-cueilleurs, que les archéologues assimilent alors volontiers à des populations reliques de l’âge de la pierre, seront les premiers à recevoir la visite d’ethnoarchéologues.
19Le moins que l’on puisse dire est que ce statut de « fossile vivant » sera peu remis en question. Pourquoi le ferait-on ? Chez les préhistoriens français, par exemple, les Bushmen ou « Hottentots » font partie des meubles depuis la fin du xixe siècle [14]. Et ne vient-on pas, en 1971, de découvrir une population plus primitive encore au sud des Philippines – les Tasaday –, qui ne maîtrisent même pas le feu et vivent dans des grottes comme nos lointains ancêtres [15] ? Dans ce cas précis, la lenteur avec laquelle la communauté scientifique finira par admettre que ce peuple est, selon toute vraisemblance, l’invention d’un milliardaire local et de journalistes plus ou moins crédules [16] montre assez bien à quel point la croyance en l’existence de « fossiles vivants » est profondément ancrée.
20Sur cette base, tout devient possible. S’agit-il d’interpréter les sites fréquentés par les premiers humains de l’ère glaciaire ? Voici les San du Kalahari. Et peu importe que ces chasseurs-cueilleurs contemporains vivent dans un contexte chaud et aride, établissent des campements de plein air, fassent partie de la population d’un État-nation et soient engagés dans une économie de type capitaliste [17] : des régularités sont observées et transposées, sans trop d’arrière-pensées, à l’archéologie.
21Or, comme le souligne MacEachern [18], les groupes de chasseurs-cueilleurs du Kalahari ne constituent qu’une possibilité ethnographique parmi d’autres dans la catégorie « chasse et collecte ». En Afrique de l’Ouest, il existe des groupes de chasseurs constitués en castes, qui appartiennent à des sociétés caractérisées par une forte hiérarchisation sociale. Aucun d’eux n’a jamais reçu la visite du moindre ethnoarchéologue, tout simplement parce que leur fonctionnement social ne correspond pas à l’image que nous nous faisons des populations préhistoriques. Par ailleurs, il est difficile de continuer à considérer les Bushmen d’Afrique du Sud comme une population « relique », restée à l’écart de la « civilisation », lorsqu’on se penche un peu sérieusement sur leur histoire [19]. Ils correspondent au contraire à une série d’entités sociales aux contours flous, dont l’économie semble avoir oscillé entre production et prédation depuis des siècles – voire plus d’un millénaire – et qui entretiennent des liens plus ou moins étroits avec les populations de pasteurs et d’agriculteurs. On rejoint ici l’image que les spécialistes se font aujourd’hui de l’identité et de l’économie des populations dites « pygmées » [20].
22On le voit, une telle ethnoarchéologie ne débouche pas vraiment sur un enrichissement de la discipline archéologique, mais au contraire sur un renforcement de ses préjugés. Bien sûr, les recherches ne se cantonnent pas aux populations de chasseurs-cueilleurs. Dès les années 1980, la balance va pencher de plus en plus du côté des agriculteurs et des pasteurs « préindustriels » [21]. Ce qui ne change pas, par contre, c’est la volonté presque toujours présente de minorer la contingence historique, de masquer les spécificités culturelles ; bref, de purifier le contexte ethnographique pour n’en garder qu’une composante comportementale dont on s’efforce de déceler les lois de fonctionnement. Ces lois doivent bien évidemment avoir une portée générale – sinon, comment pourrait-on les transposer à l’archéologie ? C’est ce que résume Alain Gallay d’une façon plutôt radicale :
– ou l’on admet que les études ethnologiques peuvent être utiles à l’archéologue, ce qui signifie qu’une observation effectuée en un point X de l’espace et du temps est également valable en un point Y […], et dans ce cas l’approche est transculturelle ;
– ou l’on admet que ce transfert n’est pas réalisable vu l’originalité toujours renouvelée des cultures ; on se limite alors à des études de cas ; la confrontation entre ethnologie et archéologie n’est plus possible, et la démarche ethnoarchéologique doit être abandonnée [22].
24Or, l’ampleur et la richesse des enquêtes de terrain que Gallay et son équipe mènent au Mali les conduisent à développer une troisième voie, celle de l’analogie historique directe [23], où le transfert se limite aux contextes présentant une continuité historique et culturelle avérée [24]. Il s’agit bien d’une courbe rentrante du point de vue des aspirations ethnoarchéologiques, que l’on retrouve également sous la plume de Nicholas David [25], lorsqu’il admet, à propos de sa quête d’une théorie du style, qu’il ne s’attend plus à pouvoir en dégager une qui soit prédictive et de portée générale. Symptomatiquement, l’un comme l’autre livrent d’excellents travaux d’anthropologie historique ou d’ethnographie lorsqu’ils ne raisonnent plus strictement en ethnoarchéologues [26]… Pourquoi continuer à défendre une approche dont leurs propres travaux démontrent la pauvreté ?
Et la méthode dans tout ça ?
25Dans son ouvrage satirique sur l’archéologie (Bluff your Way in Archaelogy), Paul Bahn décrit ainsi l’ethnoarchéologie :
[…] un excellent moyen de se payer des vacances exotiques dans un coin reculé. Elle consiste à choisir l’une ou l’autre population innocente (chasseurs-cueilleurs, simples villageois, éleveurs de moutons, etc.) – de préférence dans le Tiers-Monde ou en Alaska. Vous vous rendez alors sur place et vivez parmi eux quelque temps, notant comment et quand ils fabriquent et utilisent des choses, et comment et quand ils les cassent et s’en débarrassent […].
Après vous être fait une opinion sur ce qu’il se passe du point de vue de l’usage et la mise au rebut des choses (vous éviterez de passer suffisamment de temps pour apprendre la langue), vous retournez derrière votre bureau et utilisez ces brèves études pour faire des généralisations définitives sur ce que les gens ont pu faire par le passé et dans des environnements totalement différents [27].
