Notes
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[1]
Nous adoptons ici la terminologie grammaticale publiée en 1998 par l’Inspection générale des lettres.
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[2]
Rappelons les termes du chapitre morphosyntaxe des instructions officielles qui inscrit au programme en classe de sixième (1997 : p. 21) : « les conjugaisons à l’indicatif (présent, futur, imparfait, passé simple, passé composé, plus-que-parfait) et aux présents de l’impératif, du conditionnel et du subjonctif des verbes être et avoir, des verbes du 1er et du 2e groupes et des verbes du 3e groupe d’emploi fréquent (aller, devoir, dire, faire, falloir, prendre, savoir, valoir, venir, voir, vouloir). »
-
[3]
Il s’agit de (par ordre de fréquence décroissant) : aller, faire, dire, voir, venir, vouloir, prendre, pouvoir, savoir, falloir, devoir. Les 506 occurrences du verbe aller, seul verbe en -er comptabilisé avec les verbes les plus fréquents, représentent plus de 5 % du total.
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[4]
Si l’on considère les formes verbales, simples ou composées, les verbes du premier groupe sont les plus fréquents : 54 % des occurrences des formes verbales en classe de sixième, 50 % en classes de cinquième et de quatrième.
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[5]
Cette affirmation est abandonnée dans l’édition 1997.
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[6]
Il nous parait symptomatique que, parmi les étudiants qui se destinent à être professeurs des écoles, certains ne comptent les formes d’infinitif comme formes verbales… que lorsque qu’elles comportent une erreur.
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[7]
Pour des propositions d’exercices, le lecteur pourra se reporter aux chapitres « De la gestion des accords », « De la morphologie verbale » et « Des formes en /E/ » de notre ouvrage (C. Brissaud & D. Bessonnat, 2001).
1Les ouvrages de conjugaison mis à la disposition des élèves sont pour le moins déroutants. Ils présentent un grand nombre de tableaux ou modèles de conjugaison : 82 dans Le nouveau Bescherelle, l’art de conjuguer (1980) ; 86 dans le Bescherelle, La conjugaison pour tous (1997) ; 117 (auxquels s’ajoutent 23 pages sur les défectifs) dans le Conjugaison, Le Robert & Nathan (1996) ; 98 (plus 13 de défectifs) dans la version Junior qui date de 1997.
2Dans ces ouvrages, le nombre de lignes par tableaux est lui aussi impressionnant et sujet à variation : 101 dans Le nouveau Bescherelle de 1980, 97 dans l’édition la plus récente (on renvoie au plus-que-parfait du subjonctif pour le conditionnel passé 2e forme sans répéter les six formes et on ajoute deux formes de gérondif), 97 également dans l’ouvrage proposé par Le Robert & Nathan. La version Junior de 1997 se limite à 73 formes et ne fait pas état du passé antérieur, du conditionnel 2e forme, de l’impératif passé, de l’imparfait, ni du plus-que-parfait du subjonctif. Les tableaux sont accompagnés d’une grammaire du verbe dont la consistance est, elle aussi, très variable : de 7 pages dans le Bescherelle édité en 1980 jusqu’à 79 pages pour l’édition de 1997.
3Par quel bout attraper le verbe au collège ? Cet article a pour ambition d’aider les enseignants à opérer les choix didactiques qu’ils devront de toute façon opérer, faute de pouvoir tout embrasser. Il part de l’idée que dans le domaine de l’apprentissage de la morphologie du verbe, comme dans bien d’autres domaines, il est intéressant, d’un point de vue didactique, d’identifier les obstacles que rencontrent les élèves, étant entendu que ceux-ci ne sont pas forcément là où on les attend.
4Pour ce faire, après avoir précisé notre objet, nous aborderons le verbe et sa conjugaison par l’utilisation que les collégiens en font à l’écrit ; nous observerons un corpus de 180 rédactions produites dans un cadre scolaire formel (évaluation nationale, brevet des collèges). Nous tacherons ensuite de localiser les difficultés rencontrées par les collégiens et de les hiérarchiser. Nous verrons enfin dans quelle mesure les ouvrages grand public étiquetés « conjugaison » répondent aux besoins des élèves… et nous proposerons des pistes didactiques.
