Notes
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[1]
Cf. E. Berti, « Modelli di ermeneutica aristotelica tra Ottocento e Novecento », in Nuovi studi aristotelici, IV/2 : L’influenza d’Aristotele. Età moderna e contemporanea, Brescia, Morcelliana, 2010, p. 139-158. Cf. également G. Tonelli, « La tradizione delle categorie aristoteliche nella filosofia moderna fino a Kant », in Studi Urbinati di Storia, Filosofia e Letteratura, a. XXII, n. 1-2, 1958, p. 121-143.
-
[2]
Cf. Aristoteles graece ex recensione Immanuelis Bekkeri edidit Academia Regia Borussica, volumen prius, Berolini apud Georgium Reimerum, a. 1831, ex officina Academia. Bekker attribue l’initiative du projet à Schleiermacher, comme l’on peut lire dans la préface à l’édition de 1831 : « Academia Berolinensis cum Friderico Schleiermachero auctore consilium capisset Aristotelis ex diutino situ excitandi novaque editione celebrandi, operae pretium se non facturam videata, nisi plures quam adhunc manassent et ubiores lectionis Aristotelis fontes aperiret. » Pour un approfondissement, voir D. Thouard, « Aristote au xixe siècle : la résurrection d’une philosophie », in D. Thouard (éd.), Aristote au xixe siècle, Lille, Presses universitaires du Septentrion, 2004, p. 10-11.
-
[3]
Pour vérifier l’impact que Trendelenburg eut sur la philosophie de son temps, bien qu’il ne soit pas tout à fait approprié de parler d’une « école de Trendelenburg », il suffit de considérer les noms de ses élèves les plus illustres : H. Cohen, W. Dilthey, E. Dühring, R. Eucken, C. Prantl, F. Ueberweg, J. B. Mayer, E. Laas, F. Paulsen, O. Willmann, G. V. Hertilng, S. Kierkegaard. Kierkegaard lui-même dans une page de son Journal, datant de décembre 1844, définit Trendelenburg comme l’un des plus grands génies de la philosophie, tout en opposant l’effet bénéfique de la lecture des Grecs à la malhonnêteté des mensonges hégéliens. Voir Søren Kierkegaard Papier, P. A. Heiberg, V. Kuhr et E. Torsting (dir.), Copenhague, Gyldendal, 1909-1948, vol. II. Pour une étude historiographique de la pensée de Trendelenburg, en rapport avec l’aristotélisme du xixe siècle, cf. P. Petersen, Die Philosophie F. A. Trendelenburg. Ein Beitrag zur Geschichte des Aristoteles im 19 Jahrhundert, Hambourg, C. Boysen, 1913. Pour une analyse plus recente, cf. M. Magiagalli, Logica e metafisica nel pensiero di F. A. Trendelenburg, Milan, CUSL, 1983. Du même auteur, voir « Recenti studi su Friederich Adolf Trendelenburg », in Rivista di filosofia neoscolastica, Milan, Vita e Pensiero, 2006, p. 575-583. Voir également M. Antonelli, Alle radici del movimento fenomenologico Psicologia e metafisica nel giovane Franz Brentano, Bologne, Pitagora Editrice, 1996, p. 51-82. Enfin, pour une vision d’ensemble sur le paysage philosophique du xixe siècle, cf. M. Campo, Schizzo storico dell’esegesi e critica kantiana. Dal « ritorno a Kant » alla fine dell’Ottocento, Varese, Magenta, 1959 ; S. Poggi, I sistemi dell’esperienza. Psicologia, logica e teoria della scienza da Kant a Wundt, Bologne, il Mulino, 1977 ; K. Ch. Köhnke, Entstehung und Aufstieg des Neukantismus. Die Universitätsphilosophie zwischen Idealismus und Positivismus, Francfort, Suhrkamp, 1986.
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[4]
Les références sont, respectivement, à I. Kant, Kritik der reinen Vernunft, A 81/B 107, Kants gesammelte Schriften, Berlin, Königliche Preussische Akademie der Wissenschaften, III, 1904, p. 1-552, IV, Berlin, 1903, p. 1-252 ; F. W. Hegel, Vorlesungen über die Geschichte der Philosophie (1833), vol. I, E. Moldenhauer, K. M. Michel (Hrsg.), Francfort, Suhrkamp, 1986, p. 249. Les Logische Untersuchungen de 1840 mentionnent à cet égard le jugement autant respectueux que sévère adressé par Kant à Aristote : « C’était un projet digne d’un esprit pénétrant que celui d’Aristote : rechercher ces concepts fondamentaux. Dans la mesure toutefois où il ne disposait d’aucun principe, il les collecta tels qu’il les rencontrait, et en dénicha d’abord dix, qu’il appela catégories (prédicaments) », (trad. fr. A. Renaut, Paris, Aubier, 1997).
