Notes
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[1]
Le ministère signale que la correction des épreuves diffère entre 1987 où elle était assurée par les professeurs des élèves de l’échantillon et 2007-2015 où la correction a été réalisée par une équipe de correcteurs recrutés par la DEPP. La comparativité des résultats est à relativiser entre 1987 et les deux autres dates ; d’où notre choix de ne garder que les résultats de 2007 et ceux de 2015.
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[2]
Épigraphe de Condillac de la 3ème édition, datant de 1858, du Dictionnaire usuel de tous les verbes des frères Bescherelle.
-
[3]
C. Tisset explique que si l’on additionne toutes les formes de tous les temps et de tous les modes, on obtient un inventaire de six personnes à multiplier par treize formes, soit 78, auxquelles on peut ajouter six formes pour l’impératif et quatre formes pour les modes non personnels, soit 88 formes par verbe ! (1999 : 3).
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[4]
Dans cet article, les différents types de sujet sont nommés P1 (sujet « je »), P2 (sujet « tu »), P3 (la troisième personne du singulier), P4 (sujet « nous » ou équivalent), P5 (sujet « vous » ou équivalent) et P6 (la troisième personne du pluriel).
- [5]
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[6]
Ce relevé a été élaboré à partir des observations des élèves. Pour le sujet « tu » le -s est prégnant, mais cela sera à affiner avec le travail de croisement temps par temps (au futur, la marque -as devrait apparaitre avec une partie qui s’entend mais toujours le -s terminal non sonore).
1 La rentrée 2016 est marquée par la mise en application de nouveaux programmes pour l’école élémentaire et le collège (Ministère de l’Éducation nationale 2015). Ces instructions, pour le cycle de consolidation qui comprend les classes de CM1, CM2 et de Sixième (4ème, 5ème primaire et 1ère collège) marquent une évolution en ce qui concerne l’enseignement de l’orthographe du verbe. Il est demandé d’étudier le verbe en prenant appui sur des régularités et cette morphologie verbale est décomposée en radical – marque de temps – marque de personne. Cette approche en trois parties marque une rupture avec une vision plus classique qui isolerait d’un côté le radical et de l’autre la terminaison qui, sur le plan scolaire, est souvent abordée en amalgamant des marques au fonctionnement différent.
2 Dans cet article, nous proposons de décrire les activités pédagogiques mises en œuvre au sein d’une classe de CM2 en éducation prioritaire visant à l’apprentissage de l’orthographe du verbe en appui sur des pistes didactiques spécifiques (Gourdet et al. 2016). Notre choix est de décrire une pratique réelle afin d’alimenter la réflexion sur l’enseignement de la langue. La stratégie choisie est de dissocier et de travailler séparément les marques de personne et les marques de temps pour ensuite permettre aux élèves de comprendre et de recomposer cet assemblage d’éléments linguistiques. Le but est bien d’améliorer l’orthographe des verbes dans le cadre de l’écriture en production autonome, finalité langagière essentielle en bout de scolarité.
3 Le travail d’analyse, après avoir posé les fondements didactiques et linguistiques, portera sur une description des situations pédagogiques proposées en classe, sur la progression et les réflexions des élèves en situation de recherche. Nous interrogerons donc, de manière critique, l’enseignement de l’orthographe du verbe au regard de ces nouveaux programmes et des connaissances linguistiques actuelles en nous focalisant sur les marques de personne et de temps.
L’enseignement du verbe à l’école, quelle réalité ? Quels appuis didactiques ?
