Notes
-
[1]
Siblot évoque un « imbroglio terminologique témoin de l’embarras épistémologique » (2001 : 193).
-
[2]
Sur la naturalisation des catégories sémantiques, voir Dubois & Resche-Rigon (1995).
-
[3]
Et ce, au-delà de leurs divergences de points de vue et de mode d’appréhension des phénomènes langagiers.
-
[4]
« Données verbales » est la dénomination donnée dans la littérature psychologique, qui produit des « corpus » pour l’analyse linguistique.
-
[5]
Comme contribution en psychologie et linguistique au programme de recherche pluridisciplinaire mené au LAM sur les bruits de l’environnement et la qualité des instruments de musique (p. ex. Cheminée 2009 ; Paté et al. 2015 ou Fritz & Dubois 2015, pour des publications récentes).
-
[6]
On notera en italique les formes linguistiques (bruit, son), en petites majuscules les concepts ou réalités cognitives (bruit, son) et en caractères normaux l’usage courant non spécifié (bruit, son).
-
[7]
Parmi d’autres questions (cf. Cance 2000), selon la procédure reprise des expériences menées antérieurement (David 2000 ; Dubois 2000).
-
[8]
Des formes telles que pas dans une ruelle ou un bruit de feuille qui bouge sur la table font davantage référence à une situation qu’à une source et renvoient à une expérience singulière davantage qu’à une catégorie normée et décontextualisée.
-
[9]
On rapprochera cette situation des situations de comptes rendus de voyage (Mondada 1994 ; Guérin 2015, ce volume) dans lesquelles l’incongruité (le caractère atypique) des paysages découverts par le voyageur conduit à des hésitations et à des reformulations caractéristiques des processus de désignation, alors que des paysages familiers imposent la reconnaissance et, par là, la dénomination (cf. également Isaacs & Clark 1987).
1 L’objet de notre contribution est d’identifier et d’analyser la diversité des procédés linguistiques de nomination lors de l’expression de notre rapport sensible au monde, en référence à notre expérience subjective et à notre connaissance partagée des propriétés du monde physique. Il s’agit de discuter l’usage de la notion de nomination en regard de celles de dénomination ou de désignation comme modes de référenciation, i.e. de mise en relation de formes linguistiques avec des réalités extralinguistiques. Faisant écho à la proposition de P. Siblot en 1990 d'« une linguistique qui n’a plus peur du réel », nous positionnons ce « réel » non dans l’évidence de la réalité physique du monde mais dans le registre des différents types de connaissances à la fois individuellement et collectivement construites. Une des spécificités de notre recherche sur cette relation entre formes langagières et réalités extralinguistiques est d’appréhender le rôle du langage dans la construction des savoirs, des connaissances et des représentations du monde (Dubois, Coler & Wörtche 2014) dans les champs disciplinaires de la linguistique et de la psychologie cognitives. Nous discuterons deux aspects qui contribuent à définir et différencier les concepts de dénomination, nomination et désignation : la question des formes nominales comme mode privilégié de référenciation en regard de la diversité des formes linguistiques observables dans les discours du sensible et celle des réalités extralinguistiques ainsi manifestées en langue, comme expériences subjectives individuelles ou comme connaissances objectives. Notre contribution empirique nous permettra, à travers l’analyse de différents corpus recueillis dans le domaine du sonore, de mettre en évidence les processus cognitifs et langagiers qui manifestent et construisent en discours la référence à l’extralinguistique en tant que différents types de connaissances, et de contribuer à préciser une conception cognitive de la référenciation.
1. Dénomination/nomination/désignation : un air de famille
2 L’examen de la littérature en linguistique concernant les questions de nomination fait état d’une grande diversité de termes employés [1] (dénomination, nomination, désignation, mais aussi référenciation, paradigme désignationnel…) qui ont déjà fait l’objet d’un inventaire et d’une discussion par S. Moirand (2004), mettant à jour une diversité de conceptualisations. Nous nous limiterons ici à mettre brièvement en perspective les termes et concepts de dénomination, désignation et nomination dans les oppositions, ressemblances et ambiguïtés qui les caractérisent quant à la relation entre langue, discours et extralinguistique.
