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Article de revue

Arts plastiques et histoire des arts, identités et territoires disciplinaires

Pages 13 à 20

Notes

  • [1]
    Les propos de professeurs d’arts plastiques cités dans l’article sont tirés d’entretiens conduits dans le cadre d’une thèse en cours, sous la direction de Bernard Darras, université Paris 1 Panthéon-Sorbonne.
  • [2]
    Pierre Baqué, professeur des universités émérite, chargé de mission au HCEA, est l’auteur de plusieurs rapports et de projets officiels sur les arts et la culture à l’école, dont il a, pour une grande partie, assuré la mise en œuvre et le suivi.
  • [3]
    L’inspecteur pédagogique régional, du second degré.

1Cet article aborde l’enseignement de l’Histoire des arts au collège à partir du point de vue des arts plastiques. L’introduction de l’Histoire des arts, de par ses objectifs et son caractère transversal, pose de nouvelles questions sur les conceptions de l’approche des œuvres ainsi que sur le rapport aux savoirs artistiques. Ces questions touchent aux identités disciplinaires. En prenant appui sur des données recueillies lors d’entretiens avec des professeurs d’arts plastiques [1], nous avons tenté d’analyser leur propos sous l’angle des questions de territoire disciplinaire, de comprendre comment, entre position défensive et adhésion, ils perçoivent et analysent les difficultés mais aussi les bénéfices que cet enseignement présente pour eux et pour leurs élèves.

Approche théorique contre approche pratique ?

2 Pour comprendre de quelle manière l’introduction de l’Histoire des arts bouscule ou interroge le champ des arts plastiques, il faut commencer par envisager les positions respectives de l’une et l’autre à l’égard de la culture artistique et des modalités de son approche par les élèves.

3 S’agissant de l’Histoire des arts, les principes et objectifs visés ont été posés une première fois lors de la création de l’option au lycée qui précède de plusieurs années l’introduction en école élémentaire et au collège. P. Baqué [2], à qui revient cette initiative, précise :

4

J’avais déjà parlé d’histoire des arts dans mon rapport à Lionel Jospin en 1989 puis affiné le dispositif avec Jack Lang, de 1992 à 1993 en proposant les objectifs suivants : offrir un accès à l’art à tous les élèves que la question intéresse mais que, pour de bonnes ou mauvaises raisons, la pratique n’attire pas ; en conséquence, concevoir un enseignement thématique et transversal abordant simultanément une même problématique dans plusieurs arts : architecture, arts plastiques, arts appliqués, cinéma et audiovisuel, danse, musique, théâtre, en résumé, organiser un enseignement artistique et culturel pluri-, trans- et interdisciplinaire destiné à transgresser les cloisons, à créer du lien et du sens. (Baqué 2007 : 106).

5 En 1994, une quinzaine de lycées se portent volontaires pour l’expérimentation que P. Baqué qualifie de « l’une des plus innovantes et des plus originales ». Son mérite est, dit-il, de décloisonner, de « mettre fin à la traditionnelle monodisciplinarité » (Baqué 2007 : 107). Dans le même texte, P. Baqué laisse entendre qu’au-delà d’un choix supplémentaire d’option offert aux élèves, il s’agit de créer un espace qui saura prendre en charge une dimension que les enseignements artistiques existants ne parviennent pas à assurer, à savoir l’acquisition de savoirs historiques et culturels. L’introduction du rapport pour 2008-2009 du Haut Conseil de l’éducation artistique et culturelle (HCEAC) consacré à la place des arts à l’école va reprendre cette analyse. L’auteur l’applique non plus au contexte du lycée et du choix d’option pour des élèves volontaires, mais l’étend à celui de l’école et du collège et par conséquent aux enseignements artistiques obligatoires. De son point de vue, il faut dissocier les enseignements fondés sur la pratique de ceux qui ont vocation à transmettre des savoirs historiques et théoriques :

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La création d’un enseignement d’Histoire des arts pour tous les élèves marque une étape importante dans l’histoire de l’éducation artistique et culturelle. Elle signifie la fin de cette confusion qui existait dans l’école française entre la pratique artistique et l’acquisition d’un savoir théorique et historique » (Lockwood 2010 : 5)

7 Il faut noter que la pratique en tant que telle n’est pas remise en question, pas plus que sa présence dans le champ scolaire. Tout au plus peut-on considérer qu’il y a une part de méconnaissance sur ce que recouvre précisément le terme de pratique tel qu’il est défini dans les programmes d’arts plastiques.

