Notes
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Ce travail s’inscrit dans le programme de recherche « Régulation de l’hétérogénéité linguistique en contexte multiculturel » de l’Action de recherche concertée 04-09/319 financée par la Communauté française de Belgique.
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[1]
En Belgique francophone, il n’existe pas d’enseignements bilingues transitionnels, contrairement à la Belgique néerlandophone. En revanche, les enseignements bilingues par immersion, à tous les niveaux de la scolarité, autorisés seulement depuis 1998 sont en expansion. Les seules langues autorisées sont cependant le néerlandais, l’allemand, langues officielles en Belgique à côté du français, et de l’anglais. Les langues de l’immigration ne font donc pas partie des langues pouvant être enseignées par immersion. Par contre, après des initiatives ponctuelles et partielles, entre 1996 et 2006 les langues d’origine ont bénéficié d’un cadre officiel spécifique pour les élèves migrants (cours LCO). Ce cadre est fourni par les deux chartes de partenariat successives, dont la deuxième s’est terminée en 2006 (la suite ne semble pas encore définie). Ces chartes établissent des accords officiels entre la Communauté française et les principaux états d’origine et prévoient que l’on enseigne, aux enfants issus de ces communautés et dans les écoles qui en font la demande, l’arabe littéraire, l’italien, le turc, le grec et le portugais (pour plus d’informations, voir S. Lucchini, 2006).
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[2]
En Belgique francophone, au niveau primaire, dans le cadre de l’enseignement ordinaire destiné à tous cette fois, cinq projets d’Éveil aux langues se sont développés à titre expérimental, suivis en 2005 par une décision de poursuite de l’expérience, ce qui devrait donner lieu à une expansion du programme dans les années à venir (C. Blondin & C. Mattar, 2006). Parallèlement, l’espagnol et l’italien sont offerts à tous à l’intérieur du curriculum ordinaire de l’enseignement secondaire comme langues étrangères à option. Selon les données du SIEP (2005), en Belgique francophone, pour l’année 2005-2006 et dans le troisième degré de l’enseignement secondaire général (où l’offre de langues est la plus étendue), l’espagnol est enseigné dans 151 écoles, tandis que l’italien ne figure comme langue à option que dans 15 établissements scolaires. Toujours en 2005, aucune autre langue (si on ne considère pas, bien entendu, les deux autres langues officielles – néerlandais et allemand – de la Belgique et l’anglais) n’est proposée dans le cadre de l’enseignement secondaire, même si rien ne ferait obstacle, d’un point de vue légal, à l’augmentation de l’offre des langues à option.
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[3]
http://portal.unesco.org/culture/fr/ev.php-URL_ID=29260&URL_DO=DO_TOPIC&URL _SECTION=201.html
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[4]
Des exemples de mélanges linguistiques avec le français sont décrits dans S. Lucchini (2002 et 2005), en ce qui concerne des locuteurs italiens immigrés à Bruxelles, dans J. Hatungimana (2004), chez des locuteurs de langue kirundi au Burundi, et dans A. Marbrour (2003) pour des locuteurs arabophones au Maroc.
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[5]
Cette question est notamment apparue lors du symposium « La gestión del multilingüísmo : ¿ Qué futuro para los idiomas indígenas minorizados ? », organisé le 12 et 13 avril 2007 à Bruxelles par P. Hambye, T. Laime & S. Lucchini, dans le cadre du Ve Congrès du CEISAL.
1 Dans les pays où l’immigration a été importante, l’enseignement des langues et cultures d’origine (LCO) continue à susciter des débats entre ceux qui le soutiennent et ceux qui s’y opposent, sans que des innovations réelles dans les pratiques et les politiques d’enseignement n’aient vu le jour ces dernières années, du moins en Belgique francophone. Les raisons évoquées par les partisans et les opposants des cours de LCO mettent en avant des avantages espérés ou des craintes d’effets négatifs, sur le fond d’une vision politique implicite ou explicite quant à l’intérêt d’une société multilingue et multiculturelle, avec des variations selon les langues considérées. Entre les attentes, ou les craintes, et les effets escomptés au niveau de la société, il existe toutefois un espace où prennent place les objectifs assignés à ces cours, le plurilinguisme particulier qui caractérise la population d’origine immigrée, et l’articulation entre les deux. Notre contribution, qui se situe dans la lignée de travaux entamés il y a vingt ans déjà (voir L. Dabène, 1990), souhaite approfondir les conditions de réalisation des objectifs fixés par l’enseignement des LCO compte tenu de la spécificité sociolinguistique de l’immigration, en Belgique francophone en particulier. Dans une première partie, nous allons commencer par revisiter brièvement, et déjà de façon critique, les objectifs de l’enseignement des LCO selon les différentes formes qu’il a prises au fil du temps (des notes vont faire référence à un état des lieux en ce qui concerne la Belgique francophone). Ensuite, nous nous attacherons à mettre en évidence des inadéquations possibles entre ces objectifs et le contexte sociolinguistique, pour enfin poser la question en termes de conditions d’enseignement*.
