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Article de revue

N'importe qu- : diachronie et interprétation

Pages 109 à 131

Notes

  • [1]
    Par le terme assez vaste de ‘locuteur’, nous considérons l’énonciateur ou un personnage du texte qui s’exprime ou qui a une attitude propositionnelle du type considérer, penser.
  • [2]
    Le terme ‘neutre’ était autrefois appliqué aux verbes intransitifs.
  • [3]
    Afin de rendre compte de la date d’apparition des différents emplois d’importer, nous mentionnons les exemples de Frantext qui contiennent la première occurrence de ces emplois. La date indiquée entre parenthèses dans les différents tableaux est également celle de la première attestation.
  • [4]
    Le sens de ce terme s’est élargi suite aux travaux de Givón (1979).
  • [5]
    Nous remercions le relecteur anonyme qui a mis en évidence cette distinction.
  • [6]
    Certains locuteurs acceptent (65) et (67) lorsque quel qu’il soit est détaché.

1. INTRODUCTION

1 Dans cet article, nous proposons de présenter l’histoire de n’importe quel, ainsi que les différentes interprétations qu’il peut exprimer. Cet indéfini, qui permet d’exprimer le libre choix du référent, est employé depuis le début du français moderne. Nous détaillons sa formation en prenant comme point de départ l’élément principal qui a permis de le construire : importer.

2 En français moderne, n’importe quel se distingue des autres items à choix libre sur deux points. La première particularité constatée est son emploi dans les contextes négatifs. Dans ce type de phrases, il semblerait que n’importe quel se détache de la définition d’item à choix libre, puisqu’il est toujours dépréciatif. Le second point est son emploi très récent dans les phrases épisodiques (cf. Muller 2006). Suite à l’examen de ces deux particularités, nous montrons que n’importe quel, bien que créé récemment, est un item à choix libre qui se distingue déjà des autres déterminants de ce type.

3 Nous proposons dans la seconde section de fournir une définition de la notion d’item à choix libre. Les deux sections suivantes sont consacrées à l’histoire et au processus de formation de n’importe quel. Pour retracer son histoire et détailler son processus de formation, nous nous basons sur un corpus issu de Frantext. Nous consacrons la cinquième section aux différentes interprétations de n’importe quel depuis sa création. Dans la dernière section, nous nous penchons sur les contextes dans lesquels n’importe quel se comporte différemment des autres items à choix libre.

2. DÉFINITION DE LA NOTION D’ITEM À CHOIX LIBRE

4 Un item à choix libre exprime le libre choix du référent du syntagme nominal (SN) qu’il introduit. Dans (1), si c est un individu quelconque qui fait partie de la classe des chats, c a la propriété de posséder de longues moustaches.

5

(1) N’importe quel chat a de longues moustaches.

2.1. La variation du référent

6 La variation du référent est une notion qui a été utilisée pour la description des items à choix libre (free choice item). Elle repose sur la caractérisation des contextes dans lesquels les items à choix libre (dorénavant FCi) peuvent apparaître. L. Tovena et J. Jayez (1997a, 1997b, 1999a, 1999b), dont nous reproduisons sous (2) la formulation intuitive de la notion de variation, se sont servis de cette notion pour l’analyse de any, le moindre et tout. A. Giannakidou (1997a, 1997b, 1998, 2001) l’a utilisée pour les items à choix libre grecs et any et V. Dayal (1998) pour any.

7

(2) Un syntagme contenant un FCi formé du FCi + N est acceptable seulement si la phrase dans laquelle il se situe peut être vraie et quand il réfère à des individus différents dans différents mondes possibles. “A FC phrase of the form FCI N is felicitous only when the sentence where it occurs can be true and refer to different N–individuals in different worlds.” (Jayez & Tovena, 2005 : 15)

8 Dans l’application de cette notion, il est nécessaire que des valeurs distinctes soient attribuées à un SN introduit par un FCi dans chaque monde possible considéré. N’importe quel chat peut s’employer dans l’exemple (1), car la phrase dans laquelle il se trouve peut être vraie et, dans celle-ci, il réfère à des individus différents dans différents mondes possibles.

2.2. La non-individuation

9 D’autres notions, en plus de celle de variation, ont été prises en compte pour définir les FCi. J. Jayez et L. Tovena (2005) développent une caractérisation sémantique basée sur tout dans son emploi d’item à choix libre. Il s’agit de la non-individuation (NI). L’idée principale qui sous-tend le concept de non-individuation est que les FCi sont indifférents à l’identité exacte de leurs référents. J. Jayez et L. Tovena précisent que l’information donnée dans une phrase ne peut se réduire à une situation référentielle si cette phrase contient un FCi. La NI est définie de la façon suivante :

10

(3) Si un FCi est acceptable dans une phrase S, soit l’interprétation de S est non référentielle, soit la forme logique de S est une formule qui ne mentionne pas d’individu particulier.

11 La NI est formulée non seulement en termes de référence, mais aussi en termes de formes logiques, dérivées à l’aide des conventions qui sont présentes dans une société ou une culture. Si l’information donnée par une phrase peut être réduite à l’énumération de propositions référant à des individus particuliers, la phrase ne peut contenir de FCi.

12 Selon C. Muller (2008 : 9), les emplois à choix libre sont des « emplois d’indéfinis caractérisés par la ‘non-individuation’ (absence de spécification d’un ou quelques items particuliers). Selon les contextes, cela suppose soit une extension à tout le domaine de quantification de la prédication (emplois de type générique), soit une dissociation entre le domaine du choix des arguments (sur tout l’ensemble de référence) et celui de l’application ».

2.3. L’élargissement

13 Comme un FCi indique le choix indiscriminé d’un référent, nous pensons que le choix de ce référent doit se faire dans un ensemble le plus vaste possible. De ce fait, nous incluons l’élargissement comme valeur sémantique à tous les FCi. L’élargissement (widening), dont nous fournissons la définition en (4), a été proposé par N. Kadmon et F. Landman (1993) pour l’analyse de any. E. Vlachou (2007) considère également l’élargissement dans sa caractérisation des FCi.

14

(4) Dans un SN de la forme any + nom, any élargit l’interprétation du N à une dimension contextuelle. “In an NP of the form any CN, any widens the interpretation of the common noun phrase (CN) along a contextual dimension.” (Kadmon & Landman, 1993 : 361)

15 Lors de l’étude de corpus extraits de Frantext, nous avons remarqué que n’importe quel permet l’élargissement. Le domaine de la quantification compte alors des entités qui ne seraient pas normalement prises en considération dans le cas d’un simple SN indéfini introduit par l’article indéfini un, comme nous le voyons avec l’exemple suivant :

16

(5) Ils verraient ma récolte, et se dépêcheraient de suivre mon exemple ; car, je vous le répète, cette plante rapporte cinq et six fois plus que n’importe quel froment ou légume. (Erckmann & Chatrian, Histoire d’un paysan, 1870)

17 Dans cet exemple, l’ensemble des types de froments et de légumes est élargi à un ensemble maximal, qui inclut certaines variétés auxquelles on ne penserait pas en d’autres circonstances.