-
[5]
Voir à ce propos l’analyse de J.-F. Courtine, « La question des catégories : le débat entre Trendelenburg et Bonitz », in D. Thouard (éd.), Aristote au xixe siècle, op. cit., p. 67 : « Ce qui me paraît tout à fait remarquable c’est que Kant définit ici – a contrario et en mode critique – ce que reprendra positivement Trendelenburg. » Cf. également M. Mangiagalli, Logica e metafisica nel pensiero di F.A. Trendelenburg, op. cit., p. 47.
-
[6]
Voir à titre d’exemple le jugement déjà formulé dans la Prolusio de 1833 : « Categoria enumerantur nec tamen, quae sit communis earum ratio et causa, explicatur. Una post alteram ponitur, sed universa series ex qua origine ducatur, non ostenditur » (F. A. Trendelenburg, De Aristotelis Categoriis, Berlin, Typis Augusti Petschii, MDCCCXXXIII, p. VI). Cf. également le chapitre conclusif de l’Aristoteles Kategorienlehre, in Geschichte der Kategorienlehre. Zwei Abhandlungen, Berlin, Bethge, 1846 (Olms, 1979), p. 180 : « […] nous n’avons pas plus qu’un fil conducteur, seulement un point de vue général et synthétique, et nous restons à cet égard incertains quant à des questions qui sont de la plus grandes importances pour notre problème et pour la manière de considérer propre à Aristote » (F. A. Trendelenburg, La Doctrine des catégories d’Aristote. Une enquête, trad. P. Cerutti, E Mariani et L. Villevielle, Paris Vrin, [à paraître]). Concernant les hésitations d’Aristote au sujet du nombre des catégories, nous renvoyons au tableau établi par C. Prantl, Geschichte der Logik im Abendlande, vol. I : Die Entwicklung der Logik im Altertum, Leipzig, S. Hirzel, 1855, p. 207. Cf. également le tableau de O. Apelt, Die Kategorienlehre des Aristoteles, in Beiträge zur Geschichte der griechischen Philosophie, Leipzig, Teubner, 1891, p. 140 sq.
-
[7]
Cf. F. A. Trendelenburg, Aristoteles Kategorienlehre, op. cit., p. 23 sq. La source de la référence aux stoïciens, telle que Trendelenburg l’explicite, se trouve dans le livre VII de Diogène Laërce, Vies et doctrines des philosophes illustres.
-
[8]
Cf. à cet égard l’essai de V. Cicero, « L’interpretazione linguistica delle categorie aristoteliche in É. Benveniste », in A. Trendelenburg, La dottrina delle categorie in Aristotele, a cura di G. Reale, Milan, Vita e Pensiero, 1994, p. 287-353.
-
[9]
H. Bonitz, « Über die Kategorien des Aristoteles », in Sitzungsberichte der Kais. Akademie der Wissenschaften in Wien. Philos. –hist. Klasse, Bd. X, Heft 5 (1853), p. 591-645. Pour un approfondissement, voir à cet égard les analyses de L. Villevielle, « Du “Je parle” au “Je pense” : l’origine des catégories selon Trendelenburg et Brentano », in Philosophie, 2, 2018, p. 39-54.
-
[10]
Pour une vision d’ensemble sur les travaux exégétiques consacrés à la doctrine des catégories d’Aristote dans la seconde moitié du xixe siècle, cf. le chapitre 4, § 15, de la dissertation de 1862 de Brentano, Von der mannigfachen Bedeutung des Seienden nach Aristoteles, Fribourg-en-Brisgau, Herder, 1862. Parmi les nombreux chercheurs qui participèrent au débat, nous signalons, sans avoir la prétention d’être exhaustif : A. F. C. Kersten, Quo jure Kantius Aristotelis categorias reiecerit (Progr. des Kölln. Realgymn.), Berlin 1853 ; W. Schuppe, Die aristotelichen Kategorien, Berlin, W. Weber, 1871 (18661) ; W. Luthe, Die aristotelichen Kategorien, Ruhrort, J. Brendow, 1874 ; G. Zillgenz, De praedicamentorum quae ab Aristotele auctore categoriae nominabantur, fonte atque origine, in Festschrift Ulrichs, Wurtzbourg, Stabel’sche Universitäts-Buchhandlung, 1881, p. 83-105 ; G. Bauch, Aristotelische Studien. I: Der Ursprung der aristotelichen Kategorien ; II: Zur Karakteristik der aristotelichen Schrift κατηγορίαι, Doberan, (Progr.), 1884 ; A. Gerke, « Ursprung der aristotelichen Kategorien », in Archiv für Geschichte der Philosophie, 4, 1891, p. 424-444 ; O. Apelt, « Die Kategorienlehre des Aristoteles », in Beiträge zur Geschichte der griechischen Philosophie, Leipzig, Duncker & Humblot, 1891, p. 101-216 ; K. Wotke, « Über die Quelle der Kategorienlehre des Aristoteles », in Serta Harteliana, Vienne, F. Tempsky, 1896, p. 33 sq.