Les objectifs de l’enseignement des LCO
2 On considère encore aujourd’hui (S. Lucchini & S. El Karouni, 2006) que l’enseignement des LCO peut représenter un moyen de prévenir les difficultés scolaires qu’éprouvent des élèves issus de l’immigration et parlant en famille des langues minoritaires, difficultés qui ont par exemple été relevées dans les deux dernières enquêtes internationales PISA (cf. OCDE, 2006). Les difficultés linguistiques de ces élèves bilingues semblent contredire les résultats de nombreuses études qui montrent que le bilinguisme est générateur d’avantages pour l’acquisition des langues, et à fortiori de la langue commune (C. J. Ovando & V. Collier, 1998 ; J. Cummins, 2000). Cependant, les études d’E. Bialystok (1988) montrent que le bilinguisme est susceptible de générer des avantages seulement lorsque les deux langues sont littéraciées. Ces recherches peuvent donc expliquer les mauvaises performances des élèves qui parlent des langues familiales non enseignées à l’école et suggèrent que l’enseignement de ces langues serait bénéfique pour l’acquisition de la langue commune aussi.
3 Du point de vue théorique, J. Cummins (J. Cummins & M. Swain, 1986) fonde ce rôle transitionnel de la langue première par l’hypothèse de l’existence d’un seuil de base de connaissances de cette première langue pour que la seconde langue soit apprise sans difficulté, et d’un deuxième seuil qui devrait être franchi pour que les avantages du bilinguisme se manifestent. Si le premier ou deuxième seuil de connaissances de la première langue n’est pas atteint, la conséquence logique est que la langue d’origine doit être renforcée pour que des effets sur la langue seconde apparaissent (grâce à l’interdépendance des langues). Or l’enseignement dans les langues d’origine permettrait aux enfants qui les parlent de poursuivre le développement de leurs compétences orales et écrites dans la langue qu’ils connaissent déjà, pour que l’acquisition de la langue commune se fasse grâce aux acquis en langue première. Alors qu’au départ ces théories avaient été à l’origine de la création des enseignements bilingues transitionnels (dans ce cadre, seuls les enfants de la minorité commencent leur scolarité en langue d’origine, et celle-ci disparait au fil des années laissant la place à la langue commune), il est précisé dans des études ultérieures (J. Cummins, 2000) qu’il est opportun que l’apprentissage de la langue commune soit précoce pour que le temps d’acquisition soit suffisant. En mode mineur, les cours des LCO destinés aux enfants issus de l’immigration ont aussi comme objectif de soutenir l’apprentissage linguistique tout au long de la scolarité, faute d’enseignements proprement bilingues [1].
4 En deuxième lieu, l’enseignement dans les ou des LCO vise l’ouverture au plurilinguisme pour tous, grâce à leur utilisation comme médium ou contenu d’enseignement (enseignements bilingues et cours de langues « classiques ») ou comme moyen de sensibilisation et de développement de processus langagiers – métalinguistiques – favorisant l’acquisition des langues (par exemple, par des activités d’Éveil aux langues – cf. M. Candelier, 2003) [2]. Nous ne sommes plus dans des pratiques scolaires de compensation mais d’enrichissement (pour reprendre les catégories de V. Collier, 1998).