18 L’élargissement a une conséquence sur la caractérisation des FCi qui fait que la dénotation du N du SN composé de déterminant à choix libre + N comprend des individus possibles, c’est-à-dire des individus qui existent dans des situations autres que la situation actuelle. Le fait que les individus à considérer sont des individus possibles agit sur la distribution des FCi :

19

(6) Un item à choix libre est acceptable dans une phrase si, et seulement si, il n’y a pas d’ancrage spatio-temporel.

20 En effet, si le référent doit être choisi parmi un ensemble maximal d’individus possibles, il est nécessaire qu’il n’y ait aucun ancrage spatio-temporel. Dans le cas contraire, l’ensemble n’est plus exhaustif, car certains individus sont exclus à cause de cet ancrage.

21 L’étude sémantique de n’importe quel dans Frantext révèle que cet élément peut avoir deux autres valeurs, lorsque les conditions pragmatiques le permettent. Ces deux valeurs, qui s’ajoutent à l’élargissement, sont l’indifférence et la dépréciation.

2.4. L’indifférence

22 L’indifférence se rencontre lorsqu’il y a une manifestation du locuteur  [1] dans la phrase, et lorsqu’il est possible d’inférer une échelle de valeurs, comme nous le voyons dans l’exemple suivant :

23

(7) Dans n’importe quelle folle histoire, n’importe quel conte, innocent ou moins innocent – puisque tu ne crois pas à l’innocence. (Bory, Un prix d’excellence, 1979)

24 Dans l’exemple (7), les deux conditions sont remplies : la présence du pronom personnel à la deuxième personne du singulier fait ressortir la présence d’un énonciateur et l’échelle de valeurs, d’ailleurs fournie par le contexte, est celle de l’innocence.

25 L’indifférence est une notion également utilisée par E. Vlachou (2007), mais dans une perspective différente de la nôtre. En effet, E. Vlachou utilise cette notion seulement pour les constructions contenant une relative libre. Elle considère que l’indifférence implique qu’un référent peut être choisi simplement parce qu’il satisfait les propriétés décrites par le référent de la relative libre :

26

(8) Zack did not vote for whoever was at the top of the ballot. (Vlachou, op. cit. : 127) ‘Zack n’a pas voté pour celui qui était au top des sondages, quel qu’il fût.’

2.5. La dépréciation

27 Concernant la dépréciation, nous adoptons la définition d’E. Vlachou (2007), qui considère que celle-ci émerge quand la pragmatique du contexte est compatible avec le fait que l’entité choisie comme référent est considérée comme étant au-dessous d’une norme de convenance. (9) exprime de la dépréciation, notamment par l’emploi du substantif trou.

28

(9) Il ferait bien mieux, crois-moi, de se dépêcher de finir sa thèse et de se faire nommer n’importe où, dans n’importe quel trou [...]. (Sarraute, Le Planétarium, 1959)

3. L’HISTOIRE DE N’IMPORTE QUEL

29 N’importe quel est une expression complexe formée à partir du verbe importer. Celui-ci signifie en français moderne, selon le Trésor de la Langue Française (TLF), « être important, compter ». Il est attesté la première fois en 1536 avec le sens de « exiger, nécessiter, comporter », puis en 1543 avec la signification « concerner, être de conséquence pour quelqu’un, pour quelque chose ».

30 Afin de déterminer la période d’apparition de n’importe quel, nous avons listé les différentes formes construites sur le verbe importer à partir des dictionnaires d’autrefois. Pour affiner cette étude, nous les avons ensuite recherchées dans Frantext.

3.1. Les différents emplois du verbe importer selon les dictionnaires d’autrefois

31 Après consultation de plusieurs dictionnaires des XVIe et XVIIe siècles, nous avons trouvé la première mention du verbe importer dans la première édition du Dictionnaire de l’Académie Française (1694). Le verbe importer est considéré comme un verbe neutre  [2] signifiant « estre de consequence, estre avantageux ». Il est précisé qu’il peut être employé de façon absolue et indique, dans ce cas, que l’« on ne se soucie pas de quelque chose qu’on dit ou qu’on fait ». Nous reproduisons sous (10) un exemple issu de ce dictionnaire, dans lequel importer se définit par « être de conséquence, être avantageux » et, sous (11), des emplois absolus de ce verbe :

32

(10) Cela ne luy peut importer de rien. Il importe pour la seureté publique. Il m’importe de ma vie.
(11) N’importe, Qu’importe ?

33 Dans la quatrième édition du Dictionnaire de l’Académie Française (1762), il est ajouté qu’importer peut être actif, c’est-à-dire qu’il peut être employé transitivement. La sixième édition (1832-1835) apporte davantage de précisions quant à l’emploi et à la signification de ce verbe : celui-ci est employé dans plusieurs types de phrases, mais plus particulièrement dans les phrases négatives et interrogatives, « qui servent à marquer l’indifférence que l’on a ou que l’on doit avoir pour quelque chose, le peu de cas que l’on en fait ou que l’on doit en faire » :

34

(12) Qu’importe la puissance, la gloire, si elle ne rend point heureux ? Il importe peu, peu importe que ce soit vous ou lui. N’importe qui, n’importe quoi, n’importe lequel, etc. N’importe par quel moment. N’importe comment.

35 Ce qui est remarquable dans les exemples relevés est que n’importe lequel et n’importe qui/quoi sont employés sous la forme que nous leur connaissons en français contemporain, alors qu’une préposition s’insère entre n’importe et quel.

36 Le Grand Dictionnaire universel du XIXe siècle de Larousse (1873) fait mention de n’importe quoi, mais pas de n’importe quel. N’importe quoi est défini par « quelque espèce de chose que ce soit ». Quant à n’importe et peu importe, ils signifient tous deux : « il est indifférent, de nulle importance ». Il faut patienter jusqu’à la huitième édition du Dictionnaire de l’Académie Française (1932-35) pour relever la forme n’importe quel telle que nous l’utilisons en français contemporain.

3.2. Les différents emplois du verbe importer repérés dans le corpus étudié  [3]

37 Importer se rencontre d’abord avec un sujet personnel, dans des structures du type importer à avec un complément animé ou non animé :

38

(13) J’ay à vous advertir d’aucune chose que beaucoup vous importe. (de Taille-mont, Discours des Champs faëz, 1553)
(14) Messieurs, j’ay à vous faire entendre par mes moyens combien l’issue de ceste cause importe au bien de vostre authorité. (Estienne, Paradoxes, 1561)

39 Dès 1592, importer peut être utilisé avec un sujet impersonnel :

40

(15) Pourquoy vis tu, s’il importe à tant de gens que tu meures ? (de Montaigne, Essais I, 1592)
(16) Or d’autant que pour bien distinguer les choses et les bien raporter chascune à sa Categorie ou Predicament, il importe de cognoistre si leurs noms sont Homonimes, Synonimes, ou Paronymes. (Dupleix, La Logique ou l’Art de discourir et raisonner, 1607)

41 À cette même période, importer a permis la construction de plusieurs locutions qui expriment l’indifférence du locuteur par rapport au fait qui vient d’être énoncé. On relève un premier groupe d’exemples où importer est conjugué au présent, à la troisième personne du singulier et accompagné de la particule négative n’. Il s’agit de (il) n’importe. La locution n’importe est observée, par la suite, suivie d’un SN, sans toutefois qu’importe soit forcément transitif. N’importe + article défini + N exprime, selon le TLF, « la même valeur que quel (le) que soit, quel(le)s que soient, mais avec une connotation négative ». Dans (18), si nous considérons l’interprétation le nom n’importe pas, importer est un verbe intransitif.

