Notes
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[1]
Ce sont des affirmations d’élèves de onzième ayant appris le français pendant cinq ans. Ces affirmations ont été recueillies par Vanessa Manske, une étudiante du département de Romanistik à l’Universitât Gesamthochschule Kassel. La question était : « Qu’est-ce qui te plait particulièrement en cours de français ou qu’est-ce qui ne te plait pas ? »
-
[2]
Le nombres d’élèves interrogés n’est pas assez important.
-
[3]
Cette partie est un résumé de la description du système éducatif en République fédérale d’Allemagne. Une version complète de cette description se trouve sur Internet : <http://www.kmk.org/diku/comefr.htm>.
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[4]
Pour garantir une unité et une possibilité de comparaison, les Länder coopèrent au sein de la Conférence permanente des ministres de l’Éducation et des Affaires culturelles des Länder en République fédérale d’Allemagne.
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[5]
En Hesse, le français est actuellement choisi comme deuxième langue au détriment du latin.
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[6]
Le concept de centration sur l’apprenant tel qu’il se développe actuellement a été à mon avis influencé par le concept « learner-centred-curriculum » de D. Nunan (1988). Cf. I. Tudor, 1996, p. 21-23).
-
[7]
Le terme est un terme très large qui recouvre « language awareness » et « language learning awareness ».
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[8]
Il y a trois raisons essentielles de promouvoir l’autonomie de l’apprenant : sociopolitique, économique et psycholinguistique (cf. D.A. Crabbe, 1993, p. 443-444). Le concept d’autonomie n’est pas nouveau. Les pédagogues du début du siècle avaient proposé des modèles qui, comme l’affirment M.-J. Barbot & G. Camatarri (1999), n’avaient pas de fondement théorique. Le développement d’une théorie cognitive et constructiviste de l’apprentissage donne une base théorique au concept d’autonomie.
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[9]
Les recherches sur les stratégies ont beaucoup été influencées par les travaux anglo-américains. Pour un bon aperçu en français, consultez l’ouvrage de P. Cyr (1998). Pour la vulgarisation et la généralisation de ce concept en Allemagne consultez « Der fremdsprachliche Unterricht » 4/1998.
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[10]
Un exemple de formation interculturelle qui me semble intéressant est une formation qui englobe une dimension cognitive, affective et comportementale (cf. C. Gallien, 2000).
-
[11]
Publications du HELP en collaboration avec Le Bureau du livre de la Jeunesse et de l’Institut français de Francfort et le groupe de travail LAG (Lehrerarbeitsgruppe Französisch).
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[12]
Bien qu’il y ait un décalage de maitrise langagière.
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[13]
Comme il m’est impossible d’analyser les programmes de tous les Länder, mes remarques reposent sur l’analyse du programme des cours de français de l’enseignement secondaire inférieur pour le Land de la Hesse (Rahmenplan Sekundarstude I). Cette analyse tente de montrer dans quelle mesure les nouvelles tendances présentées ci-dessus se retrouvent au niveau des programmes scolaires ; elle est donc très sélective. Pour un aperçu de la diversité des programmes et de la difficulté de les comparer, consulter H. Düwell (1997).
-
[14]
Traduction de l’auteur de cet article.
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[15]
La formation des enseignants est divisée en deux parties. La seconde partie ne dépend pas des universités. Il s’agit d’une formation de pratique pédagogique sous la forme d’une période probatoire qui comprend des cours dans des séminaires et l’expérience pratique dans des écoles d’application. Cela correspond en gros à la formation dans les IUFM.
-
[16]
Je pense particulièrement aux travaux individuels (publiés dans des revues de didactique) et collectifs comme ceux de la LAG et BAG (Bundesarbeitsgruppe Französisch). Voir entre autres le numéro 4/1999 de Französisch Heute consacré à la littérature de jeunesse qui fut pratiquement pris en charge par les professeurs de français appartenant à la LAG.
-
[17]
Cela varie suivant les niveaux et les types de formation.