-
[11]
Cf. respectivement G. Reale, « Filo conduttore grammaticale, filo conduttore logico e filo conduttore ontologico nella deduzione delle categorie aristoteliche e significati polivalenti di esse su fondamenti ontologici », in A. Trendelenburg, La dottrina delle categorie in Aristotele, op. cit., p. 17-70 ; E. Berti, « Modelli di ermeneutica aristotelica tra Ottocento e Novecento », art. cit. ; « La dottrina aristotelica delle categorie in Trendelenburg, Brentano e Heidegger », in Nuovi Studi aristotelici, art. cit., p. 89-98 ; « La critica aristotelizzante di F. A.Trendelenburg e la concezione hegeliana del finito », in Studi aristotelici, L’Aquila, Japadre, 1975, p. 353-361. Essentiellement du même avis, bien que plus modéré dans ses conclusions, est M. Mangiagalli, Logica e metafisica nel pensiero di F. A. Trendelenburg, op. cit., p. 46.
-
[12]
F. A. Trendelenburg, Aristoteles Kategorienlehre, op. cit., p. 26.
-
[13]
Cf. ibid., p. 189 : « La doctrine des catégories » – nous lisons en 1846 – « ne trouvera son accomplissement que lorsque l’origine des concepts et la génération des choses procéderont ensemble. »
-
[14]
Cf. en particulier le chapitre 8 des Logische Untersuchungen, « Reale Kategorien aus der Bewegung », Berlin, Bethge, 1840, p. 325 ; Leipzig, Hirzel,18622 ; 18703.
-
[15]
Ibid., p. 135 : « Wie kommt das Denken zum Sein? Wie tritt das Sein in das Denken? Diese Frage bezeichnen wir als di Grundfrage. Wenn die Wahrheit für die Übereinstimmung des Denkens mit dem Sein erklärt wird, so ist diese Frage in dem Worte Übereinstimmung verdeckt. Wie bringt das Denken diese Übereinstimmung hervor und zwar auf eine solche Weise, dass es selbst der Übereinstimmung gewiss wird? »
-
[16]
Un développement magistral de cette thèse se trouve dans C. Majolino, « De la grammaire à l’ontologie et retour. Le rapport entre catégories de l’être et grammaire philosophique selon Trendelenburg et Marty », in D. Thouard (éd.), Aristote au xixe siècle, op. cit., p. 81-104.
-
[17]
Cf. F. A. Trendelenburg, Elementa logices Aristoteleae. In usum scholarum ex Aristotele excerpsit convertit illustravit F. A. Trendelenburg, Berlin, Bethge, 1836, p. 57 : « Ita Aristoteles categoriarum genera ex grammaticis fere orationis rationibus invenisse, inventas autem ita pertractavit, ut, relicta origine, ipsam notionum et rerum natura spectarent » ; cf. également ibid., p. 79.
-
[18]
Cf. F. A. Trendelenburg, Logische Untersuchungen, op. cit., p. 131-132 : « Wenn es keine Definition des Sein giebt, welche nicht in dessen Bezug zum Denken, und keine Definition des Denkens, welche nicht in dessen Bezug zum Sein hineingreifen müsste: so ist dies indirekt ein Beweis, dass das Denken und das Sein die auf einander hinweisenden Glieder des letzten und höchsten Gegensatzes sind. » Cf. également ibid., p. 367 : « Die dargestellte Gemeinschaft von Denken und Sein zeigt sich weiter darin, dass die Formen des Denkens den Formen des Seins entsprechen. »
-
[19]
F. A. Trendelenburg, Aristoteles Kategorienlehre, op. cit., p. 13.
-
[20]
Cf. ibid., p. 13.
-
[21]
Trad. fr. J Tricot, Paris, Vrin, 2014. Ce passage est cité en ouverture du quatrième chapitre de la Kategorienlehre, dont le titre est justement « Origine des catégories aristotéliciennes ».
-
[22]
F. A. Trendelenburg, Aristoteles Kategorienlehre, op. cit., p. 11-12. Pour ce qui concerne Platon, la référence est à : Banquet, 191 A 7 ; Sophiste, 262 D 4 ; 262 C 5-10 ; Théétète, 202 B 3-5.
-
[23]
F. A. Trendelenburg, Aristoteles Kategorienlehre, op. cit., p. 12.
-
[24]
Cf. K. F. Becker, Organism der Sprache, 2e éd. révisée, Francfort, Kettembeil, 1841. Les motifs de l’influence de Becker sur Trendelenburg se donnent en toute évidence à voir dès l’introduction à la première édition de l’ouvrage, Organism der Sprache, en 1827. L’idée à la base de la grammaire philosophique de Becker est pour l’essentiel de concevoir la langue comme « ein organisches Erzeugnis der menschlichen Natur […], ein in allen seine Theilen und Verhältnissen organisch gegliedertes Ganze » (p. VI-VIII). Héritier en un sens de la grammaire universelle de Port-Royal, Becker introduit dans le domaine de la philologie comparée une méthode de déduction justifiée par l’hypothèse d’une structure logique universelle, sous-jacente à toute langue naturelle. L’« ensemble organique » (organisches Ganze) des différentes parties linguistiques s’organiserait en fonction d’une opposition polaire entre l’« activité » et l’« être », dont le trait d’union est situé par Becker dans le concept de « mouvement ». De cette polarité originaire découlent ensuite les trois principales formes syntaxiques (Satzverhältnisse) permettant la composition de toute forme grammaticale : la liaison prédicative, attributive et objective. Pour un approfondissement, voir G. Gaffi, 200 Years of Syntax: A critical survey, Amsterdam/Philadelphie, John Benjamins Publishing Company, 2001, p. 15-40.