Définir l’objet conjugaison
5À l’entrée en sixième, lorsqu’ils parlent, les élèves qui ont le français pour langue maternelle savent utiliser les verbes les plus usuels aux temps [1] les plus usuels, conformément aux instructions officielles. Les erreurs proprement morphologiques qui subsistent sont des formes socialement dévalorisées et c’est le mode censeur dites/ne dites pas qui prévaut ; on ne cherche pas à comprendre la récurrence d’une erreur qui dépasse pourtant souvent le cadre de l’école et que l’on peut pourtant expliquer par :
- un besoin de structuration ou de régularisation : des formes fréquemment produites comme *croivent ou *voyent, qu’on retrouve d’ailleurs chez le lycéen et l’adulte, peuvent en effet s’expliquer par le fait que croire et voir sont les deux seuls verbes très fréquents à ne pas différencier les personnes 3 et 6 (voir a/ont, va/vont, dit/disent, va/vont, doit/doivent, sait/savent…) ou par la volonté d’étoffer une base considérée comme trop courte ;
- une espèce de conscience linguistique qui renâcle à considérer comme correctes certaines formes : bouille, le subjonctif du verbe bouillir, en est un exemple ;
- une faible fréquence d’emploi du verbe : conquérir produit parfois *conquéri.
6On peut alors se lamenter en pensant au chinois ou au vietnamien qui se contentent d’une forme verbale unique, à l’anglais dont la morphologie verbale beaucoup plus simple épargne les tableaux de conjugaison (trois formes permettent de construire toutes les formes verbales en combinaison avec les auxiliaires) ou se consoler en lorgnant du côté d’autres langues romanes qui offrent, elles aussi, des tableaux bien garnis. Il existe cependant une grande différence entre le français et l’espagnol ou l’italien, langues pour lesquelles à une forme orale correspond une forme écrite et vice versa. Un rapide recensement en français, conduit sur les seuls temps simples inscrits au programme de la classe de sixième [2], soit 41 formes, permet d’établir (et voilà un exercice qu’on peut proposer aux élèves, et qui n’est pas si facile qu’il en a l’air, quand on n’a pas l’habitude de réfléchir aux différences de fonctionnement entre oral et écrit) que les 41 lignes d’un verbe comme passer correspondent à 14 formes différentes à l’oral et 27 formes à l’écrit. L’homophonie typique du français restreint donc le nombre de formes verbales à l’oral et rend difficile le passage à l’écrit.
Le verbe dans des rédactions d’élèves
7Les considérations qui suivent reposent sur l’observation de 9 299 formes verbales, simples ou composées, recueillies dans 180 rédactions de type narratif issues de livrets d’évaluation nationale ou de brevet des collèges : 3 581 formes verbales en sixième (90 textes, sujet d’évaluation de 1994), 2 894 en classe de cinquième (même sujet donné en avril 1995, 45 textes) et 2 824 en classe de troisième (45 textes, brevet des collèges, 1994). Les 10 569 mots verbaux recueillis (un passé composé actif compte pour deux mots verbaux) comportent 1 812 erreurs.
Les temps les plus employés
8Le tableau 1 présente les 9 299 formes verbales relevées en fonction des temps employés. Quatre paradigmes verbaux couvrent environ 80 % des occurrences : présent, imparfait de l’indicatif, infinitif et passé simple. C’est le présent qui est le plus employé en classes de sixième et de cinquième, suivi du passé simple, de l’infinitif et de l’imparfait. Cette répartition est sensiblement différente en classe de troisième, où le temps le plus utilisé est l’imparfait suivi de l’infinitif, du passé simple et du présent. Si l’on ajoute le participe passé (employé avec les auxiliaires être et avoir pour la formation du passé composé et du plus-que-parfait ou employé comme adjectif), on atteint au moins 90 % des emplois à chacun des niveaux de scolarité considérés.