27Pour ce qui est des sociétés exotiques, nous savons déjà à quoi nous en tenir. Mais il est aussi question de la superficialité d’une enquête effectuée rapidement et par le truchement d’un interprète. Ici encore Bahn fait mouche, car le moins qu’on puisse dire est que les techniques d’enquêtes sont plutôt rudimentaires. Consultez les publications ethnoarchéologiques – à commencer par les miennes : vous n’y trouverez aucune discussion sur les pratiques de terrain, aucune réflexion sur la façon dont se récoltent les données ou sur la valeur qui peut leur être accordée. Dans le meilleur des cas [28], la méthode d’enquête se révèle au fil de l’étude, sous forme d’un assemblage hétéroclite de bribes de questionnaires de recensement, d’entretiens tournant autour de questions de bon sens – plus ou moins inductives, plus ou moins en phase avec le contexte local –, de relevés quantitatifs et de descriptions d’activités. Ces dernières constituent certainement la plus grande force des travaux ethnoarchéologiques publiés à ce jour. Mais alors que la façon de décrire et de conceptualiser les activités techniques a été largement débattue depuis les années 1970 [29], particulièrement en France, l’attention que portent les ethnoarchéologues à ces questions reste extraordinairement limitée. L’ouvrage de synthèse de David et Kramer [30] est tout à fait emblématique à cet égard : il comporte bien un chapitre consacré aux méthodes de terrain et aux problèmes éthiques (« Fieldwork and ethics »), mais son principal intérêt… est d’illustrer le désinvestissement profond des ethnoarchéologues en matière de méthode d’enquête. Les éléments discutés proviennent essentiellement de l’expérience personnelle de David : sans doute intéressants pour des néophytes, ils restent relativement triviaux par rapport aux méthodes enseignées aux anthropologues ou aux sociologues.
28Je vois au moins trois raisons à cette carence méthodologique. La première est liée à la formation dont bénéficient habituellement les archéologues lorsqu’ils se lancent sur le terrain ethnographique : pas (ou peu) de cours consacrés à la pratique de terrain et pratiquement aucune place accordée aux questions de méthode dans les enseignements anthropologiques qui leur sont destinés. La deuxième raison a trait à la démarche ethnoarchéologique elle-même. S’articulant bien souvent sur une problématique ciblée, voire sur des hypothèses qu’il s’agit de tester rapidement sur le terrain, elle conduit les chercheurs à aller au plus court, à ne pas s’embarrasser des nuances, des contradictions et de tout ce « bruit de fond » sociologique dont on ne sait trop que faire. La troisième raison, plus insidieuse, découle de la représentation habituelle des peuples exotiques. Puisqu’il s’agit de sociétés « pré-modernes » et « de la tradition », pas de risques de se perdre dans l’enchevêtrement des ruses sociales, des stratégies individuelles et des multiples niveaux de sens qui caractérisent les pratiques quotidiennes dans l’Occident moderne. Alors que nous sommes encouragés à nous méfier du moindre sondage d’opinion effectué à la sortie d’un supermarché, la parole individuelle semble pouvoir être prise pour argent comptant dès lors qu’elle émerge hors du monde qui nous est familier. Il y a bien sûr des exceptions à ce tableau déprimant, mais elles concernent symptomatiquement des programmes d’études à long terme, dont les questionnements se sont ramifiés et raffinés au fil des années [31].
D’insaisissables savoirs
29Voici, à titre d’illustration, comment des enquêtes trop superficielles du point de vue des méthodes d’enquête et de la critique des données m’ont conduit à formuler des propositions théoriques qui, sans être radicalement fausses, passent largement à côté d’une réalité sociale autrement plus intéressante. Le point de départ est une observation faite par Arnold [32] au sujet des techniques d’ébauchage de la poterie : leur distribution spatiale coïncide fréquemment avec celle de la langue que parlent les artisans. Puisque ces techniques relèvent de comportements culturels, dont la reproduction et la mise en œuvre sont indépendantes des contraintes du milieu physique ou de la forme et de la fonction des récipients, il faut manifestement chercher l’origine de la coïncidence entre langue et manière de faire dans le processus d’apprentissage.
30À l’époque où je mène mes recherches au Cameroun (1990-1992), j’envisage l’apprentissage d’un point de vue simplement « transmissioniste » : le transfert des connaissances techniques relèverait d’un épisode bien dissociable des points de vue temporel, spatial et social, et les savoirs acquis à cette occasion seraient reproduits par la mise en pratique et transmis ensuite à la génération suivante. Les enquêtes consistent dès lors à interroger les artisans sur l’âge auquel ils ont effectué leur apprentissage, le lieu où celui-ci s’est déroulé et l’identité de la personne auprès de laquelle les connaissances ont été acquises. Dans la mesure du possible, je leur demande aussi de décrire les modalités de leur apprentissage pour pallier le manque d’observations de première main. À moins de les susciter – ce que je fais à plusieurs reprises –, les situations d’apprentissage « explicites » restent en effet invisibles sur le terrain, un phénomène que j’attribue pendant longtemps à la perte de vitalité de l’activité céramique.
31Voici un exemple typique de ces « récits d’apprentissage » collectés par dizaines sur le terrain :
Quand ma maman faisait [de la poterie], les petits morceaux qui tombaient, moi je les ramassais pour essayer. Quand je fais ça, ça se gâte [l’ébauche se déforme]. Alors je pile et je recommence. Un jour après, j’ai vu que c’était tombé [la paroi du récipient s’était affaissée]. La maman riait et elle m’a alors bien montré comment faire et ça a donné une marmite. [Télibé Assatou.]
33On y retrouve les principaux éléments mis en valeur par les enquêtes qualitatives : l’apprentissage a lieu durant l’enfance, auprès d’un parent (la mère ou la grand-mère dans la plupart des cas) et – ce que le texte ne précise pas – dans le village natal. Nous sommes donc en présence d’un processus classique de transmission verticale parent/enfant et, à ce titre, de traits dont la diffusion spatiale est assurée mécaniquement par les déplacements individuels – essentiellement d’origine matrimoniale. Au sud du Cameroun, un tel scénario paraît expliquer de façon assez convaincante la coïncidence observée entre les techniques de façonnage et l’appartenance linguistique [33]. Il comporte pourtant un sérieux biais, dont je ne prendrai la mesure que des années plus tard. Les potières interrogées sont en effet des femmes âgées, souvent isolées, ayant pour beaucoup abandonné l’activité ou ne la pratiquant que sporadiquement. Leurs pratiques se situent dès lors à la marge du champ social, hors du quotidien et hors de l’économie. Le principal enjeu est qu’elles permettent, face à un observateur étranger, de matérialiser un lien avec leur ascendance et le passé en général. Qu’il s’agisse d’observations ou de témoignages, les données collectées auprès de ces personnes relèvent donc surtout de la performance et de la présentation normative d’une pratique socialement désinvestie [34].
