1En faisant du biographique un objet d’étude, les nouveaux programmes de lycée confirment l’intérêt manifesté pour cette forme littéraire depuis les années 1980. C’est en effet durant cette décennie que les travaux de Philippe Lejeune sur l’autobiographie ont été didactisés dans l’enseignement secondaire. Il s’agissait alors, à partir de textes patrimoniaux, de faire découvrir aux élèves le pacte autobiographique. Au lycée, Rousseau, Chateaubriand et Proust étaient au cœur de toutes les études. La sortie de Genève, à la fin du Livre I des Confessions, le ruban volé, au livre II, l’épisode de la grive de Montboissier dans de livre III des Mémoires d’outre-tombe, la petite madeleine et l’univers jailli de la tasse de thé ont longtemps été des passages obligés.
2Progressivement cependant la réflexion sur l’autobiographie s’est enrichie : au collège, en introduisant un genre moins légitime, le récit de vie, avec des œuvres comme Une Soupe aux herbes sauvages et Mémé Santerre ; au lycée, en observant des formes contemporaines et originales d’autobiographie : Enfance de Nathalie Sarraute ; L’Âge d’homme ou Biffures de Michel Leiris, W ou le souvenir d’enfance de Georges Perec, etc.
3Aujourd’hui, le champ s’élargit encore avec l’introduction de la biographie jusqu’ici délaissée. Ce genre qui remonte à l’Antiquité a eu, lui aussi, ses lettres de noblesse, mais en cours de français nul ne lit aujourd’hui les Vies des hommes illustres de Plutarque, même dans la traduction d’Amyot, ni Vie des douze César de Suétone. L’actualité littéraire fait pourtant la part belle aux biographies à côté des écritures de soi, mais peu sont jugées dignes d’entrer dans le corpus scolaire dans la mesure où cette production s’apparente à une véritable industrie. Ce phénomène déjà sensible avec la prolifération des autobiographies de personnalités médiatiques – acteurs, hommes politiques – écrites dans l’ombre par des professionnels de l’écriture (Erik Orsenna, dans Grand amour, évoque cette expérience avec une pointe d’humour) et renvoie aux valeurs de la société contemporaine qui place les questions du sujet et de l’identité au centre de ses préoccupations.
4Le phénomène identitaire est aujourd’hui un fait de société dont l’expression dans les pratiques littéraires et culturelles ne représente qu’un aspect. Il concerne l’ensemble des pratiques sociales. Que l’on songe aux politiques menées à son propos dans les sociétés multiculturelles de ce début de siècle, aux débats idéologiques qu’il suscite. La question de l’identité est aussi reliée dans notre vie quotidienne aux formes exacerbées et complexes que peut prendre l’individualisme à l’âge « hypermoderne », tel que le décrit Gilles Lipovetski dans son ouvrage récent, Les Temps hypermodernes. Obsession de soi allant jusqu’à l’exhibition comme on le voit dans certaines émissions télévisées, égocentrisme, et en même temps, émotivité angoissée – « hyperanxiété » – et exigence éthique et humaniste de plus en plus marquée. Notre époque hypermoderne se caractériserait donc par la coexistence paradoxale d’un rapport crispé au présent et d’une plus grande liberté présentée comme une chance à saisir, celle d’une responsabilisation renouvelée du sujet.
5Cette analyse des valeurs qui définissent notre société éclaire et rejoint le propos de François Dubet qui affirme ici même que dans un monde où « chacun est de plus en plus largement “obligé d’être libre” et de se construire lui-même, […] le sujet individuel n’existe pas en dehors de l’effort qu’il accomplit pour se saisir ». Dans la perspective culturelle et éducative qui est la nôtre, cette idée est centrale. En effet, elle s’inscrit contre une conception essentialiste de l’identité et présente cette dernière comme le résultat provisoire d’une construction, à la fois individuelle et sociale, sans cesse renouvelée. Le biographique, au sens large où nous l’entendons de récit de vie et de construction identitaire, est une entreprise à la fois indispensable et illusoire, une tentative riche d’enseignements et d’interrogations mais toujours approximative et inachevée. Ces traits fondamentaux se découvrent à la fois dans la lecture des différents genres qui composent le biographique et dans les pratiques scolaires d’écriture liées à ce domaine.