Corpus de rédactions : proportion d’emplois des paradigmes verbaux à chacun des trois niveaux de scolarité
Corpus de rédactions : proportion d’emplois des paradigmes verbaux à chacun des trois niveaux de scolarité
9Un nombre limité de paradigmes (cinq) couvre le reste des besoins, y compris en classe de troisième : futur, présents du conditionnel, de l’impératif, du subjonctif et du participe. Pour le reste… quelques rares formes de subjonctif passé (5 en classe de troisième), 9 occurrences de passé antérieur (2 en classes de sixième et de cinquième, 5 en classe de troisième), 15 formes de conditionnel passé et 28 d’infinitif passé.
10Si nous appliquons le décompte des formes verbales fait à la fin de (1) à ces cinq paradigmes les plus fréquents, en écartant les personnes 4 et 5, peu utilisées par les élèves, nous obtenons les quinze formes écrites suivantes : passe, passes, passent, passais, passait, passaient, passai, passas, passa, passèrent, passer, passé, passée, passés, passées, qui ne correspondent qu’à… quatre formes orales différentes. La boucle de l’homophonie se resserre donc autour de la forme du présent [pas] qui correspond à trois formes écrites et de la forme [pase] qui se présente sous neuf formes différentes à l’écrit.
Les types de verbes utilisés
11Le tableau 2 donne les proportions d’emplois des différents types de verbes. Nous avons isolé d’une part être et avoir, d’autre part les verbes les plus fréquents ; nous avons réparti le reste des verbes en fonction de leur groupe traditionnel d’appartenance.
Corpus de rédactions [3] : pourcentages d’emplois des différents mots verbaux [4] en fonction du type de verbe
12Les 13 verbes les plus fréquents (y compris être et avoir) couvrent presque la moitié des emplois (être arrive en tête avec 1326 occurrences, dont 70 % d’emplois comme auxiliaire, suivi de avoir, 1012 occurrences, dont 36 % comme auxiliaire) ; se détachent ensuite aller, faire et dire. Le reste appartient majoritairement au premier groupe. Le deuxième groupe est très peu représenté bien qu’on compte en français presque autant de verbes du deuxième que du troisième groupe (300 vs 370, cf. M. Riegel et al., 1994).
13Il est intéressant de rapprocher nos résultats des observations réalisées sur un corpus oral produit par des adultes (C. Blanche-Benveniste, 1999) : si les verbes les plus fréquents sont utilisés dans des formes variées, 80 % des emplois des verbes moyennement fréquents sont représentés par trois lignes des tableaux de conjugaison : la personne 3 du présent de l’indicatif, l’infinitif et le participe passé. L’économie des collégiens à l’écrit rejoint singulièrement celle des adultes à l’oral.
14Nos observations sont aussi en accord avec celle des formes verbales du corpus électronique et littéraire Frantext qui permet de conclure à la vitalité du « massif des verbes en -er » et de « temps que le temps n’attaque pas » comme le présent, l’imparfait et le participe passé (le plus souvent associé au présent) (É. Brunet, 1999).
15En résumé, le nombre de temps effectivement utilisés à l’écrit par les collégiens est relativement réduit et la proportion de verbes en -er plus importante qu’on veut bien le croire. Ces caractéristiques ne sont pas éloignées de celles des adultes à l’oral et des tendances observées dans des corpus littéraires.
Quelles difficultés à écrire le verbe ?
16Le tableau 3 précise le pourcentage d’erreurs pour les cinq paradigmes les plus utilisés à chacun des trois niveaux de scolarité observés. Le pourcentage d’erreurs est calculé à partir du nombre de mots verbaux (les erreurs sur le passé composé ou le plus-que-parfait apparaissent alors dans la rubrique présent ou imparfait si l’erreur porte sur l’auxiliaire).