34Le déclic va se faire plus tard, sur un tout autre terrain. Au sud du Niger, l’activité de la poterie est pratiquée dans des centaines de villages, de façon parfois très intensive. Les artisans se côtoient et interagissent – autour des sources d’argile, dans les ateliers, au marché –, de sorte que les pratiques font l’objet de multiples enjeux sociaux, politiques, économiques et écologiques. Loin du statisme que semblaient révéler les enquêtes faites au Cameroun, l’artisanat de la poterie témoigne au Niger de changements et d’ajustements incessants, à tous les niveaux de la chaîne opératoire [35].
35Or que disent les artisans lorsqu’on les interroge sur les modalités de leur apprentissage ? Exactement la même chose que les potières du Sud-Cameroun ! En voici un exemple, dont seule la forme a été modifiée pour faciliter la lecture :
Ma mère a dit que je devais apprendre à fabriquer la poterie. Elle a pris un petit morceau d’argile et l’a pétri. Elle a fait un petit trou dans le sol et a pris un percuteur en terre cuite. Elle a placé la natte sur le trou, y a posé l’argile et a pris le petit percuteur : elle tape, elle tape, elle tape, jusqu’à ce que ça devienne un petit pot. Elle me l’a montré : « C’est comme ça qu’on va faire. » Le lendemain, moi aussi j’ai fait comme ça. J’ai pris de l’argile, j’ai fait le petit trou, j’y ai posé la natte et puis l’argile. Moi aussi je fais comme ça, je fais comme ça. Ça se déchire, je recommence. Ça se déchire, je recommence : jusqu’à ce que ça aille. [Aïssa Daouda.]
37Sans entrer dans les détails, un réexamen des données collectées au Cameroun comme au Niger montre assez clairement que l’apprentissage est le théâtre d’un double processus « tirant » littéralement dans des directions opposées et dont les récits d’apprentissage n’offrent qu’une description très imparfaite.
38D’une part, il y a le contenu même de ces récits, produits pour des personnes qui ne font pas partie de la communauté de l’artisan et articulés autour d’une description succincte de la chaîne opératoire [36] et d’une narration encore plus succincte des modalités d’acquisition des compétences techniques. Cette dernière se focalise sur l’étape de façonnage et sur le lien physique – souvent psychologique aussi – qui unit les deux protagonistes de la transmission. La description technique livre les caractéristiques de l’action quotidienne. Elle contribue aussi à la singulariser par rapport aux pratiques en cours dans d’autres communautés. L’accent mis sur le lien unissant la mère et la fille (ou le père et le fils) permet ensuite de souligner le caractère « hérité » du travail de la poterie, qui entre de ce fait dans la catégorie des choses transmises par les parents – et les ancêtres en général –, lesquelles sont d’autant plus fondamentales qu’elles concernent une activité spécialisée, constitutive de l’identité. Le récit d’apprentissage apparaît donc comme une ressource mobilisable pour exprimer la part originelle de son identité : « Voilà d’où je viens, car voici ce que j’ai appris et voici celui/celle qui me l’a appris. »
39D’autre part, l’apprentissage concret relève bien plus d’un processus continu que d’un épisode isolé dans le temps et l’espace – ce qui explique d’ailleurs pourquoi on le perçoit difficilement sur le terrain. Initié durant l’enfance, auprès de parents, mais également d’amis et de voisins, il consiste à prendre part à l’activité des pairs. Cette participation permet d’acquérir des compétences graduellement plus importantes, suivant un cheminement que Lave et Wenger [37] qualifient de « participation périphérique légitimée » et qui engendre à la fois une identité de participant et un répertoire de pratiques partagé par l’ensemble de la communauté. Dès le départ, l’acquisition de compétences est donc socialement située et ancrée dans la pratique. Or ce processus d’acquisition par participation se poursuit tout au long de la carrière de l’artisan. Il s’ensuit que c’est dans la pratique et les engagements quotidiens entre acteurs que se construit l’essentiel du savoir des artisans, et non dans un contexte qui, comme semblaient l’indiquer les récits d’apprentissage, serait extérieur à la communauté de pratique sur le triple plan temporel, géographique et social. La trajectoire de vie d’un artisan témoigne donc d’une tension continuelle entre la part « héritée » de sa pratique et la part « adaptée » aux normes de la communauté dans laquelle il évolue. De même, si les techniques de façonnage témoignent d’une telle stabilité à travers l’espace et le temps et d’une coïncidence fréquente avec les frontières ethnolinguistiques et socioprofessionnelles, c’est peut-être moins parce qu’elles reposent sur des compétences motrices, acquises durant l’enfance et difficilement modifiables par la suite, que parce qu’elles sont investies d’une plus haute signification identitaire, en raison des conditions qui président à leur acquisition. Cela, notons-le, ouvre d’ailleurs la porte à des manipulations stratégiques en cas de reconstructions identitaires [38].
40Le modèle qui émerge de mes enquêtes au Cameroun apparaît ainsi comme très incomplet, puisqu’il s’agit avant tout d’un artefact de recherche né du crédit accordé à des témoignages oraux que ni le dispositif d’enquête, ni la connaissance du cadre socio-historique ne permettaient de mettre en perspective. Cet « artefact » a malheureusement été exploité, parmi bien d’autres sources ethnoarchéologiques ou ethnographiques, pour conforter une conception biologisante de la transmission culturelle [39] inspirée du modèle néo-darwiniste de Boyd et Richerson [40], et tellement indigente qu’il est mortifiant d’y être associé – même involontairement.
Pensée magique et pragmatisme jouent à cache-cache
41Laissant de côté les questions de méthode, je voudrais revenir ici sur un autre piège issu de l’opposition idéologique entre le fonctionnement des sociétés non occidentales et celui de notre propre société. Cette opposition reste tellement prégnante dans les sciences humaines [41] qu’on peut pratiquement pardonner à l’ethnoarchéologie d’y souscrire également. Pour le dire brièvement, l’individu occidental serait un être éminemment réflexif, engagé dans d’inlassables processus de singularisation et de reconstruction identitaire [42]. Sa pensée serait également marquée par la raison et la rationalité, aussi bien scientifique qu’économique, avec pour corollaire une perte croissante du sens au profit du matérialisme. Dans les sociétés non occidentales, en revanche, les individus subiraient la tradition – mus par une « mémoire sociale infraconsciente [43] » –, développeraient des identités avant tout collectives et ne chercheraient pas à conceptualiser leurs actions hors des cadres socio-religieux sur lesquels elles se fondent. Leur rationalité serait dès lors « moins rationnelle » que la nôtre, avec pour principal bénéfice une conservation du sens donné aux choses et aux actions, un lien social plus fort et une prégnance moindre du matérialisme.