6Le présent numéro du Français aujourd’hui aborde successivement ces deux aspects en s’intéressant d’abord à des genres qui permettent d’enrichir le regard sur le biographique et ensuite aux activités d’écriture pratiquées en classe de français et au-delà du champ strictement disciplinaire.
7Trois genres jusqu’ici délaissés ou quasiment exclus du corpus scolaire retiennent notre attention : le journal « personnel », la biographie, la lettre. Genres mineurs, écritures « ordinaires », le journal et la lettre sont en effet généralement écartés du biographique dans les manuels. Quant à la biographie, tout nouvel objet d’étude, elle déconcerte les enseignants, qui ne disposent pas toujours des outils théoriques nécessaires à son analyse.
8Dans son article « Le journal au bac », Philippe Lejeune souligne un double paradoxe : « l’adolescence n’est pas l’âge de l’autobiographie », or, elle est au lycée un genre légitime ; inversement le journal est dédaigné ou délaissé pour des raisons pratiques, mais il fait partie de l’univers familier des élèves. Dès lors, pourquoi ne pas introduire en classe l’étude du journal et donner du sens à cet enseignement en incitant les élèves à pratiquer pour eux-mêmes ce genre d’écriture ? Philippe Lejeune va plus loin en suggérant, à l’instar des pays anglo-saxons, la possibilité d’enseigner l’écriture du journal. Cette proposition séduisante pourrait prendre place dans les écritures d’invention et nourrir une réflexion sur l’écart entre journal pour soi et journal fictif, et sur les effets réciproques que peut susciter leur pratique conjointe.
9À partir d’un projet de séquence intitulée « Van Gogh, une vie devenue “légende” », Jean-Pierre Christophe présente une réflexion sur la biographie, et plus précisément sur la dimension épidictique qui y semble attachée quand elle concerne la vie d’un artiste. Tentation hagiographique qui métamorphose en saint l’artiste maudit et sacralise son existence ; célébration par laquelle une société construit ses modèles et ses valeurs, la biographie peut-elle échapper à la fictionnalisation ? Déjà rencontrée dans le numéro du Français aujourd’hui consacré à « La vie de l’auteur » (juin 2000), cette problématique a aussi fait l’objet d’un colloque à Bordeaux en 2002, L’« Auteur »… entre biographie et mythographie ?, pointant l’un des écueils du genre, le désir d’inscrire l’auteur dans un panthéon. Ce qui est en cause, c’est la visée de la biographie qui habille les faits différemment selon qu’il s’agit d’un hommage, d’une explication, d’une interprétation. La biographie obéit toujours à un projet : quelque prétention à la scientificité qu’elle puisse avoir, elle engage le biographe par ses choix de périodisation et de mise en intrigue. Parfois, l’empathie constitutive de la démarche affleure sous les mots ; parfois, elle s’exprime librement pour construire la réception et emporter l’adhésion du lecteur. C’est ce que Jean-Pierre Christophe fait découvrir à ses élèves en leur demandant de s’improviser biographes par des activités d’écriture qui réclament une interprétation des faits. L’étude des Vies minuscules de Pierre Michon, menée en contrepoint de la vie de Van Gogh, ouvre d’autres perspectives en dirigeant la lumière sur les vies ordinaires. L’intérêt est à la fois anthropologique et littéraire : si le choix de Vie de Joseph Roulin s’explique ici par sa dimension de métabiographie, offrant le regard d’un homme simple sur la vie de Van Gogh, c’est aussi à la découverte d’une autre catégorie de biographie que les élèves sont conviés, celle des Vies brèves. Cette séquence donne donc un aperçu des riches potentialités d’étude qu’offre la biographie. Dans la mesure où la scolarisation de ce genre florissant est relativement récente, le champ est libre pour l’innovation. Il faut en profiter, tenter de déjouer la tendance « naturelle » à la réification des corpus, explorer la diversité des écritures et des projets, croiser les objets d’étude en faisant lire par exemple Verlaine d’ardoise et de pluie de Guy Goffette en liaison avec l’étude de la poésie, et Monsieur de Saint-Georges, le nègre des Lumières d’Alain Guédé lors de l’étude de ce mouvement littéraire.