Une tentative d’état des lieux…
4 De toutes parts, on ne cesse d’entendre que le niveau des élèves baisse, que les élèves ont des difficultés en orthographe. Qu’en est-il réellement dans les écoles ? Pour répondre à cette question, nous nous sommes intéressés aux chiffres rendus publics par la note d’information du ministère de l’Éducation nationale concernant l’enquête Les Performances en orthographe des élèves en fin d’école primaire (1987-2007-2015) (cf. Andreu et Steinmetz 2016). Il s’agit d’une comparaison de résultats d’une même dictée proposée en 1987, 2007 et 2015 à des élèves de CM2. Les deux dernières études respectent un protocole identique tant au niveau de la passation que de la correction ; nous nous sommes donc focalisés sur ces résultats [1]. La question de la gestion orthographique des verbes conjugués en situation phrastique par des élèves de CM2 est posée. En huit ans, les scores de réussite de ces verbes ont baissé :
Évolution des scores de réussite orthographique de verbes conjugués, dictée proposée par la DEPP.
Score de réussite en 2007 | Score de réussite en 2015 | ||
Le soir tombait . | 63,5 % | 55,8 % | -7,7 |
Papa et maman, inquiets, se demandaient … | 49,4 % | 40,8 % | -8,6 |
[…], nous les verrons arriver… | 44,2 % | 34,9 % | -9,3 |
[…], le chien se mit à aboyer. | 80,2 % | 76,5 % | -3,7 |
5 Sans chercher un rapport de causalité direct, ces résultats élaborés à partir d’une dictée illustrent en partie une forme de disjonction dans la représentation du verbe (Meleuc 2002). En effet, les tableaux de conjugaison restent l’entrée dominante dans les pratiques des enseignants (Gourdet 2013b) et l’association « apprentissage du verbe – apprentissage de la conjugaison – apprentissage des tableaux » enferme le verbe dans le paradigme indissociable des pronoms de conjugaison éloigné des situations d’écriture et de lecture (Csécsy 1968). Cette présentation ne peut se substituer à la nécessité d’un travail de réflexion en situation phrastique en amont, notamment sur le sujet et sa relation au verbe conjugué. L’axe paradigmatique ne reflète pas la réalité de l’écrit qui renvoie à un axe syntagmatique, comme dans le cas de la dictée citée ici. De plus, ces tableaux ne représentent pas, non plus, la réalité de la morphologie des verbes (Blanche-Benveniste 2002 ; Lavieu-Gwozdz 2014) : comment dégager les emplois fréquents au sein de cette multitude de possibles ? Cette « irréalité » ne facilite pas la gestion du verbe et de son orthographe dans des situations d’écriture classiques. Ferdinand Brunot dans son cours professé à la faculté des lettres de Paris en 1908-1909 parlait de ces interminables tableaux de conjugaison, « un océan de formes où l’enfant se débat sans savoir à quoi sert tout ce matériel immense » (1911 : 4). Il est difficile d’expliquer ces baisses des scores de réussite, mais il semble urgent de réinterroger l’enseignement de l’orthographe du verbe.
6 La priorité de l’école est la réussite de tous les élèves ; il est indispensable de proposer des pratiques différentes plus à même d’aider tous les élèves et de leur permettre de construire leurs savoirs. Le but est de redonner aux tableaux de conjugaison leur rôle qui était initialement le leur : celui d’être un outil, un référent grammatical à utiliser dans le cadre d’une vérification et non un outil d’apprentissage comme l’écrivait Condillac : « Je ne conseille à personne d’étudier la conjugaison des verbes ; c’est de l’USAGE seul qu’il faut les apprendre » [2].
7 Tout semble indiquer que la méthode d’enseignement de l’orthographe du verbe traditionnellement pratiquée à l’école, avec une approche verticale des verbes conjugués, est à réformer. Face à une démarche de mémorisation décharnée qui se voudrait exhaustive mais guère efficiente « certains auteurs ont parlé du vertige de l’infini [3] face à l’impossibilité de maitriser les formes verbales » (David et Renvoisé 2010 : 65), il semble temps de réinterroger l’approche et l’apprentissage de la conjugaison à l’école.