8 L’enseignement des arts plastiques a élaboré une conception de cours qui articule de manière spécifique l’activité des élèves et les œuvres. Sans entrer ici dans trop de détails, nous dirons que ce qui caractérise cette construction est qu’elle place la pratique de l’élève au centre, mais que cette pratique est pensée principalement pour donner accès aux œuvres. Le terme de pratique ne désigne plus seulement le temps de réalisation d’une production, dessin, peinture, volume, etc. Il recouvre différents temps dont celui de la réalisation, le temps d’échange qui suit ainsi que celui de la confrontation de l’élève avec des références issues du champ artistique. Dans l’idéal, en plus d’un développement des capacités d’expression plastiques de l’élève, les situations de cours doivent créer les conditions d’une compréhension de la logique interne d’une œuvre ou de la démarche d’un artiste. On part du principe que faire l’expérience personnelle de notions, de questions ou de rapports formels permet à l’élève de se les approprier pour ensuite savoir les reconnaitre dans les œuvres et les démarches qui lui sont présentées. Qu’il saura ainsi mieux élucider le lien entre les intentions et les choix formels de l’artiste, comprendre ce qui dans les choix plastiques de l’artiste et siens propres fait sens et de quelle manière. Dans cette logique, les connaissances qui ne sont pas liées aux questionnements plastiques passent en second. Ce qui relève par exemple du contexte de production de l’œuvre présentée, ou sa mise en perspective avec d’autres œuvres ou démarches, ou encore les savoirs relatifs à l’Histoire de l’art sont considérés comme complémentaires mais non indispensables dans le contexte du cours. En accord avec cette conception, les professeurs d’arts plastiques sont nombreux à être convaincus que l’approche par le « faire » est seule susceptible de donner véritablement accès aux œuvres. Cela ne signifie pas qu’ils la considèrent comme devant être exclusive, mais qu’en l’absence de cette expérience, il manquerait une dimension fondamentale. Un professeur l’explicite ainsi au cours de l’entretien :

9

On apprend à recevoir en pratiquant, ça change le regard. Et franchement... si on ne fait pas l’expérience, je pense qu’il y a des choses qu’on ne peut pas comprendre. Je me suis toujours demandé, un historien d’art pur et dur, par exemple... poser un glacis ou décider d’un rapport de couleurs, c’est juste difficile et si on n’a pas essayé une fois, comment on va sentir ça ?

10 Les professeurs sont nombreux à considérer que les savoirs théoriques et historiques sont nécessaires pour aller plus loin, mais que dans le peu de temps dont ils disposent, il convient d’aller à l’essentiel.

Diversité des formes d’affirmation de l’identité disciplinaire

11 Dans ce contexte, les premières réactions à l’introduction de l’Histoire des arts « contrastées et assez largement hostiles » (Baqué 2007 : 106) pour l’enseignement au lycée avaient des chances de rencontrer des réactions identiques au collège. Dans un article du journal Le Monde, la présidente de l’association des professeurs d’arts plastiques brandit le spectre d’une disparition programmée des arts plastiques :

12

L’objectif est clair : faire disparaitre notre discipline de l’Éducation nationale (...) On confie l’histoire des arts à tous les profs, les pratiques artistiques à des intervenants extérieurs, on multiplie les partenariats avec les collectivités territoriales... Le plan d’attaque est prêt. Ensuite, on pourra conformer les élèves à l’industrie culturelle locale. Pour preuve, insiste-t-elle, la nouvelle épreuve d’enseignement artistique proposée au brevet. Selon le BO du 8 mai, les élèves pourront « valoriser une pratique personnelle, développée dans ou en dehors de l’école ». (Salamand 2008)

13 Cette prise de position défensive est caractéristique d’une association professionnelle prompte à interpréter les évolutions en termes d’atteintes aux acquis et d’intentions inavouables de l’institution à l’égard de la discipline. Si la radicalité du propos est loin du ton employé par les professeurs en général, il faut cependant noter qu’elle reprend des inquiétudes toujours présentes dans le champ de la discipline et que l’histoire institutionnelle des arts plastiques a contribué à installer. Cette histoire est souvent présentée comme une succession de luttes pour une légitimité difficilement acquise, toujours susceptible de remises en question au gré des décisions institutionnelles et politiques. Les enseignants citent à titre d’illustration le temps qu’il a fallu pour un alignement de leur temps de service. Au moment de la création de la discipline et jusqu’en 2001, les enseignants des deux disciplines, arts plastiques et éducation musicale, devaient un temps devant élèves supérieur à celui des enseignants des autres domaines. L’une des justifications de cette différence était la part moindre du travail périphérique à la présence devant les élèves, à savoir moins de préparations de cours, moins de corrections de devoirs. Que l’institution évalue comme inférieure la charge de travail soulevait dans la foulée la question de la reconnaissance de la discipline et de ses acteurs, de la place qu’elle était disposée à lui accorder. Passé depuis au rang des souvenirs, cet épisode reste symbolique de l’énergie que les acteurs ont le sentiment de devoir dépenser au quotidien pour s’assurer une place légitime. Chaque changement, chaque évolution le réactive. Que le danger soit réel ou appartienne à un imaginaire de la discipline nous importe peu ici. Nous l’évoquons pour la part que le sentiment d’être dans une position exposée occupe dans les points de vue des acteurs.

