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Article de revue

Les formes verbales homophones en /E/ entre 8 et 15 ans : contraintes et conflits dans la construction des savoirs sur une difficulté orthographique majeure du français

Pages 74 à 93

Notes

  • [1]
    Lété (ce volume) souligne que la valeur de 0.03 correspond à un évènement linguistique très fréquent. Dans Manulex, c’est la probabilité de rencontre avec aime, classe, exercice, page.
  • [2]
    Nous remercions Nabil Hatout de l’aide apportée pour les opérations d’extraction et Bernard Lété de nous avoir permis l’accès à la base Manulex dès 1999.
  • [3]
    Par souci de concision, lorsque plusieurs tests F sont calculés dans une analyse, nous donnons la valeur minimale de F et la valeur maximale du p associé. Ainsi, pour cette analyse tous les F sont supérieurs à 24 et tous les p inférieurs à 0.000001.
  • [4]
    Pour plus de détails concernant cette étude, voir Jaffré & Brissaud à paraitre ; pour le test, Brissaud 1998.

1La langue française est une langue avec un système flexionnel riche caractérisé par un décalage entre la morphologie de l’oral et celle de l’écrit (Jaffré 1998). Puisque l’écrit de cette langue distingue des formes verbales qui sont homophones à l’oral, la transcription par les correspondances phonographiques les plus fréquentes ne garantit pas la justesse morphographique. Le souci historique de distinguer à l’écrit ce que l’oral confond (Andrieux & Pellat ce volume) confronte le scripteur actuel à un problème crucial. Face à une forme phonologique telle que /tRuve/, il dispose de neuf graphies fréquentes : trouver, trouvé, trouvés, trouvée, trouvées, trouvais, trouvait, trouvaient, trouvez. Cette homophonie généralisée fait des formes verbales homophones en /E/ un lieu de difficulté majeure, propice aux erreurs, aussi bien dans les écrits scolaires que dans les écrits ordinaires d’adultes de niveaux scolaires variés (Lucci & Millet 1994). Des études psychométriques issues de la francophonie confirment cette difficulté, au primaire et au secondaire, que ce soit au Québec (Préfontaine 1973 ; Milot 1976), en Suisse (Roller 1954) ou en France (Dolla & Establet 1973 ; Chervel & Manesse 1989 ; Brissaud & Sandon 1999). Quand c’est le participe passé qui est ciblé, la difficulté est plus flagrante encore (Gervaix 1995 ; Brissaud 1999).

2Si on s’en tient au participe passé, à l’imparfait et à l’infinitif, une analyse linguistique succincte des formes verbales en /E/ montre qu’elles offrent la possibilité d’opérer une double sélection, celle d’un morphonogramme de mode-temps (?ai-, ?é-, ?er) puis celle d’un ou deux morphogrammes sans correspondant phonique (?e, ?s, ?t, ?ent) renvoyant aux catégories de la personne, du genre ou du nombre. Sur le plan linguistique, ces deux choix ne sont pas indépendants puisque la première sélection annule ou restreint la seconde : ?er exclut tout morphogramme, ?é- élimine ?ent, ?ai- exclut ?e, etc. En outre, la sélection du morphogramme est contrainte par l’accord. Elle est donc déterminée par la référence à une catégorie grammaticale extérieure à la forme en /E/ : un groupe nominal ou un pronom dans le cas du participe passé en position adjectivale, le sujet dans le cas de l’imparfait ou du participe passé après l’auxiliaire être, l’objet direct antéposé dans le cas du participe passé suivant avoir.

3Pour produire des formes verbales en /E/ conformes aux contraintes qui pèsent sur cette double sélection, le scripteur dispose de savoirs ou de procédures qui peuvent lui être dispensés par un enseignement explicite : les règles d’accord ou de non-accord du verbe, la connaissance des paradigmes flexionnels, la connaissance des catégories et fonctions grammaticales (infinitif, participe passé, sujet du verbe…), la connaissance de procédés paradigmatiques (Écrire ?er si on peut remplacer le verbe par partir), éventuellement des savoirs transmis sur des régularité plus locales (Après pour, il faut écrire ?er). Mais ces connaissances enseignables et souvent enseignées ne sont pas les seules impliquées dans la sélection de la flexion.

4Les confrontations entre analyses linguistiques et modèles psycholinguistiques ont montré en effet que les unités de stockage et de traitement mises en œuvre par les sujets ne correspondaient pas nécessairement aux unités minimales isolées par l’analyse linguistique. C’est cette question qui sous-tend depuis 30 ans les débats concernant le fonctionnement et l’acquisition de la morphologie orale : les formes régulières du prétérit anglais sont-elles fondées sur un processus combinatoire (work + ed) ou bien sont-elles stockées globalement et traitées par la même mémoire associative que les formes irrégulières (Pinker 2002 ; Pinker & Ullman 2002 ; McClelland & Patterson 2002a, 2002b) ? Les positions des partisans du traitement unique par une mémoire associative ont abouti à des modèles qui affaiblissent la distinction entre lexique et grammaire en posant que le locuteur mémorise conjointement des séquences d’unités dont la co-occurrence est fréquente dans l’environnement langagier (Bybee 1985 ; Bybee & McClelland 2005).

5Dans le domaine de l’écrit, plusieurs travaux aboutissent à la même conclusion : le scripteur mémorise des séquences d’unités orthographiques qu’une analyse linguistique considère comme indépendantes (pour une revue dans les domaines flexionnel et dérivationnel de plusieurs langues, Pacton 2003). Totereau, Barrouillet & Fayol (1998) ont mis en évidence ce qu’ils appellent l’effet d’homophonie verbo-nominale. À partir de la 3e année primaire, l’adjonction erronée de la marque verbale ?nt sur les noms (des *jugent) est plus probable pour les noms qui ont un homophone verbal fréquent (ils jugent). La symétrique est vraie pour l’adjonction de ?s aux verbes à partir de la 2e année primaire. Des effets de fréquence analogues apparaissent lors de la scription de formes homophones des verbes en hollandais, chez des adultes (Sandra, Frisson & Daems 1999) ou chez des adolescents (Frisson & Sandra 2002). Ces résultats suggèrent que des instances base + flexion sont mémorisées par l’apprenti scripteur, qui est aussi un lecteur exposé de façon récurrente aux formes fléchies rencontrées dans les textes. Des arguments décisifs en faveur de cette hypothèse ont été établis par une étude transversale contrôlant la fréquence des formes au pluriel et au singulier de noms rencontrés dans le manuel de lecture d’élèves de la deuxième à la 5e année primaire (Cousin, Largy & Fayol 2002). Enfin, une étude longitudinale auprès d’élèves de 1re et 2e années contrôle directement, par des exercices de lecture et de copie, la fréquence d’exposition aux formes du pluriel et du singulier des noms (Largy, Cousin & Fayol 2004). Dans ces deux études, la capacité à produire la flexion nominale juste dépend de la fréquence des formes fléchies. Par exemple, les noms plus souvent lus au pluriel sont mieux accordés au pluriel et moins bien au singulier (pour une vue d’ensemble, Largy, Cousin & Dédéyan 2005).