1.1. Clivages et ambiguïtés terminologiques
1.1.1. Un nom ou des expressions linguistiques ?
3 Nombre d’auteurs insistent d’abord sur l’opposition entre la dénomination comme mode de référence accordé exclusivement aux formes nominales en regard d’autres expressions linguistiques qui relèveraient alors davantage de la désignation qui « intéresse l’ensemble des signes (linguistiques ou non), l’ensemble des expressions langagières (lexicalisées ou non), l’ensemble des morphèmes (nominaux ou non) » (Siblot, 2001 : 193-194). Ainsi, G. Kleiber (1984) remarque que la dénomination peut avoir des définitions plus ou moins extensives, sur un continuum allant d’une version restreinte limitée « au lien désignationnel entre la catégorie grammaticale nominale […] et la classe ou catégorie référentielle correspondante » à une version étendue comme « relation qui unit une expression linguistique à une entité extralinguistique ». Et il conclut que si toutes y voient « la désignation d’un être ou d’une chose extra-linguistique par un nom(name) […] elles se séparent sur la définition du nom » (Kleiber, 1984 : 77 cité par Siblot 2001). Cette prévalence de la forme nominale s’inscrit dans l’implicite qui nous semble le plus ancien et le plus « évident », comme fruit de la tradition du signe (Rastier, 2007 : 4) qui pose l’exigence d’une relation univoque entre les mots (noms) et les choses, dans la mesure où « les mots ont un sens parce que les choses ont un être » fondant ainsi la sémantique lexicale sur des présupposés ontologiques.
1.1.2. Stabilité lexicale en langue ou instabilité et dynamique en discours ?
4 Cette tradition conduit à une seconde distinction entre dénomination et nomination (cf. en particulier, Guérin 2015, ce numéro) qui concerne l’opposition entre une sémantique lexicale référentielle et les approches relatives à la construction du sens en discours. Celle-ci oppose le caractère normé, précodé et stabilisé du sens lexical impliqué dans les processus de dénomination à l’instabilité et à la dynamique de la construction du sens lexical en discours, renvoyant à des domaines et à des auteurs différents : la dénomination relevant du champ de la lexicologie et de la sémantique (cf. Kleiber 2001 ; Petit 2012) et la nomination de celui de la praxématique (Siblot 2001) et de l’Analyse du Discours (cf. Garric 2015, ce numéro).
1.1.3. La référence comme résultat ou la référenciation comme processus ?
5 Enfin, ces oppositions se retrouvent également dans l’ambiguïté sémantique des nominalisations par lesquelles s’expriment en français ces concepts eux-mêmes : les termes de dénomination, désignation, nomination concernent à la fois le résultat stable et permanent de la sémantique d’un mot (sa référence ?) et les processus d’actualisation (conjoncturel et contextuel) en discours d’une forme lexicale (référenciation) (cf. Richard & Fauré 2015, ce numéro). Malgré la présence de ces deux facettes dans le sémantisme de ces trois termes, la nomination introduite postérieurement à la dénomination met l’accent sur « l’acte de nommer » et s’inscrit dès lors en opposition à dénomination davantage centré sur le résultat. Seul désignation conjugue ces deux aspects. Dans tous les cas, ces trois concepts questionnent la mise en relation d’une forme linguistique à quelque chose d’autre qu’elle-même, imposant ainsi de travailler le statut de cet « extralinguistique », mais aussi l’implication (ou l’effacement ?) du sujet-locuteur.
1.2. Mise en relation avec l’extralinguistique
1.2.1. L’extralinguistique
6 Si l’extralinguistique est, pour les tenants du réalisme traditionnel, le monde des choses, objets physiques ou espèces « naturelles » [2], tels qu’ils sont donnés par les sciences de la nature, on peut observer que les approches en analyse du discours s’intéressent prioritairement à des objets sociaux (insécurité, violence conjugale, affaire du voile…).
7 Outre ce contraste dans les objets de référence, les recherches linguistiques et cognitives contemporaines maintiennent l’ambiguïté du statut de la référence. Ainsi la théorie du prototype telle que la conçoit G. Kleiber (1990) traite-t-elle de manière indifférenciée le prototype comme construction psychologique individuelle, comme stéréotype (construction collective) ou comme concept scientifique (voir les analyses de la théorie du prototype en particulier dans Geeraerts 1993 ; Guignard 2011 ; Dubois & Cance 2012). Les sémantiques cognitives aux États-Unis (Lakoff 1987 ; Langacker 1987 ; Talmy 1992 ; Fauconnier 1985) réfèrent explicitement à une réalité cognitive « mentalisée » et donc problématique en regard de la référence « vraie » au monde « réel », mais cette réalité cognitive reste générique et sous spécifiée dans un domaine disciplinaire.