Corpus de rédactions : pourcentage d’erreurs pour les cinq paradigmes verbaux les plus employés à chacun des trois niveaux de scolarité
Corpus de rédactions : pourcentage d’erreurs pour les cinq paradigmes verbaux les plus employés à chacun des trois niveaux de scolarité
17Ce tableau nous donne à lire la difficulté que présente le verbe pour les élèves qui arrivent au collège : une forme verbale sur quatre est erronée dans les évaluations de sixième. Les élèves réalisent ensuite des progrès indéniables : hormis pour le passé simple, on observe une diminution notoire du nombre des erreurs au fil de la scolarité. À la fin de la classe de troisième, l’infinitif suscite très peu d’erreurs, l’imparfait et le présent sont plutôt maitrisés (8 et 9 % d’erreurs) ; en revanche, une utilisation sur cinq du participe passé et du passé simple est erronée.
18Le tableau 4 donne les pourcentages d’erreurs en fonction du type de verbe utilisé. C’est avec les verbes du 2e groupe, peu utilisés comme on vient de le voir – et ceci explique peut être cela – que les élèves rencontrent le plus de difficultés durant toute leur scolarité au collège. Les verbes du premier groupe posent de durables problèmes et sont moins bien orthographiés que les verbes très fréquents ; à partir de la classe de cinquième, les verbes moyennement fréquents du 3e groupe suscitent à peu près autant d’erreurs que ceux du 1er groupe.
Corpus de rédactions : pourcentages d’erreurs sur les mots verbaux en fonction du groupe d’appartenance
Corpus de rédactions : pourcentages d’erreurs sur les mots verbaux en fonction du groupe d’appartenance
19L’observation des erreurs commises fait apparaitre d’autres tendances liées à l’homophonie typique du français : par exemple, quel que soit le niveau de scolarité, une erreur sur cinq consiste à omettre ou à ajouter une marque de genre ou de nombre, les omissions étant dans l’ensemble plus fréquentes que les adjonctions ; le secteur des formes en /E/ recueille une erreur sur quatre, qui consiste à utiliser une forme d’infinitif (er), de participe passé (é) ou d’imparfait (ai) à la place de la forme attendue.
Implications didactiques
20Nous commencerons par réfuter trois lieux communs qui nous paraissent dangereux d’un point de vue didactique.
21Les verbes du 3e groupe ne sont ni plus fréquents ni plus difficiles pour les collégiens que les verbes du 1er groupe. Il convient donc de nuancer des affirmations comme « Quand tu consultes un dictionnaire, tu constates que la plupart des verbes appartiennent au 1er groupe. Mais quand tu parles, ce sont les verbes du 3e groupe que tu utilises le plus souvent » (souligné par les auteurs, Conjugaison junior, p. 9, Le Robert & Nathan) ou l’assertion selon laquelle le 3e groupe constituerait « la difficulté majeure du système verbal français » (Bescherelle, 1980, p. 36) [5].
22Le classement traditionnel en trois groupes apparait ici comme peu opératoire : il met en avant un groupe de verbes peu utilisé, que l’on peut facilement regrouper avec le 3e groupe sous l’étiquette « verbes en [R] » par opposition aux verbes en [e] (voir A. Martinet, 1979). C’est ce que fait la version Junior proposée par Le Robert et Nathan qui opère des regroupements aussi souvent que possible et essaye de faire ressortir des régularités. Mais, encore une fois, l’utilité de présenter comme un problème à résoudre la détermination du groupe nous semble d’une rentabilité didactique limitée.
23Dire que l’infinitif et le participe passé sont des formes non verbales [6] n’est pas recevable d’un point de vue didactique : elles entrent dans un rapport d’homophonie avec d’autres formes (y compris avec l’imparfait, dont la prononciation avec un [e] fermé est de plus en plus commune) et sont sources de difficultés ; dire que l’infinitif est invariable ou que ce n’est pas un verbe, c’est faire fi des représentations des scripteurs et de leurs difficultés à leur arrivée au collège. Le participe passé est une source durable de difficultés (et apparait comme une « zone de fragilité » chez l’adulte (V. Lucci & A. Millet, 1994)) et on ne voit pas comment son accord peut être exclu du domaine de la conjugaison ou limité à l’accord en nombre ou en genre (cf. le tableau aller : pour les temps composés, le Bescherelle ne marque que le nombre, et l’accord en genre a été abandonné pour le participe passé dans l’édition de 1997).