« Die Sprache an sich ist eine schöne Sprache, jedoch finde ich die Grammatik teilweise zu kompliziert. »
« La langue par elle-même est à vrai dire une belle langue, pourtant je trouve la grammaire parfois trop compliquée. »
« Die Sprache ist schon aber zu schwer. »
« La langue est belle mais trop compliquée. »
« Grammatik und Vokabeln lernen sind nicht mein Fall. Lieber Texte lesen und bearbeiten. »
« La grammaire et le vocabulaire ne sont pas mon affaire. Je préfère lire et travailler sur des textes [1]. »
Introduction
1Ces quelques affirmations d’élèves de onzième (correspondant à la seconde en France) ne sont certes pas représentatives [2]. Pourtant elles sont révélatrices du dilemme dans lequel se trouve le français en République fédérale d’Allemagne. D’une part, le français est considéré comme une belle langue, d’autre part, il est trop difficile.
2C’est de l’enseignement de cette langue belle mais difficile qu’il va s’agir dans ce texte. Or l’enseignement et la pratique scolaire sont des phénomènes complexes qui ne se laissent pas appréhender facilement. Par souci d’objectivité, j’ai choisi de décrire cet enseignement d’abord à travers le discours didactique, les programmes et les manuels (deuxième partie) pour ensuite dresser une sorte de constat qui tente de dépasser la polarisation qu’en font les élèves (troisième partie). Dans une première partie, je donne quelques repères afin de situer l’enseignement du français dans l’ensemble du système scolaire et permettre au lecteur une meilleure compréhension des donnés qui suivent.
Quelques repères pour situer l’enseignement du français en Allemagne [3]
3Contrairement à la France dont la structure est centralisée, l’organisation et l’administration de l’enseignement sont déterminées en Allemagne par la structure fédérale. Les principes de base de l’enseignement sont définis par la constitution et les lois de chaque Land. Une structure de base commune est garantie par un accord passé entre les Länder [4]. L’autorité des Länder ne s’étend pas seulement à l’organisation de la structure de l’école, mais aussi aux contenus des cours, aux objectifs pédagogiques. Les ministères compétents des Länder élaborent les programmes des matières enseignées dans les différents types d’établissements et dans les différents niveaux d’enseignement. Les programmes sont appliqués dans les différentes matières et dans les différents types d’écoles essentiellement par l’intermédiaire des manuels qui correspondent aux programmes et qui doivent être approuvés par les ministères de l’Éducation et des Affaires culturelles des Länder.
4L’enseignement est obligatoire pour tous les enfants à partir de l’âge de 6 ans. Il dure généralement neuf ans. L’enseignement primaire s’étend de la première à la quatrième année (qui correspondent au CP, CE1, CE2, CM1 en France). Suit l’enseignement secondaire inférieur, de la cinquième à la neuvième ou dixième selon les types d’établissement et les types d’examens visés. La Gymnasiale Oberstufe (qui correspond en France aux classes de seconde, première, terminale) constitue l’enseignement secondaire supérieur. On fait une distinction entre la Hauptschule, la Realschule et le Gymnasium. La Hauptschule s’étend généralement de la cinquième à la neuvième année, la Realschule de la cinquième à la dixième, celle-ci étant sanctionnée par un certificat de fin d’étude, le Gymnasium de la cinquième à la treizième. Comme en France, le Gymnasium comprend un enseignement secondaire inférieur et supérieur. De même, certains établissements (collèges) offrent plusieurs types d’enseignement intégrant Hauptschule, Realschule et Gymnasium. L’enseignement-apprentissage du français est possible à tous les niveaux (primaire et secondaire) et dans tous les types d’établissements et de cursus même s’il est très rare dans la Hauptschule. Le français peut être appris en tant que première, seconde ou même troisième langue étrangère. En général, il est la deuxième langue étrangère après l’anglais donc à partir de la septième et rivalise avec le latin [5]. Les élèves ont la possibilité d’abandonner le français après la onzième – à moins que celui-ci ne soit matière au baccalauréat. La plupart profitent de cette opportunité ce qui cause une chute importante du nombre d’élèves apprenant le français après la onzième (cf. F. Günther, 2000 ; F.-J. Meißner, 1997).
La pratique scolaire vue à travers les revues de didactique, les programmes et les manuels scolaires
Le discours en didactique des langues étrangères (y compris FLE) et les nouvelles tendances
5L’objectif essentiel de tout enseignement de langue et donc de l’enseignement du français demeure l’acquisition d’une compétence communicative, une compétence d’autant plus nécessaire dans la perspective d’une intégration européenne. Mais face aux problèmes de mise en pratique de l’enseignement communicatif (cf. D. Wolff, 1999) et face à la nouvelle génération d’élèves dont les dispositions à l’apprentissage ont changé, un ensemble de nouvelles orientations sont devenues nécessaires (cf. E. Leupold, 1992). Ces nouvelles orientations et approches sont « post ou néocommunicatives » (F.G. Königs, 1991 ; M. Reinfried, 1999 ; D. Wolff, 1999).