8 Positionnés de manière critique vis-à-vis du cognitivisme, dominant en sciences cognitives, les travaux de sémantique différentielle et interprétative de F. Rastier (1996, 2005) et la théorie des formes sémantiques de P. Cadiot et Y.-M. Visetti (2001) abordent, quant à eux, la question de la diversité des discours et des significations lexicales, à partir d’une expertise linguistique, sans toutefois s’aventurer sur le terrain psychologique.
9 De leur côté, développées hors du champ des recherches cognitives, les analyses du discours (Gadet & Pêcheux 1981 ; Gee 2005 ; Sarfati 1996), comme les perspectives interactionniste (Goffman 1974) et ethnométhodologique (Sacks 1992) inscrivent l’extralinguistique dans une mémoire collective de réalité(s) sociale(s), définie hors du domaine de la psychologie, dans l’interaction (Mondada 1997) ou dans l’intertextualité (Moirand 2007 ; Paveau 2006). Ainsi, dans tous les cas, la référence à des réalités cognitives reste non explicitée.
1.2.2. Le locuteur-sujet
10 Alors que les recherches sur la dénomination qui travaillent la relation des mots aux choses passent sous silence le positionnement d’un locuteur, l’étude des processus de nomination le réintroduit dans les processus discursifs :
La propriété première de la nomination qui, en même temps qu’elle catégorise l’objet nommé, positionne l’instance nommante à l’égard de ce dernier. (Siblot, 1997 : 42)
12 Cependant, si le locuteur est repéré et identifié comme instance d’un collectif, les processus psychologiques qui le conduisent en tant que locuteur-sujet à produire ces discours ne sont pas davantage précisés.
13 De cette rapide analyse se dégage un « air de famille » et des frontières d’appartenance floues entre les concepts de dénomination, désignation et nomination. Nous proposons dès lors de réexaminer ces différentes caractéristiques à partir des processus de construction de la référence à l’expérience sensible comme extralinguistique où se conjuguent les processus psychologiques individuels de perception et d’appropriation collective des connaissances des réalités mondaines.
2. Expression linguistique et construction des catégories du sensible
2.1. Les ressources linguistiques de l’expression du sensible
14 Nos recherches sur l’expression de l’expérience sensible dans les différentes modalités sensorielles ont déjà montré que les ressources de la langue française ne sont pas équivalentes pour les différents sens, voire qu’elles sont contrastées pour les modalités visuelle et olfactive (p. ex. Cance 2008 ; Dubois 2006, 2009). D’une manière générale, la pensée spontanée associe des formes adjectivales à la désignation des propriétés sensibles et donc récuserait la possibilité d’une dénomination au sens restreint de « donner un nom » aux qualia. De fait, les recherches en sciences cognitives montrent que l’attribution de formes adjectivales simples pour les qualités sensibles est surtout valable pour la modalité visuelle (basic color terms) à la différence des odeurs, où différents procédés morphosyntaxiques et lexicaux sont utilisés : des constructions nominales complexes (odeur d’essence, odeur de l’herbe coupée) ou des formes adjectivales construites sur un nom (boisé, floral, citronné) ou sur un verbe (moisi, puant). Il convient donc d’explorer plus systématiquement et d’inventorier les ressources des langues (ici le français) pour l’expression du sensible.
2.2. Le sensible comme extralinguistique
15 À partir de la position de P. Siblot qui insiste, en linguistique, sur la fonction catégorisante de la nomination (cf. supra), notre analyse des catégories du sensible se situe dans le champ de la psychologie en référence aux théories de la catégorisation, en adoptant un point de vue critique tant vis-à-vis du courant cognitiviste que de la théorie d’E. Rosch (1973) dont on a pu relever les ambiguïtés (Dubois & Resche-Rigon 1993). En effet les travaux cognitivistes, qui s’inscrivent dans le paradigme du « traitement de l’information », considèrent la perception comme « extraction » d’une information préexistante « dans le monde » et se focalisent sur la recherche d’universaux conceptuels à partir des processus perceptifs « dans l’au-delà » de la diversité des langues (pour un bilan récent, voir Majid & Levinson 2011). Les catégories cognitives y sont abordées de manière générique, sans prise en compte des pratiques tant culturelles que discursives. En contrepoint, le cadre conceptuel auquel nous nous référons (parmi lesquels Hutchins 1995 ; Goodwin 1997 et Barsalou 2008) considère les catégories cognitives comme le résultat d’acts of meaning (Bruner 1991 ; Dubois 2000) dans une perspective de cognition située qui intègre à la fois le caractère « embodied » (Varela, Thompson & Rosch 1991) du sujet dans sa corporéité, mais aussi son implication dans des pratiques (y compris langagières) individuelles et collectives qui construisent son rapport sensible individuel au monde.