Des appuis linguistiques et didactiques pour enseigner l’orthographe du verbe
Une description linguistique et didactique déjà ancienne
8 Nous n’avons pas la prétention de proposer une description complète et diachronique de la morphologie écrite des verbes, mais cette réflexion sur le plan linguistique est ancienne. La distinction entre une conjugaison de la langue écrite et de la langue parlée avait été proposée par J. Dubois et R. Lagane (1973) avec une classification en fonction des formes du radical qui, de fait réinterrogeait la classification traditionnelle par l’infinitif peu propice pour comprendre le fonctionnement orthographique des verbes. Ce rapport entre l’oral et l’écrit, qui est un principe didactique fondamental pour les élèves en situation d’écriture, est repris par J. Pinchon et B. Couté avec l’idée d’un système autour de sept classes de verbes (1981). Ces deux auteurs délimitent trois points noirs au regard du rapport code oral - code écrit : le présent de l’indicatif pour les désinences du singulier, le futur et le conditionnel des verbes en -ER et l’imparfait pour la transcription du [j] pour certains verbes avec les sujets NOUS et VOUS (le verbe crier par exemple). Nous nous appuyons également sur le travail de S. Meleuc et N. Fauchart qui présentent de manière explicite cette approche didactique du verbe conjugué sous la forme d’une séquence composée d’un radical, d’une désinence mode/temps et d’une désinence de personne (1999). Ils signalent également l’importance de la prise en compte des fréquences lexicales d’usage des verbes (Ibid.) car tout ne se vaut pas ; ce qu’un mémo de conjugaison ne peut indiquer.
9 En parallèle, P. Le Goffic, qui prend comme point de départ la forme orale pour décrire les formes conjuguées du verbe français, délimite six formes clés (1997). Celles-ci permettent de reconstruire l’ensemble des formes fléchies d’un même verbe. Pour générer toute la conjugaison, il faut connaitre P1, P4, P6 [4] au présent de l’indicatif, une personne du futur, une personne du passé composé et une personne du passé simple.
10 Au regard de ce demi-siècle, il semble que l’apport linguistique soit précis. Les pistes pédagogiques peuvent s’appuyer sur un ensemble de principes pour une réelle reconfiguration didactique tournée vers un apprentissage de la morphologie verbale plus efficace. Nous retenons ici l’importance du rapport oral-écrit (ce qui s’entend et surtout ce qui ne s’entend pas et qui doit être travaillé explicitement avec les élèves) et la décomposition des éléments qui constituent un verbe conjugué à un temps simple. Enfin, c’est avant tout la réflexion qui doit être privilégiée pour permettre aux élèves d’apprendre à comprendre le fonctionnement et à générer d’autres formes, l’enseignant devant s’appuyer sur ces descriptions pour adapter sa progression (Nadeau et al. 2014).
Des programmes qui marquent une rupture
11 L’heure semble venue de réfléchir différemment, de partir de l’élève et de ses conceptions, de ses connaissances comme de ses méconnaissances. L’enfant – et parfois même l’adulte – crée des formes verbales par analogie avec des formes qu’il connait. Il a, intrinsèquement, une vision horizontale de la morphologie du verbe. Il perçoit des points communs existants entre différentes formes de divers verbes de différents « groupes » : Qu’est-ce que vous disez ? Qu’est-ce que vous faisez ? La princesse buva un verre d’eau. Abondant en ce sens, le mot-clé des programmes de 2015 en orthographe du verbe est le mot régularité (Ministère de l’Éducation nationale 2015). Observer, réfléchir et dégager des régularités sont donc des principes à intégrer sur le plan pédagogique comme le préconisait déjà B. Couté, il y a 40 ans (1977).
12 Au cycle 2, l’accent est mis sur l’oral et la nécessité de travailler prioritairement les formes verbales via cette approche (Ministère de l’Éducation nationale 2015). C’est en transformant, en maniant les formes verbales, en changeant le temps, les personnes que l’oreille va se familiariser avec des éléments récurrents et réguliers tels que le [R] du futur, le [e]/[i] de l’imparfait, le [ Ↄ ] de la personne 4, etc.