Les points de vue des professeurs

14 Les réflexions qui suivent sont issues d’une série d’entretiens compréhensifs conduits avec trente professeurs. Les entretiens ne portaient pas exclusivement sur l’Histoire des arts mais sur le métier de professeur d’arts plastiques et son vécu au quotidien. Parmi les personnes rencontrées, onze professeurs se sont exprimés sur l’Histoire des arts ; ce sont leurs propos qui sont ici pris en compte. Ils se sont exprimés sur les changements que l’introduction de l’Histoire des arts a occasionnés, sur leur accord ou désaccord avec les modalités d’enseignement et d’évaluation, leurs perceptions du travail d’équipe et de la complémentarité entre professeurs de différentes disciplines.

15 Dans leurs propos nous avons pu constater la diversité des formes prises par la défense de l’identité disciplinaire. L’affirmation de la spécificité des arts plastiques en est l’expression la plus fréquente. Certains professeurs expriment une réserve quant à la manière dont les œuvres sont abordées par les professeurs des autres disciplines, susceptibles d’instrumentaliser les œuvres. Instrumentaliser, c’est ne pas prendre l’œuvre en compte dans sa dimension artistique mais pour son contenu narratif ou documentaire par exemple. Un professeur s’inquiète de ce qui constitue pour lui une autre dérive : « ils appellent Histoire des arts l’analyse de documents ; je ne veux pas des bagarres internes, mais c’est souvent de l’analyse de documents resitués dans l’histoire, et puis ce n’est pas toujours de l’Histoire des arts, ils font de l’Histoire des arts avec des affiches, des objets du quotidien... ».

16 La légitimité des autres disciplines n’est mise en cause explicitement que par un professeur, de manière très directe : « je pense que nous sommes les grands spécialistes de l’enseignement de l’Histoire des arts parce que nous sommes les seuls à être évalués et recrutés sur nos compétences en Histoire de l’art, ce qui n’est pas le cas des collègues d’histoire, de français... ».

17 Les autres professeurs sont plus nuancés dans leurs propos et soulignent la complémentarité entre professeurs des différentes disciplines. Plusieurs expriment leur intérêt à travailler en équipe et à pouvoir développer les aspects théoriques et historiques.

18 Lors de l’entretien, nous avons interrogé les professeurs sur les éventuels changements qu’ils avaient pu constater du fait de l’introduction de l’Histoire des arts. Aucune précision sur la nature des changements n’avait été donnée, il leur appartenait de situer leur réponse comme ils le souhaitaient, que ce soit dans le cadre de leur pratique d’enseignement, des apprentissages des élèves, des relations avec les collègues ou encore de développer tout autre point qui leur semblait important. Cinq professeurs ont répondu qu’ils n’avaient rien modifié à leurs pratiques et contenus d’enseignement ; de notre point de vue, leurs réponses témoignent à leur manière d’une stratégie de défense. Affirmer que tout était déjà contenu dans les modalités d’enseignement d’arts plastiques revient à dire que l’Histoire des arts n’apporte rien aux arts plastiques : « le fait est qu’en arts plastiques on faisait déjà de l’Histoire de l’art, on l’a toujours fait, donc ce n’est pas nouveau pour nous. Maintenant, que nos collègues se sentent interpelés, se joignent à des regards croisés, sur des œuvres, et bien c’est merveilleux ».

19 Dans une logique un peu différente, un professeur souligne qu’il n’a rien eu à modifier parce qu’il a toujours apporté des précisions biographiques, historiques, demandé des recherches aux élèves en complément des approches d’œuvres liées à leurs productions. Il avait donc anticipé, compensé à sa manière les manques que l’Histoire des arts prétend combler. Un autre s’exprime sur un mode qui ressort davantage d’une forme de résistance et minimise le caractère de nouveauté : « pas de changements ! Au bout du compte, en sixième, on aura traité l’objet, on aura travaillé toutes les notions qu’on travaillait avant, ça ne va pas changer grand chose. La dimension Histoire des arts, ce que nous a d’ailleurs dit l’IPR [3], c’est juste qu’il faudra les habituer à avoir de temps en temps un petit questionnaire sur ce qu’ils ont vu ».