10Troisième genre « mineur » dans la gamme du biographique, la lettre n’est pas même mentionnée à ce titre, dans l’énumération des Instructions officielles. Son étude est proposée en première dans un tout autre contexte. Françoise Simonet-Tenant aborde le genre épistolaire dans son évolution historique en s’interrogeant sur les transformations qui l’ont mené à changer de fonction, à passer de l’échange social à l’écriture privée. Son article, « Aperçu historique de l’écriture épistolaire : du social à l’intime », rend compte de l’intériorisation de cette communication et de l’apparition du biographique dans l’épistolaire. La lettre d’amour semble être le lieu par excellence de l’intimité.
11Pour autant, son appartenance au biographique est loin d’être évidente et, à partir de l’étude de F. Simonet-Tenant, il nous revient de l’interroger dans une perspective didactique. Fragment de vie, la lettre livre un instantané, une image de soi éphémère. Elle inscrit la vie dans le discontinu, dans son jaillissement. En cela, elle se rapproche du journal. Dans les lettres d’amour, tout particulièrement, le scripteur tente de se saisir et simultanément il se construit par l’écriture. L’image de soi qui en résulte obéit souvent aux motivations sourdes qui définissent le genre autobiographique : entreprise de séduction sous la soif de sincérité, disculpation, présence à soi, etc. Mais l’image construite dans le présent de l’écriture diffère de celle qui est recomposée par la mémoire : souvent implicite, elle n’en constitue pas moins un enjeu essentiel de l’écriture sur lequel on peut faire réfléchir les lycéens. Comme le journal, et davantage peut-être, la lettre appartient à leur expérience. L’étude d’une correspondance authentique, comme les lettres de Diderot à Sophie Volland ou les Lettres à un jeune poète de Rilke, peut être entreprise dans une perspective qui interroge son rapport à l’autobiographie. L’analyse d’un échange épistolaire permet en effet de suivre la genèse d’un sentiment ou d’une pensée, d’envisager la complexité du moi, d’introduire la notion de feuilletage identitaire. Pour rendre les élèves plus sensibles à ces aspects, on peut leur demander d’entreprendre eux-mêmes une correspondance avec un élève de leur choix à propos justement d’une correspondance privée d’écrivain, mise en abyme scolaire de l’objet étudié dont il est aussi loisible de tirer parti. Enfin, l’étude de l’épistolaire peut aussi, de façon plus classique, être reliée à celle de la biographie dont elle constitue bien souvent l’un des matériaux-sources. L’ouvrage d’Anne Delbée, Une Femme, illustre exemplairement le lien entre épistolaire et biographie puisque des lettres de Camille Claudel sont insérées dans la biographie qui lui est consacrée. Au-delà de ces suggestions, l’imagination des enseignants peut se déployer pour explorer ce champ non encore balisé par les anthologies. C’est une chance qu’il faut saisir.
12Si, à l’image de la société, l’école évolue dans ses démarches de lecture du biographique, elle continue à utiliser les écritures de soi dans le domaine de l’écriture. Ces écritures fondées sur l’utilisation du vécu constituent un genre scolaire spécifique dont les enjeux ont évolué au cours du siècle dernier. Présentes dans les cahiers de l’école primaire et de collège, depuis la fin du xixe siècle, elles devaient offrir à tous les moyens d’écrire un texte simple inspiré de la vie quotidienne. Au cours de cette première période, ces écritures sont restées fortement liées aux apprentissages moraux et linguistiques qui en étaient les fondements, adoptant la forme d’injonctions autobiographiques, dans lesquelles le cadre strict fourni par la consigne interdisait toute réelle expression de soi. Ces demandes étaient paradoxales en ce qu’elles exigeaient une référence à l’expérience individuelle tout en restreignant la part du biographique par l’imposition d’un canevas. Mais le texte libre de la pédagogie Freinet et la « libération de l’expression » du Plan de Rénovation, au début des années soixante-dix, en ont profondément modifié les caractéristiques. Les écrits des élèves se sont fondés plus authentiquement sur le vécu, et le souci d’expression individuelle semble même avoir pris le pas, en 1972, sur l’apprentissage de l’écriture. La période actuelle recentre les écritures de soi sur les principales problématiques de l’enseignement du français. C’est par exemple, l’étude des discours et la connaissance des différentes modalités énonciatives, la mise en place des liens entre la lecture et l’écriture, mais également l’adoption d’une posture réflexive pour analyser ses propres savoirs et, in fine, mieux se connaitre pour mieux apprendre. Les moyens mis en œuvre dans ces différentes perspectives reflètent la diversité des approches du biographique comme pratique d’écriture à l’école, et soulignent la tension qui existe entre leur statut scolaire et leur caractère biographique, c’est-à-dire intime.