2.3. Sujet et locuteur : construire son ressenti et le partager en discours
16 La spécificité de notre démarche repose également sur la mise en scène d’un sujet, non plus contemplatif d’un monde préformé et pré-étiqueté, mais acteur et producteur de catégories et de formes langagières adaptées à ses pratiques nous permettant ainsi de dépasser le dualisme traditionnel qui oppose le sujet solitaire à un monde sans pensée (Dubois & Grinevald 1999). Il est alors nécessaire de considérer les individus à la fois comme sujets dans la diversité de leurs modes de relation au monde physique à travers différentes pratiques et comme locuteurs dans l’expression de leur ressenti ou de leurs connaissances du monde.
2.4. Co-construction de la référence à l’expérience sensible
17 Notre effort est donc de tenter une double articulation (intra et inter domaines de la psychologie et de la linguistique) qui tienne à la fois compte de la diversité de conceptualisation et de mode d’expression en langue des catégories du sensible. En d’autres termes, de définir la référence comme résultant, au sein de pratiques de communication, de processus récursifs de co-construction des catégories cognitives et des ressources de la langue à la disposition des locuteurs, selon le caractère plus ou moins partagé des connaissances et de la langue. Cette co-construction dynamique de la valeur référentielle du sens lexical rejoint les problématiques développées par H. Clark et D. Wilkes-Gibbs (1986) et C. Sinha (2001) en psychologie et par J. Heritage (2005), L. Mondada (1997) et P. Siblot (2001) en linguistique [3].
3. Les « données » : données verbales et corpus
18 Notre positionnement dans ces deux champs disciplinaires nous impose, en préalable à l’analyse des données, une réflexion sur les procédures de questionnement qui ne sont généralement pas discutées dans la mesure où des méthodes « expérimentales » mimétiques des sciences de la nature sont valorisées en psychologie pour cautionner la scientificité de la démarche (voir Cance 2009). On contrastera ici différentes procédures de collecte de « données verbales [4] » qui vont nous permettre (i) d’identifier les jeux des contraintes et la coopération des activités (psychologiques) du jugement perceptif et des activités (psycholinguistiques) de mise en mots ou en discours de l’expérience sensible et ainsi (ii) d’expliciter notre conception des différents processus de référenciation que sont la dénomination, la désignation et la nomination.
19 Nous avons déjà largement présenté notre approche au travers d’analyses de corpus dans les domaines visuels et olfactifs en utilisant précisément les contrastes entre ces deux modalités comme révélateurs du réglage du sens lexical par les catégories cognitives, tout comme du rôle du lexique dans l’étayage des constructions cognitives (p. ex. Dubois & Grinevald 2003 ; Cance, Giboreau & Dubois 2009 ; David et al. 1997). Nous utiliserons ici les travaux que nous avons menés dans le domaine du sonore [5] comme terrain de test des hypothèses issues de cette analyse différentielle menée sur les couleurs et les odeurs, en particulier dans le contraste des dénominations et conceptualisations des bruits / bruits et des sons / sons [6].
20 On mettra ici en perspective trois corpus provoqués par trois procédures de questionnement pour décrire l’expérience subjective et/ou les propriétés sensorielles d’un événement sonore :
- – un questionnaire d’élicitation de bruits et de sons (Cance 2000) en l’absence de stimulation ;
- – les commentaires résultant de l’identification ou de qualification de stimulations acoustiques :
-
- des enregistrements de bruits quotidiens (Niessen et al. en préparation),
- des sons musicaux (Castellengo & Dubois 2007).
3.1. Énumération de bruits et de sons : les ressources en langue française
22 Ce premier corpus est issu de la mise en œuvre d’un questionnement classiquement utilisé en psychologie cognitive pour établir des « normes catégorielles » dans l’étude des catégories sémantiques « naturelles » d’objets biologiques ou d’artefacts : les noms/mots les plus fréquemment cités sont considérés comme indicateurs des exemplaires les plus (proto)typiques de la catégorie, les autres exemplaires se distribuant sur une dimension de typicalité (Dubois 1991). Nous utilisons ici cette procédure non seulement pour identifier l’extension des catégories sémantiques d’un point de vue cognitif mais également comme normes de production de formes lexicales disponibles et produites par les locuteurs dans un type particulier de discours (cf. Poitou & Dubois 1999). Cette procédure a donc pour visée d’identifier un répertoire de signifiants normés et susceptibles de donner lieu à des dénominations d’exemplaires des catégories concernées, ici les catégories de bruits et de sons.