6Outre la mise en œuvre de règles ou de procédures enseignées, le scripteur dispose donc d’une deuxième façon de produire les formes verbales : récupérer automatiquement des séquences d’unités stockées dans sa mémoire. S’agissant des finales verbales en /E/, trois types d’associations probabilistes sont susceptibles d’être mémorisés :

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  • l’association entre certaines unités qui occupent souvent la fonction sujet, tels les clitiques, et les flexions correspondantes de genre-nombre : ils–(é)s, elles–(é)es, elle–(é)e, etc. ;
  • l’association entre certaines bases verbales et certains morphonogrammes de mode-temps, puisque le sens de certains verbes les oriente vers un usage infinitif ou un usage au participe ;
  • l’association entre les morphonogrammes de mode-temps et les morphogrammes de personne-genre-nombre qui les suivent le plus souvent : é–s, ai–t, etc.
Entre l’application de règles enseignées et la récupération d’instances en mémoire, il pourrait exister une troisième voie susceptible de contribuer à l’écriture des formes verbales. En effet, l’accumulation d’instances et leur réorganisation est elle-même génératrice de généralisations productives. Dans le domaine de l’acquisition de l’oral, cette possibilité a été systématisée par les théories dites « basées sur l’usage » (Tomasello 2003). Précocement, le jeune enfant mémoriserait globalement et mobiliserait des séquences concrètes de mots liées à des contenus sémantico-pragmatiques. Par la suite, des constructions (ou schémas) et des catégories plus abstraites émergeraient de la mise en relation des séquences qui partagent certains éléments de forme et de contenu. Ce retraitement amènerait l’enfant à aménager progressivement, à l’intérieur des séquences mémorisées, des emplacements libres où peuvent s’insérer des éléments nouveaux (Lieven, Behrens, Speares & Tomasello 2003). Soulignons que ces généralisations sont des structures émergentes, activées lors de l’usage du langage. Leur élaboration sous forme de patrons de connectivité n’efface pas les réseaux de séquences mémorisées qui les sous-tendent. Selon les besoins et les possibilités, le locuteur peut mobiliser un schéma ou bien récupérer une des séquences liées à ce schéma (Barlow & Kemmer 2000).

8Si on transpose cette conception développementale à l’acquisition de l’orthographe, on en déduit que des généralisations productives peuvent émerger de la mise en relation et de l’alignement de séquences orthographiques mémorisées au contact des textes. Ainsi, pour apprendre que la base bless- du verbe blesser est suivie du morphonogramme ?é plutôt que de ?er, l’apprenti scripteur mémoriserait des instances telles que blessé, blessés ou blessée, mettrait en relation ces instances du fait de leur proximité sémantique et orthographique et généraliserait un schéma basé sur la partie commune blessé. De la même façon, la mémorisation et la mise en relation de séquences telles que ils sont blessés, ils sont allés, ils sont fatigués, etc. permettraient de faire émerger un schéma de type ils–és à l’origine d’erreurs telles que ils ont *mangés.
Dans quelle mesure cette troisième voie entre récupération d’instances et application de règles enseignées est-elle transposable aux conditions d’apprentissages de l’orthographe ? Deux caractéristiques de l’écriture en limitent la portée. Premièrement, dans de nombreux systèmes graphiques dont celui du français, les frontières lexicales sont matérialisées par des espaces. Cette segmentation pourrait focaliser l’attention de l’apprenti sur le mot et limiter la mémorisation de séquences graphiques impliquant plusieurs mots. Deuxièmement, l’environnement langagier écrit est moins régulier et moins fourni que l’environnement oral. Il est donc moins propice à l’émergence de schémas. Une étude de la parole adressée à douze enfants anglophones de deux ans environ (Cameron-Faulkner, Lieven & Tomasello 2003) montre que 52 mots ou séquences brèves (Are you…, It’s…, Here is…, etc.) constituent le début de 51 % des 16 900 énoncés prononcés par les douze mères. La morphosyntaxe écrite devrait présenter une plus grande variété structurelle. En outre, Cameron-Faulkner et al. estiment qu’un enfant de deux ans perçoit environ 7 000 énoncés par jour, un score difficilement égalable à l’écrit, même chez un professionnel de la lecture.

9Malgré ces limitations, plusieurs résultats suggèrent que l’environnement langagier écrit suffit à l’émergence de schémas. L’apprentissage des langues étrangères en milieu scolaire présente grosso modo des conditions d’input comparables, qui n’empêchent pas des étudiants germanophones apprenant l’anglais d’élaborer des constructions à partir d’instances (Gries & Wulff 2005). Dans le domaine de l’orthographe, Pacton, Fayol & Perruchet (2002) résument des expériences explorant la capacité d’enfants et d’adultes à généraliser des régularités graphotactiques, dont certaines ne sont pas formulables sous forme de règles (par exemple : la probabilité de gémination est plus grande pour certaines consonnes). Les jugements des scripteurs sur des pseudomots montrent qu’ils sont effectivement capables d’appliquer, à des mots nouveaux, ces régularités induites de l’environnement graphique. En revanche, cette généralisation reste tributaire de la ressemblance entre le matériel orthographique concret contenu dans les pseudomots et le matériel formant les vrais mots. Il est donc improbable que les jugements soient fondés sur des règles abstraites s’appliquant de façon « aveugle » à tout matériel nouveau. La productivité bien réelle mais limitée de ces généralisations est compatible avec l’idée qu’elles sont sous-tendues par des schémas émergeant à partir de séquences mémorisées.

10Finalement, il s’avère que la scription des formes verbales homophones peut dépendre de trois dispositifs cognitifs.