-
[25]
I. Kant, Kritik der reinen Vernunft, B 130-131.
-
[26]
Ibid., B 130.
-
[27]
Pour la notion de « Zergliederung » chez Kant, voir surtout A 64/B 89. Pour ce qui concerne la définition de l’« analytique » dans les termes d’un processus de décomposition finalisé à identifier le fondement génératif de la démonstration, Trendelenburg renvoie à la distinction aristotélicienne de An. post., 22, 84 a 11 tra λογικῶς e ἀναλυτικιῶς. Cf. Aristoteles Kategorienlehre, op. cit., p. 17 : « Car ἀναλυτικῶς désigne ici, par opposition à la considération générale du concept (λογικῶς), la fondation de la preuve qui résulte de la mise en rapport du contenu [Inhalt] et de l’extension [Umfang] des concepts ».
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[28]
Pour une reconstruction historique du concept d’analyse, voir O. Dubouclez, Descartes et la voie de l’analyse, Paris, Puf, 2013.
-
[29]
I. Kant, Kritik der reinen Vernunft, A 66/B 91.
-
[30]
Ibid. : « Wir werden also die reinen Begriffe bis zu ihren ersten Keimen. »
-
[31]
Ibid., B 134.
-
[32]
Ibid.
-
[33]
F. A. Trendelenburg, Aristoteles Kategorienlehre, op. cit., p. 13.
-
[34]
Ibid., p. 18.
-
[35]
Aristote, Metaph., Θ 10, 1051 b 1-6 ; trad. J. Tricot, Paris, Vrin, 2004. Cf. également F. A. Trendelenburg, Aristoteles Kategorienlehre, op. cit., p. 13.
-
[36]
F. A. Trendelenburg, Aristoteles Kategorienlehre, op. cit., p. 13-14. Cf. également F. A. Trendelenburg, Elementa logices Aristoteleae, op. cit., Cap. XIII : « Quoniam logica in cognoscendi natura investigando versatur, cognoscitur autem verum et falsum: logices initium inde dicitur ubi primum verum et falsum locum habet h.e. ab enunciatione. »
-
[37]
Cf. F. A. Trendelenburg, Aristoteles Kategorienlehre, op. cit., p. 17 : « […] c’est seulement avec le jugement qu’apparaît la possibilité d’un énoncé vrai ou faux, et des concepts pris isolément, comme les catégories, viennent au premier plan sans une telle relation ».
-
[38]
Ibid., p. 13.
-
[39]
Ibid., p. 23 : « […] der über die grammatischer Form hinausgehende Gesichtspunkt der Sache ».
-
[40]
Aristotele, Metaph., Θ 10, 1051 b 1-2. Cf. F. A. Trendelenburg, Aristoteles Kategorienlehre, op. cit., p. 14 : « L’étant au sens le plus propre [Das Seiende im eigentlichsten Sinne] est vrai ou faux ; cela dépend de l’union ou de la séparation des choses ».
-
[41]
Voir, par exemple, l’édition Ross (Metaph. II, p. 274 sq.). Ce jugement est partagé entre autres par G. Reale, Aristotele. Metafisica: introduzione, traduzione e commento, Milan, Bompiani, 2004, p. 1144 : « Il testo della vulgata suona : τὀ δὲ κυριώτατα ὄν ἀληθὲς ἠ ψεῦδος, κτλ., dove κυριώτατα o è errato e da espungere, o fuori posto ».
-
[42]
Cf. M. Heidegger, Sein und Zeit, Ga. 2, § 7 b) ; § 33.
-
[43]
Cf. à cet égard les analyses de P. Aubenque, Le Problème de l’être chez Aristote, Paris, Puf, 1962, p. 106-134. Voir également Studi sulle categorie di Aristotele, éd. M. Bonelli et F. Guadalupe Masi, Amsterdam, Hakkert, 2011, p. 371-402 ; W Cavini, « Categorie e predicazione in Aristotele », université de Florence, Annali dell’Istituto di Filosofia, I, 1979, p. 1-16.
-
[44]
Cf. Aristote, An. post., I, 22, 83 a 17 ; trad. J. Tricot, Paris, Vrin, 1992 : « […] admettons donc que l’attribut soit comme le blanc, et le sujet comme le bois. Posons alors que le prédicat est attribué au sujet toujours au sens propre, et non par accident, car c’est par une attribution de ce genre que les démonstrations démontrent. Il s’ensuit que la prédication porte soit sur l’essence, soit sur la qualité, la quantité, la relation, l’action, la passion, le lieu ou le temps lorsqu’un seul prédicat est attribué à un seul sujet ».