42De façon souvent involontaire, les études consacrées aux techniques de production en dehors du monde occidental contribuent à réifier ce partage des eaux idéologique. Fondées sur une volonté salutaire de démontrer la richesse sociale et symbolique des pratiques, elles finissent par livrer une image souvent statique et déséquilibrée des activités. Les acteurs y semblent surplombés par des logiques religieuses et rituelles sur lesquelles ils ont peu de prise. Loin des obsessions occidentales pour la performance économique et fonctionnelle, ce sont des techniques en résonance avec les valeurs essentielles de la société qui nous sont données à voir – et tant pis si, emportés par leur enthousiasme, certains en viennent à affirmer que la logique de sens l’emporte sur la logique fonctionnelle [44]. Alors que le technicien occidental compte et rentabilise, le technicien non occidental paraît surtout prier et socialiser.
43Cette vision manichéenne est dénoncée par l’historienne Marcia Wright [45], dans un article analysant la carrière de Mzee Stefano, maître fondeur tanzanien. Sa critique porte sur les travaux ethnoarchéologiques consacrés à la réduction du minerai de fer en Afrique. Ceux-ci véhiculeraient une conception étriquée de la technologie, en raison de l’emphase mise sur les aspects rituels, qui conduirait les chercheurs à surinterpréter les métaphores de gestation associées à l’activité métallurgique. Une telle surinterprétation relègue à l’arrière-plan les questions relatives au changement historique, à l’identité individuelle des acteurs et au cadre économique. Par-dessus tout, Wright s’interroge sur la valeur historique (et ethnographique) de données collectées exclusivement dans un contexte de reconstitution technique :
Il se peut tout à fait qu’une reconstitution de fonte du fer, sortie du contexte d’une pratique artisanale qui s’intègre dans une économie viable, ne soit pas la reconstitution d’une technologie, mais celle de quelques rituels et processus susceptibles d’être analysés « scientifiquement » par les métallurgistes. Ces éléments ne constituent pas la somme totale d’une technologie, si par ce terme nous désignons une canalisation de pouvoir, de travail physique, d’autres sources d’énergie et de forces spirituelles [46].
45Pour résumer les choses, les travaux ethnoarchéologiques effectués en Tanzanie – comme dans d’autres régions d’Afrique – dépeignent une activité technique aux mains de maîtres fondeurs occupant une place rituelle de première importance et dont les caractéristiques font étroitement écho à des conceptions symboliques au centre desquelles figurent les métaphores du fourneau/ utérus et de la réduction/accouchement. La colonisation européenne a porté un coup fatal à ce système technique, en inondant le marché de produits manufacturés, en introduisant une économie monétaire et en s’attaquant, par l’entremise des missionnaires, aux « rituels païens » sur lesquels se fondaient notamment les pratiques métallurgiques. À l’issue de la Première Guerre mondiale, la fonte du fer avait pratiquement été abandonnée en Afrique de l’Est.
46Or, dans le district d’Ufipa, région d’origine du maître fondeur Mzee Stefano, la fonte a connu un regain d’intérêt dans l’entre-deux-guerres et ne s’est éteinte que beaucoup plus tard, en 1956. Deux raisons au moins expliquent ce phénomène. D’une part, les houes diffusées par le colonisateur anglais et fabriquées en Inde se sont révélées trop légères et de forme peu appropriée par rapport aux techniques de préparation des champs. Jusqu’à ce qu’une manufacture anglaise produise une houe calquée sur un modèle d’Ufipa, la version locale restera d’usage courant. D’autre part, l’agriculture s’intensifie considérablement dans les années 1930, pour répondre à la demande entraînée par l’afflux massif de migrants vers les exploitations aurifères de Lupa, à quelque 150 kilomètres du plateau Fipa.
47En ce qui concerne Mzee Stefano, Wright considère un épisode particulier de son récit de vie : la reconstruction de sa batterie de fourneaux en 1936, à proximité du lieu où il résidait. Ce qui l’intrigue, c’est le fait de se rapprocher du village, alors que la fonte est habituellement pratiquée « en brousse », à l’écart des zones d’habitat. De même, cette reconstruction a entraîné la participation de multiples acteurs, dont beaucoup étaient étrangers à l’activité métallurgique. En fait, Mzee Stefano n’était pas seulement un métallurgiste ou un « ritualiste », mais également un représentant de la congrégation religieuse locale et de l’administration coloniale. La saison de fonte durant plusieurs mois, il ne lui était pas possible – à ce moment de sa vie – de s’absenter trop longtemps du village s’il voulait faire face à ses autres obligations [47]. Par ailleurs, en s’installant en bordure du village, il se rapprochait des sources de combustible et de minerai. Enfin, si les femmes étaient bien exclues du processus de fonte, elles préparaient quotidiennement la bière et la nourriture des hommes. Or ces tâches étaient effectuées en parallèle avec les récoltes qui se déroulaient au même moment et dont on a vu qu’elles s’étaient considérablement intensifiées. Le rapprochement de la batterie de fourneau permettait donc de concilier de multiples impératifs.
48En ce qui concerne la main-d’œuvre externe, plusieurs facteurs entrent en compte. D’abord, de nombreux hommes sont disponibles à cette époque de l’année, puisque les travaux champêtres qui les concernent sont terminés. Pour eux, la construction des fourneaux n’est pas un simple travail, mais une véritable fête à connotation religieuse, durant laquelle ont lieu des sacrifices, des rites, et où l’on consomme surtout une grande quantité de bière et de nourriture, dans une ambiance de camaraderie. Ils savent aussi qu’ils ne repartiront pas les mains vides, puisqu’il est d’usage de donner une part de minerai réduit à ceux qui participent à l’opération. Enfin, certains cherchent à entrer dans le métier par cette participation, un fait qui se comprend d’autant mieux que les fondeurs occupent une position sociale importante.
49L’orthodoxie symbolique et cosmologique dépeinte par les études ethnoarchéologiques locales [48], de même que la continuité présumée des pratiques, est ainsi contredite par le travail de recontextualisation historique que permet le témoignage de Mzee Stefano. Nous sommes en présence de pratiques qui, si elles ont indéniablement une dimension symbolique, se prêtent assez bien à des ajustements parfois importants. Par ailleurs, la dimension économique de l’activité ne peut pas être ignorée : dans l’entre-deux-guerres, c’est elle qui permet d’expliquer la survivance locale d’une tradition de fonte. Enfin, la personne du fondeur paraît moins monolithique que ne le laissent entendre les travaux sur la métallurgie. Comme le conclut Wright :
Mzee Stefano effectuait les rites de fonte avec sérieux ; il croyait que ses [charmes] lui conféraient un pouvoir et le légitimaient dans son statut de maître fondeur. Mais il était aussi gestionnaire de travail, représentant de l’administration publique et catholique [49].