5 L’écart constaté à plusieurs reprises (L. Dabène, 1990 ; M. Timaltine, 1997a ; S. Lucchini, 2002, 2005, 2006) entre les langues d’origine réelles, régionales bien souvent, et les langues standard enseignées dans les pays d’origine et en contexte migratoire a rendu et continue de rendre difficilement réalisables ces objectifs linguistiques. D’une part, nous pouvons légitimement mettre en question le rôle compensatoire et transitionnel d’une langue standard qu’on ne parle pas. D’autre part, en ce qui concerne l’objectif du plurilinguisme, nous pouvons nous demander quelle motivation pousserait les élèves tout-venants à apprendre des langues régionales, même si celles-ci peuvent en effet être incluses, avec d’autres, dans des activités plurilingues comme celles prévues par l’Éveil aux langues.
6 Les objectifs des enseignements LCO ne se limitent pas aux aspects linguistiques. Ils visent également le renforcement des identités, encore une fois dans un double but : celui de prévenir les difficultés scolaires par la réduction de la violence symbolique due à la non-reconnaissance de l’altérité ( « La reconnaissance des langues et cultures d’origine des élèves est une des conditions de leur intégration […] », M.-M. Bertucci & C. Corblin, 2004 : 20) et celui de parvenir à la constitution d’une société pluriculturelle fondée sur le respect des altérités qui la composent. Les linguistic human rights promus par T. Skutnabb Kangas (T. Skutnabb Kangas & R. Phillipson, 1995 ; T. Skutnabb Kangas, 2000) défendent l’enseignement dans la langue de chacun comme un droit inaliénable, la langue étant l’un des aspects des identités à soutenir et à valoriser.
7 En effet, l’enseignement dans ou de la langue d’origine comme moyen de valoriser l’appartenance ethnique des enfants des minorités est incontestable : si on enseigne une langue, ou dans une langue, c’est qu’on lui attribue de la valeur. Cependant, le lien « par essence » entre langue et identité fait aujourd’hui l’objet d’une mise en question : « La plupart des approches sociologiques et sociolinguistiques de l’identité semblent s’accorder aujourd’hui sur l’idée que l’attachement à une langue ou à une culture ne repose pas sur des propriétés essentielles ou substantielles. La vision contemporaine des identités individuelles et collectives insiste sur le fait que celles-ci se construisent de façon dynamique, au sein de configurations sociales particulières, historiquement situées » (P. Hambye & J.-L. Siroux, à paraitre). C’est ce qui explique que certaines conditions d’enseignement des LCO ne semblent pas produire les effets valorisants escomptés. C’est notamment le cas des systèmes bilingues transitionnels, dont nous avons parlé précédemment, comme le notent V. Collier & J. Crawford (1998), et qui sont implicitement une dévalorisation des langues minoritaires, puisque le fait qu’on ne les enseigne qu’aux élèves issus des communautés immigrées, et qu’elles disparaissent au fur et à mesure de la scolarité, signifie d’une certaine manière qu’elles sont inutiles à l’ensemble de la population (peut-on considérer comme valorisant l’apprentissage d’une langue inutile ?). Les cours de LCO aussi, qui accueillent uniquement des enfants issus de l’immigration, peuvent générer une même disqualification des langues d’origine, parce que leur statut serait en quelque sorte de deuxième catégorie par rapport aux langues qui sont enseignées à tous les élèves dans les établissements scolaires officiels. Les seuls enseignements valorisants seraient dès lors, à nouveau, ceux qui sont destinés à tous.
8 Cette brève présentation met déjà l’accent sur des conditions nécessaires afin que les enseignements proposés puissent atteindre ce qu’on en attend, à savoir un avantage pour les enfants, qu’ils appartiennent ou non aux communautés minoritaires : que les langues d’origine soient enseignées aussi dans leur forme écrite et que cet enseignement soit adressé à tous de manière à ce que les langues soient offertes à valeur égale, sans hiérarchisation implicite. Ces deux conditions en appellent encore d’autres, qui dépendent de contextes sociolinguistiques complexes et que nous tentons de présenter dans la partie qui suit.
De quoi parlons nous ?
9 L’enseignement LCO suppose que les concepts de langue d’origine et de langue maternelle soient sans équivoque référés à une langue que l’on parle et que l’on écrit, et qu’à cette langue soit attachée une valeur identitaire. Seulement dans ce cas, l’enseignement dans la ou de la langue d’origine peut atteindre les objectifs qu’on lui fixe.
De langues écrites ?