  • L’application délibérée de règles ou de procédures enseignées qui mobilisent des unités minimales (?s, ?ent, etc.) et souvent des catégories abstraites (sujet, verbe, etc.). La productivité de ce mécanisme est totale puisqu’il s’applique à tout matériel nouveau.
  • La mémorisation et la récupération en mémoire de « morceaux » de matériel graphique extraits des textes rencontrés (blessé, ils sont blessés¸ pour manger, etc.) ; la productivité de ce mécanisme est nulle puisqu’il ne peut s’appliquer qu’à des séquences mémorisées.
  • L’émergence de schémas à partir d’instances mémorisées (dégagement d’un cadre ils__és à partir du retraitement des instances ils sont allés, ils sont blessés, etc.). La productivité de ce mécanisme est intermédiaire puisque la généralisation dépend de la ressemblance entre le matériel graphique nouveau et le matériel contenu dans les instances mémorisées.
La question est de savoir par quels dispositifs sont traités les formes verbales en /E/. Les erreurs telles que ils ont *mangés (Fayol & Pacton ce volume) peuvent résulter de l’application délibérée de la règle d’accord sujet-verbe apprise en classe, de la récupération d’une séquence mémorisée globalement ou de l’activation automatique d’un schéma émergent ils–és. D’autres régularités, comme l’orientation statistique de certains verbes vers un usage à l’infinitif ou au participe passé, ne sont pas susceptibles d’être enseignées. Leur manifestation dans l’usage enfantin ne peut donc résulter que de la récupération d’instances ou de la mise en œuvre de schémas émergents. Enfin, ces dispositifs sont susceptibles d’interagir. Par exemple, la propension du verbe chauffer à apparaitre au participe passé plutôt qu’à l’infinitif favorise la forme chauffé et les erreurs de types On le fait * chauffé ou pour *chauffé. Mais la première de ces erreurs peut être évitée par l’application d’une règle enseignée : « le verbe faire est suivi de l’infinitif ». La seconde peut être inhibée par l’action d’un schéma pour-er, émergeant de la mémorisation d’instances de type pour manger, pour aller, pour rentrer, etc.
Sur le plan linguistique, les verbes homophones en /E/ sont caractérisés par une flexion complexe impliquant plusieurs niveaux morphosyntaxiques et des restrictions combinatoires. Il en résulte une possibilité de traitement par plusieurs types de mécanismes cognitifs susceptibles d’interagir en synergie ou en contradiction. Le point de vue adopté dans le présent article est donc de concevoir la trajectoire d’acquisition comme le résultat de contraintes parfois contradictoires et génératrices de conflits dont la résolution aboutit à des solutions qui ne rencontrent pas toujours la graphie normée. Nous étaierons cette conception dynamique par les résultats issus de deux enquêtes transversales, conduites auprès de larges populations scolaires françaises et québécoises (1 269 élèves de la région grenobloise, de la 5e année du primaire (CM2) à la 4e année du collège (classe de 3e) pour la première étude ; 621 élèves de la 3e année du primaire à la 3e année du secondaire (CE2?4e), dont 303 à Montréal pour la deuxième, et deux études longitudinales impliquant 34 enfants entre 9 et 11 ans ; 59 adolescents entre 12 et 14 ans). Ces études à grande échelle seront complétées par une expérience (Marino, 2000) sur l’influence que l’orientation statistique des verbes vers l’infinitif ou le participe passé exerce sur les erreurs (155 sujets de 3e et 5e années).
Nous organiserons la présentation des contraintes pesant sur la scription selon trois axes. Nous nous intéresserons d’abord aux morphonogrammes de mode-temps (?ai-, ?é- ou ?er) et à ce qui peut influencer la sélection d’un graphème plutôt que d’un autre. Nous examinerons ensuite la question de l’accord, notre but étant de comprendre dans quels cas le scripteur réalise l’accord et comment il choisit une marque plutôt qu’une autre. Nous aborderons enfin les interactions entre accord et sélection du morphonogramme.

1 – La sélection du morphonogramme de mode-temps

11Nous décrirons d’abord la sélection du morphonogramme, en supposant qu’elle se fait indépendamment de la flexion en genre, nombre ou personne : une marque de mode-temps est-elle plus récurrente que les autres dans les productions enfantines ?

1.1 – Une absence de guidage phonologique propice au guidage statistique

12Il est nécessaire de rappeler que la neutralisation de l’opposition /e/ vs /?/ en syllabe ouverte au profit de /e/, notamment en fin de mot, était déjà signalée dès le début des années 1980 (Walter, 1982 ; Lucci, 1983). Si ce mouvement a continué, la graphie ?ai- de l’imparfait n’est plus induite par une éventuelle prononciation /?/ et la place est libre pour que des contraintes statistiques s’exercent directement sur la matière graphique. Nous les envisagerons à deux niveaux. Au niveau des occurrences des formes verbales fléchies dans les textes, Lété (ce volume) analyse les écrits adressés à l’enfant dans les manuels de cycle 3 qui forment une partie du corpus Manulex (Lété, Sprenger-Charolles & Colé, 2004). En fixant à 1 la probabilité de rencontrer l’une ou l’autre des 44 569 formes fléchies, il constate que la probabilité de rencontrer un participe passé en ?é(es) est de 0.07, la probabilité d’un infinitif en ?er est de 0.03 et la probabilité d’une ou l’autre des six personnes de l’imparfait est de 0.04 [1]. Cette distribution suggère que ?é est la flexion de mode-temps en /E/ la plus probable. Toutefois, cette conclusion doit être nuancée en fonction de l’orientation de chaque verbe vers un usage modal particulier, orientation qui résulte sans doute de son sens. À partir de Manulex, nous avons listé les formes infinitives ou participes (quels que soient le genre et le nombre) de 2 423 verbes en /E/ apparaissant dans 54 manuels scolaires utilisés tout au long du cursus primaire [2]. Parmi ces verbes, 1 120 sont plus fréquents à l’infinitif qu’au participe passé et 1 163 présentent la configuration inverse. Pour chacun de ces verbes, nous avons calculé un rapport d’orientation vers ?er en divisant le nombre de formes en ?er par le nombre total de formes participes ou infinitives. Même si la moyenne générale de ce rapport pour les 2 423 verbes est proche de la valeur d’équilibre entre les deux modes (0.503), sa variation est importante puisqu’il s’échelonne de 0 à 1. Par exemple, parmi les verbes dont la fréquence totale (infinitif + participe) dépasse 9 occurrences, 41 n’apparaissent qu’au participe (le rapport vaut 0) et 14 n’apparaissent qu’à l’infinitif (le rapport vaut 1). En bref, même si l’occurrence plus élevée des formes fléchies en ?é pourrait favoriser l’erreur consistant à remplacer ?er par ?é au détriment de la substitution inverse, cette tendance devrait varier considérablement en fonction des verbes.

1.2 – Évolution de la compétition entre ?er et ?é

13La sélection du morphonogramme de mode-temps normatif dépend évidemment du contexte morphosyntaxique. Il est donc difficile de s’interroger sur la sélection des morphonogrammes sans prendre en compte l’impact du contexte. Toutefois, actuellement, nous ne savons rien du degré auquel ce contexte induit la forme appropriée. Par exemple, nous ne savons pas s’il est plus facile d’apprendre que ?é suit un auxiliaire ou d’apprendre que ?er suit une préposition. Puisqu’il est impossible de trouver un contexte unique où pourraient apparaître les trois morphonogrammes ?ai, ?er et ?é, nous avons limité notre exploration à deux d’entre eux susceptibles de s’insérer dans des environnements comparables : le participe passé suivant l’auxiliaire avoir et l’infinitif suivant les semi-auxiliaires devoir et aller.

14Afin d’observer les productions écrites dans ces deux contextes, nous avons utilisé une épreuve composée de 48 phrases lacunaires de structure sujet-verbe-GN2, où le sujet apparait sous les quatre combinaisons possibles du genre et du nombre, également représentées dans le matériel : Quentin, Capucine, les filles et les garçons. Soit le verbe suit l’auxiliaire avoir (Les garçons ont interrogé le voisin), soit il suit les semi-auxiliaires devoir ou aller (Les garçons doivent/vont interroger le voisin). Dans tous les cas, le GN2 est masculin singulier et le verbe est un verbe en ?er à une seule base à l’oral. La fréquence et la longueur des verbes ont été contrôlées. Le rapport d’orientation vers ?er est sensiblement identique pour les 24 verbes dont la cible est ?er (0,57) et pour les 24 verbes dont la cible est ?é. (0,52). La passation a eu lieu en deux fois et l’ordre de présentation des phrases variait selon les sujets. Les élèves ont reçu de leur professeur deux carnets contenant chacun 24 phrases à trous (à raison d’une phrase par page pour éviter les retours en arrière) qu’ils devaient compléter soit avec une forme verbale au passé composé soit avec un semi-auxiliaire (aller ou devoir) suivi d’un infinitif. Seules les flexions de mode-temps ont été prises en compte dans la correction.