42

(17) S’il me messied à moy, comme je le croy, n’importe : il peut estre utile à quelque autre. (de Montaigne, Essais II, 1592)
(18) Cette classe de créanciers dont je viens de parler est en droit d’exiger de vous, puisque vous pouvez le lui donner, un titre quelconque, n’importe le nom, pourvu qu’il annonce une hypothèque de telle somme sur toutes les propriétés de la nation. (Journal de la Société de 1789, 1790)

43 Le nombre d’occurrences de (il) n’importe + SN est très restreint. Nous en avons recensé une en 1790 ; trois entre 1810 et 1838 ; sept entre 1839 et 1869 ; et une entre 1870 et 1900.

44 Outre ce type de locutions, nous relevons aussi qu’importe (19) et peu importe (20).

45

(19) Aussi qu’importe-il de mal ou de bien faire, si de nos actions un juge volontaire selon ses appetis les décide, et les rend dignes de recompense ou d’un suplice grand ? (Régnier, Satire 5, 1609)
(20) [...] on sçait outre cela que l’un des principaux dogmatisans et des plus forts esprits de ceste conspiration mal’heureuse, est biscayen de nation : et encores qu’il soit apostat, peu importe à la cabale. (Le Père F. Garasse, La Doctrine curieuse des beaux-esprits de ce temps, 1623)
(21) Il vous a été permis d’unir telles idées, et conséquemment tels mots qu’il vous a plu, pour former vos pensées ; peu nous importe que telles idées aussi bien que tels mots soient ordinairement ou rarement ensemble. (Marivaux, Le Cabinet du philosophe, 1734)

46 En français contemporain, peu importe se rencontre majoritairement dans trois constructions : peu importe (à quelqu’un) + substantif, peu importe (à quelqu’un) + de ou que, et peu importe en emploi absolu. Le Tableau 1 indique à partir de quelle date les trois constructions principales sont apparues et leur nombre d’occurrences.

Tableau 1

Nombre d’occurrences des constructions les plus fréquemment vues de peu importe selon Frantext

Peu importe + 1601-
1629
1630-
1659
1660-
1689
1690-
1719
1720-
1749
1750-
1779
1780-
1809
1810-
1838
1839-
1869
1870-
1900
à + substantif 1
(1623)
1 1
substantif 1
(1789)
6 9 9
de / (ce) que 2
(1762)
2 8 15 11
conjonction, loc.
conjonctives,
adverbe, loc.
adverbiale,
préposition
2
(1810)
8 6
en emploi
absolu
5
(1762)
3 22 79 40
figure im1

Nombre d’occurrences des constructions les plus fréquemment vues de peu importe selon Frantext

47 N’importe a permis de former d’autres locutions, de catégories grammaticales différentes, qui expriment l’indéfinition : le déterminant n’importe quel, n’importe suivi d’un pronom relatif interrogatif (qui, quoi ou lequel) ou les adverbes n’importe où/quand/comment.

48 Dans la section suivante, nous nous penchons sur le processus de formation de n’importe quel, que nous mettons en parallèle avec celui des autres formes construites sur le verbe importer, notamment n’importe qui et n’importe quoi.

4. LE PROCESSUS DE FORMATION DE N’IMPORTE QUEL

4.1. Les différentes étapes de la formation

49 N’importe quel apparaît la première fois dans le corpus en 1784 :

50

(22) Je lui répondis, n’importe quelle pièce, toutes iront également au but, dès qu’elle enverra la représentation. (Rétif de La Bretonne, La Paysanne pervertie, ou les Dangers de la ville, 1784)

51 N’importe quel commence à être employé au début du français moderne, mais sa fréquence augmente significativement à partir des années 1830, comme nous pouvons le voir dans le Tableau 2. Par exemple, le nombre d’occurrence de n’importe quel est multiplié par un peu plus de huit entre les périodes 1810-1838 et 1839-1869, alors que le nombre de textes dans notre corpus n’est même pas multiplié par deux sur cette période.

Tableau 2

Nombre d’occurrences de n’importe quel(le)(s) dans Frantext

1780-1809 1810-1838 1839-1869 1870-1900 1901-1925
Nombre de textes 150 240 400 307 336
N’importe quel (le) 1
(1784)
9 73 157 312
N’importe quels / quelles 2 4 4 5
figure im2

Nombre d’occurrences de n’importe quel(le)(s) dans Frantext

52 Pour la forme apparentée n’importe + pronom (qui, quoi), l’évolution est similaire, comme le montre le Tableau 3. Il en est de même pour n’importe lequel : la première occurrence est relevée dans le corpus en 1779 et son emploi devient plus fréquent à partir de 1839.

Tableau 3

Nombre d’occurrences de n’importe qui/quoi dans le corpus

1720-
1749
1750-
1779
1780-
1809
1810-
1838
1839-
1869
1870-
1900
1901-
1925
N’importe qui 1
(1734)
3 41 68 92
N’importe quoi 6
(1823)
70 142 184
figure im3

Nombre d’occurrences de n’importe qui/quoi dans le corpus

53 L’apparition tardive des formes n’importe qu- provient du fait qu’elles sont construites à partir d’un verbe introduit assez récemment dans le lexique français. Importer est, en effet, apparu en 1536, suite à un emprunt de l’italien importare. Avant cette date, le verbe utilisé pour signifier « importer » est chaloir, qui revêtait une seconde signification en ancien français : « chauffer, préoccuper ». Entre la première occurrence du verbe importer et de la forme figée n’importe quel, presque trois siècles se sont écoulés. Notre hypothèse est que, durant cette période, quatre étapes d’évolution majeures ont été nécessaires à n’importe quel pour arriver à sa construction actuelle.

54 (i) La première étape correspond à la forme du verbe importer conjugué au présent à la troisième personne du singulier : importe. Il est fort probable que ce soit cette forme, qui est l’élément majeur dans la construction de n’importe quel, qui ait été retenue du fait qu’elle était la plus usitée. En effet, dès son entrée dans le lexique français, et d’après les occurrences présentes dans Frantext, importer apparaît à la troisième personne du singulier. Il n’y a que très peu d’exceptions, même lorsque le sujet n’est pas impersonnel. Nous n’avons relevé que deux occurrences sur quarante-trois au XVIe siècle. Il s’agit de deux formes à la troisième personne du pluriel, dont (23) est un exemple. Sur ces quarante-trois occurrences, seules sept, dont (24), ne sont pas au présent.

55

(23) Comme j’ay opinion que la robbe longue et le bonnet carré est le propre et plus honneste acoustrement d’un prestre ou d’un magistrat, jaçoit que ces acoustremens n’importent rien à l’honesteté. (de Brués, Les Dialogues de Guy de Brués contre les nouveaux académiciens, 1557)
(24) Hyer apres disner le Roy me fist appeller, et estant devant luy, avec tresinstante et pitoyable priere me requist, tout bagné de larmes, de faire chose pour luy qui luy importoit de la vie. (Boaistuau, Histoires tragiques, 1559)

56 (ii) La seconde étape arrive très peu de temps après la première. Il s’agit de la forme importe précédée par la particule négative n’ : n’importe. N’importe est employé comme locution et exprime l’indifférence du locuteur par rapport au fait qui vient d’être énoncé.