6Un des grands éléments fédérateurs de cette phase dite post- ou néocommunicative est à mon avis l’accent accordé non plus seulement aux résultats des processus d’enseignement-apprentissage (produit) mais aux processus mis en œuvre dans l’apprentissage langagier. Cette focalisation sur le processus de l’apprentissage relève également de la centration sur l’apprenant dont la signification initiale a évolué (M. Reinfried, 1999 ; Tudor, 1996) recouvrant ainsi un nombre de pratiques et de procédures qui ont toutes en commun de placer l’apprenant au centre des réflexions et des pratiques d’enseignement. Le terme apprenant qui est né de la double nécessité de proposer d’une part un terme plus générique qu’élève ou étudiant et de manifester d’autre part (au moins dans les mots) un certain « recentrage sur l’enseigné » (R. Galisson & D. Coste, 1976), prend dès lors tout son sens : c’est celui qui apprend par opposition à celui qui est enseigné. L’apprenant devient le point de référence de tout processus d’enseignement-apprentissage [6]. La classe de langue devient un lieu d’apprentissage (M.K. Legutke, 2000).
7Cette focalisation sur l’apprenant et son processus d’apprentissage est également observable au niveau de la terminologie employée dans le discours actuel de la didactique des langues. Les termes autonomie de l’apprenant, stratégies d’apprentissage, sensibilisation linguistique [7] sont devenus des éléments incontournables de ce discours et relèvent tous de la perspective de l’apprentissage. L’autonomie est essentiellement reconnue comme un besoin psychologique [8]. Les recherches dans le domaine de la psychologie cognitive ont souligné le caractère actif, subjectif et constructif de tout apprentissage et de l’apprentissage de langue en particulier et ont redonné force au concept d’autonomie en didactique des langues. L’autonomie telle qu’elle est conçue dans le cadre de la classe de langue repose essentiellement sur la participation active des apprenants dans le processus d’enseignement-apprentissage et impliquent qu’ils apprennent à apprendre et qu’ils développent un certain niveau de métacognition. D’où un grand intérêt pour l’enseignement-apprentissage des stratégies d’apprentissage [9] et le développement de ce qu’on appelle en France « l’éveil aux langues » qui devraient permettre à l’apprenant de prendre – au moins progressivement – en charge son apprentissage. L’enseignant n’est plus celui qui enseigne mais celui qui aide à apprendre.
L’apprentissage interculturel
8La culture d’origine joue d’une part un rôle de « crible » à travers lequel la culture de l’autre est perçue et interprétée voire mal interprétée (H. Besse, 1984). D’autre part, la méconnaissance et les représentations inadéquates de la culture de l’autre peuvent nuire à la communication voire la rendre impossible.
9L’individu acquiert au cours de sa socialisation un ensemble de symboles culturels qui lui permettent de s’orienter, d’agir et de communiquer socialement en partageant avec les membres de la même communauté linguistique et culturelle des évidences, des non-dits qu’il a intégrés et qu’il suppose assimilés de la même façon par les autres. Dans le contact avec la culture de la langue cible, il peut se produire un dysfonctionnement du système symbolique habituel, l’incapacité de « décodage culturel », la non-reconnaissance des signes peut produire des malentendus (M. Perrefort, 1991). Pour comprendre l’autre et se faire comprendre de lui, il est indispensable de connaitre la culture quotidienne, la sienne comme celle de l’autre ce qui nous amène à la problématique de l’interculturalité : la compétence interculturelle est « la capacité d’agir en commun avec l’autre dans une connaissance réciproque de la culture de l’apprenant et du pays-cible » (A.-A. Schoonheere & A. Barrera-Vidal, 2000, p. 8). Au-delà des connaissances en civilisation, il va s’agir en classe de français de sensibiliser les apprenants à une communication interculturelle en intégrant dans l’apprentissage linguistique une formation interculturelle [10].