13 Il sera également question dans ce cycle des apprentissages de la mémorisation de marques régulières liées à certaines personnes (-nt, -ons, -ez) suite à des séances de tri/classement en appui sur de la comparaison, mais également à des activités ludiques ou encore à certaines formes de dictées.
14 Dans le cadre d’une approche explicite et réflexive de la langue, l’enseignant de cycle 3 va devoir amener ses élèves à considérer un verbe conjugué à un temps simple en fonction de sa morphologie. C’est par un travail régulier d’observation et d’analyse que ceux-ci vont pouvoir construire cette représentation qui décompose le verbe en trois parties. La terminaison englobe deux marques au fonctionnement différent qu’il est indispensable de séparer. En effet, la marque de temps est liée à l’énonciation. Elle est spécifique au verbe en lien avec la temporalité, alors que la marque terminale de personne est avant tout liée au lien syntaxique avec le ou les mots qui assument la fonction sujet.
15 Cette décomposition du verbe en trois parties qui s’assemblent selon un certain ordre immuable aux temps simples a été présentée dans la classe sous la forme de trois pièces d’un puzzle :
Enseigner le verbe autrement dans une classe de CM2
16 Le travail au sein de la classe suit plusieurs étapes en appui sur une démarche de questionnement de la langue et de son fonctionnement. La première, incontournable, est l’observation et le relevé de formes verbales. La seconde étape consiste à analyser ces relevés, à les comparer pour en dégager les analogies, les points communs par un travail de tri/classement avec l’idée d’appréhender l’orthographe du verbe comme un système régulier (Roy-Mercier et Chartrand 2016). Un tableau de marques – en commençant par celles de personne puis de temps – voit le jour et évolue au fur et à mesure des séances et des mises en commun. Le point délicat pour l’enseignant est la constitution du corpus que les élèves seront amenés à observer. Le choix a été de le forger en utilisant les textes travaillés en classe. Ce relevé suppose en amont une maitrise didactique de la part de l’enseignant, car le but est d’élaborer son corpus en fonction des régularités les plus représentatives du fonctionnement visé.
17 Au niveau de la progression, le choix a été de privilégier les récits (à la 3ème personne) afin de faire émerger l’opposition entre des sujets à la troisième personne du singulier (ou P3) et à la troisième personne du pluriel (ou P6). Viendront ensuite le discours et ses déictiques.
18 Ce choix prend appui sur les lignes directrices proposées par M. Laparra (2010). En CM2, les élèves doivent apprendre à gérer les marques qu’ils n’entendent pas. Ils doivent être capables de distinguer la classe du nom de celle du verbe. Le fonctionnement de l’orthographe grammaticale doit être pensé en termes de régularité et certains apprentissages doivent être dissociés (les marques du nombre sont à aborder en premier). À notre niveau, le travail sur les formes verbales se focalise donc dans un premier temps sur les marques de personne, car elles sont terminales et bien souvent non sonores. Le travail sur les marques de temps généralement perceptibles à l’oral fait l’objet de séances de recherche ultérieures.
19 Le premier palier est bien l’opposition des marques du pluriel pour le nom et le verbe, opposition entre la troisième personne du singulier et la troisième personne du pluriel (Laparra 2010). Les formes sélectionnées qui permettront ensuite aux élèves de comparer et d’identifier les marques de personne sont des verbes conjugués aux trois temps simples « cibles » de l’école (présent, imparfait et futur de l’indicatif) avec des sujets variés et représentatifs de ce que l’on peut trouver en P3 et P6 : des groupes nominaux, des noms propres, des pronoms qui reprennent des groupes nominaux. Les verbes sélectionnés, mélangeant les différents infinitifs, sont issus des verbes les plus fréquents à partir de la liste de fréquence proposée par Éduscol [5].