23 Nous rapportons les résultats d’une de ces enquêtes (Cance 2000) qui porte sur les réponses de deux groupes de 36 sujets-locuteurs à la seule question Citez dix bruits/sons [7].
24 Une première analyse confirme la diversité des catégories morphosyntaxiques des formes produites en référence aux catégories sémantiques du sonore qui, d’une part, ne peuvent se réduire à la seule catégorie nominale et, d’autre part, questionnent le statut de l’extralinguistique.
25 En effet, les deux sous-corpus (bruit vs son) sont majoritairement constitués de formes nominales simples de type N (ex : détonation, klaxon, piano) ou det+N (ex : les sirènes, la mer, la télévision, les chuchotements), mais se distinguent néanmoins par :
- – une proportion plus importante de formes adjectivales dans le corpus son (aigu(s), désagréables, électronique, faible, musical/aux…), mais quasiment absentes du corpus bruit ;
- – à l’inverse, un emploi de constructions relatives quasi-exclusivement réservé au corpus bruit (porte qui claque, eau qui coule, verre qui se casse…) ;
- – une plus fréquente production de formes nominales complexes de type N prep N (ex : pluie sur le sol, sirène de police, aboiement de chien) dans le corpus bruit.
27 De plus si la majorité des productions sont morphologiquement simples (cloche, machine, blanc, rose), on observe également :
- – des formes nominales souvent construites sur un verbe, avec une suffixation en –ment (battement, sifflement…) ou en –erie (sonnerie), –(a)tion (détonation), –age (bavardage), –ette (sonnette), voire avec un suffixe zéro (pleurs, chocs) ;
- – quelques formes adjectivales (dans le corpus son) construites sur des noms (musical, naturel, routier…) ou sur des verbes (agréable, descendant…).
29 Le couplage entre formes linguistiques et extralinguistique n’est en rien univoque, une même forme renvoyant à diverses entités tout comme une même entité pouvant être dénommée/désignée par différentes formes :
- – des formes nominales simples (parole) ou déverbales (cris, râle, pleurs) ou complexes (chants d’oiseaux) dénomment des catégories de productions sonores spécifiques ou désignent une expérience sensorielle individuelle (voix de mon fiancé) ;
- – des formes ou expressions nominales construites (par la morphologie ou la syntaxe) à partir de formes verbales référent à un événement sonore (résultat d’un processus exprimé par le verbe) (grincement, détonation, clapotis de l’eau, porte qui claque), et ce, deux fois plus fréquemment dans le corpus bruit ;
- – mais les formes nominales simples (horloge, oiseaux, circulation), plus fréquentes dans le corpus bruit, dénomment également (et surtout) des objets, entités, situations [8], des sources produisant du bruit sans que celui-ci en soit la finalité, à différents niveaux de spécificité (ou de catégorisation) (ventilation mal réglée, télévision du voisin) ;
- – quelques formes nominales simples réfèrent également à des artefacts dont la finalité est de produire des signaux sonores (sirène, klaxon, cloche) pour le corpus bruit ou de la musique (piano, batterie, instrument de musique) pour le corpus son ;
- – enfin, des formes adjectivales simples ou construites par la morphologie qui caractérisent le corpus son renvoient à des catégories (mécanique, instrumental, routiers) ou à des propriétés (faible, fort, agréable) du son ;
- – ainsi que quelques formes lexicales (nominales et adjectivales) relevant de la terminologie scientifique acoustique (infrason, bruit rose, drone urbain, grave).
31 En résumé, dans ce corpus contrastant bruits et sons, ces résultats confirment l’existence de différents procédés déjà repérés dans l’expression des autres modalités sensorielles. Cette tâche permet, en l’absence d’expérience perceptive d’une stimulation sonore et à partir des seuls processus de dénomination normée, l’identification des ressources de la langue à la disposition des locuteurs. La dénomination de bruit et son se différencie dans le « dosage » ou la contribution des formes nominales et adjectivales que l’on peut rapprocher des observations sur les couleurs (dénommées par des formes adjectivales simples) et les odeurs (désignées par les formes nominales renvoyant à des sources odorantes). Il convient, dès lors, de confirmer l’hypothèse que la diversité des ressources est corrélée avec les différents statuts des connaissances et catégories cognitives auxquelles ces formes réfèrent et de contribuer ainsi à identifier les différents modes de référenciation comme nomination dans le contraste entre dénomination (pour les sons) et désignation (pour les bruits).