24Nos observations nous conduisent aussi à affirmer un certain nombre de priorités qui peuvent guider les enseignants dans leurs choix.
25Travailler le verbe, c’est d’abord travailler, en toute bonne conscience, les verbes dont les élèves ont besoin, des verbes fréquents ou simples en apparence comme les verbes en -er, largement utilisés par les collégiens et qui leur posent de réels problèmes à cause des phénomènes d’homophonie. Il faut faire repérer aux élèves et manipuler les homophonies des verbes les plus fréquents aux temps les plus vivants du français contemporain, qui n’utilise pas toutes les potentialités de ses conjugaisons (C. Blanche-Benveniste, 1999 et dans le présent volume). Les jeunes scripteurs doivent comprendre la difficulté que représente le décalage, typique du français, entre formes orales et formes écrites. Un bon moyen de réfléchir au fonctionnement du verbe français consiste à le leur faire comparer au fonctionnement du verbe dans d’autres langues : la comparaison de formes verbales issues d’un même étymon est particulièrement intéressante (par exemple le français expliquer, l’italien spiegare, l’espagnol expliquar, le roumain a explica...) [7]. Les phénomènes d’homophonie sont très mal pris en compte dans les ouvrages de conjugaison (par exemple, la version Junior du Robert & Nathan (1997), souligne seulement les homophonies à la première personne passé simple/imparfait et futur/conditionnel). Il faut tenir compte des difficultés des élèves et ne pas écarter l’infinitif et le participe passé des observations sous prétexte que le premier ne varie pas et que le second varie comme un adjectif, ou encore ignorer les difficultés liées à l’imparfait sous prétexte que sa prononciation ne serait pas la même que celle du participe passé.
26La prise en compte de la fréquence nous semble aussi une piste intéressante pour amener les élèves à comprendre leurs erreurs : recourir aux tableaux de conjugaison pour chercher le subjonctif de courir est une chose ; expliquer, par la fréquence des finales en -ourt et -oit, pourquoi il n’est pas « naturel » d’écrire coure ou renvoie en est une autre. En classe de 3e, les formes de passé simple en -a ou en -ais à la première personne peuvent aussi s’expliquer par la fréquence de l’imparfait et de la troisième personne du passé simple des verbes en -er dans les textes que les élèves lisent.
27On n’apprend pas plus les verbes en lisant les ouvrages de conjugaison que le vocabulaire en lisant le dictionnaire. Les ouvrages de conjugaison doivent être utilisés pour ce qu’ils sont : des outils de référence et non de vénération. Il faut montrer aux élèves les choix qui y sont faits (par exemple avec l’observation de l’accord en genre), les attitudes plus ou moins normatives qui président à leur élaboration (les références au texte des Tolérances grammaticales et orthographiques de 1976 et au Rapport sur les Rectifications orthographiques du français de 1990 sont encore frileuses ou limitées, voire inexistantes). Bien des choix sont discutables avec les élèves ; l’observation de la variation dans les choix des manuels permet de prendre du recul par rapport à la langue et d’en faire un objet d’investigations.
28L’observation, avec les élèves, de corpus d’erreurs permet aussi de travailler sur les représentations, autre priorité. On connait maintenant mieux les erreurs concernant l’homophonie au présent (M. Fayol et al., 1995) et celles touchant les finales en /E/ (C. Brissaud & J.-M. Sandon, 1999). Il nous faut utiliser ces connaissances pour aider les élèves à retrouver leur cheminement et démonter le mécanisme de l’erreur dans un retour réflexif sur leurs écrits (C. Brissaud & D. Cogis, 2002) pour que se rejoignent conjugaison et écriture – c’est surtout quand ils écrivent que le verbe fait obstacle. Des exercices de détection des erreurs les plus récurrentes, d’écriture à contraintes peuvent aider les élèves à rendre conscientes leurs représentations.
29L’enseignant dispose d’une marge de manœuvre certaine qu’il mettra à profit en limitant ses objectifs et en tenant compte de l’usage, celui d’aujourd’hui et celui de ses élèves. Étudier le verbe au collège, c’est beaucoup plus que faire de la conjugaison, c’est apprendre à réfléchir au fonctionnement de la langue, en lisant, en écrivant.