20 La surprise a été pour nous de constater que le positionnement défensif ne se rencontrait pas que chez les professeurs mais pouvait se retrouver dans les prises de position de représentants de l’institution que sont les inspecteurs.

21 Un aspect saillant des entretiens concerne la place de la discipline dans l’institution et la reconnaissance du professeur au sein de l’établissement. Dix professeurs font état d’une évolution positive de la perception de la discipline dans l’établissement, le onzième étant seul à exprimer un avis opposé. Il est également seul à placer son avis sur le plan général de la place donnée aux arts plastiques dans le système éducatif, les autres professeurs ne se prononçant que sur le niveau local de leur établissement. Du point de vue de ce professeur, non seulement l’image de la discipline n’a rien gagné mais elle a perdu du terrain. L’existence d’une évaluation au brevet est pour lui révélatrice : « Nous, on existe depuis plus de trente ans et on n’a pas d’épreuve au brevet et c’est l’Histoire des arts qui l’emporte, ils ont une épreuve orale. (...) Si on considère ce qu’un élève devrait savoir ou connaitre, les notions de base, et aussi la valeur qui est donnée à notre discipline, le peu de temps dont on dispose, c’est injuste ».

22 S’agissant de la perception des arts plastiques et de son travail dans l’établissement, l’avis également négatif portait sur l’absence de poids des arts plastiques et l’inexistence du travail d’équipe.

23 Dix professeurs constatent une évolution positive de la perception de la discipline dans leur établissement. « Sur mon enseignement ça n’a rien changé ; je continue d’apporter la culture artistique en fin de production, j’oriente les sujets de manière à ce que les travaux des élèves s’intègrent dans la problématique retenue. Ce qui a changé c’est l’importance qu’on accorde dorénavant aux arts plastiques. » Cette importance est liée à une nouvelle visibilité de leurs compétences du fait du travail d’équipe. Pour certains elle apporte des corrections bienvenues au « flou artistique » de leur image de professeur « ça nous donne beaucoup de travail, mais au regard des autres collègues... sinon on a un peu l’impression que pour certains peut-être on fait un peu... juste des choses avec les mains... c’est peut-être bête mais maintenant que je suis coordinatrice, on voit qu’il faut une certaine rigueur aussi, en plus des connaissances ».

24 L’évolution vaut également pour les élèves, leur manière de considérer le professeur et la discipline « je suis coordonnatrice aussi de la discipline, les élèves savent que s’il y a une question c’est vers moi qu’il faut se tourner ». Un autre raconte « j’ai des élèves qui viennent me dire “Ah ! Enfin on apprend des choses !” parce que souvent les arts plastiques c’est riche, on s’exprime, mais il faut un cadre et c’est important, les savoirs ».

25 Dès lors qu’ils abordent plus précisément le travail fait en cours, les avis sur les aspects positifs et négatifs varient beaucoup d’une personne à l’autre. Les propos mêlent les considérations sur les conditions d’exercice, des réserves sur les moyens disponibles, des questions sur les attentes des élèves. Un professeur qui souligne par ailleurs son adhésion au projet de l’Histoire des arts, s’agace : « j’ai une très haute opinion de la mission de l’enseignant en général, sauf que je constate qu’on nous donne des missions, mais on nous envoie au front avec des sandales et un pistolet à bouchons ».

26 Un point sensible et évoqué par tous est le manque de temps. Le constat que le cours d’arts plastiques n’assure pas l’accès aux savoirs historiques et théoriques est reconnu comme fondé mais comment y remédier, sans comprimer le temps déjà trop court à consacrer à la pratique ?

27 Les professeurs qui ont modifié leur pratique ont souvent introduit de nouveaux outils, cahier, fiche de recherche sur un artiste, frise chronologique, etc. Certains ont ménagé des temps spécifiques, prenant sur celui de la pratique. D’autres tentent de tout « faire tenir », non sans rencontrer quelques difficultés ; il ne va pas toujours de soi de préserver la nature de la pratique tout en traitant le thème ou la période historique choisis en Histoire des arts, comme l’exprime ce professeur : « comment je vais aller faire travailler Otto Dix par rapport aux arts plastiques...?, parce que moi je ramène toujours à la pratique ».