3.2. Identification et description d’enregistrements sonores
32 Les deux autres corpus résultent de la mise en œuvre de procédures d’attribution de formes linguistiques à une expérience sensorielle provoquée par des stimulations acoustiques. La visée de nos analyses est à la fois (comme en 3.1) l’identification des ressources linguistiques et de leur usage par des locuteurs pour rendre compte du sonore, mais aussi celle des catégories cognitives du sonore.
3.2.1. Identification et description d’enregistrements de bruits quotidiens
33 Le premier corpus a été recueilli auprès de 34 sujets (étudiants en SHS) qui ont eu pour tâche d’écouter, d’identifier et de nommer une sélection de 122 enregistrements de bruits de l’environnement utilisés dans la recherche en psychoacoustique.
34 On ne reprendra pas ici l’étude détaillée des formes linguistiques produites (Niessen et al. en préparation) pour centrer notre analyse sur les inférences sémantiques que ces différentes formes autorisent. La plupart des stimuli sont nommés bruits (et non sons). On recueille aussi :
-
– des termes référant spécifiquement à des phénomènes sonores :
- des signaux d’avertissement produits par des artefacts conçus pour produire des sons (sonnerie de téléphone, de porte d’entrée, sirène),
- des émissions sonores produites par les humains et les animaux (pleurs (de bébé), toux, chants (d’oiseaux)),
- des catégories plus spécifiques dénommées par des formes construites (aboiement, hennissement) caractérisant les bruits d’animaux ;
-
– des formes nominales :
- simples, référant (par métonymie) à des bruits mécaniques résultant de l’usage d’artefacts (voitures, avions, agrafeuse) non conçus pour produire des bruits. Ces bruits ne sont pas dénommés comme entités sonores, mais comme indices de la source du bruit,
- ou complexes, introduisant en particulier des relatives (un bébé qui pleure, un avion qui décolle, un ballon qui rebondit) qui instaurent le bruit davantage comme un événement que comme « une chose » (cf. Moirand & Reboul-Touré 2015, ce volume) ;
-
– en outre, nombre de descriptions réfèrent à une situation générique (ballon de basket qui rebondit dans un endroit fermé et vide) ou personnelle comme l’expression de souvenirs (bruit d’un train à vapeur à l’approche d’un passage à niveau, d’où le klaxon, il va très vite et m’évoque les vieux films en noir et blanc) où l’on peut repérer :
- des marques de la personne qui permettent de différencier la référence à une expérience sensible (mémorisée) personnelle, et non pas à une connaissance normée et partagée,
- la mention explicite que la référence extralinguistique concerne un enregistrement reproduit en laboratoire, et non un événement du monde « expériencé » en direct.
36 En bref, ces quelques exemples manifestent que les sujets-locuteurs réfèrent à une diversité « d’espaces mentaux », plus ou moins partagés, et plus ou moins distants de LA réalité en utilisant différentes formes linguistiques : des formes (nominales) simples utilisées comme procédés (métonymique ou non) de dénomination de connaissances partagées ou des expressions singulières d’une expérience individuelle correspondant davantage à un processus de désignation.
3.2.2. Qualification de sons musicaux
37 Notre dernier corpus (cf. Castellengo & Dubois 2007) est semblable au précédent puisqu’il est constitué de réponses à une stimulation sonore : un enregistrement d’un son musical. Ce corpus diffère cependant du précédent dans la mesure où :
- – il s’agit de l’enregistrement d’un extrait musical de guitare d’une durée de 30 secondes « passé à l’envers » ;
- – de ce fait, l’incongruité du son rend difficile l’identification spontanée de la source produisant le son et, par là même, l’utilisation du procédé de dénomination du son par l’identité de l’instrument (guitare) imposant ainsi la mise en œuvre des processus (psychologiques et linguistiques) de qualification du phénomène sensible ;
- – enfin, il est recueilli auprès de trois populations différant par leur expertise en musique et par leur pratique musicale, soit d’instruments traditionnels, soit de musique électronique, ce qui permet de contraster le rôle de différentes connaissances et expériences impliquées dans les processus de référenciation au sonore : 21 étudiants du Conservatoire National Supérieur de Paris (CNSM) musiciens professionnels, 17 étudiants (Master ATIAM, Paris 6), entraînés à manipuler les enregistrements sonores sur ordinateurs et 37 élèves d’école d’ingénieurs généralistes (INGE).