10 Nous l’avons dit, les langues qu’on enseigne sont les langues standards des pays d’origine alors qu’en contexte migratoire les personnes parlent bien souvent des langues régionales. Nous savons aussi que ce phénomène est loin d’être marginal : sur les 5 000 à 6 000 langues estimées exister dans le monde, seules quelques centaines sont enseignées, selon des sources de l’Unesco [3]. Cette divergence entre les langues parlées et les langues officielles utilisées dans l’enseignement existe dans la plupart des états d’origine des communautés immigrées les plus représentées. Ainsi, par exemple, l’immigration italienne peut encore parler une langue autre que l’italien (parlé également ou non), et qui peut être classifiée comme étant du sicilien, vénète, lombard, calabrais etc. (A. Sobrero, 1993) et l’immigration nord-africaine parle des langues différentes de l’arabe littéraire (M. Timaltine, 1997b). Des langues minoritaires subsistent également à côté du turc et du portugais, bien que cette dernière soit une langue d’unification ancienne (I. Castro, 1991). Dans les cas cités, et dans les états d’origine, un nombre plus ou moins important de locuteurs continuent à se servir des langues régionales, parfois de manière exclusive, ou de façon alternée, voire mélangée avec la langue officielle ou avec une autre langue, par exemple celle de la colonisation [4].
11 Si les langues d’origine réellement parlées ne sont pas écrites dans les pays d’origine, peuvent-elles être enseignées ou être médium d’enseignement en contexte d’immigration ? Des souhaits sont formulés dans ce sens (M. Timaltine, 1997b). Quoi qu’il en soit, dans bien des cas, il faudrait se mettre d’accord sur une forme écrite pour l’enseignement. Cette question résolue, il faudrait encore que soient disponibles des textes à faire lire et qui peuvent fournir les contenus de l’apprentissage (en littérature, science, technologie, mathématique etc.), ce qui nécessiterait un effort considérable afin d’étendre la fonctionnalité de l’écrit dans ces langues. C’est, d’ailleurs, l’une des difficultés qu’éprouvent aujourd’hui les programmes d’Éducation interculturelle bilingue dans les pays andins (S. Perez, 2003, pour un bref historique de ces programmes), qui visent l’utilisation des langues indigènes comme médium d’enseignement [5].
Des langues parlées ?
12 Si l’écart entre la langue parlée et la langue écrite, en contexte migratoire, a fait l’objet de discussions, plus rarement on a débattu de la relation entre la langue parlée et la langue d’origine, considérant comme acquis qu’elles coïncident.
13 À ce propos, nous voudrions anticiper quelque peu les résultats d’une recherche que G. Forlot, P. Hambye et moi-même sommes en train de mener à l’université de Louvain. Cette recherche vise à explorer, au moyen d’entretiens semi-dirigés, les conditions d’appropriation des langues par des jeunes d’origine italienne de deuxième ou troisième génération. Il nous semble utile de transcrire ici quelques fragments d’interviews, portant sur l’identification des langues et leurs valeurs identitaires. La première locutrice est âgée de 22 ans, termine de façon brillante ses études universitaires, et est née en Belgique. Son père est également né en Belgique, de parents arrivés du Molise, en Italie, dans le cadre des accords miniers de l’après-guerre. Sa mère, en revanche, est arrivée de Sicile à l’âge de 14 ans, suite à la mort de ses parents, pour rejoindre ses frères et sœurs plus âgés, déjà immigrés précédemment. Quatre langues sont présentes dans le contexte familial : le français, l’italien, l’une des variantes du « molisan », l’une des variantes du sicilien. Comme dans beaucoup de situations analogues, les grands-parents s’expriment en dialecte entre eux et avec leurs enfants, et en dialecte/italien/français (parfois en alternant ou en mélangeant les langues) avec leurs petits-enfants. L’italien a été appris en milieu naturel par les grands-parents, très peu scolarisés (télévision, contacts avec des locuteurs italophones en Italie, où l’italien a fini par s’imposer presque partout au début des années 1960). Les parents s’expriment en dialecte avec leurs propres parents et avec leur famille d’origine et en français/italien (parfois appris à l’école en Italie)/dialecte avec leurs enfants. Les enfants, quant à eux, ne s’expriment qu’en français et comprennent les autres langues. La question qui se pose, dans ce cas comme dans beaucoup d’autres, est d’identifier quelles langues peuvent être qualifiées de langue maternelle, de langue d’origine, de langues étrangères.