57 (iii) La troisième étape correspond à la forme suivante : n’importe + préposition + quel + N. Cette construction apparaît dans le corpus en 1604 avec la préposition par (cf. 25). Cette construction accepte d’autres prépositions, dont la liste est donnée dans le Tableau 4.

58

(25) Priam : – Peut estre à coüardise il seroit imputé. Andromache : – N’importe par quel prix, mais qu’il soit racheté. (de Montchrestien, Hector, 1604)
(26) Cependant le général, colonel ou chef, n’importe de quel grade, qui a fait partir ce détachement sans songer à rien, sans savoir, la plupart du temps, si les passages étaient libres, informé de la déconfiture. (Courier, Lettres écrites de France et d’Italie, 1825)

59 À cette étape, il s’agit encore d’une construction verbale, comme en témoigne le découpage suivant : [SV n’importe [SP de quel grade]]. Nous avons, d’ailleurs, relevé des constructions similaires avec d’autres locutions, comme qu’importe :

60

(27) Si elles s’amusent, si elles sont heureuses, bravement mises, si elles marchent sur des tapis, qu’importe de quel drap je sois vêtu, et comment est l’endroit où je me couche ? (de Balzac, Le Père Goriot, 1843)

Tableau 4

Nombre d’occurrences de (il) n’importe + préposition + quel + N (1601-1779)

(il) n’importe +
préposition + quel + N
par
en
dans
sur
à
de
avec
chez
pour
vers
sous
1601-
1629
1 (1604)
1630-
1659
1 (1646)
1660-
1689
1
1 (1675)
1690-
1719
2
1720-
1749
1 (1734)
4
2 (1742)
1750-
1779
2
2
1
1
1 (1776)
figure im4

Nombre d’occurrences de (il) n’importe + préposition + quel + N (1601-1779)

Tableau 5

Nombre d’occurrences de (il) n’importe + préposition + quel + N (1780-2006)

(il) n’importe +
préposition + quel + N
par
en
dans
sur
à
de
avec
chez
pour
vers
1780-
1809
4
1
1
1
1
1810-
1838
3
2
2 (1833)
1
5
1
1
1 (1831)
1 (1836)
1839-
1869
8
2
4
1
8
3
1 (1851)
1
1870-
1900
3
3
8
3
1901-
1925
1926-
2006
2
1
sous 1 (1840)
figure im5

Nombre d’occurrences de (il) n’importe + préposition + quel + N (1780-2006)

61 Les Tableaux 4 et 5 ne recensent que les formes qui entrent dans l’étape de formation du déterminant n’importe quel. Par conséquent, les formes similaires permettant d’introduire des relatives libres – c’est-à-dire des relatives qui n’ont pas d’antécédent présent dans la phrase (cf. 28) – ne sont pas comptabilisées.

62

(28) N’importoit [de quel trait j’avois l’ame blessée] : Il me falloit plustost bannir de la pensée. (Desmarets de Saint-Sorlin, Aspasie, 1636)

63 (iv) Le TLF indique que la précédente construction de n’importe quel sort de l’usage au bénéfice de la construction : préposition + n’importe quel + substantif. Le changement de place de la préposition correspond à un changement d’étape. Dans un premier temps, n’importe quel est utilisé dans des phrases où il est nécessaire que le verbe sélectionne un SP, comme dans (29). Par la suite, cela n’est plus le cas (30).

64

(29) Cependant, partout où j’allais, au Prado, au Buen Retiro, dans n’importe quel autre lieu public, un homme me suivait, dont les yeux vifs et perçants semblaient lire dans mon âme. (Potocki, Manuscrit trouvé à Saragosse, 1815)
(30) [...] commandé aussi des boutons d’acier fin ciselé pour un gilet de velours noir, sublime invention qui doit me faire plus d’honneur que n’importe quelle découverte scientifique. (Barbey d’Aurevilly, Memorandum (Premier), 1838)

65 Le déplacement de la préposition a entraîné un changement de catégorie syntaxique de n’importe quel : n’importe + [SP préposition + [SN quel + N]] est devenu préposition + [SN n’importe + quel + N]. Importe devient un élément d’un déterminant complexe.

66 En français contemporain, n’importe quel est analysé comme un déterminant (cf. Riegel, Pellat & Rioul 1994). Entre le statut de verbe et celui de déterminant, il est probable qu’un stade intermédiaire ait existé. Avant la quatrième étape, n’importe était une forme verbale. Celle-ci avait déjà subi un figement, comme l’attestent les nombreux exemples dans lesquels n’importe est en apposition ou constitue une phrase à lui seul. Nous supposons que n’importe est passé par le stade de forme averbale. Cela semble d’autant plus plausible si nous considérons d’autres formes en n’importe, comme n’importe qui/quoi. Nous avançons donc l’hypothèse que la quatrième étape se subdivise en deux. En effet, il est fort probable qu’avant le découpage syntaxique actuel de n’importe quel N, le découpage ait été [[DP2 n’importe] [DP1 quel N]].

4.2. Le figement de n’importe quel

67 À la fin de la quatrième étape, la forme n’importe quel est figée. Le changement syntaxique qui s’est opéré en est une preuve. D’autres éléments permettent de confirmer ce figement.

68 Tout d’abord, la fréquence de la forme n’importe quel augmente considérablement au cours du temps, ce qui prouve qu’elle est bien ancrée dans l’usage.

69 Ensuite, nous sommes face à la création d’une expression composée qui forme un lemme unique. À l’heure actuelle, il est impossible d’insérer un clitique entre n’ et importe, et une préposition entre importe et quel. Il est également impossible de modifier l’ordre des différents éléments qui composent ce déterminant.

70 Enfin, le sens individuel de tous les éléments qui composent n’importe quel n’est plus repéré. Si nous décomposons sa forme finale, nous relevons la présence du clitique négatif n’, suivi du verbe importer et de l’interrogatif quel, mais ceux-ci ne possèdent plus leur sens initial suite à un ‘blanchiment’ sémantique. Par exemple, la particule négative n’ n’est plus considérée comme une négation depuis le moment où n’importe quel a commencé à fonctionner comme un déterminant à part entière. Ce fait indique un figement.

71 Le figement d’une forme implique un processus diachronique. Il existe deux processus majeurs : la lexicalisation et la grammaticalisation.

72 Le terme ‘grammaticalisation’ est dû à A. Meillet (1912). Il s’agit d’un des procédés majeurs de la création ou de la recréation de la grammaire. Ce processus permet de transformer une expression lexicale en une expression grammaticale ou de renforcer le statut grammatical d’une expression déjà grammaticale  [4].