L’authenticité dans la classe : la littérature de jeunesse comme outil pour la classe
10Grâce au mouvement de littérature de jeunesse qui est apparu en Hesse [11], un grand intérêt est né pour une littérature peu connue en Allemagne mais dont la richesse langagière et culturelle reste à découvrir. De ce fait, la lecture de textes non seulement authentiques mais également littéraires n’est pas reléguée aux classes supérieures où les élèves sont sensés devoir maitriser la langue française, mais ce sont des outils pour la classe dès les premières années d’apprentissage. Ils contribuent à l’apprentissage de la lecture et de la langue. De surcroit, ils introduisent et véhiculent une image des Français et des Françaises et de leur(s) culture(s). S’adressant originairement à des enfants ou des adolescents français, ils proposent des thèmes qui intéressent le public allemand [12].
Les nouvelles technologies
11Il va de soi que pour des raisons entre autres financières, l’ordinateur n’est pas l’outil le plus répandu dans les classes de langue et l’équipement des écoles (tout comme d’ailleurs la formation des enseignants) ne se fera qu’à longue échéance. Il n’en reste pas moins que les nouvelles technologies et la reconnaissance du besoin urgent de savoir les utiliser comme outil et véhicule d’apprentissage ont fait émerger un autre besoin, celui d’une nouvelle compétence : la compétence multimédia qui est en passe de devenir actuellement une qualification-clé. Nombres d’auteurs et de chercheurs insistent sur les atouts spécifiques des nouvelles technologies pour le cours de langue et montrent dans quelle mesure celles-ci – en ouvrant la classe de langue – sont à même de promouvoir la compétence communicative, l’interaction, l’authenticité, l’apprentissage actif et l’apprentissage interculturel (cf. H. Rüschoff & D. Wolff, 1999).
Les programmes
12Dans les programmes scolaires [13], on observe une même centration sur l’apprenant et le développement de la compétence de communication. Les auteurs insistent par exemple sur le fait que la grammaire a seulement « une fonction servant à la communication [14] » (Rahmenplan, 1996, p. 16). Il ne s’agit pas de faire de la grammaire pour la grammaire mais pour communiquer. Quant à l’enseignement de la grammaire, il s’agit de promouvoir le développement chez l’apprenant d’un véritable processus heuristique qui devrait lui permettre de découvrir et de formuler des règles de grammaire plutôt que de promouvoir l’apprentissage d’une règle grammaticale. Les auteurs conseillent de conserver une terminologie réduite au départ à la terminologie connue pour être élargie ultérieurement.
13En ce qui concerne l’apprentissage interculturel, les programmes proposent de sensibiliser les élèves à la culture étrangère en les confrontant à des extraits sur la vie quotidienne plutôt qu’à des données géographiques, politiques ou socioculturelles ; ce qui devrait permettre aux élèves de comparer les faits, les attitudes, les normes et les valeurs avec celles de leur propre pays et d’en retirer les conséquences pour leur propre comportement dans le sens d’une approche interculturelle – même si elle n’est pas nommée ainsi.
14Afin de garantir un apprentissage autonome, économique et réussi, il est conseillé d’utiliser les techniques d’apprentissage déjà connues et employées dans d’autres matières, et d’élargir cet éventail au cours de l’apprentissage langagier. Les techniques recommandées sont en général des stratégies cognitives, telles les stratégies mnémoniques ou l’utilisation d’un matériel d’appoint (cf. Rahmenrichtlinien, 1996, p. 17).
15Les manuels présentent des signes de ces nouvelles tendances – encore discrets. Les nouvelles technologies permettent une plus grande individualisation de l’apprentissage. La plupart des méthodes sont munies de cédéroms qui permettent à chaque apprenant de travailler individuellement, à son rythme et à son gré sur des aspects précis tels que le vocabulaire, la grammaire, l’écriture, etc. Franciel est par exemple un logiciel qui tout en accompagnant la méthode Étapes va au-delà de celle-ci en proposant à l’élève des formes et modes de travail différents des médias traditionnels. En tant que tel, il peut contribuer à augmenter la motivation pour l’apprentissage du français.
De la programmatique à la réalité ou pour aller plus loin
16Ma présentation suggère une image relativement positive de l’enseignement du français. La pratique n’est pas toujours aussi innovante : il y a un décalage entre le discours didactique, les programmes enrichis de ces nouvelles idées et la pratique scolaire des cours de français qui suivent bien trop souvent des modèles traditionnels de transmission du savoir. Les cours sont centrés sur l’enseignant et le manuel scolaire (cf. C. Minuth, 1996). Les manuels – trop couteux – demeurent anciens ou plus ou moins adaptés. La langue française est considérée comme une langue difficile qui nécessite un apprentissage basé sur la grammaire. Des résultats de recherches ont montré que l’enseignement de la grammaire couvre entre 40 et 60 % de l’ensemble du programme en cours de français. Dans les classes pour débutants, la grammaire couvre 70 % (R. Freudenstein, 1997). Il en résulte un manque de motivation et un abandon du français qui semble aller presque de soi.