lheLS0 : si je te [demande] quelle est ta langue maternelle tu me dis quoi lheFA1 : ben moi je dirais le français / mais avant de venir ici justement j’ai eu une discussion avec mon père qui lui disait que ce n’était pas le français / euh il disait que c’était plutôt l’italien voire même le sicilien moi j’étais pas du tout d’accord avec ça / moi j’aurais envie de dire que c’est le français / parce que c’est pour moi c’est la langue dans laquelle je réfléchis dans laquelle j’ai plus facile à parler / mais c’est vrai que l’italien euh ne me demande aucune difficulté // donc euh [...]
lheLS0 : et pourquoi ton papa te disait que ta langue maternelle en fait c’était pas vrai que c’était le français
lheFA1 : parce que lui euh / est pers/ enfin c’est surtout ma maman qui m’a élevée vu qu’elle était mère au foyer / donc lui est persuadé que c’est le f/ c’est l’italien parce que vu qu’e/ elle m’a toujours parlé en italien / et c’est vrai que / enfin on en rigolait à table on parlait justement de ça et maman faisait des phrases où elle commençait en français et elle terminait en italien et c’est vrai que quand je me suis arrêtée et j’ai essayé de l’écouter je me suis dit mais c’est vrai qu’elle mélange les deux langues et je n/ à la limite je ne f/ je fais même plus attention / c’est presque devenu inconscient mais s/ c’est parce qu’elle m’a toujours parlé comme ça donc euh // xxx je ne pense jamais en italien je / je ne rêve pas en italien donc pour moi c’est euh / c’est toujours le français
lheLS0 : donc quand elle parle en italien de fait elle a toujours parlé un mélange un mélange pas vraiment un italien comme /
lheFA1 : oui ben elle a fait des efforts quand on était petits mais après euh une fois qu’elle a compris qu’on parlait l’italien c’est devenu euh oui une grand/ un grand mélange (rire)
lheLS0 : ah ah // et si je te [demande] quelle est ta langue d’ori/ d’origine
lheFA1 : d’origine ? // et c’est quoi une langue d’origine ? // ma langue d’origine // je sais pas /
lheLS0 : est-ce que tu as une langue d’origine ?
lheFA1 : est-ce que j’ai une langue d’origine // ben moi je dirai le français
lheLS0 : aussi
lheFA1 : ben j’ai l’impression c’est la première langue que j’ai appris
lheLS0 : ça c’est p/ oui / en général on fait une différence entre une langue maternelle qui est la première langue que tu as appris et une langue d’origine qui te vient de loin je dirais d’une origine
lheFA1 : des ancêtres ou quoi oui alors dans ce cas là si c’est l’origine plutôt de la famille c’est clair que c’est l’italien
lheLS0 : c’est l’italien
lheFA1 : oui
lheLS0 : pas le sicilien ou le molisano ? //
lheFA1 : mais j’ai envie de dire aussi que c’est un mélange / vu que du côté de ma maman ce serait plutôt le sicilien / parce que je suis persuadée que c’est/ enfin j’ai pas connu ses parents mais ils ne devaient pas parler l’italien c’est un sicilien qu’ils devaient parler / et mes grands-parents aussi du côté de mon papa / donc ce serait / un molisano ou bien un sicilien ou bien un mélange des deux [...]
lheLS0 : et par contre l’italien ne serait pas langue étrangère / une langue étran/ est-ce que si je te [demande] quelles langues étrangères tu parles // tu mettrais l’italien ou pas
lheFA1 : ben // oui si je pars du principe que ma langue maternelle c’est le français alors / une autre langue une langue étrangère je parle italien mais pour moi c’est beaucoup plus proche de ma langue maternelle que / que une langue que j’étudierais à l’école comme l’anglais ou le néerlandais
15 Ainsi, plusieurs langues coexistent dès le plus jeune âge, parfois de manière alternée, parfois mélangée (voir aussi S. Lucchini, 2002, 2005). Il est intéressant de remarquer que la langue maternelle est définie comme la langue qui est utilisée dans toutes ses fonctions de manière immédiate, sans réfléchir, la langue dans laquelle on pense et on rêve, et non comme la langue de la mère ni comme la langue initialement parlée à un âge précoce, dont la locutrice n’a d’ailleurs aucun souvenir (comme pour nous tous).