51Fascinés par la part symbolique de l’activité métallurgique, les ethnoarchéologues ont accordé trop de crédit à ces performances normatives que sont les reconstitutions techniques, mais également aux témoignages d’informateurs n’ayant bien souvent qu’un rapport périphérique avec la fonte, oubliant que la technique ne prend toute sa dimension qu’en situation, dans la pratique quotidienne d’une multitude d’acteurs.
Une histoire qui n’en avait pas
52Plusieurs aspects de l’étude de Marcia Wright peuvent sans doute être discutés, mais celle-ci a le mérite d’attirer notre attention sur les problèmes posés par l’emphase mise sur le « symbolique » dans les études consacrées aux systèmes techniques non occidentaux. Outre l’occultation partielle ou totale des aspects relatifs à l’économie, à la vie quotidienne et aux trajectoires individuelles, cette façon d’envisager les choses nous livre une vision terriblement figée des sociétés. En assignant à l’univers symbolique de la fonte une position centrale et en soutenant que celui-ci a traversé le temps sans changement – qu’il s’agisse de sa structure ou de ses effets [50] –, les travaux ethnoarchéologiques nient simplement la part historique des traditions techniques et, par là, les dynamiques de changement que connaissent toutes les sociétés. Par un chemin très différent et de façon plus implicite, on retrouve ici les conceptions de Hegel sur la philosophie de l’histoire, récemment recyclées par le président de la République française dans son discours à la jeunesse africaine [51].
53Cette relégation des sociétés non européennes à un univers « a-historique » est bien connue en anthropologie ; c’est un des principaux reproches que l’on peut adresser au structuralisme – pour prendre un exemple trivial. Toutefois, le fait que ces spécialistes de la diachronie que sont les archéologues la reproduisent sans s’en inquiéter davantage a quelque chose de frappant. Une raison essentielle de ce problème, qui nous ramène ici aux fondements mêmes de la démarche ethnoarchéologique, est l’illusion de continuité historique que procure la continuité formelle dans les assemblages.
54C’est ce qu’illustre Paul Lane [52] dans son article de synthèse sur le rôle des « imaginations ethnographiques » en archéologie africaine. Prenant l’exemple célèbre du Central Cattle Pattern (CCP) en Afrique australe, il montre comment Tom Huffman [53] s’est efforcé d’explorer l’organisation sociale, l’idéologie et la vision du monde des populations préhistoriques et historiques de la région entre les vie et xxe siècles en s’appuyant sur des sources ethnographiques locales. Cette utilisation va de soi pour Huffman, puisque de nombreux chercheurs s’accordent sur l’existence d’une histoire partagée par les peuples d’Afrique australe, qui pourrait remonter à un millénaire. L’ethnographie régionale révèle des structures d’habitat s’articulant sur un modèle d’organisation spatiale dans laquelle le bétail occupe une position centrale – d’où le terme de Central Cattle Pattern : les habitations rayonnent progressivement vers l’extérieur, depuis l’enclos circulaire, suivant l’âge et le statut des occupants. L’organisation révèle aussi une série d’oppositions structurales – centre/périphérie, hommes/femmes, bétail/céréale, senior/junior, avant/arrière, haut/bas [54] – dont on retrouve l’écho dans d’autres domaines que l’architecture.
55Lorsqu’il retrouve en fouille des structures d’habitat évoquant le même mode d’agencement, Huffman conclut que l’organisation sociale et la vision du monde des individus qui les ont construites et utilisées sont identiques à celles des populations actuelles. Raisonnement circulaire, bien sûr, puisqu’il part du principe qu’il y a continuité historique dans la région. Mais raisonnement qui se met aussi à vaciller singulièrement lorsque la même grille d’analyse est appliquée aux célèbres ruines de Great Zimbabwe. Si ce site est loin d’avoir livré tous ses secrets, on sait en effet qu’il s’agit d’une structure palatiale et que le bétail était parqué dans sa périphérie et non au centre.
56En y regardant de plus près, Lane [55] constate qu’il existe en fait de nombreuses variantes régionales dans le CCP et que les structures exhumées par les archéologues n’entretiennent avec elles que des relations assez lâches. Emporté par son intérêt pour la dimension symbolique de l’organisation spatiale, Huffman ne tient pas suffisamment compte des informations chronotypologiques que livrent les sites qu’il étudie. Les données ethnographiques sur lesquelles il s’appuie sont par ailleurs complètement sorties de leur contexte historique. Comme le remarque Lane à propos de cette décontextualisation des sources :
[…] les critiques se sont focalisées sur l’incapacité à prendre en considération le contexte historique de l’ethnographie sur laquelle se fondent les modèles, car ce contexte est partiellement responsable de l’emphase mise sur certains aspects par les informateurs et les ethnographes, ainsi que de l’omission ou de la prise en compte très superficielle d’autres aspects. […] Par exemple, le modèle du CCP ne tient aucun compte de la façon dont les relations entre genres se sont transformées, suite à l’introduction d’une économie salariale sous l’autorité coloniale [56].
58Pour échapper à l’illusion de statisme historique que nous procurent des ressemblances matérielles plus ou moins bien identifiées, il faut impérativement élargir le champ et confronter l’ensemble des éléments disponibles pour le contexte analysé. Cette mise en perspective est d’autant plus importante que quantité de travaux ethnographiques montrent bien que ni la parenté formelle, ni l’emprunt pur et simple n’engendrent des conditions d’usage ou des représentations symboliques partagées [57]. Plutôt que de chercher ailleurs la clé d’interprétation d’un assemblage, il s’agit en somme d’en faire une « ethnographie » minutieuse et de s’efforcer ensuite d’y donner du sens. Rien de cela, semble-t-il, ne justifie la constitution d’une sous-discipline archéologique.
En finir avec l’ethnoarchéologie ?