17En fait, les tendances décrites ci-dessus relèvent du domaine de l’innovation. Comme toute innovation, elles demandent du temps et exigent des formations initiales et continues adaptées. De nombreuses universités fonctionnent dans la tradition du XIXe siècle et proposent des formations basées sur l’enseignement de la grammaire, de la traduction et de la littérature au détriment de l’apprentissage langagier (R. Freudenstein, 1997, p. 103). Quoi qu’il en soit, il faut souligner qu’en Allemagne la formation des enseignants à l’université est un cursus spécifique appelé « Lehramt » qui se distingue par exemple du cursus « Magister » du fait qu’il propose d’une part une formation pédagogique, par exemple en didactique du français langue étrangère, et des stages pratiques dans les écoles pendant la formation initiale [15]. La didactique des matières enseignées fait partie du cursus universitaire pour les futurs enseignants au même titre que la littérature, la linguistique ou la civilisation.
18Outre le problème du temps et de la formation, ces innovations sont tributaires de personnes engagées et créatives qui travaillent sur le terrain et font bouger la pratique [16].
19De plus, cette image relativement positive ne saurait cacher le fait que le nombre d’apprenants de français stagne voire régresse [17]. Le français reste en deuxième position après l’anglais (R. Freudenstein, 1997). Il rivalise avec le latin et l’espagnol actuellement. Pour pallier ce problème, une voix se fait forte actuellement, celle de la politique du plurilinguisme qui, en donnant une place à toutes les langues, replace l’apprentissage du français dans un cadre théorique différent. Il ne s’agit pas de combattre pour le maintien du français et d’exiger par exemple de supprimer les cours d’anglais de tout programme scolaire – partant de l’hypothèse selon laquelle les élèves apprendront de toute façon l’anglais (R. Freudenstein, 1997, p. 102). Il s’agit de revendiquer l’apprentissage des langues étrangères où le français a sa place et une meilleure organisation – chronologique – de l’enseignement des langues (F.-J. Meißner, 1997). C’est dans ce cadre que les modèles d’enseignement précoce du français ou des classes bilingues présentent des alternatives intéressantes et devraient jouer à l’avenir un rôle prépondérant dans la promotion du français. La politique du plurilinguisme n’est pas une perspective purement allemande, elle s’inscrit dans le cadre d’une politique de diversification des langues au niveau européen.
Une remarque en guise de conclusion
20Vouloir présenter la situation du français en Allemagne est une tâche de grande envergure. Je me suis attachée à en souligner les grandes lignes. Un tel regard est toujours quelque peu subjectif. La part de subjectivité tient à la triple perspective adoptée : la perspective d’une Française qui a connu en tant qu’élève et étudiante le système éducatif français, celle d’une ancienne enseignante-stagiaire de français et celle d’une chercheuse en didactique des langues étrangères en Allemagne.
21« Pour un professeur de français hors de France, comment se présente l’avenir ? », telle était la question posée par F. Ploquin à J. Pêcheur (2000), rédacteur en chef du Français dans le monde ; j’adhère à la réponse de ce dernier : « Le paysage est en totale recomposition. L’accroissement du temps libre, l’idée que l’apprentissage doit s’exercer tout au long de la vie, les multiplications des déplacements vont amener à renouveler l’offre. Il n’y a aucune raison d’être pessimiste. »
Bibliographie
Bibliographie
- Barbot M.-J. & Camatarri G. (1999), Autonomie et apprentissage : l’innovation dans la formation, Paris, PUF.
- Besse H. (1984), « Éduquer la perception interculturelle », Le Français dans le monde, n° 188, p. 46-50.
- Coste D. (1999), « Politique linguistique, plurilinguisme et diversification des langues en contexte scolaire », dans Krechel H.-L., Marx D. & Meißner F.-J. (hrsg.), Kognition und neue Praxis im Französischunterricht, Akten des Französischlehrertages der Vereinigung der Französischlehrer e.V./NRW an der Bergischen Universität-Gesamthochschule Wuppertal 1997, Tübingen, Narr, p. 17-28.