15L’expérimentation a été conduite en fin d’année scolaire auprès de 621 élèves sur six niveaux de scolarité (318 en France, dans la région grenobloise, 303 au Québec, dans la région montréalaise), de la troisième année (CE2 en France, 3e année du primaire au Québec, désormais niveau 3) à la huitième année (classe de 4e du collège en France, 2e secondaire au Québec, désormais niveau 8). Quatre classes ont été sélectionnées par niveau de scolarité (deux en France et deux au Québec). L’âge moyen des élèves est de 11 ans et 8 mois (11 ;7 pour la France et 11 ;9 pour le Québec).
Pour évaluer la disponibilité relative des flexions ?er et ?é, nous devons observer leur occurrence dans les contextes où leur sélection est normative (Quentin a aidé son copain) et dans les contextes où elle est erronée (Capucine doit *analysé le problème). Dans la figure 1, nous avons donc représenté les moyennes du nombre individuel de réponses ?é (é, ée, és, ées) et du nombre de réponses ?er (er, ers) quand la sélection des morphonogrammes est juste (à gauche) et quand elle est fausse (à droite).

Figure 1

Sélection des morphonogrammes ?er et ?é, dans les contextes où elle est correcte (à gauche) et dans les contextes où elle est incorrecte (à droite)

Figure 1

Sélection des morphonogrammes ?er et ?é, dans les contextes où elle est correcte (à gauche) et dans les contextes où elle est incorrecte (à droite)

16Une analyse de variance par sujet sur les réponses justes (graphe de gauche) montre un effet significatif du niveau scolaire, de la cible (?er vs ?é) et de leur interaction (globalement, F > 24, p < 0.000001) [3]. Plus précisément, les enfants progressent entre N3 et N8, lorsque la cible est ?er et lorsque la cible est ?é (F(1,615) > 17, p < 0.00003). Au niveau N3 (CE2 en France), les sélections justes du morphonogramme ?er sont plus nombreuses que les sélections justes du morphonogramme ?é (F(1,615) = 46, p < 0.000001). À partir du niveau N4 (CM1 en France), la tendance s’inverse et les sélections justes de ?é sont plus nombreuses à chaque niveau scolaire que les sélections justes de ?er (F(1,615) > 22, p < 0.00001).

17Une analyse de variance sur les erreurs (graphe de droite) montre également un effet significatif du niveau scolaire, de la cible et de leur interaction (F > 25, p < 0.000001). Chacun des deux types d’erreurs (« ?é remplace ?er » et « ?er remplace ?é ») diminue entre N3 et N8 (F(1,615) > 8, p < 0.002). Au niveau N3 (CE2 en France), les erreurs de type « ?er remplace ?é » sont plus fréquentes que les erreurs de type « ?é remplace ?er » (F(1,615) = 47, p < 0.000001). À partir du niveau N4 (CM1) la tendance s’inverse et les erreurs de type « ?é remplace ?er » deviennent plus fréquentes que les erreurs inverses à chaque niveau (F(1,615) > 5, p < 0.02).

18Le patron développemental qui résulte de ces analyses est simple. Au niveau N3 (CE2), la flexion ?er est plus disponible que la flexion ?é et elle s’impose dans les réponses justes comme dans les erreurs. À partir du niveau N4 (CM1), la flexion ?é prend le dessus et devient prévalente dans les réponses justes et dans les erreurs. Cette montée en puissance du ?é s’accompagne d’ailleurs d’une augmentation des erreurs de type « ?é remplace ?er » entre le niveau N3 et le niveau N4 ((F(1,615) = 4.2, p = 0.041), suivie d’une stagnation jusqu’au niveau N7 (F(1,615) < 1.1, p > 0.30) et d’une diminution entre N7 et N8 (F(1,615) = 9.17, p = 0.0025).
L’éventualité d’une surgénéralisation des flexions en dehors de leur contexte normatif prédit que les enfants qui produisent souvent un des deux morphogrammes devrait le mobiliser aussi bien dans les contextes où il est juste que dans les contextes où il est faux. Nous avons vérifié cette conjecture par le calcul de corrélations de Spearman impliquant les erreurs et les sélections justes.

Tableau 1

Étude des corrélations de Spearman entre sélections justes et sélections fausses des morphonogrammes ?er et ; * p ð 0.05 ; ** p ð 0.01 ; **** p ð 0.0001

Tableau 1
N3 N4 N5 N6 N7 N8 1/ Corrélation entre réponses justes en ?é et erreurs « ?é remplace ?er » + 0.812 **** NS – 0.318 ** NS NS – 0.245 ** 2/ Corrélation entre réponses justes en ?er et erreurs « ?er remplace ?é » + 0.811 **** NS – 0.253 * NS NS NS 3/ Corrélation entre réponses justes en ?er et réponses justes en ?é – 0.682 **** NS + 0.467 **** + 0.209 * + 0.218 * + 0.534 **** 4/ Corrélation entre erreurs « ?é remplace ?er » et erreurs « ?é remplace ?er » – 0.746 **** NS + 0.411 **** NS NS + 0.483 ****

Étude des corrélations de Spearman entre sélections justes et sélections fausses des morphonogrammes ?er et ; * p ð 0.05 ; ** p ð 0.01 ; **** p ð 0.0001

19Au niveau N3, les signes positifs ou négatifs des corrélations manifestent la relation attendue. Les enfants qui produisent beaucoup de formes justes en ?é sont aussi ceux qui produisent beaucoup d’erreurs de type « ?é remplace ?er » (ligne 1). De la même façon, ceux qui produisent de nombreuses formes justes en ?er sont aussi ceux qui produisent davantage d’erreurs de type « ?er remplace ?é » (ligne 2). Il en résulte une relation inverse entre les réponses justes – si elles sont nombreuses en ?er, elles sont rares en ?é (ligne 3) – ainsi qu’entre les erreurs : si un enfant se trompe beaucoup sur ?er il se trompe peu sur ?é (ligne 4). À partir du niveau N5, le signe des corrélations traduit un effet plus classique de la performance générale en orthographe : ceux dont la performance est élevée réussissent bien pour les deux modes (ligne 3) et se trompent peu pour les deux modes (ligne 4). Ceux qui réussissent bien un des modes se trompent peu dans l’autre (lignes 1 et 2).