59Comme annoncé en introduction, je me suis livré ici à un procès à charge de l’ethnoarchéologie, forçant sans doute le trait et laissant entièrement à d’autres la tâche de défendre la démarche en tant que discipline – ou sous-discipline – scientifique. Au moment de refermer ce chapitre, je voudrais néanmoins pointer quelques-uns de ses apports, non pas pour me dédouaner, mais, au contraire, pour souligner à quel point l’intérêt éventuel de l’ethnoarchéologie se situe en dehors du cadre théorique et conceptuel sur lequel elle se fonde.
60Citons d’abord la multiplication des études consacrées aux techniques de production et à la culture matérielle. À partir des années 1970, l’ethnoarchéologie a contribué à alimenter un fonds documentaire dont l’importance est d’autant plus grande que les données ont bien souvent été récoltées auprès des derniers praticiens des activités concernées. À condition de les traiter avec prudence, ces données enrichissent considérablement les travaux à vocation comparatiste, tant en anthropologie qu’en histoire. Toutefois, leur intérêt est souvent inversement proportionnel aux aspirations théoriques de leurs auteurs : ceux qui ont mis tous leurs efforts dans la construction de modèles d’interprétation laissent à la postérité des documents peu exploitables. En ce sens, la poursuite d’un agenda ethnoarchéologique apparaît plutôt comme une entrave.
61Lorsqu’elles se combinent à des mesures et des collectes d’outils, de matériaux et de produits finis, les études ethnoarchéologiques contribuent également au développement de « référentiels » exploitables pour reconstituer les procédés techniques au départ du matériel archéologique ou pour mieux comprendre les processus de formation des sites. Ici, l’ethnoarchéologie rejoint néanmoins une autre sous-discipline – l’archéologie expérimentale – qui n’a jamais eu de prétentions en matière d’exploration de dynamiques sociales ou de systèmes de pensée. La seule différence tient en ce que le « laboratoire » est situé en contexte ethnographique et que les techniciens sont des professionnels des activités étudiées, ce qui épargne parfois d’embarrassantes approximations et naïvetés. Le référentiel issu de telles études reste cependant purement comportemental et factuel ; il n’est pas question de l’exploiter à d’autres fins. En ce sens, l’ethnoarchéologie à laquelle il se rapporte s’inscrit dans le champ plus large des approches expérimentales, dont les praticiens ont souvent développé des collaborations fructueuses avec d’autres « disciplines de laboratoire » comme l’archéométrie ou la psychologie comportementale.
62Il y a enfin ces travaux ethnoarchéologiques qui développent l’« analogie historique directe ». Leur diversité et leur qualité très inégale empêchent de les considérer en bloc. En termes de finalité, ils paraissent pourtant relever de la démarche historique au sens large – histoire, archéologie, linguistique historique, anthropologie historique –, plutôt que d’une sous-discipline distincte du point de vue des méthodes et des enjeux. C’est donc avec les praticiens de ces disciplines que les débats et les collaborations devraient s’engager, plutôt que de continuer à fonctionner dans le cadre strict de l’archéologie, comme c’est souvent le cas.
63On le voit, l’ethnoarchéologie n’est jamais aussi intéressante que lorsqu’elle s’écarte – délibérément ou non – des aspirations modélisantes et universalistes qui ont justifié sa mise sur pied. Lorsque, en d’autres termes, elle se transforme en science des techniques et de la culture matérielle, et engage le dialogue avec d’autres disciplines, au premier plan desquelles figurent l’anthropologie, l’histoire, la linguistique et l’archéologie. Comme nous l’avons vu, ce dialogue n’est néanmoins envisageable qu’au prix d’une reformulation complète des objectifs, des méthodes et de l’idéologie sur lesquels la démarche repose.
64Le travail est titanesque. Mais en vaut-il la peine ? Pourquoi les archéologues devraient-ils s’évertuer à réinventer un champ d’analyse qui a fini par s’imposer au fil des décennies ? Les material culture studies et l’anthropologie des techniques – version francophone ou anglo-saxonne – sont bien vivantes aujourd’hui et capitalisent sur des avancées théoriques et méthodologiques qui renvoient bon nombre de contributions ethnoarchéologiques dans les cordes – tout en comportant, elles aussi, leur lot de charlataneries et de prétentions. Ne vaudrait-il pas mieux rejoindre ces disciplines et y apporter une rigueur et une dimension diachronique qui y fait parfois défaut (voir à ce propos la récente sortie d’Ingold [58]) ?
65Que faire alors de l’ethnoarchéologie ? Pour ma part, la décision est prise depuis longtemps.
Notes
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[1]
M. Debureaux, De l’art d’ennuyer en racontant ses voyages. Paris, Cavatines, 2005.
-
[2]
Voir par exemple P. Lane, « Barbarous tribes and unrewarding gyrations ? The changing role of ethnographic imagination in African archaeology », in A. Stahl (dir.), African Archaeology. A Critical Introduction, Londres, Blackwell, 2005 ; S. MacEachern, « Foreign countries : the development of ethnoarchaeology in Sub-Saharan Africa », Journal of World Prehistory, 10, 3, 1996, p. 243-304 ; M. Wright, « Life and technology in everyday life : reflections on the career of Mzee Stefano, master smelter in Ufipa, Tanzania », Journal of African Cultural Studies, 15, 1, 2002, p. 17-34.
-
[3]
J. Cunningham, « Integrating African ethnoarchaeology », communication inédite présentée à la Society for Africanist Archaeologists Biennal Meeting, Calgary, 22-23 juin 2006, p. 2.
-
[4]
Symptomatiquement, les initiateurs du tout nouveau journal Ethnoarchaeology décrivent leurs objectifs éditoriaux dans des termes qui soulignent remarquablement les carences de la sous-discipline : « One need that Ethnoarchaeology addresses is that there is little that unifies or defines our subdiscipline, although there has been an exponential increase in ethnoarchaeological and experimental research in the past thirty years. With such growth we must explore what distinguishes these approaches as a subdiscipline, what methods connect practitioners, and what unique suite of research attributes we contribute to the better understanding of the human condition » (www.lcoastpress.com/journal.php?id=9). Voici donc une « sous-discipline » pratiquée depuis plus de quarante ans par des chercheurs qui en sont encore à s’interroger sur ce qui les lie entre eux et les distingue d’autres praticiens, aussi bien du point de vue des méthodes de recherche que de celui des finalités. On reste songeur.
-
[5]
V. Roux, « Ethnoarchaeology : a non historical science of reference necessary for interpreting the past », Journal of Archaeological Method and Theory, 14, 2, 2007, p. 153-178.