73 S. Prévost et B. Fagard (2007) définissent la lexicalisation, dans son sens restreint, comme la création d’un terme lexical (par opposition à un terme grammatical). Au sens large, il s’agit de l’émergence de toute nouvelle forme, quels que soient son processus de formation et son résultat. En cas de lexicalisation et lors de la création de la nouvelle forme, selon L. Brinton et E. Traugott (2005), le sens est construit compositionnellement. Lorsque cette forme évolue, son sens et ses propriétés grammaticales, à partir d’un certain moment, ne peuvent plus être expliqués exclusivement à partir des expressions qu’elle comporte.

74 C. Lehmann (2002) compare ces deux processus. Il signale que la lexicalisation et la grammaticalisation sont des processus réducteurs, qui contraignent la liberté du locuteur dans la sélection des termes à employer. La grammaticalisation réduit l’autonomie d’une unité alors que la lexicalisation réduit la structure interne d’une unité. Même si les deux processus interviennent dans la création des expressions complexes, la lexicalisation a un impact moins important. Elle intervient seulement dans le cadre des unités complexes, alors que la grammaticalisation peut en plus affecter un constituant particulier de l’expression. B. Fagard et W. De Mulder (2007), qui étudient les prépositions complexes, précisent que la lexicalisation précède la grammaticalisation et que seuls certains éléments complexes arrivent au terme du processus de grammaticalisation. Ainsi du côté de, qui au début avait un sens spatial, permet à présent d’introduire le topique du discours :

75

(31) Du côté de la santé, on observe des disparités importantes d’une région à une autre. (Google, cité par Fagard & De Mulder)

76 Parmi les cinq prépositions étudiées dans leur article, B. Fagard et W. De Mulder considèrent qu’il y en a au moins trois qui n’ont pas dépassé le stade de la lexicalisation. Il s’agit de por amor de, a chief de et en lieu de.

77 À la lecture des différents travaux, et suite à l’existence d’une définition étroite et large pour chacun de ces deux processus, il ressort que l’émergence d’une même forme peut être analysée par certains comme étant le résultat d’une grammaticalisation et par d’autres, comme le résultat d’une lexicalisation.

78 Si nous considérons les formes n’importe qu-, le processus qui est à l’origine de leur figement, d’après M.-J. Béguelin (2003), est la grammaticalisation, qu’elle définit comme le :

79

processus diachronique au terme duquel un élément linguistique perd sa valeur lexicale primitive et se retrouve doté d’une fonction ‘grammaticale’, c’est-à-dire morpho-syntaxique. (Béguelin, 2003 : 111)

80 Selon M.-J. Béguelin (2002), n’importe est passé du statut de verbe régissant à celui d’élément permettant la formation de déterminants complexes ou de locutions adverbiales. L’évolution, qui a permis à n’importe de perdre son statut de verbe régissant, s’est opérée sur une période de trois siècles. D’après M.-J. Béguelin, cela est dû à une réanalyse de la proposition contenant importer.

81 À la suite de M.-J. Béguelin, B. Defrancq (2006) ne considère que la grammaticalisation pour les formes n’importe qu-. Toutefois, il souligne que, bien que sa grammaticalisation soit assez avancée, la séquence n’importe qu- n’est pas complètement grammaticalisée.

82 Il nous semble que la création de n’importe quel est à rattacher plus vraisemblablement à un processus de lexicalisation que de grammaticalisation. Les raisons suivantes motivent ce choix.

83 Tout d’abord, la création d’une nouvelle forme nécessite de considérer cette forme, et non les éléments qui la composent. Cela est d’autant plus important qu’il s’agit d’une expression complexe. N’importe quel devient un nouveau mot et a nécessairement besoin d’être doté d’une catégorie morpho-syntaxique. Dans la grammaire générative, il y a deux types de catégories syntaxiques différentes : les catégories majeures (i.e. lexicales) et mineures (i.e. fonctionnelles) – cf. Brinton & Traugott (2005). Les catégories syntaxiques majeures sont au nombre de quatre : le nom, le verbe, l’adjectif et la préposition. Quant aux catégories syntaxiques mineures, elles sont deux : les déterminants et les complémenteurs. N’importe quel fait partie des catégories syntaxiques fonctionnelles. Toutefois, le fait de lui attribuer une telle catégorie ne signifie pas qu’il résulte d’un processus de grammaticalisation. En effet, n’importe quel n’est pas passé d’une catégorie lexicale à une catégorie grammaticale, compte tenu du fait qu’il lui a été attribué, dès sa création, une catégorie syntaxique fonctionnelle.

84 De plus, le sens de l’expression figée n’importe quel ne dépend pas du sens de tous les constituants qui la composent. Nous estimons que n’importe a bien été formé de façon compositionnelle, avec la particule n’ permettant d’exprimer la négation. Toutefois, cette particule a perdu son statut négatif. Le sens de l’expression figée d’arrivée n’est donc plus compositionnel, ce qui est signe d’une lexicalisation. En outre, la jonction avec quel écarte toute idée de compositionnalité totale. Le pronom quel, jusqu’au XIXe siècle, signifiait qui ou quelle sorte de, ce second sens étant hérité du latin qualis. Par la suite, le sens de quelle sorte de s’est amoindri. Ainsi, alors que quel pouvait interroger sur des individus ou des types, il ne peut plus à présent interroger que sur des individus. Au contraire, n’importe quel a toujours la possibilité de quantifier sur des types ou des individus. En ce qui concerne le domaine de quantification, n’importe quel a donc évolué de façon différente par rapport à quel ; un changement sémantique s’est opéré sur quel, mais pas sur n’importe quel.

85 Ensuite, n’importe a aussi permis la construction d’autres indéfinis, comme n’importe qui ou n’importe quoi. Or, ces derniers peuvent s’employer comme substantifs :

86

(32) Cette réception, c’est un grand n’importe quoi !

87 La forme utilisée dans (32) fait partie d’une catégorie majeure et d’une classe ouverte. Elle peut donc être considérée comme lexicale. N’importe quoi satisfait même la définition de la lexicalisation dans son acceptation étroite, qui considère la lexicalisation comme la création d’un terme lexical, par opposition à un terme grammatical.

88 Toutefois, les données sémantiques mises en avant dans la sixième section indiquent qu’il est possible de considérer que le figement de n’importe quel n’est pas totalement étranger à un processus de grammaticalisation.

4.3. N’importe quel est-il vraiment figé ?

89 Pour argumenter le figement de n’importe quel, une des preuves que nous avons avancées est l’impossibilité d’insérer quoi que ce soit entre n’ et importe, et entre importe et quel. Toutefois, B. Defrancq (2006) souligne qu’il est possible de trouver sur la toile des phrases du français contemporain qui utilisent l’ancienne syntaxe de n’importe qu-, à savoir celle qui correspond à notre troisième étape. Il a relevé les formes n’importe + {à, de ou sur} + {quoi/qui}. B. Defrancq modère malgré tout l’importance de ce type d’emplois, car un tiers des exemples qu’il a relevés provient de sites non francophones où le français employé semble peu conforme au français standard. B. Defrancq signale que la syntaxe de certains exemples semble lacunaire. D’autre part, la fréquence d’emploi de chacune de ces trois prépositions dans ce type de constructions est différente ; la préposition de est majoritairement employée par rapport aux autres. Cette préposition représente quatre cinquièmes des occurrences trouvées.