- Cyr P. (1998), Les Stratégies d’apprentissage, Paris, CLÉ International.
- Crabbe D.A. (1993), « Fostering autonomy from within the classroom : the teacher’s responsability », System, vol. 21, n° 4, p. 443-452.
- De Florio-Hansen I. (2000), « Interkulturalität als Voraussetzung für personale Autonomie und Authentizität », Praxis, 47.3, p. 227-234.
- Düwell H. (1997), « Wie aktuell sind die Lehrpläne fur den Französischunterricht ? », dans Meißner F.-J. (hrsg.), Interaktiver Fremdsprachenunterricht: Wege zur Kommunikation. Festschrift für Ludwig Schiffer zum 60. Geburtstag, Tübingen, Narr, p. 75-89.
- Freudenstein R. (1997), « Das Dilemma des Französischunterrichts an deutschen Schulen dargestellt aus der Sicht eines Anglisten », dans Meißner F.-J. (hrsg.), Interaktiver Fremdsprachenunterricht: Wege zur Kommunikation. Festschrift für Ludwig Schiffler zum 60. Geburtstag, Tübingen, Narr, p. 99-106.
- Galisson R. & Coste D. (1976), Dictionnaire de didactique des langues, Paris, Hachette.
- Gallien C. (2000), « Langue et compétence interculturelle », Le Français dans le monde, n° 311, p. 21-23.
- Günther F. (2000), Deutschunterricht in Frankreich und Französischunterricht in Deutschland. Eine Bestandsaufnahme zur Lage zweier Schulfremdsprachen im allgemeinbildenden Sekundarschlbereich, Herne/Institut Français Düsseldorf.
- Königs F.G. (1991), « Auf dem Weg zu einer neuen Ara des Fremdsprachenunterrichts ? Gedanken zur “Postkommunikativen Phase” in der Fremdsprachendidaktik », Taller de Letras, n° 19, p. 21-42.
- Lehrerarbeitsgruppe Französisch (hrsg.) (1999), Lesarten. Kinder- und Jugendbücher im Französischunterricht, Wiesbaden, Hessisches Landesinstitut fur Landespädagogik (HelP) (Zusammenarbeit zwischen Bureau du Livre de Jeunesse et Institut Français Frankfurt).
- Legutke M.K. & Müller-Hartmann A. (2000), « Lernwelt Klassenzimmer - and beyond », Der fremdsprachliche Unterricht Englisch, n° 3, p. 4-9.
- Leupold E. (1992), « Zur pädagogischen Neuorientierung des Fremdsprachenunterrichts », Praxis des neusprachlichen Unterrichts, n° 39, p. 341-349.
- Leupold E. (1997), « Individualisierung im Französischunterricht », Der fremdsprachliche Unterricht, n° 4, p. 4-9.
- Meißner F.-J. (1997), « Zum Französischunterricht in der Bundesrepublik », Französisch beute, n° 1, p. 8-23.
- Meißner F.-J. (1998), « Zielsprache Französisch -zum Unterricht einer “schweren” Sprache », Französisch beute, n° 3, p. 241-257.
- Minuth C. (1996), Freie Texte im Französischuterricht, Berlin, Cornelsen.
- Nunan D. (1988), The learner-centred curriculum, Cambridge, Cambridge University Press.
- Perrefort M. (1992), « Le thème du boire et du manger dans la communication interculturelle : l’exemple franco-allemand », Les Langues modernes, Heft 2, p. 73-82.
- Ploquin F. (2000), « Le francais dans la concurrence avec ses atouts. Entretien avec Jacques Pécheur », Le Francais dans le monde, n° 311, p. 6-7.
- Reinfried M. (1999), « Handlungsorientierung, Lernerzentrierung, Ganzheitlichkeit. Neuere Tendenzen in der Französischmethodik », Französisch beute, n° 3, p. 328-345.
- Schoonheere A.-A. & Barrera-Vidal A. (2000), « L’interculturalité : quelques pistes pour le travail en classe », Zielsprache Französisch, n° 32.1, p. 7-11.
- Tudor I. (1996), Learner-centredness as language education, Cambridge, Cambridge University Press.
- Wolff D. (1999), « Autonomes Lernen - ein Weg zur Mehrsprachigkeit », dans Krechel H.-L., Marx D. & Meißner F.-J. (hrsg.), Kognition und neue Praxis im Französischunterricht, Akten des Französischlehrertages der Vereinigung der Französischlehrer e.V./NRW an der Bergischen Universität-Gesamthochschule Wuppertal 1997, Tübingen, Narr, p. 151-164.