-
[6]
J. Cunningham, « Transcending the “Obnoxious Spectator” : a case for processual pluralism in ethnoarchaeology », Journal of Anthropological Archaeology, 22, 4, 2003, p. 389-410 ; id., « Integrating African ethnoarchaeology », art. cit.
-
[7]
F. Sigaut, « Un couteau ne sert pas à couper, mais en coupant. Structure, fonctionnement et fonction dans l’analyse des objets », in 25 Ans d’études technologiques en préhistoire. Bilan et perspectives, Antibes, APDCA, 1991, p. 21-34.
-
[8]
N. David et C. Kramer, Ethnoarchaeology in Action, Cambridge, Cambridge University Press, 2001, p. 14-31 ; P. Lane, « Barbarous tribes and unrewarding gyrations ?… », art. cit. ; K. Sadr, F. Bon, F.-X. Fauvelle-Aymar, D. Gronenborn, B. Bosc-Zanardo, « Pour un nouveau comparatisme en Afrique australe-Europe occidentale : regards croisés de l’archéologie, de l’histoire et de l’ethnologie des chasseurs-cueilleurs Bushmen », in L. Astruc, F. Bon, V. Léa, P.-Y. Milcent, S. Philibert (dir.), Normes techniques et pratiques sociales. De la simplicité des outillages pré- et protohistoriques, Juan-les-Pins, APDCA, 2006.
-
[9]
Par exemple, J. Stengers et A. Van Neck, Histoire d’une grande peur, la masturbation (1984), Le Plessis-Robinson, Les Empêcheurs de penser en rond, 1998.
- [10]
-
[11]
B. Latour, Nous n’avons jamais été modernes. Essai d’anthropologie symétrique, Paris, La Découverte, 1991.
-
[12]
E. Coart et A. de Haulleville, Notes analytiques sur les collections ethnographiques du musée du Congo. La céramique, Bruxelles, Spineux et Cie, 1907.
-
[13]
L. Franchet, Céramique primitive, Paris, Paul Geuthner, 1911, p. 1-2.
-
[14]
K. Sadr, F. Bon, F.-X. Fauvelle-Aymar, D. Gronenborn, B. Bosc-Zanardo, « Pour un nouveau comparatisme en Afrique australe-Europe occidentale… », art. cit.
-
[15]
J. Nance, The Gentle Tasaday. A Stone Age People in the Philippine Rain Forest, Londres, Victor Gollancz, 1975.
-
[16]
T. N. Headland, The Tasaday Controversy. Assessing the Evidence, American Anthropological Association, 1992.
-
[17]
P. Lane, « Present to past : ethnoarchaeology », in C. Tilley, W. Keane, S. Küchler, M. Rowlands, P. Spyer (dir.), Handbook of Material Culture, Londres, Sage, 2006, p. 403-424.
-
[18]
S. MacEachern, « Foreign countries… », art. cit.
-
[19]
K. Sadr, F. Bon, F.-X. Fauvelle-Aymar, D. Gronenborn, B. Bosc-Zanardo, « Pour un nouveau comparatisme en Afrique australe-Europe occidentale… », art. cit.
-
[20]
Par exemple, K. Klieman, The Pygmies Were our Compass. Bantu and Batwa in the History of West Central Africa, Early Times to c. 1900 C.E., Portsmouth, Heinemann, 2003 ; D. V. Joiris, « The framework of Central African hunter-gatherers and neighbouring societies », African Study Monographs, suppl. 28, 2003, p. 57-79.
-
[21]
N. David et C. Kramer, Ethnoarchaeology in Action, op. cit., p. 22-31.
-
[22]
A. Gallay, « L’ethnoarchéologie : science de référence de l’archéologie », in Coloquio internacional Arqueologia hoje, 1, 1990, p. 293.
-
[23]
Voir également A. Stahl, « Change and continuity in the Banda Area, Ghana : the direct historical approach », Journal of Field Archaeology, 21, 1994, p. 181-203.
-
[24]
A. Gallay, E. Huysecom, M. Honegger, A. Mayor, Hamdallahi, capitale de l’Empire peul du Massina, Mali. Première fouille archéologique, études historiques et ethnoarchéologiques, Stuttgart, F. Steiner, 1990 ; A. Gallay, E. Huysecom, A. Mayor, Peuples et céramiques du Delta intérieur du Niger (Mali). Un bilan de cinq années de missions (1988-1993), Mayence, P. von Zabern, 1998 ; voir surtout A. Mayor, E. Huysecom, A. Gallay, M. Rasse, A. Ballouche, « Population dynamics and paleoclimate over the past 3 000 years in the Dogon Country, Mali », Journal of Anthropological Archaeology, 24, 2005, p. 25-61.
-
[25]
N. David, « The Mandara Archaeology Project, 1994-98 », Nyame Akuma, 49, 1998, p. 7.
-
[26]
Comparer à ce propos la stupéfiante différence entre le Gallay historien (« Sociétés englobées et traditions céramiques : le cas du Pays dogon (Mali) depuis le xiiie siècle », in F. Audouze et D. Binder [dir.], Terre cuite et société. La céramique, document technique, économique, culturel, Juan-les-Pins, APDCA, 1994, p. 435-457) et le Gallay ethnoarchéologue d’obédience logiciste (« Traditions céramiques et ethnies dans le delta intérieur du Niger [Mali] : approche ethnoarchéologique », Bulletin du Centre genevois d’anthropologie, 3, 1992, p. 23-46).
-
[27]
P. Bahn. Bluff your Way in Archaeology, Horsham, Ravette Books, 1989, p. 52-53 (ma traduction).
- [28]
-
[29]
H. Balfet, Observer l’action technique. Des chaînes opératoires, pour quoi faire ?, Paris, CNRS, 1991 ; R. Creswell, « Transferts de techniques et chaînes opératoires », Techniques et Culture, 2, 1991, p. 143-163 ; P. Lemonnier, Elements for an Anthropology of Technology, Ann Arbor, Museum of Anthropology, University of Michigan, coll. « Anthropological Paper », 88, 1992.