16 À partir du moment où plusieurs langues sont en présence, il est difficile d’en identifier une qui assume le statut de langue d’origine, et le concept même ne semble pas être transparent, du moins dans ce cas. La langue que l’on identifie finalement comme langue d’origine est justement la seule qui ne l’est pas, puisque elle n’a été la langue maternelle d’aucun des grands-parents ni de la mère. Comment, dans ces cas, qui sont loin d’être des exceptions, peut-on dès lors définir à priori quelles sont les langues d’origine, même régionales, à enseigner ?
De langues qui ont une valeur identitaire ?
17 Dans le cas de la locutrice précédente, parmi les différentes langues familiales, c’est l’italien qui a fait l’objet d’un investissement identitaire, malgré la distorsion qui doit être opérée pour faire correspondre l’italien à la langue parlée par les ancêtres ( « molisan » ou sicilien dans ce cas). De cet investissement identitaire nait le désir d’apprendre et de transmettre la langue :
lheLS0 : et euh / c’est important / c’est important pour toi de parler l’italien
lheFA1 : oui
lheLS0 : pourquoi
lheFA1 : ben parce que / je suis d’origine italienne et je crois que c’est important de parler euh / la langue du pays dont/ où ses ancêtres sont nés / enfin j’ai une/ certains de mes cousins qui ne parlent pas l’italien et je trouve très tr/ dommage pour eux en fait // moi je crois que c’est important
lheLS0 : oui pourquoi c’est important // ce sont des questions difficiles
lheFA1 : oui je pense que c’est // enfin je ne suis pas be/ enfin je suis belge de nationalité mais mes origines ne sont pas en Belgique / elles sont en Italie et je trouve ça important de pouvoir aller en Italie et de pouvoir parler la langue que parlaient mon grand-père ou euh / ou mes ancêtres c’est // je ne me verrais pas ne pas parler italien / je trouve pas que ce serait euh / ce serait perdre quelque chose de / de moi (rire)
lheLS0 : et c’est quoi ce quelque chose de toi que tu perdrais
lheFA1 : et ben je sais pas une part d’identité je pense / c’est euh // on est des/ enfin moi je suis petite fi/ petite fille oui d’immigrés et je pense que euh / même mes grands-parents seraient tristes de voir que / ce qui faisait leurs personnes donc l’italien l’Italie euh ne fait plus partie de la vie de / de leur petits-enfants
lheLS0 : et tu souhaiterais transmettre l’italien à tes enfants
lheFA1 : oui oui
lheLS0 : oui ?
lheFA1 : oui
lheLS0 : pourquoi ?
lheFA1 : ben pour ne pas perdre cette partie de nous qui est italienne / oui [...] même si on parle tout le temps français même si dans/ par exemple moi j’habite pas à un endroit euh / euh où il y a beaucoup d’italiens / c’est vraiment un quartier qui est très belge mais / mais on aime bien être / italiens et / et le rester (rire) même dans notre manière d’être enfin je veux dire je ressemble plus à une italienne qu’à une/ fille belge donc même dans mon apparence je ne peux pas dire je ne suis pas italienne / et j’ai pas envie de nier/ de/ de nier ça // si on me demande de quelle origine tu es ben je dis fièrement ben je suis italienne et pour moi c’est important de connaitre l’italien et // et pourquoi pas de l’apprendre plus tard à mes enfants // pour qu’ils puissent garder cette petite part en eux d’italien (rire)
19 Une autre locutrice, de même âge et ayant eu une histoire migratoire et linguistique semblable à la précédente du côté de son père, mais de mère belge, exprime la même adhésion identitaire par rapport à l’italien, alors que la langue originaire des grands-parents est le bergamasque (langue particulièrement « opaque » pour un italophone ou un francophone), parlé encore par le grand-père qui le mélange avec le français et l’italien. Et c’est encore l’italien qui fait l’objet d’un désir d’apprentissage, aussi parce qu’il offre plus de possibilités au niveau social et professionnel :
lheLS0 : si par exemple XXX avait pu proposer un cours de bergamasque et un cours d’italien
lheSO1 : ah j’aurais pris l’italien
lheLS0 : sans hésitations
lheSO1 : oui / parce que euh // parce que je/ j’ai envie d’utiliser l’italien dans ma vie professionnelle plus tard donc pas euh et le bergamasque ne m/ enfin concrètement ne m/ ne m/ aurait p/ pf / même eux dans les entreprises c’est l’italien ils ne parlent pas bergamasque donc / mais c’est c’est même enfin j/ je pense que parler le patois c’est vraiment entre amis en famille mais pas pas à l’extérieur c’est/ c’est un peu / je veux dire impoli je crois c’est/ c’est perçu comme ça non ? / il me semble que /
lheLS0 : et tu entends encore parler le bergamasque quand tu vas en Ital/ enfin ils le parlent encore
lheSO1 : oui oui les jeunes entre eux oui oui oui fort / ça reste vraiment
lheLS0 : c’est un dialecte qui est resté
lheSO1 : ah oui oui oui
lheLS0 : et même les jeunes ?