Manuels scolaires
- Découvertes 1, Série verte/Études françaises, Klett, 1994.
- Passages 1, Lehrwerk fur den Französischunterricht, Diesterweg, 1998.
- Étapes 1, Cornelsen, 1996.
- Apprendre à apprendre, Étapes 1, Cornelsen, 1998.
Notes
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[1]
Ce sont des affirmations d’élèves de onzième ayant appris le français pendant cinq ans. Ces affirmations ont été recueillies par Vanessa Manske, une étudiante du département de Romanistik à l’Universitât Gesamthochschule Kassel. La question était : « Qu’est-ce qui te plait particulièrement en cours de français ou qu’est-ce qui ne te plait pas ? »
-
[2]
Le nombres d’élèves interrogés n’est pas assez important.
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[3]
Cette partie est un résumé de la description du système éducatif en République fédérale d’Allemagne. Une version complète de cette description se trouve sur Internet : <http://www.kmk.org/diku/comefr.htm>.
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[4]
Pour garantir une unité et une possibilité de comparaison, les Länder coopèrent au sein de la Conférence permanente des ministres de l’Éducation et des Affaires culturelles des Länder en République fédérale d’Allemagne.
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[5]
En Hesse, le français est actuellement choisi comme deuxième langue au détriment du latin.
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[6]
Le concept de centration sur l’apprenant tel qu’il se développe actuellement a été à mon avis influencé par le concept « learner-centred-curriculum » de D. Nunan (1988). Cf. I. Tudor, 1996, p. 21-23).
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[7]
Le terme est un terme très large qui recouvre « language awareness » et « language learning awareness ».
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[8]
Il y a trois raisons essentielles de promouvoir l’autonomie de l’apprenant : sociopolitique, économique et psycholinguistique (cf. D.A. Crabbe, 1993, p. 443-444). Le concept d’autonomie n’est pas nouveau. Les pédagogues du début du siècle avaient proposé des modèles qui, comme l’affirment M.-J. Barbot & G. Camatarri (1999), n’avaient pas de fondement théorique. Le développement d’une théorie cognitive et constructiviste de l’apprentissage donne une base théorique au concept d’autonomie.
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[9]
Les recherches sur les stratégies ont beaucoup été influencées par les travaux anglo-américains. Pour un bon aperçu en français, consultez l’ouvrage de P. Cyr (1998). Pour la vulgarisation et la généralisation de ce concept en Allemagne consultez « Der fremdsprachliche Unterricht » 4/1998.
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[10]
Un exemple de formation interculturelle qui me semble intéressant est une formation qui englobe une dimension cognitive, affective et comportementale (cf. C. Gallien, 2000).
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[11]
Publications du HELP en collaboration avec Le Bureau du livre de la Jeunesse et de l’Institut français de Francfort et le groupe de travail LAG (Lehrerarbeitsgruppe Französisch).
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[12]
Bien qu’il y ait un décalage de maitrise langagière.
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[13]
Comme il m’est impossible d’analyser les programmes de tous les Länder, mes remarques reposent sur l’analyse du programme des cours de français de l’enseignement secondaire inférieur pour le Land de la Hesse (Rahmenplan Sekundarstude I). Cette analyse tente de montrer dans quelle mesure les nouvelles tendances présentées ci-dessus se retrouvent au niveau des programmes scolaires ; elle est donc très sélective. Pour un aperçu de la diversité des programmes et de la difficulté de les comparer, consulter H. Düwell (1997).
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[14]
Traduction de l’auteur de cet article.
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[15]
La formation des enseignants est divisée en deux parties. La seconde partie ne dépend pas des universités. Il s’agit d’une formation de pratique pédagogique sous la forme d’une période probatoire qui comprend des cours dans des séminaires et l’expérience pratique dans des écoles d’application. Cela correspond en gros à la formation dans les IUFM.
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[16]
Je pense particulièrement aux travaux individuels (publiés dans des revues de didactique) et collectifs comme ceux de la LAG et BAG (Bundesarbeitsgruppe Französisch). Voir entre autres le numéro 4/1999 de Französisch Heute consacré à la littérature de jeunesse qui fut pratiquement pris en charge par les professeurs de français appartenant à la LAG.
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[17]
Cela varie suivant les niveaux et les types de formation.