-
[45]
An. post., I, 22, 83 a 11 sq.
-
[46]
Cf. également Trendelenburg, Aristoteles Kategorienlehre, op. cit., p. 14 : « La manière dont Aristote détermine l’énonciation du jugement, le κατηγορεῖν au sens propre, suivant les rapports de la chose en devenir, apparaît en particulier dans un chapitre important des Seconds Analytiques (I, 22). Il s’agit là d’établir que, dans les séries des affirmations ascendantes et descendantes vers l’universel et l’individuel, il existe un terme ultime où la preuve s’arrête, et c’est à cette fin que le concept du κατηγορεῖν proprement dit, et par là le jugement dans sa forme originaire, se trouvent déterminés. »
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[47]
Cf. ibid., p. 146 : « Aujourd’hui, nous sommes habitués à poser comme rigoureusement distincts le point de vue du discours et celui de la chose, celui des rapports grammaticaux et celui des rapports réels. Chez Aristote, cependant, une telle distinction ne se trouve pas encore en ces termes. Il dit en effet que le discours est vrai de la manière dont les choses sont vraies. Toute la logique aristotélicienne a un caractère similaire, en tant qu’elle n’est pas purement formelle, mais lie les formes et les activités logiques à la réalité par le biais de relations de correspondance ». Cf. également Elementa logices Aristoteleae, op. cit., § 63 ; Logische Untersuchungen, op. cit., p. 18 sq., et en particulier tout le chapitre « Die formale Logik », p. 15-26.
-
[48]
F. A. Trendelenburg, Aristoteles Kategorienlehre, op. cit., p. 15-16.
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[49]
Cf. à ce sujet les analyses de C. Majolino, « De la grammaire à l’ontologie et retour. Le rapport entre catégories de l’être et grammaire philosophique selon Trendelenburg et Marty », art. cit., p. 86.
-
[50]
Lecture qui trouve une confirmation exemplaire dans l’essai de G. Reale, « Filo conduttore grammaticale, filo conduttore logico e filo conduttore ontologico nella deduzione delle categorie aristoteliche e significati polivalenti di esse su fondamenti ontologici », in F. A. Trendelenburg, La dottrina delle categorie in Aristotele, op. cit., p. 17-70.
-
[51]
Cf. M. Heidegger, Sein und Zeit, op. cit., p. 165 : « Aufgabe einer Befreiung der Grammatik von der Logik bedarf vorrangig eines positiven Verständnisses der apriorischen Grundstruktur von Rede überhaupt als Existenzial. »
-
[52]
F. A. Trendelenburg, Aristoteles Kategorienlehre, op. cit., p. 26.
-
[53]
Cf. M. Heidegger, Sein und Zeit, op. cit., p. 165 : « Der Mensch zeigt sich als Seiendes, das redet. Das bedeutet nicht, dass ihm die Möglichkeit der stimmlichen Verlautbarung eignet, sondern daß dieses Seiende ist in der Weise des Entdeckens der Welt und des Daseins selbst ».
-
[54]
Voir à ce propos le commentaire de P. Aubenque, Le Problème de l’être chez Aristote, op. cit., p. 133 : « La théorie aristotélicienne du langage présuppose donc une ontologie. Mais inversement l’ontologie ne peut faire abstraction du langage, et cela non seulement pour cette raison générale que toute science a besoin de mots pour s’exprimer, mais pour une raison qui lui est propre : ici le langage n’est pas seulement nécessaire à l’expression de l’objet, mais aussi à sa constitution […]. Le besoin d’une ontologie ne serait jamais apparu sans l’étonnement du philosophe devant le discours humain ».
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[55]
Cf. F. A. Trendelenburg, Aristoteles Kategorienlehre, op. cit., p. 12 sq.
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[56]
Cf. encore une fois C. Majolino, « De la grammaire à l’ontologie et retour. Le rapport entre catégories de l’être et grammaire philosophique selon Trendelenburg et Marty », art. cit., p. 87-88 : « […] Seules les langues qui ont pensé une grammaire ont pu penser une science de l’être en tant que tel ».
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[57]
F. A. Trendelenburg, De Aristotelis categoriis, op. cit., p. 4.
-
[58]
F. A. Trendelenburg, Aristoteles Kategorienlehre, op. cit., p. 180.
-
[59]
Ibid., p. 189.