lheSO1 : surtout les jeunes / moi je/ enfin j’en/ j’en ai côtoyé quelques-uns et euh i/ ils sont très fiers de leur dialecte c’est/ c’est vraiment euh et entre eux c’est/ c’est ce qu’ils parlent quoi / pas quand évidemment il y a des gens euh je veux dire quand j’étais là ils ne parlaient pas spécialement ou/ ou quand ils n’avaient pas envie que je comprenne ce qu’ils racontent oui ils parlaient en bergamasque mais autrement c’est euh / c’est vraiment oui que entre eux quand il y a des personnes extérieures à la limite ben qui ne comprennent pas ils parlent ils parlent italien mais euh /
lheLS0 : et toi ça ne t’a pas donné envie de l’apprendre
lheSO1 : euh pf c’est c’est tellement difficile que/ et puis je // oui non enfin j’en/ j’en aurais pas vraiment d’utilité ça n/ non si/ ça m’est jamais/ ça m’a jamais traversé l’esprit / ça non // oui il y a quelques mots que je dis comment on dit et puis euh / mais autrement non // ça n/ non le parler je/ pf/ j’en aurais jamais vraiment l’utilité surtout que bon quand je vais là-bas c’est l’italien donc euh //
21 Ainsi, les langues susceptibles de revêtir une signification identitaire peuvent ne pas être les langues d’origine. Dans nos exemples, le sicilien et le bergamasque sont parlés et peuvent être écrits, mais leur diffusion orale est limitée et, en ce qui concerne l’écrit, elle est quasi nulle. Le but de ces exemples n’est pas d’affirmer que les langues standards des pays d’origine sont les seules accréditées pour l’enseignement parce que ce sont les seules dotées de prestige social (et les chiffres présentées par S. Chaker, 1997, et D. Caubet, 1997, concernant les étudiants qui présentent le berbère ou l’arabe marocain à l’épreuve du bac, montrent bien que les langues non officielles peuvent également faire l’objet d’un choix). Le but est plutôt de pointer le fait qu’il n’y a pas nécessairement une coïncidence entre les langues d’origine et les langues investies d’une valeur identitaire et que chaque communauté opère des choix linguistiques en fonction de contextes et de trajectoires différents, comme le montre également S. Le Bars (2001) dans son analyse de la question linguistique aux États-Unis. Ces choix linguistiques se rapportent à des langues qui, aujourd’hui, acquièrent une valeur identitaire et non à des langues tournées vers un passé originaire qui, par ailleurs, n’est pas toujours très clair et qu’on ne peut certainement pas déterminer à priori.
En conclusion
22 Une première analyse critique, par rapport aux objectifs, des formes que les enseignements LCO ont prises, nous a amenée à poser deux premières conditions pour que l’enseignement dans les ou des langues d’origine réponde aux attentes de valorisation linguistique et identitaire : que ces langues soient enseignées dans leurs aspects oraux et écrits, et par des dispositifs qui en garantissent la parité de statut avec les autres langues.
23 À celles-ci, s’en ajoute une autre : que soient enseignées les langues qui sont chargées d’une valeur identitaire d’appartenance à une communauté linguistique, peu importe qu’elles soient les langues d’origine réelles (avec travail sur l’écrit) ou les langues standards nationales. Il nous semble qu’il revient aux communautés immigrées elles-mêmes de déterminer la (les) langue (s) qui leur correspond (ent), et qu’il s’agit d’offrir à l’apprentissage pour tous, après un choix collectif. Or cela ne peut se faire qu’à l’intérieur d’espaces de négociation, intra-ethnique et inter-ethnique, qui n’existent pas pour l’instant, du moins en Belgique francophone.