20Tout se passe donc comme si coexistaient deux types de scripteurs au niveau N3 : d’une part ceux qui préfèrent la flexion ?er et l’utilisent de façon systématique, d’autre part ceux qui préfèrent ?é et le produisent également partout. À partir de N5, cette répartition disparait au profit d’une distinction plus classique entre ceux qui savent sélectionner le morphonogramme en fonction du contexte et ceux chez qui cette capacité est moins acquise. Puisque les analyses de variance révèlent que ?er est globalement plus disponible que ?é au niveau N3, il faut en conclure que les scripteurs favorisant ?er sont plus nombreux précocement. Nous avons vérifié cette seconde conjecture en comptabilisant les élèves selon leurs préférences pour ?er ou pour ?é, dans les réponses justes ou les erreurs (tableau 2).
Au niveau N3, la majorité des élèves (67 %) produit plus souvent des réponses justes ?er que des réponses justes ?é. Cette tendance reste vraie pour les erreurs, puisqu’une majorité (67 %) produit plus souvent des formes erronées en ?er que des formes erronées en ?é. À partir du niveau N4, la tendance s’inverse, la majorité (62 %) des enfants produisant plus souvent ?é que ?er, dans les formes justes et dans les erreurs.

Tableau 2

Répartition des sujets selon que le nombre des réponses qu’ils produisent est inférieur ou supérieur au nombre de réponses ?er

Tableau 2
N3 N4 N5 N6 N7 N8 Réponses justes -é > ?er 30 % 64 % 73 % 62 % 71 % 44 % -er > ?é 67 % 26 % 10 % 22 % 16 % 14 % Erreurs -é > ?er 30 % 62 % 74 % 62 % 70 % 45 % -er > ?é 67 % 27 % 10 % 16 % 16 % 12 %

Répartition des sujets selon que le nombre des réponses qu’ils produisent est inférieur ou supérieur au nombre de réponses ?er

21Un scénario développemental s’esquisse donc progressivement. En 3e année primaire (CE2), la flexion ?er prédomine chez une majorité d’apprentis et elle est surgénéralisée. Dès la 4e année primaire, elle cède la place à la flexion ?é, qui devient la graphie la plus disponible et qui est surgénéralisée à son tour. Cette surgénéralisation s’accompagne d’une augmentation des erreurs de types « ?é remplace ?er ». À tous les niveaux, certains élèves exhibent des tendances contraires à la majorité : préférence pour ?é au niveau N4 ou pour ?er dès le niveau N5. Dans le cadre d’une étude transversale, nous ne pouvons pas savoir s’il s’agit d’élèves dont la trajectoire est spécifique ou d’élèves dont le développement est conforme à celui de la majorité mais avec une ou plusieurs années d’avance ou de retard. Par ailleurs, ce scénario ne rend pas compte des variations lexicales occasionnées par l’orientation statistique modale des verbes.

1.3 – L’effet de l’orientation statistique modale sur la compétition entre ?er et ?é

22Afin de tester l’effet de l’orientation statistique, nous avons construit une seconde épreuve de complètement de phrases similaire à la première menée en France. Quatre-vingt-douze élèves de troisième année primaire (CE2) et 63 élèves de cinquième année (CM2) devaient écrire la forme verbale complexe dans 48 phrases. Pour la moitié des phrases, cette forme verbale était le passé composé d’un verbe en /E/ avec l’auxiliaire avoir. Pour l’autre moitié, cette forme verbale était constituée d’un semi-auxiliaire (aller, devoir, pouvoir) et d’un infinitif. Chacune de ces séries de 24 phrases était construite avec la même série de 24 verbes. Ainsi, chaque enfant écrivait le même verbe au participe passé et à l’infinitif. Parmi ces 24 verbes, 12 étaient statistiquement orientés vers l’infinitif et 12 vers le participe passé. Nous avons volontairement accentué le contraste entre les deux orientations. Pour les verbes orientés ?er, le rapport du nombre de formes à l’infinitif au nombre de formes à l’infinitif ou au participe vaut 0.860 (de 0.70 à 0.97). Pour les verbes orientés ?é, ce rapport vaut 0.1 (de 0.017 à 0.196). Ces calculs ont été établis à partir de Manulex, en prenant en compte les formes fléchies rencontrées dans les manuels de tous les niveaux primaires. Pour chacune des séries de 12 phrases correspondant à une combinaison possible entre cible et orientation (orientation ?er et cible ?er, orientation ?er et cible ?é, etc.), nous avions trois sujets masculin-singulier, 3 sujets masculin-pluriel, 3 sujets féminin-singulier et 3 sujets féminin-pluriel (pour plus de détails : Marino, 2000).

23Au total nous avons donc deux flexions cibles, ?er ou ?é, et deux orientations, ?er ou ?é. Nous dirons que l’orientation est convergente avec la cible lorsque le contexte syntaxique et le verbe activent la même flexion. Par exemple, l’élève doit écrire l’infinitif laver après le semi-auxiliaire devoir et le verbe laver est statistiquement orienté vers l’infinitif. Nous parlerons d’orientation divergente dans le cas inverse : l’élève doit écrire l’infinitif décider après le semi-auxiliaire devoir et le verbe décider est orienté vers le participe passé. Dans le tableau 3, nous présentons des scores correspondant au nombre de réponses erronées ?é(es) quand la cible est ?er et au nombre de réponses erronées ?er(s) quand la cible est ?é. On attend que la fréquence des erreurs augmente lorsque la cible et l’orientation sont divergentes.

Tableau 3

Effet de l’orientation statistique des verbes vers l’infinitif ou le participe passé ; nombre et écart-type des réponses erronées ?é(es) quand la cible est ?er et des réponses erronées ?er(s) quand elle est

Tableau 3
3e année primaire (N3) 5e année primaire (N5) Orientation convergente Orientation divergente Orientation convergente Orientation divergente Cible ?é 6.2 (3.5) 7.7 (3.9) 3.7 (3.9) 4.6 (4.3) Cible ?er 2.0 (2.6) 3.3 (3.1) 1.9 (2.9) 2.6 (3.0) 4.1 5.5 2.8 3.6

Effet de l’orientation statistique des verbes vers l’infinitif ou le participe passé ; nombre et écart-type des réponses erronées ?é(es) quand la cible est ?er et des réponses erronées ?er(s) quand elle est

24Une analyse de variance par sujet montre que l’effet du niveau scolaire, de la cible, de l’orientation et les interactions niveau-cible et niveau-orientation sont significatifs (F > 5.25, p < 003). Nous nous limiterons à l’examen de l’inter-action entre niveau et orientation (F(1,153) = 5.25, p = 0.023). On voit dans la dernière ligne du tableau que les erreurs de remplacement d’une flexion de mode par l’autre sont plus nombreuses quand l’orientation statistique des verbes diverge de la cible. Une différence très significative existe entre les moyennes 4.1 et 5.5 (F(1,153) = 63.99, p < 0.000001) en 3e année primaire. La différence entre les moyennes 2.8 et 3.6 en 5e année primaire est également très significative ((F(1,153) = 7.95, p = 0.0054). Toutefois, les moyennes étant plus proches en 5e année, il semblerait que l’effet statistique diminue lorsque grandit la capacité à produire la flexion adaptée au contexte.