13Tiraillées entre le risque d’être perçues comme une intrusion dans le domaine privé et le besoin de donner la parole à chacun en tant que sujet, les écritures autobiographiques scolaires tentent de dépasser cette contradiction que résument les programmes de la classe troisième, cités par Marie-Hélène Roques : « Les élèves doivent apprendre à reconnaitre et à utiliser un large clavier d’attitudes énonciatives : le programme les établit entre deux pôles, d’un côté l’engagement du sujet dans sa parole et de l’autre la distanciation. » Les activités d’écriture proposées visent à mettre en relation ces deux pôles : ce sont par exemple les ateliers d’écriture qui permettent de se dire, tout en gardant, grâce aux contraintes, une distance rassurante. Sur l’autre versant, celui des écritures spontanées, figurent les récits de souvenir qui sollicitent une parole plus immédiate, au risque de ne pas dépasser ce premier stade et de s’interdire tout travail de réflexion sur l’écriture si leur démarche n’est pas problématisée. Les articles de cette seconde partie tentent de résoudre cette opposition et de définir plus précisément les objectifs dévolus aux écritures de soi dans le cadre scolaire.
14Dans son article, « Penseurs, sensibles, créateurs », Marie-Hélène Roques rend compte d’un atelier d’écriture fondé sur le biographique en formation d’enseignants et procède à une analyse de trois postures scripturales qui manifestent des attachements différents au sens ou au travail sur le signe. Le jeu sur les écritures à la première personne permet de s’interroger sur la possibilité de mettre à distance le biographique, tout en l’utilisant comme processus créatif ; la production en atelier permet de concilier les deux aspects antinomiques propres au genre : l’engagement du sujet dans sa parole et la mise à distance par l’écriture. Le but de cette démarche étant de construire, entre distance et implication, une identité narrative, éloignée de l’identification.
15L’écriture autobiographique permet également de raconter un parcours ; elle offre ainsi l’occasion de prendre conscience du caractère évolutif de toute relation à un objet de savoir. C’est dans cette optique qu’Annie Rouxel analyse dans son article : « Autobiographies de lecteurs à l’entrée au lycée », les écrits d’élèves racontant leur rapport personnel aux livres. Ce récit leur permet d’exprimer leurs gouts, de décrire leur rhétorique de lecteurs, tout en favorisant une prise de conscience de leur relation à la littérature. En parlant d’un objet précis, ici la lecture, c’est une image d’eux-mêmes que ces lycéens dévoilent, image le plus souvent sincère. Leurs écrits forment un riche recueil de représentations et de pratiques, qui met en lumière le clivage entre la contrainte scolaire et les choix privés, mais surtout, qui dévoile un rapport fragile à la lecture et à la littérature. Celle-ci se consomme dans une relation narcissique, faite d’identification et d’évasion, sans qu’apparaisse le commentaire, c’est-à-dire la réflexion sur le texte. Dans cette expérience, l’écriture autobiographique peut être le point de départ d’une réflexion sur les différentes postures de lecture. Au-delà, elle peut contribuer à l’élaboration d’une identité du lecteur ; elle permet d’adopter une distance réflexive nécessaire à la prise en compte des approches personnelles de la lecture.