Le travail sur les marques de personne
20 Pour identifier les marques de personne qui sont des marques finales, il est important de proposer des dispositions de formes qui emmèneront l’œil à s’attarder, non plus sur le début du mot comme il est de tradition mais sur sa fin en alignant sur la droite. Ce travail est à mener sur un corpus de verbes conjugués avec le même type de sujet qui mélangent des temps simples pour permettre l’identification des marques de personne. Le résultat, pour les élèves, est le suivant :
22 L’alignement des bandelettes sur la droite favorise la comparaison des marques terminales de personne. Cette activité permet de dégager des régularités avec des graphèmes spécifiques que sont ces marques de personne (ici le -nt).
23 La progression dans la classe de CM2 tient compte des attentes des instructions officielles et tient compte des régularités et des fonctionnements en situation phrastique. Elle est la suivante :
25 Cette progression qui prend appui sur le pluriel afin de distinguer les marques du nom et celle du verbe est une des lignes directrices avancées par M. Laparra (2010). La progression mise en place dans la classe prend en compte les régularités en lien avec les marques de personne (P6 > P3 pour gérer les récits à la 3ème personne et P4 > P5 > P2 > P1), mais elle est également adaptée aux besoins et projets d’écriture de ce CM2.
26 Au fur et à mesure des relevés des élèves, de leurs recherches sur ces marques et de leurs premières conclusions, des phases d’institutionnalisation permettent de poser des règles de fonctionnement par le biais d’affichages accessibles à tous, en reprenant les comparaisons et en dégageant les marques en fonction des différents types de sujets possibles [6]. L’analyse de leurs écrits est un moment privilégié pour structurer ces règles. À partir d’une phrase écrite en dictée, extraite par l’enseignante, les élèves doivent analyser l’erreur et la corriger en justifiant leurs choix :
Travail de correction et de justification des marques du verbe conjugué dans une phrase.
Travail de correction et de justification des marques du verbe conjugué dans une phrase.
27 La justification avancée par cet élève met en lien les marques possibles du verbe au pluriel en lien avec le sujet pronominal « elles ». L’explicitation proposée demanderait à être approfondie, mais elle offre déjà un appui réflexif intéressant pour l’enseignant.
28 Cette démarche suit une stratégie en appui sur trois paliers successifs : la perception d’erreurs orthographiques (avec l’étayage de l’enseignante), puis la proposition de solutions alternatives et enfin l’argumentation en recourant à un métalangage partagé (David 2010).
Le travail sur les marques de temps
29 Pour le travail centré sur les marques de temps, l’analyse a été réalisée sur des verbes conjugués déjà orthographiés dans les bandelettes (supra). La raison principale de ce choix est la nécessité d’avoir les marques de personne correctement orthographiées. Elles sont ensuite isolées (en les faisant colorier) pour permettre d’orienter la réflexion sur le reste du verbe conjugué et plus particulièrement sur les marques de temps. L’imparfait, par sa régularité pour l’ensemble des verbes, est le temps idéal pour commencer et comprendre le travail sur ces marques. Celui-ci constitue la dernière étape de ce processus d’analyse et de construction de la morphologie verbale écrite en appui sur les régularités et la décomposition du verbe. La synthèse se présente de la manière suivante :
La règle de fonctionnement pour les marques de l’imparfait (élaborée avec les élèves de CM2).
30 L’imparfait de l’indicatif et le futur simple sont les deux temps simples qui permettent d’affiner la décomposition des marques du verbe, de les identifier et de comprendre leurs fonctionnements. Il est important de rappeler que le présent de l’indicatif est spécifique puisqu’il n’a pas de marque de temps, il est donc à analyser dans un second temps pour comprendre qu’une des pièces du puzzle – celle du centre – n’a pas d’existence. Au regard de l’expérimentation menée avec les élèves, nous constatons une difficulté à identifier les marques de temps qui sont fondues à l’intérieur du verbe, et donc bien plus complexes à repérer que les marques de personne terminales. Cela doit faire l’objet de recherches à venir.