-
[30]
N. David et C. Kramer, Ethnoarchaeology in Action, op. cit.
-
[31]
Par exemple, B. J. Bowser, « From pottery to politics : an ethnoarchaeological study of political factionalism, ethnicity, and domestic pottery style in the Ecuadorian Amazon », Journal of Archaeological Method and Theory, 7, 2000, p. 219-248 ; id. et J. Q. Patton, « Learning and transmission of pottery style. Women’s life histories and communities of practice in the Ecuadorian Amazon », in M. Stark, B. J. Bowser, L. Horne (dir.), Cultural Transmission and Material Culture. Breaking down Boundaries, Tucson, The University of Arizona Press, 2008, p. 105-129 ; N. David, « The Archaeology of ideology : Mortuary practices in the Central Mandara Highlands, Northern Cameroon », in id. et J. Sterner (dir.), An African Commitment. Papers in Honour of Peter Lewis Shinnie, Calgary, University of Calgary Press, 1992, p. 181-210 ; C. Kramer, Pottery in Rajasthan. Ethnoarchaeology in Two Indian Cities, Washington D. C., Smithsonian Institution Press, 1997 ; A.-M. et P. Pétrequin, Objets de pouvoir en Nouvelle-Guinée. Approche ethnoarchéologique d’un système de signes sociaux, Saint-Germain-en-Laye, Musée national d’archéologie, 2006.
-
[32]
D. E. Arnold, « A model for the identification of non-local ceramic distribution : view from the present », in H. Howard et E. Morris (dir.), Production and Distribution. A Ceramic Viewpoint, Oxford, BAR International Series, 120, 1981, p. 31-44.
-
[33]
O. P. Gosselain, « Social and technical identity in a clay cristal ball », in M. Stark (dir.), The Archaeology of Social Boundaries, Washington D. C., Smithsonian Institution Press, 1998, p. 78-106 ; id., « Globalizing local pottery studies », in S. Beyries et P. Pétrequin (dir.), Ethnoarchaeology and its Transfer, Oxford, BAR International Series, 983, 2001, p. 95-111 ; id., Poteries du Cameroun méridional. Styles techniques et rapports à l’identité, Paris, CNRS, 2002.
-
[34]
La question de savoir s’il s’agit d’une situation historiquement inédite, due à l’extinction d’un artisanat concurrencé par les produits d’importation, ou du vestige d’un contexte de production caractérisé par un faible degré de concentration, d’intensité et de spécialisation reste en suspens. La seconde possibilité trouve en tout cas de nombreux échos en Afrique centrale.
-
[35]
O. P. Gosselain, « Mother Bella was not a Bella. Inherited and transformed traditions in Southwestern Niger », in M. Stark, B. J. Bowser, L. Horne (dir.), Cultural Transmission and Material Culture, op. cit., p. 150-177 ; id., « Thoughts and adjustments in the potter’s backyard », in I. Berg (dir.), Breaking the Mould. Challenging the Past through Pottery, Oxford, BAR International Series, 1861, 2008, p. 67-79.
-
[36]
Sur le terrain, la première version du récit d’apprentissage se résume parfois à la mention du nom de l’instructrice ou de l’instructeur, suivie d’une description des étapes de fabrication.
-
[37]
J. Lave et E. Wenger, Situated Learning. Legitimate Peripheral Participation, Cambridge, Cambridge University Press, 1991.
-
[38]
O. P. Gosselain, « Thoughts and adjustments in the potter’s backyard », art. cit.
-
[39]
S. Shennan et J. Steele, « Cultural learning in hominids : a behavioral ecological approach », in H. O. Box et K. R. Gibson (dir.), Mamalian Social Learning. Comparative and Ecological Perspectives, Cambridge, Cambridge University Press, 1999, p. 367-388 ; N. Thomas, Entangled Objects. Exchange, Material Culture and Colonialism in the Pacific, Cambridge, Harvard University Press, 1991 ; voir aussi S. Shennan, Genes, Memes and Human History. Darwinian Archaeology and Cultural Evolution, Londres, Thames and Hudson, 2002, p. 40-51.
-
[40]
R. Boyd et P. J. Richerson, Culture and the Evolutionary Process, Chicago, University of Chicago Press, 1985.
-
[41]
T. Ingold, Perception of the Environment. Essays in Livelihood, Dwelling and Skill, Londres, Routledge, 2000, p. 323.
-
[42]
J.-C. Kauffman, L’Invention de soi. Une théorie de l’identité, Paris, Armand Colin, 2004.
-
[43]
Ibid.
-
[44]
B. Pinçon, « Propos sur la technique », in Journées de réflexion sur les finalités et l’avenir du modèle de société occidental, Neuchâtel, université de Neuchâtel, 1999, p. 4.
-
[45]
M. Wright, « Life and technology in everyday life… », art. cit.
-
[46]
Ibid., p. 31 (ma traduction).
-
[47]
L’ancien site était installé à plusieurs heures de marche du village. Les fondeurs y résidaient pendant les trois mois que durait la saison de fonte.
-
[48]
R. Barndon, « Fipa ironworking and its technological style », in P. Schmidt (dir.), The Culture and Technology of African Iron Production, Gainesville, University of Florida Press, 1996, p. 58-74 ; P. Schmidt, Iron Technology in East Africa. Symbolism, Science, and Archaeology, Bloomington, Indiana University Press, 1997.
-
[49]
M. Wright, « Life and technology in everyday life… », art. cit., p. 31 (ma traduction).
-
[50]
Par exemple, P. Schmidt, Iron Technology in East Africa, op. cit.
-
[51]
www.elysee.fr/elysee/elysee.fr/francais/interventions/2007/juillet/allocution_a_l_universite_de_dakar.79184.html.
-
[52]
P. Lane, « Barbarous tribes and unrewarding gyrations ?… », art. cit.
-
[53]
T. N. Huffman, « Mapungubwe and the origins of the Zimbabwe culture », in M. Leslie et T. Maggs (dir.), African Naissance. The Limpopo Valley 1 000 years ago, Cape Town, South African Archaeological Society, coll. « Goodwin Series », 8, 2000, p. 14-29.
-
[54]
On notera qu’un système aussi basique s’applique à bien des habitats paysans.
-
[55]
P. Lane, « Barbarous tribes and unrewarding gyrations ?… », art. cit., p. 33.
-
[56]
Ibid. (ma traduction).
-
[57]
A. Appadurai, The Social Life of Things. Commodities in Cultural Perspective, New York, Cambridge University Press, 1986 ; T. Bonnot, La Vie des objets. D’ustensiles banals à objets de collection, Paris, Maison des sciences de l’homme, 2002 ; N. Thomas, Entangled Objects, op. cit. ; R. Zeebroek, O. P. Gosselain, J.-M. Decroly, « Casseroles, légumes et Halloween. Une approche multiscalaire des phénomènes de diffusion », Techniques et Culture, 51, 2008, p. 50-73.
-
[58]
T. Ingold, « Materials against materiality », Archaeological Dialogue, 14, 1, 2007, p. 1-16.