L’Aristote de Trendelenburg
1Une certaine compréhension de la philosophie transparaît en filigrane dans l’histoire de l’exégèse. C’est ainsi que E. Berti explicite une remarque qui vaut évidemment, en premier lieu, pour l’œuvre d’Aristote et l’histoire séculaire de sa réception à la lumière de l’un de ses problèmes philosophiquement majeurs : la table des catégories, les genres ou prédicats de l’être, dont l’ordre fut recherché, défendu ou âprement critiqué au long du cours composite de l’aristotélisme – à partir des commentateurs grecs, arabes et latins jusqu’à Kant qui recourt, à son tour, au lexique des catégories pour désigner les concepts purs de l’entendement [1]. Après Kant, comme on le sait, le problème connaît un intérêt renouvelé à l’occasion de la renaissance des études aristotéliciennes dans l’Allemagne du xixe siècle ; une renaissance rendue possible par la monumentale édition Bekker du Corpus aristotelicum qui eut alors, au-delà de la portée philologique de ses objectifs, un effet systématique permettant d’entrevoir dans l’Aristoteles ex Aristoteles une sortie des impasses où l’idéalisme allemand, en particulier hégélien, avait conduit la réflexion philosophique [2]. Une nouvelle époque de la pensée s’ouvrait ainsi sous la devise « zurück zu Aristoteles », orientée par une double exigence : rétablir un lien direct avec le réel afin de nourrir la philosophie des résultats des sciences. F. A. Trendelenburg, membre de l’Académie des sciences de Berlin à partir de 1845, incarne exemplairement ce nouvel élan, comme l’attestent ses deux ouvrages les plus représentatifs : les LogischeUntersuchungen de 1840, le moment spéculativement plus mature d’un projet visant à ré-instituer un lien entre logique et métaphysique ; et la Geschichte der Kategorienlehre de 1846 en deux volumes, dont le premier, entièrement consacré au Stagirite, constitue l’une des contributions les plus saillantes pour l’herméneutique aristotélicienne du xixe siècle [3].
2C’est à Trendelenburg que revient le mérite d’avoir relevé la critique adressée à Aristote par Kant puis réitérée, dans une tout autre perspective, par Hegel à l’égard de l’absence d’un critère directif de la table des catégories, dont l’énumération n’aurait été que le résultat fortuit d’une rapsodie [4]. Dès la Prolusio de 1833, De Aristotelis categoriis, Trendelenburg place au cœur de son enquête le « fil conducteur » suivant lequel Aristote aurait prédisposé le schéma catégoriel, déductible en fonction d’un principe qui permettrait d’entrevoir la genèse réelle des prédicats de l’être, et d’une manière alternative au formalisme kantien. « Fil conducteur » et « déduction »: entre la respectueuse détraction de Kant et la réhabilitation de Trendelenburg, une affinité terminologique transparaît, sans doute plus profonde que ce que l’opposition initiale laisse entendre. Comme l’ont du reste remarqué les études plus récentes, Trendelenburg chercherait chez Aristote ce que Kant indique en négatif [5]. Certes, les résultats sont discordants : à la critique kantienne d’a-systématicité s’oppose une défense qui ambitionne de garantir une cohérence intrinsèque à l’ordre des catégories. L’exigence d’un principe ou, mieux, d’un système désigne toutefois le point commun entre les deux approches : par Kant et contre Kant, Trendelenburg applique la même démarche, bien que le jugement définitif soit d’absolution et non pas de condamnation. Une absolution néanmoins partielle : dans les pages de l’Aristoteles Kategorienlehre il existe une conscience claire que le Stagirite n’explicite jamais, expressis verbis, un critère d’ordonnancement du nombre des catégories [6]. L’analyse exégétique est par conséquent obligée de scruter les indices permettant d’entrevoir dans le silence d’Aristote les signes d’une intention plus originaire ; les signes qui pour Trendelenburg – comme nous le verrons – sont de nature grammaticale. Le fil conducteur, pour l’essentiel, serait déductible par « décomposition de la proposition » (Zergliederung des Satzes) et les catégories correspondraient aux parties du discours successivement établies par les stoïciens : la substance coïnciderait avec le substantif ; la quantité et la qualité avec l’adjectif ; la catégorie de la relation avec le comparatif ; les catégories du « faire » et du « pâtir » avec le verbe actif et passif ; celle du « se trouver » avec le verbe intransitif et celle de l’« avoir » avec le verbe au mode parfait du grec qui exprime l’état que le sujet possède au terme d’une action accomplie dans le passé [7].