16Si l’écriture autobiographique permet de se dire comme scripteur et comme lecteur, elle peut également devenir un objet d’enseignement en soi. C’est une démarche d’enseignement-apprentissage des écritures de soi en classe de CM2 que proposent Marie-France Bishop et Pascale Labas dans leur article : « Ecrire, lire, parler d’autobiographie à l’école primaire. » Leur projet, qui consiste à utiliser la lecture pour répondre aux questions posées par l’écriture d’un récit de souvenir, tente d’apporter des alternatives aux écrits spontanés des élèves. Le postulat étant que le récit autobiographique ne peut être une production immédiate, simple transcription de ce qui est déjà advenu, mise en mots d’un déjà-là. Il nécessite une réflexion sur les démarches et les projets qui président à son élaboration. Les élèves sont capables d’utiliser des structures narratives assez complexes qui leur permettent de mettre à distance le récit personnel.
17Dans ces trois exemples, l’écriture fondée sur le biographique est un moyen de réflexion sur le lire et l’écrire. Mais, pour les élèves, c’est également une occasion de mieux percevoir leurs propres démarches intellectuelles, grâce à l’élaboration d’un discours sur soi. Se découvre ainsi l’enjeu réflexif que François Dubet confère aux écritures de soi scolaires, en ouverture de ce numéro : « Alors que peut faire l’école en la matière ? […] Le plus utile est sans doute de montrer que le récit est construit, reconstruit, qu’il n’est jamais qu’un effort pour se saisir ou pour saisir celui dont on raconte la vie, sans être la vérité de cette vie. » Les écritures autobiographiques scolaires ne peuvent être des écrits de vérité, ce sont des moyens de réflexion et de construction de son identité narrative ou lecturale. C’est dans ce sens qu’elles constituent un genre scolaire qui peut faire l’objet d’un enseignement et d’un apprentissage.
18Par-delà, le biographique en classe peut être l’occasion de construire des savoirs et des apprentissages dans des domaines autres que ceux de la lecture littéraire ou de l’écriture. C’est le point de vue qu’adopte Maria Pagoni qui utilise les écritures de soi pour enrichir, chez des élèves d’une classe de sixième, la notion juridique d’identité. L’article intitulé : « Autobiographie et notion d’identité en classe » propose une approche explicite de cette notion peu abordée à l’école. C’est en produisant un récit de vie, en le comparant à celui des autres, en y retrouvant des repères sociaux importants que se constituent les catégories de privé et de public, qui sont au centre même de la notion juridique d’identité. Cette catégorisation menée à partir de l’écriture est l’occasion de bâtir les concepts fondamentaux de l’identité. L’autobiographie est un outil, au service d’un apprentissage qui la dépasse.
19C’est également comme outil qu’est utilisée l’autobiographie dans l’article de Muriel Molinié : « Finalités du “biographique” en didactique des langues. » En effet, lors de la mise en place, dans le cadre des programmes européens, d’une politique commune d’apprentissage des langues de l’Union, il a été imaginé de rendre les élèves acteurs de leurs apprentissages en leur proposant de tenir une sorte de journal ou d’état de cet apprentissage linguistique. Le récit de vie à finalité linguistique est un récit qui permet de mesurer les étapes de cette acquisition et d’en évaluer, de manière interne, les résultats. Mais il s’agit avant tout d’une écriture autobiographique qui sollicite le sujet dans son histoire et dans la narration qu’il en fait. Les écritures de soi demeurent, quelle qu’en soit la finalité, des outils ambivalents et de ce fait ambigus, car la sollicitation du vécu ne peut être neutre. Dans ce récit, le scripteur se dévoile comme sujet de l’écriture, mais également comme sujet de son texte, et ce double mouvement exige que soit posé un contrat didactique précis.
20La présence du biographique à l’école s’inscrit dans un contexte social de réflexion sur l’identité, que ce soit celle de l’Autre, par la lecture des biographies et des autobiographies d’auteurs, que ce soit celle de l’élève lecteur ou scripteur, au cours de pratiques d’écritures de soi, que ce soit une interrogation sur le concept même d’identité et sur ses fondements civiques. Dans tous les cas, les questions posées par l’identité sont essentiellement des questions de langage, comme le reconnait Claude Dubar dans son ouvrage La Crise des identités (PUF, 2000), et l’école, par la lecture littéraire, par l’enseignement de l’écriture et par divers apprentissages, joue un rôle important dans la réflexion et l’acquisition de cette capacité à transformer une vie particulière en récit.