28 Les professeurs se posent des questions sur la manière dont les élèves perçoivent les outils, les temps de théorie ou d’évaluation des connaissances. Les avis sont contrastés sur tous les points. Un professeur explique que les élèves sont déroutés et frustrés de ne pas pratiquer et de devoir écrire en arts plastiques également. Un autre souligne combien les élèves sont satisfaits que dans ce cours aussi, on apprenne quelque chose d’identifiable. L’écart est important entre ceux qui expriment leur incertitude sur les effets de ce qu’ils décrivent comme une « scolarisation » et ceux qui la saluent. Instaurer un cahier en arts plastiques ne va pas de soi dans un champ disciplinaire qui s’est construit comme un espace à part. Un professeur a relaté son entretien avec une conseillère d’arts plastiques venue le voir dans sa classe « elle m’a dit : “les arts plastiques c’est du non scolaire dans le scolaire. Vous, vous faites trop scolaire” je lui ai dit : “en même temps on est à l’école, que je fasse du scolaire, ça ne me choque pas outre mesure”. D’ailleurs les élèves sont très contents que les arts plastiques ressemblent, un peu, aux autres matières ». Ce dialogue illustre bien les tensions dans lesquelles les professeurs se trouvent pris et nous ramène aux questions identitaires. Les arts plastiques ont construit leur position dans le champ scolaire sur l’idée d’une différence de nature et de méthode liée à leur dimension artistique. Le caractère « non scolaire » présente des avantages et des caractéristiques auxquels les professeurs sont attachés, notamment l’absence de pressions liées à l’orientation, des modes de travail spécifiques, un mode de relation avec les élèves caractéristique des enseignements artistiques. Les inspecteurs généraux du groupe des enseignements artistiques le soulignent dans le cadre d’une étude sur la perception de l’utilité de ces enseignements.

29

L’inventaire de ce que chacun énonce sur les avantages des arts ferait de ces enseignements une sorte de lieu mythique où tout serait plus libre, plus actif et plus heureux, mais dans le même temps, peut-être pour payer le tribut nécessaire, ils ne pourraient avoir de poids dans les décisions « sérieuses » concernant l’orientation des élèves et leur réussite. (Inspection générale de l’Éducation nationale 1999 : 6)

30 Les réserves ou l’adhésion des professeurs au projet de l’Histoire des arts sont à lire sous cet éclairage d’une tension entre d’une part, la volonté et le besoin de reconnaissance en tant qu’enseignants d’une discipline scolaire à part entière et de l’autre, l’affirmation et la préservation d’une différence.

31 L’Histoire des arts fait faire un pas de plus vers le scolaire. C’est un pas dont les professeurs reconnaissent les bénéfices potentiels tout en appréhendant une perte. L’équilibre est difficile à trouver. Les entretiens montrent que localement, au sein des équipes, il est possible. Ils montrent aussi la diversité des paramètres qui entrent en jeu et qui vont au-delà des compétences respectives des professeurs dans leur domaine disciplinaire.

Bibliographie

Références bibliographiques

  • • BAQUÉ, P. (2007). 40 ans de combat pour les arts et la culture à l’École 1967-2007. Paris : L’Harmattan.
  • • INSPECTION GÉNÉRALE DE L’ÉDUCATION NATIONALE (1999). La place des enseignements artistiques dans la réussite des élèves (1996-1997). Rapport des IGEN du groupe des enseignements artistiques. Bulletin officiel de l’Éducation nationale, aout 2007. Paris : MEN.
  • • LOCKWOOD, D. (2010). La place des arts dans l’enseignement. Rapport d’activité pour 2008-2009. Haut Conseil de l’Éducation artistique. Paris : La Documentation française.
  • • MINISTÈRE DE L’ÉDUCATION NATIONALE, [www.education.gouv.fr/cid1937/la-place-des-enseignements-artistiques-dans-la-reussite-des-eleves.html].
  • • SALAMAND, D. (2008). Confusion autour de l’enseignement de l’Histoire des arts à l’école. Le Monde, 13 mai 2008,[www.lemonde.fr/culture/article/2008/05/13/confusion-autour-de-lenseignement-de-l’histoire-des-arts-a-lecole_1044310_3246.html].

Notes

  • [1]
    Les propos de professeurs d’arts plastiques cités dans l’article sont tirés d’entretiens conduits dans le cadre d’une thèse en cours, sous la direction de Bernard Darras, université Paris 1 Panthéon-Sorbonne.
  • [2]
    Pierre Baqué, professeur des universités émérite, chargé de mission au HCEA, est l’auteur de plusieurs rapports et de projets officiels sur les arts et la culture à l’école, dont il a, pour une grande partie, assuré la mise en œuvre et le suivi.
  • [3]
    L’inspecteur pédagogique régional, du second degré.
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