24 Enfin, les communautés d’appartenance sont des communautés actuelles. Dès lors, le fait de continuer à appeler « d’origine » les langues qui s’y rattachent ne nous semble pas se justifier et, selon nous, serait même susceptible de nuire à leur diffusion potentielle (S. Lucchini & P. Hambye, 2006). Appelons-les « langues » tout court... La dernière condition pour que l’enseignement des LCO soit source d’avantages serait donc la suivante : que les LCO cessent d’être appelées LCO.
Bibliographie
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Mots-clés éditeurs : langues et cultures d'origine, politiques linguistiques, identité, Belgique francophone, plurilinguisme
Date de mise en ligne : 01/01/2010
https://doi.org/10.3917/lfa.158.0009Notes
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[*]
Ce travail s’inscrit dans le programme de recherche « Régulation de l’hétérogénéité linguistique en contexte multiculturel » de l’Action de recherche concertée 04-09/319 financée par la Communauté française de Belgique.
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[1]
En Belgique francophone, il n’existe pas d’enseignements bilingues transitionnels, contrairement à la Belgique néerlandophone. En revanche, les enseignements bilingues par immersion, à tous les niveaux de la scolarité, autorisés seulement depuis 1998 sont en expansion. Les seules langues autorisées sont cependant le néerlandais, l’allemand, langues officielles en Belgique à côté du français, et de l’anglais. Les langues de l’immigration ne font donc pas partie des langues pouvant être enseignées par immersion. Par contre, après des initiatives ponctuelles et partielles, entre 1996 et 2006 les langues d’origine ont bénéficié d’un cadre officiel spécifique pour les élèves migrants (cours LCO). Ce cadre est fourni par les deux chartes de partenariat successives, dont la deuxième s’est terminée en 2006 (la suite ne semble pas encore définie). Ces chartes établissent des accords officiels entre la Communauté française et les principaux états d’origine et prévoient que l’on enseigne, aux enfants issus de ces communautés et dans les écoles qui en font la demande, l’arabe littéraire, l’italien, le turc, le grec et le portugais (pour plus d’informations, voir S. Lucchini, 2006).
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[2]
En Belgique francophone, au niveau primaire, dans le cadre de l’enseignement ordinaire destiné à tous cette fois, cinq projets d’Éveil aux langues se sont développés à titre expérimental, suivis en 2005 par une décision de poursuite de l’expérience, ce qui devrait donner lieu à une expansion du programme dans les années à venir (C. Blondin & C. Mattar, 2006). Parallèlement, l’espagnol et l’italien sont offerts à tous à l’intérieur du curriculum ordinaire de l’enseignement secondaire comme langues étrangères à option. Selon les données du SIEP (2005), en Belgique francophone, pour l’année 2005-2006 et dans le troisième degré de l’enseignement secondaire général (où l’offre de langues est la plus étendue), l’espagnol est enseigné dans 151 écoles, tandis que l’italien ne figure comme langue à option que dans 15 établissements scolaires. Toujours en 2005, aucune autre langue (si on ne considère pas, bien entendu, les deux autres langues officielles – néerlandais et allemand – de la Belgique et l’anglais) n’est proposée dans le cadre de l’enseignement secondaire, même si rien ne ferait obstacle, d’un point de vue légal, à l’augmentation de l’offre des langues à option.
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[3]
http://portal.unesco.org/culture/fr/ev.php-URL_ID=29260&URL_DO=DO_TOPIC&URL _SECTION=201.html
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[4]
Des exemples de mélanges linguistiques avec le français sont décrits dans S. Lucchini (2002 et 2005), en ce qui concerne des locuteurs italiens immigrés à Bruxelles, dans J. Hatungimana (2004), chez des locuteurs de langue kirundi au Burundi, et dans A. Marbrour (2003) pour des locuteurs arabophones au Maroc.
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[5]
Cette question est notamment apparue lors du symposium « La gestión del multilingüísmo : ¿ Qué futuro para los idiomas indígenas minorizados ? », organisé le 12 et 13 avril 2007 à Bruxelles par P. Hambye, T. Laime & S. Lucchini, dans le cadre du Ve Congrès du CEISAL.