25L’effet de l’orientation modale des verbes suggère que les élèves de 3e et 5e années primaires mémorisent des instances fréquentes composées d’une base verbale et d’un morphogramme mode-temps. Ce résultat se vérifie aussi bien pour les formes fléchies du participe passé en ?é que pour celles de l’infinitif en ?er. Nous allons maintenant examiner l’usage du second type d’unité composant la flexion des formes verbales en /E/ : les morphogrammes de genre, nombre, personne déterminés par accord.

2 – La question de l’accord

26Nous nous intéressons plus précisément dans cette section au choix des morphogrammes qui permettent de marquer l’accord en nombre (?s et ?nt). Nous nous demandons tout d’abord dans quelle mesure l’acquisition est contrainte par les structures morphosyntaxiques : nous examinons les omissions et les adjonctions de marques du pluriel dans la production de l’imparfait, du participe passé employé avec l’auxiliaire être et du participe passé employé avec l’auxiliaire avoir. Nous abordons ensuite la surgénéralisation de l’accord sujet-verbe au participe passé employé avec l’auxiliaire avoir.

2.1 – Omission et adjonction des marques de nombre

27Une première étude transversale, conduite de la 5e année primaire (CM2) à la 4e année du collège (classe de 3e), a montré 1/ que les erreurs par omission d’une marque de nombre sont plus nombreuses que les adjonctions, quel que soit le niveau de scolarité ; 2/ que ces deux types d’erreurs diminuent de manière significative entre la fin de la scolarité élémentaire et la fin de la scolarité au collège ; 3/ que l’adjonction d’une marque de nombre reste cependant courante, y compris quand la cible est une forme en ?er ou un participe passé en ?é avec avoir ne requérant pas d’accord (Brissaud & Chevrot, 2000).

28Nous nous appuyons principalement dans cette section sur une étude longitudinale conduite au collège de la classe de 6e à la classe de 4e : nous avons proposé à 59 élèves de l’étude transversale le test utilisé par Brissaud & Chevrot (2000). Aucun de ces élèves n’avait redoublé. Le test se présentait sous forme d’un exercice à trous, comprenant 48 items mêlant imparfait, participe passé et infinitif [4].

29Nous nous intéressons dans un premier temps aux conditions de réalisation de l’accord, que celui-ci soit conforme à la norme (les portes étaient fermées, ils ont trouvé) ou non (ils ont *trouvés ; ils*trouvés au lieu de ils trouvaient). Le tableau 4 présente les taux d’omissions et d’adjonctions de marques rapportés au nombre total de formes produites par ces 59 élèves en 6e et en 4e quand la cible est l’imparfait (4 phrases), le participe passé employé avec l’auxiliaire être (10 phrases) et le participe passé employé avec l’auxiliaire avoir (9 phrases).

30En ce qui concerne l’imparfait, nous nous en tenons aux résultats concernant quatre phrases à la structure « nom pronom verbe » où le nom et le pronom sont de nombre différent, induisant ainsi un conflit d’accord : La grand-mère les regardait s’amuser ; Jacques les espionnait avec des copains ; Ses parents ne l’appelaient pas souvent ; Pierre et Sophie se la lançaient le plus fort possible. Les deux premières phrases (condition SP : sujet singulier et pronom pluriel) ont occasionné 38,1 % d’erreurs en 6e (33 des 45 erreurs ont consisté en une adjonction de marque) et 17 % en 4e (19 adjonctions sur les 20 erreurs relevées). Les deux autres (condition PS : sujet pluriel et pronom singulier) ont provoqué 33,9 % d’erreurs en 6e (31 omissions de marque de nombre sur 40 erreurs) et 25,4 % en 4e (29 omissions de marque du pluriel sur 30 erreurs relevées). Ces résultats sont consignés dans le tableau 4.

31La quasi-totalité des erreurs qui subsistent en classe de 4e consiste donc à omettre la marque de pluriel attendue lorsqu’un pronom objet singulier précède la forme verbale ou à en ajouter une quand c’est un pronom pluriel qui est antéposé. On retrouve à l’imparfait un phénomène d’accord par proximité bien établi au présent (Fayol & Largy, 1992). Entre la 1re et la 3e années du collège, la tendance à ajouter une marque de pluriel après un pronom objet pluriel diminue de manière tendancielle (28 % vs 16,1 % ; t (58) = 1.897 ; p = 0.06).
L’accord normé semble plus facile à réaliser en ce qui concerne le participe passé employé avec l’auxiliaire être. Les 10 items retenus ont provoqué 116 erreurs en 6e (dont 37 omissions et 5 adjonctions de pluriel) soit 19,7 % de graphies erronées et 79 erreurs en 4e (dont 17 omissions et 1 adjonction), soit 13,4 %. Contrairement à ce qui se passe pour l’imparfait, les omissions et les adjonctions de marques de nombre ne constituent pas l’essentiel des erreurs du fait de l’absence de pronom objet antéposé. Le pluriel attendu est donc mieux marqué qu’à l’imparfait et les taux d’omissions diminuent de manière significative en classe de 4e (t (58) = 3.016 ; p = 0.0038). Les taux d’adjonctions, très bas en 6e, n’en diminuent pas moins de façon tendancielle en 4e (t (58) = 1.657 ; p = 0.10).

Tableau 4

Omissions et adjonctions de marques de pluriel (rapportées au nombre total de formes produites). Étude longitudinale, 59 élèves

Tableau 4
Omission ?s ou ?nt Adjonction ?s ou ?nt Imparfait 6e 26,3 % 28 % 4e 24,6 % 16,1 % Participe passé employé avec être 6e 12,5 % 1,7 % 4e 5,8 % 0,3 % Participe passé employé avec avoir 6e 67,2 % 24,9 % 4e 55,4 % 19,3 %

Omissions et adjonctions de marques de pluriel (rapportées au nombre total de formes produites). Étude longitudinale, 59 élèves

32Enfin, les données longitudinales recueillies confirment la difficulté que représente l’accord du participe passé employé avec l’auxiliaire avoir pour les collégiens. En effet, la marque de nombre attendue (cas d’accord avec le COD antéposé) y est absente deux fois sur trois en classe de 6e et plus d’une fois sur deux en classe de 4e, comme on le voit dans le tableau 4. Plus que les récurrentes omissions de marque, nous soulignerons la propension qu’ont les élèves à utiliser une marque de nombre quand elle n’est pas requise, dans six phrases dont le sujet est au pluriel (par exemple Ils n’ont pas retrouvé leur balle ou La balle ? Ils ne l’ont pas rattrapée). Il apparait que ces adjonctions ne se font nullement au hasard mais qu’elles consistent à transmettre au participe passé les marques de genre et de nombre du sujet. Cette tendance explique 53,9 % des erreurs en classe de 6e et 56,1 % en 4e. Nous faisons l’hypothèse que les élèves surgénéralisent l’accord avec le sujet, caractéristique de l’emploi avec être (voir Fayol & Pacton ce numéro).