90 Suite aux travaux de B. Defrancq, nous avons cherché sur la toile ce type d’emploi avec n’importe quel. Nous avons trouvé des exemples où importe est conjugué et d’autres qui correspondent à l’ancienne syntaxe de n’importe quel. La différence dans le nombre d’occurrences de ces deux cas est très remarquable. En effet, les exemples où importe est conjugué sont très peu nombreux, alors que la forme n’importe + préposition + quel est bien représentée. De plus, lorsque importer est conjugué, le mode et le temps employés sont toujours les mêmes. Il s’agit de l’indicatif imparfait, comme nous le voyons en (33) et (34) :

91

(33) Bon sang, c’était déjà dur avant la campagne, toutes ces videos pro-socialistes quand on tapait n’importait quel mot sur un moteur de recherche video. (www.agoravox.tv/forum.php)
(34) N’importait quel temps de l’indicatif ou du conditionnel, ça dépendait de l’action évoquée (leconcombre.vox.com)

92 Ces deux exemples ne sont pas à considérer de la même façon. (34) est une tournure volontaire de l’auteur, qui précise qu’il a décidé de mettre toutes les formes verbales à l’imparfait. Il s’avère donc que l’auteur considère qu’importe dans n’importe quel est encore une forme verbale. Il n’a pas tenu compte de son figement, ni de sa catégorie grammaticale.

93 Concernant le second type d’emplois atypiques relevé, c’est-à-dire les phrases contenant n’importe quel avec une préposition entre n’importe et quel, les exemples sont plus variés. En effet, beaucoup de prépositions différentes sont utilisées : à, de, sur, mais aussi dans, en, par, avec ou encore chez. La variété des prépositions employées fait penser que ces exemples ne sont pas à négliger : il est, en effet, impossible de considérer que cet emploi archaïque de n’importe quel n’est usité que dans un seul contexte. De plus, les exemples sont généralement extraits de sites français ou de pays francophones : Canada (39), Suisse (37) et Belgique (41), entre autres. Nous remarquons aussi une grande diversité dans les types de sources : ces exemples sont issus tant de forums, comme (40), que de blogs (36). On trouve également un mode d’emploi pour monter une porte de garage (38) et un site d’adhésion à une carte de fidélité (35).

94

(35) Vous pouvez imprimer une copie de la carte n’importe à quel moment en retournant sur cette même section. Cette copie, tout comme la carte en elle même, est parfaitement valide. (www.vayacamping.net)
(36) Comme n’importe de quel plat traditionnel, chaque famille doit avoir sa propre recette, sa propre variation d’épices. (saveursdefamille.canalblog.com)
(37) De même qu’un Suisse, ou n’importe dans quel État d’ailleurs, ce n’est pas la religion qui détermine si l’on a ou pas le droit d’y résider. (infrarouge.tsr.ch)
(38) Si n’importe en quel point la porte heurte avec le rail, levez légèrement l’unité de puissance de l’ouvre-porte et montez-la une autre fois dans cette nouvelle position. (www.marantecamerica.com)
(39) Il avait obtenu, n’importe par quel moyen, le grade de licencié ; mais si on lui eut redemandé la moindre partie du thème qu’il avait traité, je ne crois pas qu’il se fût souvenu d’un seul mot. (classiques.uqac.ca)
(40) Tu sais ? Des soucis, on peut en avoir n’importe où et n’importe avec quel moyen de transport. (forum.doctissimo.fr)
(41) N’importe chez quel parent les enfants habitent. (www.encare.be)

95 À la lecture de ces exemples, une remarque générale ressort : l’emploi de ces formes archaïques n’est pas explicable par une mauvaise maîtrise du français. En outre, les exemples (42), (43) et (44) contiennent une double préposition, une devant n’importe et une autre (la même) devant quel.

96

(42) Peut-on organiser des soldes à n’importe à quel moment ? Pourquoi ? (www.acversailles.fr)
(43) Nous nous opposons avec notre fermeté à toute rencontre entre le Dalaï Lama et tout dirigeant de n’importe de quel pays. (dz.china-embassy.org)
(44) Sur Galaad on a la dernière page des options machine qui rassemble à un automate, on peut programmer n’importe quel événement avec n’importe avec quel temporisation. (www.usinages.com)

97 Les exemples (42) et (44) ont été relevés sur des sites français et l’exemple (43) sur un site algérien. Au vu de ces exemples, on peut supposer que certains locuteurs du français contemporain hésitent encore sur la construction des formes n’importe qu-.

98 Frantext contient également une phrase de 1845 où une double préposition est employée. Cette phrase a été relevée par M.-J. Béguelin (2002) :

99

(45) Avant-hier soir j’aurais donné cent francs (que je n’avais pas) pour pouvoir administrer une pile (à) n’importe à qui. (Flaubert, Correspondance, 1845)

100 En ce qui concerne notre corpus (Frantext), nous avons relevé un exemple de 1966 contenant une construction de n’importe quoi où une préposition s’insère entre n’importe et quoi :

101

(46) Vous êtes-vous jamais rendu compte un peu précisément de ce que c’est que penser, de ce que vous éprouvez quand vous pensez, n’importe à quoi ? [...] Vous dites-vous : je pense cela, quand vous avez une opinion, quand vous formez un jugement. (Foucault, Les Mots et les Choses, 1966)

102 Ainsi, il apparaît qu’en français contemporain, des emplois de n’importe quel avec une forme archaïque sont toujours d’usage, évidemment de façon minoritaire. La diversité des sources et la qualité rédactionnelle de ces exemples ne permettent pas d’affirmer qu’il s’agit de négligences de la part des auteurs. Suite à ces exemples, nous pourrions émettre l’hypothèse que n’importe quel n’est pas encore totalement parvenu à son ultime étape de figement. Toutefois, ces exemples révèlent une différence de sens entre ‘préposition + n’importe quel’ et ‘n’importe + préposition + quel’. Si nous prenons l’exemple (39), et que nous effectuions un glissement de la préposition devant n’importe, le sens de la phrase n’est plus le même : Il avait obtenu, n’importe par quel moyen, le grade de licencié a une signification différente de Il avait obtenu par n’importe quel moyen le grade de licencié. N’importe par quel moyen est paraphrasable par peu importe le moyen ; donner des précisions sur le moyen n’est d’aucune utilité. Par contre, par n’importe quel moyen peut être perçu comme connoté négativement  [5]. Ainsi, la position de la préposition entre n’importe et quel peut parfois être expliquée par la volonté de l’auteur de fournir un sens différent à son énoncé. Dans ce cas, n’importe quel n’est plus employé en tant que déterminant (importe conserve son statut verbal). Toutefois, cette différence de sens n’est pas aussi évidente dans d’autres exemples (cf. 40, où l’interprétation la plus intuitive correspond au sens de ‘préposition + n’importe quel’).

5. LES DIFFÉRENTES INTERPRÉTATIONS DE N’IMPORTE QUEL À SA FORMATION

103 Dans la seconde section, nous avons vu que n’importe quel peut exprimer trois valeurs en français contemporain, dont deux sont limitées à certains contextes. Ces deux valeurs, l’indifférence et la dépréciation, apparaissent au début de l’utilisation de n’importe quel sous sa forme actuelle.