Conclusion
31 La mise en œuvre pédagogique proposée dans cet article s’appuie sur certains des cinq principes pour une reconfiguration didactique de l’enseignement de la morphologie verbale à l’école (Gourdet 2013a). Un de ces principes à travailler avec les élèves est la décomposition, la comparaison et l’identification des éléments qui composent un verbe conjugué. Il semble, au regard du travail mené dans cette classe de CM2, que le travail sur les marques de personne est très pertinent et permet aux élèves d’isoler, d’identifier et de comprendre ces marques terminales facilement repérables et très régulières. Cependant, cela suppose de lever quelques obstacles du côté des enseignants dont l’acceptation de manipuler ensemble des verbes conjugués à des temps simples différents. Cela semble, pour certains, complexe à surmonter, car l’imprégnation d’une entrée temps par temps est très prégnante. Cette démarche suppose de ne plus placer les tableaux de conjugaison comme l’entrée pédagogique pour aborder le verbe conjugué. Ce premier obstacle franchi, il n’en reste pas moins que l’analyse des marques de temps et leur distinction reste délicat. Les programmes sont peu explicites sur cette question et pourtant, au regard du travail mené en classe, il semble que la réflexion sur les marques de temps, qui suppose un changement d’angle par rapport aux désinences de personne, soit complexe. L’autre grande difficulté à surmonter pour les enseignants est la constitution du corpus qui suppose une anticipation en appui sur une réflexion et une connaissance précise du fonctionnement de la langue. En parallèle du travail sur les marques, la capacité à utiliser avec rapidité et efficacité les mémos de conjugaison – un savoir-faire spécifique à l’école – reste donc un véritable objectif d’apprentissage qu’il ne faut pas négliger.
Bibliographie
Références bibliographiques
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- DAVID, J. & RENVOISÉ, C. (2010). La morphologie verbale : repérer les complexités et les régularités. Synergies, 6, 61-75.
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- PINCHON, J. & COUTÉ, B. (1981). Le Système verbal du français. Paris : Nathan.
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Mots-clés éditeurs : morphologie verbale ; marque de temps ; marque de personne ; orthographe.
Mise en ligne 06/10/2017
https://doi.org/10.3917/lfa.198.0079Notes
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Le ministère signale que la correction des épreuves diffère entre 1987 où elle était assurée par les professeurs des élèves de l’échantillon et 2007-2015 où la correction a été réalisée par une équipe de correcteurs recrutés par la DEPP. La comparativité des résultats est à relativiser entre 1987 et les deux autres dates ; d’où notre choix de ne garder que les résultats de 2007 et ceux de 2015.
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Épigraphe de Condillac de la 3ème édition, datant de 1858, du Dictionnaire usuel de tous les verbes des frères Bescherelle.
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C. Tisset explique que si l’on additionne toutes les formes de tous les temps et de tous les modes, on obtient un inventaire de six personnes à multiplier par treize formes, soit 78, auxquelles on peut ajouter six formes pour l’impératif et quatre formes pour les modes non personnels, soit 88 formes par verbe ! (1999 : 3).
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Dans cet article, les différents types de sujet sont nommés P1 (sujet « je »), P2 (sujet « tu »), P3 (la troisième personne du singulier), P4 (sujet « nous » ou équivalent), P5 (sujet « vous » ou équivalent) et P6 (la troisième personne du pluriel).
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Ce relevé a été élaboré à partir des observations des élèves. Pour le sujet « tu » le -s est prégnant, mais cela sera à affiner avec le travail de croisement temps par temps (au futur, la marque -as devrait apparaitre avec une partie qui s’entend mais toujours le -s terminal non sonore).