2.2 – Surgénéralisation de l’accord avec le sujet

33Comme on vient de le constater, la surgénéralisation de l’accord avec le sujet est une tendance très récurrente, déjà mise au jour dans la première étude transversale conduite de la 5e année primaire à la dernière classe du collège (Brissaud & Sandon, 1999 ; Brissaud, 1999 ; Brissaud & Chevrot, 2000). Les données transversales recueillies au Québec et en France permettent d’en préciser le développement entre la 3e année primaire (CE2 en France) et la 3e année du secondaire (4e du collège en France). Nous avons travaillé sur les 36 phrases du test (voir section 1.2) dont le sujet peut entrainer un accord marqué en genre ou en nombre : sujets féminin singulier (Capucine), masculin pluriel (les garçons) ou féminin pluriel (les filles). Rappelons que pour la moitié de ces phrases, la cible était ?er (Capucine doit analyser le problème) et ?é pour l’autre moitié (Capucine a rencontré un ami). Pour les deux cibles, nous avons comptabilisé les erreurs manifestant la généralisation d’un accord avec le sujet : adjonction de ?e avec le sujet Capucine, de ?s avec les garçons, de ?es avec les filles. Plus précisément nous avons comptabilisé les flexions ?ée, ?és et ?ées convergeant avec le nombre et le genre du sujet que la cible soit l’infinitif (Capucine doit *analysée le problème) ou le participe passé (Capucine a* rencontrée un ami).

Figure 2

Sélection de flexions ?ée, ?és et ?ées compatibles avec le genre et le nombre des sujets Capucine, les garçons, les filles

Figure 2

Sélection de flexions ?ée, ?és et ?ées compatibles avec le genre et le nombre des sujets Capucine, les garçons, les filles

34Une analyse de variance par sujet montre que l’effet du niveau scolaire, de la cible ainsi que leur interaction sont significatifs (F > 2.41, p < 0.03). Pour les deux cibles, l’évolution des valeurs selon le niveau évoque un patron de surgénéralisation en cloche. S’agissant de ?er (à gauche), le nombre de flexions ?ée, ?és et ?ées accordées avec le sujet augmente entre les niveaux N3 et N4 (F(1,615) = 9.72, p < 0.002), marque un plateau entre N4 et N7 (F(1,615) < 1.14, p > 0.28) puis diminue entre N7 et N8 (F(1,615) = 8.66, p < 0.004). Pour ?é (à droite), les tendances sont identiques : augmentation entre N3 et N4 (F(1,615) = 9.39, p < 0.002), plateau de N4 à N7 (F(1,615) < 3.2, p > 0.075) et diminution de N7 à N8 (F(1,615) = 4.0, p < 0.05). Par ailleurs, au niveau N3, l’accord à l’aide des flexions ?ée, ?és et ?ées semble aussi peu fréquent lorsque la cible est ?er (Capucine doit *analysée le problème) que lorsqu’elle est ?é (Capucine a *analysée le problème) (F(1,615) = 0.45, p = 0.50). Au niveau N4, les accords avec la cible ?é sont tendanciellement plus fréquents qu’avec la cible ?er (F(1,615) = 3.04, p = 0.08) ; cette différence devient significative de N5 à N8 ((F(1,615) > 5.20, p < 0.03).

35Il apparait donc très nettement que la tendance à sélectionner une forme verbale en ?é accordée en genre et en nombre avec le sujet augmente de la 3e à la 4e année primaire, se stabilise puis diminue entre la 3e et la 4e année du secondaire. Par ailleurs, la très grande probabilité que la cible ?er soit remplacée par la flexion ?é munie des morphogrammes ?s ou ?e suggère qu’il existe une dépendance entre la sélection du morphonogramme et la réalisation de l’accord.

3 – Les interactions entre contrainte d’accord et sélection du morphonogramme

36Nous avons vu la prévalence du morphonogramme ?é à partir de la 4e année primaire (section 1.2) et la récurrence de l’accord erroné avec le sujet (section 2). Nous allons maintenant préciser les interactions entre ces deux tendances par l’observation des erreurs produites sur la cible ?er dans le test proposé aux 621 élèves de France et du Québec.

37La dynamique de ces deux tendances est illustrée dans les figures 3a, 3b, 3c, 3d qui permettent de visualiser l’évolution des différentes erreurs en ?é (?é, ?ée, ?és, ?ées) ou autres (ait, ers, etc.) pour chacun des quatre sujets (Quentin, Capucine, Les filles, Les garçons). Dans chaque figure, chaque barre renvoie au nombre moyen d’erreurs d’un type particulier pour un niveau scolaire donné (max.= 6).

38Deux types d’erreurs très récurrents se détachent dans les histogrammes 3b, 3c et 3d : écrire la forme en ?é non marquée plutôt que l’infinitif (à gauche dans chaque histogramme) et la forme en ?é marquée du genre et du nombre du sujet (?ée en 3b, ?ées en 3c et ?és en 3d). Lorsque le sujet est Quentin (3a), la forme en ?é non marquée est celle qui correspond au genre et au nombre du sujet. Dans l’histogramme 3a, il était donc attendu qu’un seul type d’erreur domine : la flexion ?é. Pour les trois sujets Capucine, les filles et les garçons, la forme en ?é non marquée est très récurrente aux deux premiers niveaux de scolarité et diminue jusqu’au niveau 8 (t(212) > 4,437 ; p < 0.0001). Si maintenant on observe les formes en ?é marquées du genre et du nombre du sujet dans les graphes 3b, 3c, 3d, on constate une évolution très différente : elles sont marginales chez les plus jeunes (N3), montent en flèche aux niveaux 4 et 5 (t(209) < – 2,919 ; p < 0.0039), forment un plateau aux niveaux 5, 6 et 7 puis diminuent au niveau 8 (t(211) > 2,584 ; p < 0.0104). On retrouve évidemment la courbe de surgénéralisation de l’accord avec cible ?er commentée précédemment (section 2.2).

39La tendance à utiliser la flexion ?é sans marque de genre ou de nombre lorsque la cible est ?er diminue donc entre N3 et N8. Inversement, la tendance à utiliser les flexions ?é(es) marquées du genre et du nombre du sujet évolue en suivant un schéma de surgénéralisation. Cette opposition nous permet de trancher entre deux hypothèses explicatives sur le lien entre la flexion ?é et les marques d’accord.

40Selon une première hypothèse, la sélection d’un ?é autoriserait l’usage des marques ?e et ?s typiques du pluriel et du féminin. En quelque sorte, la flexion ?é donnerait aux scripteurs l’occasion d’utiliser les marques ?s et ?e, en réponse à leur tendance naissante à accorder la forme verbale avec le sujet. Si cette hypothèse était exacte, l’évolution de la distribution des marques ?ée, ?és et ?ées devrait suivre l’évolution des sélections de ?é. Nous venons de voir que ce n’est pas le cas.
Selon la seconde hypothèse, c’est au contraire la propension à accorder la forme verbale avec le sujet qui motiverait le choix de ?é chez les scripteurs. En effet, les scripteurs évitent les formes fléchies impossibles ou improbables, par exemple les formes ?ers (Brissaud & Chevrot, 2000). L’utilisation des formes fléchies en ?é(es) leur permet de ne pas enfreindre cette interdiction tout en satisfaisant à la contrainte d’accord. Nos données sont compatibles avec cette seconde hypothèse. En effet, la réponse ?é sans marque de genre et de nombre diminue de N3 à N8, alors que dans le même temps l’utilisation de ?é augmente de N3 à N5 lorsque cette flexion est munie de ?e ou de ?s marquant l’accord. Il semble donc que l’augmentation progressive de ?ée, ?és ou ?ées soit davantage liée à l’accord qu’à la seule propension à utiliser ?é pour transcrire /E/.