104 La première valeur rencontrée, hormis celle de l’élargissement, est l’indifférence, comme nous le voyons dans l’exemple suivant :

105

(47) Mais quel besoin aurais-je eu de m’inquiéter de la lenteur de n’importe quel travail ; je sentais tout le temps que j’avais devant moi, et que cet ouvrage une fois achevé je n’aurais aucune autre occupation. (Borel, Vie et aventures de Robinson Crusoé [trad.], 1836)

106 Dans (47), les deux conditions de l’indifférence sont remplies : d’une part l’échelle de valeurs qu’il est possible d’inférer est l’échelle de la pénibilité, d’autre part le locuteur manifeste sa présence.

107 Le premier exemple interprétable comme manifestant une certaine dépréciation apparaît dans Frantext au milieu du XIXe siècle :

108

(48) Pour ce qui est de l’hyperbole de Corneille, vous avez raison. Non seulement je crois, mais j’ai toujours cru “qu’un amour comme le mien ne pouvait entrer en comparaison”. Vous auriez seulement dû élargir la proposition et dire n’importe quel espèce d’amour. (Flaubert, Correspondance (1846), 1847)

109 La dépréciation, dans cet exemple, est liée au nom espèce dans le SN dont n’importe quel est le déterminant. En effet, le terme espèce de peut être considéré comme péjoratif ; nous pourrions également ajouter même le plus destructeur. Nous avons relevé un exemple similaire, (49), où la dépréciation se fait ressentir, dans la mesure où même le moins intéressant est sous-entendu. Dans (50), la dépréciation apparaît beaucoup plus clairement grâce à l’adjectif laide et au substantif monstre.

110

(49) Je ferai pendant l’hiver une pièce pour les Français s’il y a lieu. Oui, Aucante joue ce soir le rôle de Lévy. Il est délirant ! Duvernet a demandé à jouer n’importe quel rôle, et il entre en scène au 3e acte, en disant : les lampes sont-elles à l’heure ? Voilà comme il apprend ses rôles. (Sand, Correspondance : 1851, 1851)
(50) Matelote, grosse, ronde, rousse et criarde, ancienne sultane favorite du défunt Hucheloup, était laide plus que n’importe quel monstre mythologique. (Hugo, Les Misérables, 1862)

111 La fréquence des exemples exprimant de la dépréciation augmente progressivement au cours du XIXe siècle. Celle-ci apparaît, en outre, de façon plus évidente, comme nous le voyons avec (51) et (52).

112

(51) Et les caractères de Mlle De Varandeuil, de Germinie, de Jupillon, vous les trouvez, n’est-ce pas ? Inférieurs aux caractères de n’importe quel mélodrame du boulevard. (de Goncourt, Journal : mémoires de la vie littéraire, T. III, 1890)
(52) Sotte ! Est-ce que tu aimes ton bien ? Mais que quelqu’un te demande n’importe quoi, tu le lui donnes avant qu’il ait fini ; n’importe qui, oui, n’importe quel galvaudeux, je t’ai vue ! (Claudel, La Jeune fille Violaine, 1892)

113 La ponctuation joue également un rôle dans cette connotation. En effet, dans les exemples marqués par la dépréciation, nous relevons plus de signes de ponctuation ‘expressive’, comme des points d’exclamation ou d’interrogation, que dans les exemples qui ne l’expriment pas.

114 Suite à l’étude des exemples relevés dans Frantext, il apparaît que n’importe quel possède les trois valeurs interprétatives (élargissement, indifférence et dépréciation) depuis sa création. Le fait que la dépréciation est relevée légèrement après les deux autres valeurs provient sûrement du nombre d’exemples présents dans notre corpus à la période étudiée.

6. LES EMPLOIS PROPRES AU FCI N’IMPORTE QUEL EN FRANÇAIS CONTEMPORAIN

115 Parmi les emplois de n’importe quel, deux en particulier nous invitent à nous interroger sur la notion même d’item à choix libre. Il s’agit de l’apparition de cet élément, d’une part, dans les phrases négatives et, d’autre part, dans les phrases épisodiques.

116 Dans une phrase négative, n’importe quel est toujours dépréciatif, et ce, depuis sa création. Par phrase négative, nous entendons que la structure comporte un élément négatif, quelle que soit sa forme : négation de type ne... pas dans une strucure canonique (53) ou elliptique (54) ou préfixe négatif (55).

117

(53) Elle travaillerait dans le fin. Elle ne se chargerait pas, bien entendu, de n’importe quel bricolage. Du joli travail, qu’elle ferait. Il ne fallait pas oublier qu’elle s’y connaissait, et même sans parler de machine à coudre, qu’elle était une brodeuse hors ligne. (Guilloux, Le Pain des Rêves, 1942)
(54) Et puis, et puis, tout autour de la pièce, tapissant des murs qu’on ne voyait plus, des bouquins, des bouquins, des bouquins. Mais pas n’importe quels bouquins. (Page, Tchao Pantin, 1982)
(55) Il est en particulier inutile de chercher à établir des vignes dans n’importe quel terrain ; le fait que ce terrain était jadis planté en vigne n’est pas suffisant pour que l’on puisse y établir à coup sûr des vignes greffées. (Levadoux, La Vigne et sa Culture, 1961)

118 La négation déclenche la dépréciation en restreignant le domaine de la quantification. Comme le domaine de quantification est restreint, l’élargissement n’a plus lieu sur l’ensemble des N. La négation exclut les individus qui sont au-dessus d’une norme. En conséquent, n’importe quel quantifie sur les individus au-dessous de la norme. Toutefois, l’élargissement n’est pas remis en cause, car la dénotation du N est élargie à un ensemble maximal d’individus placés sous cette norme. Le type de normes est défini par le contexte. Par exemple, dans (53), la norme est de nature esthétique ou concerne la qualité du travail. Le travail inesthétique ne peut être considéré. De ce fait, la classe du travail dans laquelle chercher un référent est rétrécie.

119 En parallèle à cela, la négation permet d’exclure un référent potentiel, comme dans (56), mais pas forcément de façon négative.

120

(56) Elle avait, comme les autres, une apparence placide, végétale, insensible aux frémissements. Pourtant son silence n’était pas pareil à n’importe quel silence. (Romains, Mort de quelqu’un, 1911)

121 Une phrase négative implique un choix, qui peut se porter soit sur des individus sous une norme, soit sur des individus au-dessus d’une norme. Le choix penche de façon naturelle vers l’alternative jugée la meilleure, c’est-à-dire celle qui est au-dessus de la norme. Comme toute personne ayant un choix à faire rejette normalement ce qu’elle considère comme le moins bon, la négation permet l’expression de la dépréciation. Par exemple, dans la phrase Marie ne va pas dans n’importe quel restaurant, notre intuition est que Marie a l’habitude de se rendre dans des restaurants au-dessus d’une certaine norme. De ce fait, nous ressentons de la dépréciation, le domaine de quantification étant restreint aux individus sous cette norme. Mais, il est possible que Marie, du fait de ses convictions, considère sous la norme les restaurants chics ou très couteux. Dans ce cas, l’élargissement se fera sur tous les individus au-dessus de la norme de Marie.

122 En plus de pouvoir être employé dans les phrases négatives, n’importe quel peut se rencontrer dans des phrases épisodiques. C. Muller (2006) fournit des exemples de cet emploi parmi lesquels (57).