Bibliographie
Références bibliographiques
- Arrivé M. (dir.) (1997), Bescherelle, la conjugaison pour tous, Paris, Hatier. Le nouveau Bescherelle, 1. L’art de conjuguer (1980), Paris, Hatier.
- Benaych P. & Gallet D. (2001), Conjugaison junior, Paris, Nathan-VUEF.
- Bentolila A. (dir.) (2001), Conjugaison, Paris, Nathan-VUEF.
- Blanche-Benveniste C. (1999), « La conjugaison des verbes : virtuelle, attestée, défective », Recherches sur le français parlé, n° 15, p. 87-112.
- Brissaud C. & Bessonnat D. (2001), L’Orthographe au collège : pour une autre approche, CRDP de Grenoble-Delagrave, « collection 36 ».
- Brissaud C. & Cogis D. (2002), « La morphologie verbale écrite, ou ce qu’ils en savent au CM2 », Lidil, n° 25, p. 31-42.
- Brissaud C. & Sandon J.-M. (1999), « L’acquisition des formes verbales en /E/ à l’école élémentaire et au collège, entre phonographie et morphographie », Langue française, n° 124, p. 40-57.
- Brunet E. (1999), « La langue française au XXe siècle », dans J. Chaurand (dir.) Nouvelle histoire de la langue française, Paris, Seuil.
- Fayol M., Largy P., Thévenin M.-G. & Totereau C. (1995), « Gestion et acquisition de la morphologie écrite », Glossa, n° 46 et 47, p. 30-39.
- Journal officiel (1990), Rapport sur les Rectifications orthographiques du français, documents administratifs, 6 décembre 1990.
- Lucci V. & Millet A. (1994), L’Orthographe de tous les jours. Enquêtes sur les pratiques orthographiques des Français, Paris, Champion.
- Martinet A. (1979), Grammaire fonctionnelle du français, Paris, Crédif-Didier.
- Ministère de l’Éducation nationale (1976), Tolérances grammaticales ou orthographiques, arrêté du 28 décembre 1976, publié au BO n° 9 du 10 mars 1977, Paris, CNDP.
- Riegel M., Pellat J.-C. & Rioul R. (1994), Grammaire méthodique du français, Paris, Presses universitaires de France.
Notes
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[1]
Nous adoptons ici la terminologie grammaticale publiée en 1998 par l’Inspection générale des lettres.
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Rappelons les termes du chapitre morphosyntaxe des instructions officielles qui inscrit au programme en classe de sixième (1997 : p. 21) : « les conjugaisons à l’indicatif (présent, futur, imparfait, passé simple, passé composé, plus-que-parfait) et aux présents de l’impératif, du conditionnel et du subjonctif des verbes être et avoir, des verbes du 1er et du 2e groupes et des verbes du 3e groupe d’emploi fréquent (aller, devoir, dire, faire, falloir, prendre, savoir, valoir, venir, voir, vouloir). »
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[3]
Il s’agit de (par ordre de fréquence décroissant) : aller, faire, dire, voir, venir, vouloir, prendre, pouvoir, savoir, falloir, devoir. Les 506 occurrences du verbe aller, seul verbe en -er comptabilisé avec les verbes les plus fréquents, représentent plus de 5 % du total.
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[4]
Si l’on considère les formes verbales, simples ou composées, les verbes du premier groupe sont les plus fréquents : 54 % des occurrences des formes verbales en classe de sixième, 50 % en classes de cinquième et de quatrième.
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[5]
Cette affirmation est abandonnée dans l’édition 1997.
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[6]
Il nous parait symptomatique que, parmi les étudiants qui se destinent à être professeurs des écoles, certains ne comptent les formes d’infinitif comme formes verbales… que lorsque qu’elles comportent une erreur.
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[7]
Pour des propositions d’exercices, le lecteur pourra se reporter aux chapitres « De la gestion des accords », « De la morphologie verbale » et « Des formes en /E/ » de notre ouvrage (C. Brissaud & D. Bessonnat, 2001).