3Mais pourquoi rechercher dans la grammaire, c’est-à-dire dans les structures morphologiques et syntaxiques de la langue, ce qui relève de l’être ? Pourquoi attribuer à Aristote le projet d’une déduction systématique ? Ne court-on pas le risque de réduire les catégories à des hypostases de nature linguistique, ainsi que É. Benveniste aura l’occasion d’objecter ? Les rapprochements en ce sens n’ont pas manqué, au point même d’entrevoir chez Trendelenburg un précurseur méconnu de la linguistique moderne [8]. Il est notoire, au demeurant, que la réception immédiate de l’Aristoteles Kategorienlehre ne fut pas non plus particulièrement favorable. Hermann Bonitz, le premier, avec un petit traité sous le titre Über die Kategorien des Aristoteles (1853) pointa l’insuffisance de la portée ontologique conférée aux praedicamenta en tant que « genres de l’être [9] ». La même critique est répétée par la main du jeune Brentano, qui, avec la dissertation de 1862 sur les multiples significations de l’être chez Aristote, cherche un tout autre critère de déduction – bien plus contraignant que le critère grammatical [10]. Et encore aujourd’hui plus d’un commentateur considère que le projet de Trendelenburg s’avère en dernière instance incapable d’établir le principe d’ordre recherché. G. Reale et E. Berti, à titre d’exemple, considèrent les déclarations finales de l’ouvrage de 1846 comme la reconnaissance de l’échec qui validerait par l’absurde la nature non pas grammaticale, mais ontologique, des catégories elles-mêmes [11]. Die grammatische Gestalt leitet, aber entscheidet nicht – « la forme grammaticale guide, mais ne décide pas [12] ». Ainsi conclut Trendelenburg, tout en se plaignant du manque d’indications de la part d’Aristote sur le fondement du schéma catégoriel. Le Leitfaden constituerait à la rigueur un πρότερον πρὸς ἡµᾶς qui, en l’absence d’un critère systématique, resterait aporétiquement distant du fondement génératif où réside « le point de vue de la chose » (τῇ φύσει πρότερον).
4À défaut d’une solution en principe définitive, nous estimons que ces apories peuvent du moins indiquer la « question » avec laquelle l’analyse est appelée à se confronter. C’est là notre hypothèse de recherche qui nous amène à réévaluer la réception que l’Aristoteles Kategorienlehre a généralement rencontrée : dans les hésitations du texte aristotélicien, Trendelenburg entrevoit les lignes directrices d’un plus vaste projet en vue d’une nouvelle philosophia fundamentalis, à même de combiner logique et métaphysique [13]. L’issue de l’Aristoteles Kategorienlehre ne pourrait dès lors se comprendre qu’en tenant compte de la démarche des Logische Untersuchungen, l’œuvre philosophiquement majeure où un autre concept d’inspiration aristotélicienne, le mouvement, établit le fondement ontologique et à la fois génétique des catégories, constituant, en raison de sa nature trans-catégorielle, la clé du problème de l’origine commune aux choses et aux représentations – à l’intellectus et à la res [14]. « Comment la pensée parvient-elle à l’être [wie kommt das Denken zum Sein] ? Comment l’être pénètre-t-il dans la pensée [Wie tritt das Sein in das Denken] [15] ? » Voilà la Grundfrage métaphysique à laquelle les Logische Untersuchungen étaient consacrées en 1840. La confrontation entre l’Aristotelesbild de Trendelenburg et la critique kantienne doit par contrecoup être reconsidérée à la lumière de cette « question fondamentale ». Car la déduction de l’Aristoteles Kategorienlehre ne vise pas le quid juris qui pour Kant assure la légitimité des concepts purs de l’entendement ; dans une perspective aristotélicienne, le sens de la déduction concerne l’origine réelle où les catégories prennent forme et, pour Trendelenburg, une genèse se déroule le long du Leitfaden logico-métaphysique qui décrit le mouvement concret de naissance et de développement des catégories. La table kantienne des jugements ne se borne qu’à fournir les indices rendant possible la découverte de l’ordre catégoriel ; le Leitfaden, pour Kant, ne sert qu’à l’ébauche d’une unité systématique, à l’inverse de Trendelenburg pour qui le fil conducteur mène à la source où la structure du discours et la structure de l’être fusionnent au sein d’une même configuration [16]. Les lignes directrices de l’herméneutique de 1846 s’inscrivent donc, et sans détour, dans ce pacte renouvelé entre le λόγος et l’ὄν, que nous tenterons de reconstituer afin de relever l’originalité de l’entreprise de Trendelenburg trop souvent insuffisamment attestée par les commentateurs d’hier et d’aujourd’hui. La question qui marque le fil de notre enquête se précise, par conséquent, de la manière suivante : comment Trendelenburg, à l’aide de l’exégèse aristotélicienne, renverse-t-il l’approche kantienne au problème des catégories, en parvenant à inscrire la grammaire dans une vision philosophiquement inédite du langage ?
Le fil métaphysique
5Dans l’origine recherchée car perdue – en tant que « relicta [17] » – se trouve le point de contact entre la causa et la ratio, entre la genèse matérielle des choses et le discours, entre l’être et la pensée, conçus comme les deux moments corrélatifs d’une même configuration de sens [18]. De ce contact originaire la langue porterait symptomatiquement les signes. C’est l’hypothèse qui conduit Trendelenburg vers une analyse de la dimension catégorielle : dans les catégories réside la mémoire d’une origine – « so tragen die Kategorien Zeichen ihres Ursprunges [19] ». Mais que ces signes (Zeichen) indiquent-ils exactement ? Comme nous l’avons déjà anticipé, c’est dans la structure grammaticale de la proposition (Satz) que Trendelenburg identifie le principe de déduction des catégories : « les catégories plongent leurs racines [ihreWurzeln] dans la proposition simple [in den einfachen Satz] », où par « proposition simple » nous entendons la résultante d’une liaison (Verflechtung) entre sujet et prédicat [20]. Les différences syntaxiques structurant une proposition, s’avèrent dès lors susceptibles d’expliquer les raisons à la base de l’élaboration du schéma des genres prédicatifs. Dans le but de confirmer cette hypothèse, Trendelenburg convoque le passage de Cat. 4, 1b 25 :
Les expressions sans aucune liaison [κατἀ µηδεµίαν συµπλοκὴν] signifient [σηµαίνει] la substance, la quantité, la qualité, le relatif, où, quand, se trouver, avoir, faire, pâtir [21].