Figures 3, 4, 5 et 6. Évolution du nombre moyen (sur 6) des différents types d’erreurs avec les sujets Quentin, Capucine, les filles, les garçons (cible ?er)

figure im7

Figures 3, 4, 5 et 6. Évolution du nombre moyen (sur 6) des différents types d’erreurs avec les sujets Quentin, Capucine, les filles, les garçons (cible ?er)

4 – Conclusion

41Notre objectif était de préciser les étapes développementales de la production des formes verbales en /E/ chez les apprenants de 8 à 15 ans et en particulier l’interaction de grandes tendances repérées précédemment dans la sélection des graphies. Nous aboutissons à une séquence développementale claire : au niveau 3 (CE2), ?er est plus disponible que ?é chez une majorité d’élèves. Ceux-ci se trompent donc sur ?é qu’ils remplacent par ?er et ils réussissent ?er par défaut. À partir du niveau 4 (CM1), ?é devient plus disponible que ?er chez une majorité d’élèves et cette disponibilité augmente en même temps que le marquage de l’accord. En effet, l’importance numérique des erreurs en ?é porteuses d’un faux accord avec le sujet (Les garçons ont/vont *mangés) augmente aux niveaux 4 et 5, que la cible soit ?é ou ?er. Cette propension à l’accord avec le sujet peut expliquer que les élèves, à partir du niveau 4 (CM1), réussissent à accorder le participe passé employé avec l’auxiliaire être et aient des difficultés à ne pas l’accorder lorsqu’il suit avoir (Fayol & Pacton ce numéro). Parce qu’ils surgénéralisent l’accord, ils réussissent dans un cas et se trompent dans l’autre. Cette tendance à l’accord avec le sujet favorise la sélection de ?é lorsque la cible est ?er. En effet, dans le cas de cette cible, les erreurs en ?és, ?ée et ?ées compatibles avec le genre et le nombre du sujet (Les garçons vont *mangés) augmentent à partir de N4 alors que les erreurs en ?é sans marque d’accord diminuent. C’est un indice fort que l’accord entraine la sélection du morphonogramme ?é, qui a l’avantage de se combiner avec les marques de genre et de nombre ?e et ?s sans aboutir à une séquence improbable (mangers). De ce point de vue, il semblerait que les élèves recyclent une réponse phonographique, le ?é qui transcrit le phonème /e/, pour atteindre un objectif morphosyntaxique, la réalisation de l’accord. Cette procédure participerait au processus de morphologisation de la flexion ?é (Chevrot et al., 2003).

42Enfin, on observe un effet de l’orientation modale des verbes sur les erreurs (certains verbes apparaissant plutôt sous la forme ?er, d’autres plutôt sous la forme ?é dans les manuels de lecture) qui suggère une mémorisation d’instances (stockage global base + flexion). Cet effet se vérifie pour les deux cibles ?er et ?é aux niveaux 3 et 5 (CE2 et CM2) alors qu’il ne se vérifie chez les élèves de première du lycée que pour la cible ?er (Fayol et Pacton ce numéro). Ces résultats suggèrent que la sensibilité à l’orientation statistique du verbe diminuerait au fur et à mesure que s’affine la capacité de contrôle.

43Comment expliquer la disponibilité précoce de ?er ? On ne peut rejeter une explication statistique. En effet, si les flexions ?é(es) sont plus fréquentes que la flexion ?er dans les manuels du cycle 3 (3e à 5e année primaire) (Lété ce numéro), la représentation statistique des modes pourrait être inversée dans les manuels destinés aux plus jeunes. Une explication alternative serait que cette disponibilité manifeste une propension à sélectionner les flexions sur la base d’une information catégorielle, ?er étant associé au verbe.

44La montée en puissance de ?é à partir de la 4e année primaire pourrait être motivée par la fréquence de cette flexion. Comme on vient de le dire, les élèves de ce niveau rencontrent davantage de formes en ?é(es) que de formes en ?er. Nos données établissent toutefois que le succès de ?é résulte au moins en partie de la contrainte de l’accord et de sa généralisation.

45On peut se demander quel mécanisme sous-tend cette généralisation de l’accord. Nous voyons plusieurs possibilités. Soit l’accord résulte de l’application délibérée d’une procédure combinatoire, une éventualité compatible avec ce que disent les enfants dans les entretiens métagraphiques (« Pour les capturer, ils sont plusieurs c’est ?és », Brissaud et Cogis 2002). Soit on admet que le groupe nominal les garçons a activé ?és ; cette seconde solution est improbable car les séquences de type les garçons…és sont vraisemblablement peu fréquentes dans l’environnement écrit et leur co-occurrence a donc peu de chance d’être enregistrée. En l’état actuel de nos connaissances, les données ne permettent pas de trancher entre ces deux explications.
Une troisième hypothèse, semblable à la troisième voie évoquée au début de cet article, a le mérite de rendre compte de données provenant d’études et de domaines orthographiques différents. À force de rencontres de ils és, ils nt, les_s, pourrait se mettre en place un schéma général pluriel pluriel, qui transcenderait les catégories et expliquerait des erreurs aussi variées que il les *mangés, il les *mangeaient ou ils vont *mangés. En effet, c’est précisément au moment où le pluriel nominal est compris et où le pluriel verbal se met en place, en 4e primaire (Totereau et al., 1998), qu’on observe l’émergence de la tendance à réaliser l’accord entre le sujet et le participe passé employé avec avoir. Ce qui est généralisé par le système, ce pourrait bien être la capacité d’accord de gauche à droite, l’accord sujet-verbe étant un cas particulier de ce dispositif.

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Date de mise en ligne : 01/06/2010

https://doi.org/10.3917/lf.151.0074

Notes

  • [1]
    Lété (ce volume) souligne que la valeur de 0.03 correspond à un évènement linguistique très fréquent. Dans Manulex, c’est la probabilité de rencontre avec aime, classe, exercice, page.
  • [2]
    Nous remercions Nabil Hatout de l’aide apportée pour les opérations d’extraction et Bernard Lété de nous avoir permis l’accès à la base Manulex dès 1999.
  • [3]
    Par souci de concision, lorsque plusieurs tests F sont calculés dans une analyse, nous donnons la valeur minimale de F et la valeur maximale du p associé. Ainsi, pour cette analyse tous les F sont supérieurs à 24 et tous les p inférieurs à 0.000001.
  • [4]
    Pour plus de détails concernant cette étude, voir Jaffré & Brissaud à paraitre ; pour le test, Brissaud 1998.

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