123

(57) Je t’emprunte n’importe quel tournevis, ils sont tous pareils. (Muller, 2006 : 4)

124 À la différence des autres FCi, comme quel qu’il soit et tout, n’importe quel peut être employé dans des phrases épisodiques déclaratives affirmatives, négatives et dans des interrogatives, comme nous le voyons avec les exemples suivants :

125

(58) Je ne t’emprunte pas n’importe quel tournevis, ils ne sont pas tous pareils. (adapté de Muller, 2006 : 4)
(59) Est-ce que je peux t’emprunter n’importe quel tournevis ?

126 L’utilisation de n’importe quel dans les phrases épisodiques semble être un phénomène assez récent, car Frantext ne contient pas ce type d’exemples. Toutefois, comme l’attestent les exemples suivants, l’emploi de n’importe quel dans une phrase épisodique, qu’elle soit affirmative, interrogative ou négative, n’est pas exclu :

127

(60) Marie a chanté n’importe quelle chanson.
(61) Marie n’a pas chanté n’importe quelle chanson.
(62) Olivier a pris n’importe quel billet de train.
(63) Olivier a-t-il pris n’importe quel billet de train ?

128 La restriction qui opère lorsque la phrase contient une négation est différente de celle que l’on rencontre dans les phrases épisodiques. Dans ces dernières, la restriction opère sur les individus actuels. Malgré cette restriction, l’élargissement a encore lieu, mais porte sur un autre type d’individus : les individus actuels. En outre, la dépréciation est également ressentie dans les phrases épisodiques. Par exemple, dans (60), il est plus aisé d’imaginer que Marie ait chanté des chansons qui sont au-dessus d’une norme, comme des chansons paillardes ou vulgaires. Toutefois, les phrases épisodiques n’entraînent pas forcément la dépréciation. Si nous considérons à nouveau (60), l’ensemble des chansons actuelles est considéré, cet ensemble inclut même les chansons auxquelles on ne penserait pas forcément. Dans (60), Marie peut avoir chanté une chanson à laquelle personne ne pensait. Dans (63), on a l’impression que le choix du billet n’en est pas réellement un, et que c’est le premier billet disponible qui a été sélectionné. Il se peut qu’Olivier n’ait pas nécessairement pris un billet de train vers une destination considérée sous une norme, il a pu prendre un billet de train vers une destination idyllique.

129 Ainsi, dans les phrases épisodiques comme dans les phrases négatives, il se produit une restriction du domaine de la quantification, même si celle-ci est différente de celle qui opère dans les phrases négatives. Comme un item à choix libre indique un choix indiscriminé de référent, aucune restriction ne devrait avoir lieu. D’ailleurs, l’emploi d’autres FCi, comme tout et quel qu’il soit, n’impose aucune restriction. L’emploi de ces deux items à choix libre n’est pas possible dans les phrases épisodiques. Parallèlement, ils ne peuvent exprimer la dépréciation (cf. Pescarini 2009) :

130

(64) *Marie a chanté toute chanson.
(65) *Marie a chanté une chanson quelle qu’elle soit.  [6]
(66) Jean ne s’est pas promené avec n’importe quel ami.
(67) *Jean ne s’est pas promené avec un ami quel qu’il soit.
(68) *Jean ne s’est pas promené avec tout ami.

131 De ce fait, n’importe quel est différent de ces FCi. Nous pensons que cette différence réside dans le fait que le processus de figement de n’importe quel n’est pas terminé. En effet, il pourrait encore évoluer et ne plus être un item à choix libre. Ce postulat se fonde sur le fait qu’il puisse s’employer dans un contexte où les autres items à choix libre ne peuvent l’être : les phrases épisodiques. Dans ce contexte, n’importe quel est dépréciatif. Cela n’est pas surprenant, car le changement sémantique peut se faire par le biais de l’expressivité. Cela correspond au phénomène de ‘subjectification’ qui est un des processus diachroniques par lequel un élément ou une construction développe un nouveau sens (cf. Langacker 1990 ; Traugott 1995). N’importe quel commence à être employé dans les phrases épisodiques lorsqu’il exprime une valeur affective, et il se peut tout à fait que son emploi, dans ce type de phrases, se détache dans le futur de la seule valeur affective. En outre, nous avons vu avec les exemples (60) à (62) qu’il est possible de trouver une interprétation non dépréciative de n’importe quel dans les phrases épisodiques.

132 De plus, en considérant les étapes de grammaticalisation de B. Heine (2002), nous voyons que n’importe quel peut s’inscrire dans le processus qu’elle décrit. B. Heine considère que quatre stades sont nécessaires à la grammaticalisation d’un élément. Or, lors de la seconde étape, celle du bridging context, l’élément étudié a la possibilité d’être employé dans un contexte spécifique donné avec une interprétation particulière. Cela correspond à l’emploi possible de n’importe quel dans les phrases épisodiques. Ainsi, il se pourrait que n’importe quel soit actuellement aux prémices d’un processus de grammaticalisation.

7. CONCLUSION

133 N’importe quel est un indéfini qui exprime le libre choix du référent du syntagme qu’il introduit. Ce déterminant est apparu en français au début du XIXe siècle, à la suite d’un processus de lexicalisation qui s’est déroulé sur trois siècles. Il semblerait toutefois que son processus de figement ne soit pas arrivé à terme, du fait qu’il est encore possible de trouver des locuteurs du français contemporain qui utilisent une préposition entre n’importe et quel, même dans le cas où n’importe quel est clairement déterminant.

134 D’autre part, n’importe quel est différent des autres FCi : il peut être employé dans des phrases négatives et/ou épisodiques. Dans ces deux types de contextes, n’importe quel est dépréciatif, propriété qu’il a conservée depuis sa création. Son emploi dans les phrases épisodiques est plus récent. Dans ce type de phrases, n’importe quel quantifie sur des individus actuels et non plus sur des individus possibles. De ce fait, nous postulons que l’interprétation de n’importe quel peut encore évoluer, et il se peut fortement qu’arrivé au terme de son processus de figement, il ne soit plus un FCi.

Bibliographie

Références bibliographiques

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Mots-clés éditeurs : figement, phrase épisodique, items à choix libre, ‘n'importe quel', dépréciation

Mise en ligne 06/07/2010

https://doi.org/10.3917/lf.166.0109

Notes

  • [1]
    Par le terme assez vaste de ‘locuteur’, nous considérons l’énonciateur ou un personnage du texte qui s’exprime ou qui a une attitude propositionnelle du type considérer, penser.
  • [2]
    Le terme ‘neutre’ était autrefois appliqué aux verbes intransitifs.
  • [3]
    Afin de rendre compte de la date d’apparition des différents emplois d’importer, nous mentionnons les exemples de Frantext qui contiennent la première occurrence de ces emplois. La date indiquée entre parenthèses dans les différents tableaux est également celle de la première attestation.
  • [4]
    Le sens de ce terme s’est élargi suite aux travaux de Givón (1979).
  • [5]
    Nous remercions le relecteur anonyme qui a mis en évidence cette distinction.
  • [6]
    Certains locuteurs acceptent (65) et (67) lorsque quel qu’il soit est détaché.
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