39 La consigne est la suivante : Vous allez entendre une séquence musicale. Qualifiez le son de l’instrument.
40 On note d’abord de grandes différences dans les marques en discours du caractère incongru de l’extrait sonore, ainsi que dans la reconnaissance du subterfuge (enregistrement passé à l’envers) selon les trois populations sollicitées. L’identification du subterfuge est en moyenne de 36 % sur l’ensemble des sujets, mais de 65 % chez les étudiants ATIAM :
reverse effect sur une pièce musicale
41 en contraste avec les élèves ingénieurs où le subterfuge n’est reconnu que dans 21,6 % assorti de marques d’incertitude :
42 En outre, on peut également noter que l’objet de référence n’est pas le même pour les différents groupes : pour les musiciens du CNSM, comme pour les élèves ingénieurs, c’est l’instrument ou la production musicale qui est « passé à l’envers » ; pour les étudiants ATIAM, c’est la bande ou le son, i.e. l’enregistrement ou le phénomène acoustique.
43 Alors que la reconnaissance du subterfuge bloque la possibilité de livrer la qualification :
44 la non-reconnaissance suscite différentes expressions de la qualification de l’extrait [9] : les étudiants de l’ATIAM ne produisent que 6 formes, toutes adjectivales (clair, sourd, évasif, flottant, instable, triste) alors que les musiciens du conservatoire en produisent 15 (assez sourd, doux, fluide, léger, tonal, aérien, discontinu, entretenu, saccadé, voilé, harmonique, baroque, manipulé, filtré, synthétisé) et les étudiants ingénieurs 41.
45 Il s’agit principalement d’adjectifs :
- – simples (clair, sourd) ;
- – construits sur des formes nominales (tonal) ;
- – construits sur des formes verbales + suffixe –é (manipulé, modifié) et aussi (uniquement chez les ingénieurs) + suffixe –ant (reposant, grinçant, inquiétant).
47 D’un point de vue sémantique, ces différentes formes réfèrent à différentes qualités du son appréhendé :
- – en tant que son (clair, discontinu) ;
- – en tant que son musical (harmoniques, baroque) ;
- – comme propriété de cet enregistrement particulier (manipulé, filtré) ;
- – ou encore comme ressenti ou effet produit par le son (endormant, inquiétant).
49 Ces dernières formes relèvent soit du registre des mots de sens commun (bidouillé, retravaillé, grinçant) produits par les ingénieurs, soit des termes techniques (filtré, synthétisé) déclinés par les étudiants ATIAM.
50 L’analyse de ce dernier corpus permet d’identifier parmi les ressources linguistiques produites pour qualifier le son, principalement des formes adjectivales soit simples soit construites. Ces formes appartiennent soit au registre du sens commun, soit au registre technique de spécialité (des ingénieurs du son ou des musiciens) et réfèrent, à partir d’une même stimulation, à différentes expériences sensibles ou connaissances prises en charge par des processus de désignation et/ou de dénomination.
4. Bilan et conclusions
51 L’approche cognitive de la nomination que nous avons présentée a permis d’identifier un certain nombre de processus psychologiques et linguistiques que les locuteurs francophones mettent en œuvre pour communiquer tant leur expérience sensible que leurs connaissances des qualités « objectives » imputées aux objets du monde sonore. Ce travail nous a amenées à déplier la complexité des processus impliqués dans les différents modes de référenciation et à spécifier leur contribution dans la dénomination, la désignation et la nomination, et ainsi de préciser les contours de ces concepts.
52 Notre contribution, en s’attachant à la référence aux qualités sensibles, nous situe en décalage sur un plan linguistique dans la mesure où on a pu montrer que les qualités sensibles ne sont pas lexicalisées (en langue française) par des formes nominales simples, mais parfois par des formes adjectivales simples (comme dans le cas emblématique des adjectifs de couleur), et se manifestent à travers une grande diversité de procédés linguistiques (comme c’est le cas pour les odeurs).
53 Les données d’une tâche de production de listes de sons ou de bruits ont permis de compléter l’inventaire de ces formes disponibles pour les locuteurs de langue française pour référer cette fois à la qualité sonore. On a confirmé la diversité des formes linguistiques disponibles au-delà des seules formes nominales, et aussi, au sein même des formes nominales, leur diversité tant dans leur forme (simple ou complexe) que dans leur statut référentiel, en particulier dans l’opposition entre la dénomination des sons par des noms et adjectifs spécifiques vs la désignation des bruits par des constructions simples ou complexes à partir de noms d’objet-source-de-bruit.
54 Les deux autres tâches ont, en outre, permis d’identifier comment ces ressources sont mises en œuvre pour décrire différentes stimulations sonores, par différents sujets-locuteurs en référence à une expérience commune des bruits quotidiens vs une expérience et connaissance experte des sons musicaux. Ce déplacement du processus de référenciation dans le champ de la psychologie cognitive nous a conduites à distinguer plusieurs objets de référence comme résultats de ces processus de référenciation sous la dépendance d’un usage différentiel de ces ressources : des catégories cognitives (fondées sur l’expérience sensible à la fois individuelle et partagée), mais aussi des connaissances stabilisées et normées. Pour ces dernières, des formes lexicales existent dans le registre de la terminologie et sont utilisées de manière consensuelle – en particulier par les experts –, en contraste avec les connaissances expérientielles individuelles relevant d’un discours de sens commun, non normé, où les sujets-locuteurs « font feu de toute forme » (formes nominales renvoyant à des sources sonores, constructions relatives, marques de la personne…) (cf. Dubois 2008). On a ainsi pu confirmer que, dans le domaine auditif comme dans les autres modalités sensorielles et selon le mode de questionnement, les activités de nomination oscillent entre la référence à une évaluation individuelle d’une sensation perçue et/ou mémorisée, une désignation, et la référence à une stimulation constituée comme objectivité, qui relève alors davantage de la dénomination (cf. Figure 1).
55 Notre recherche nous conduit ainsi à unifier les différentes conceptions de la référenciation non pas dans les seuls procédés linguistiques mais dans la généralité des processus à la fois linguistiques et psychologiques de mise en relation des ressources des langues et des réalités cognitives dans la diversité des pratiques humaines.
56 L’analyse de ces corpus permet de différencier ces concepts selon un air de famille en fonction du « dosage » de ces différentes contraintes (linguistiques – ressources et procédés linguistiques et psychologiques – catégories et processus cognitifs) dans les différentes tâches. D’un point de vue microdiachronique, on peut positionner ces concepts comme relevant de « moments » différents dans l’appropriation et la mise en place des processus de référenciation, dans la temporalité d’une expérience subjective individuelle, instable et diversement exprimée (désignation), jusqu’à la stabilisation lente d’un savoir construit, partagé et négocié dans l’attribution d’une terminologie, processus de dénomination par excellence.
57 Les processus de désignation, comme ceux de dénomination, peuvent dès lors être considérés comme deux pôles au sein des processus récursifs dynamiques de nomination comme processus de co-construction du sens en relation avec les ressources des langues et la référence à l’extralinguistique conçu ici comme objet psychologique. Une telle posture permet d’unifier les conceptions constructivistes qui opèrent principalement sur des objets sociaux et la tradition de sémantique lexicale qui demeure pertinente pour rendre compte de la référence comme construction de l’objectivité du monde physique. Reste à intégrer ces résultats dans l’analyse des processus de construction du sens lexical en discours, en prenant soin de caractériser le jeu de la désignation et de la dénomination dans les discours scientifiques et dans les discours de l’expérience sensible.
Bibliographie
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Notes
-
[1]
Siblot évoque un « imbroglio terminologique témoin de l’embarras épistémologique » (2001 : 193).
-
[2]
Sur la naturalisation des catégories sémantiques, voir Dubois & Resche-Rigon (1995).
-
[3]
Et ce, au-delà de leurs divergences de points de vue et de mode d’appréhension des phénomènes langagiers.
-
[4]
« Données verbales » est la dénomination donnée dans la littérature psychologique, qui produit des « corpus » pour l’analyse linguistique.
-
[5]
Comme contribution en psychologie et linguistique au programme de recherche pluridisciplinaire mené au LAM sur les bruits de l’environnement et la qualité des instruments de musique (p. ex. Cheminée 2009 ; Paté et al. 2015 ou Fritz & Dubois 2015, pour des publications récentes).
-
[6]
On notera en italique les formes linguistiques (bruit, son), en petites majuscules les concepts ou réalités cognitives (bruit, son) et en caractères normaux l’usage courant non spécifié (bruit, son).
-
[7]
Parmi d’autres questions (cf. Cance 2000), selon la procédure reprise des expériences menées antérieurement (David 2000 ; Dubois 2000).
-
[8]
Des formes telles que pas dans une ruelle ou un bruit de feuille qui bouge sur la table font davantage référence à une situation qu’à une source et renvoient à une expérience singulière davantage qu’à une catégorie normée et décontextualisée.
-
[9]
On rapprochera cette situation des situations de comptes rendus de voyage (Mondada 1994 ; Guérin 2015, ce volume) dans lesquelles l’incongruité (le caractère atypique) des paysages découverts par le voyageur conduit à des hésitations et à des reformulations caractéristiques des processus de désignation, alors que des paysages familiers imposent la reconnaissance et, par là, la dénomination (cf. également Isaacs & Clark 1987).