7La tentative de compréhension généalogique repose sur la nature particulière de cette liaison (συµπλοκή) qu’Aristote lui-même analyse en incipit du traité sur les Catégories. Le passage de Cat., 4, 1 doit pour autant se lire à la suite de Cat., 2, 1 a 16-19, où Aristote affirme :
Parmi les expressions, les unes se disent selon une liaison, et les autres, sans liaison [τῶν λεγοµένων τὰ µὲν κατὰ συµπλοκὴν λέγεται, τὰ δὲ ἄνευ συµπλοκῆς]. Les unes sont selon une liaison : par exemple, l’homme court, l’homme est vainqueur [ἄνθρωπος τρέχει, ἄνθρωπος νικᾷ] ; les autres sont sans liaison : par exemple, homme, bœuf, court, est vainqueur [ἄνθρωπος, βοῦς, τρέχει, νικᾷ].
9Trendelenburg procède à un examen attentif de ces exemples, empruntés significativement à l’usage ordinaire de la langue : ἄνθρωπος τρέχει, ἄνθρωπος νικᾷ. Il s’agit de phrases élémentaires dont les parties, prises séparément, conservent la forme grammaticale qui leur est attribuée dans les exemples donnés : τρέχει, νικᾷ. Plus précisément – comme cela apparaît dans Cat., 2, 1 à 16-19 – le verbe continue d’être conjugué à la troisième personne du singulier de l’indicatif. Ce n’est donc pas le concept général dans la forme infinitive du verbe qui illustre la diversité des genres prédicatifs, mais son usage, pour ainsi dire, concret. L’origine des catégories s’enracine dans une pratique, voire dans une « activité » (Tätigkeit) consistant à unir et à séparer les éléments du discours. Voilà pourquoi Trendelenburg peut traduire συµπλοκή par « liaison propositionnelle » (Satzverbindung), en s’appuyant sur l’usage du terme apparaissant chez Platon avant même que chez Aristote :
Συµπλοκή, entrelacs [Verflechtung], est déjà chez Platon une expression récurrente pour caractériser la liaison propositionnelle [Satzverbindung]. De même que le verbe συµπλέκειν est employé là où s’entrelacent des termes opposés comme « chute » et « ascension », de même συµπλοκή se rencontre particulièrement là où il y a liaison du nom et de l’énonciation, du sujet et du prédicat [so findet es sich insbesondere da, wo sich Namen und Aussage, Subject und Prädicat verbinden], dans la mesure où apparaît dans cette liaison l’unité de ce qui est permanent et de l’activité [die Einheit des Beharrenden und der Thätigkeit] [22].
11La liaison est donc d’ordre propositionnel et unit dans un ensemble cohérent les parties du discours. De ce premier constat, Trendelenburg tire une conséquence de taille : l’ancrage des catégories dans la proposition témoigne de la priorité de la συµπλοκή sur le processus de décomposition (Zergliederung) ; la synthèse est originaire et seulement après coup l’on peut identifier, par voie d’analyse, les éléments constitutifs de l’ensemble. Des Satz ist das Ganze – la proposition doit s’entendre à l’instar d’un tout qui précède l’agencement de ses parties :
Si la proposition est le tout [der Satz das Ganze ist], alors c’est elle qui, lorsqu’on considère le concept, vient au premier plan ; bien que les concepts isolés puissent, en tant que matière de la proposition, être posés avant celle-ci, ils trouvent implicitement leur mesure dans la liaison propositionnelle [so haben sie doch stillschweigend an der Satzverbindung ihr Maass], et on ne peut les comprendre si celle-ci n’est pas comprise [23].
13La liaison propositionnelle (Satzverbindung) est ce qui rend possible le processus de décomposition (Zergliederung), à partir duquel les catégories sont déduites. En ce sens, il n’est pas illégitime d’affirmer, en élargissant passablement les termes de la question, qu’au principe est, ou, mieux, était le λόγος, c’est-à-dire le nom et surtout le verbe, comme postulait K. F. Becker – l’illustre linguiste ainsi que beau-père de Trendelenburg à qui les Logische Untersuchungen de 1840 sont dédiées – dans son Organismus der Sprache [24]. La condition pour la déduction des catégories réside dans la priorité de cet ensemble qui se manifeste dans les termes d’une configuration originaire. Toutes proportions gardées, Kant également affirmait à peu près la même chose : « Die Kategorie setz also schon Verbindung voraus [25] » – la catégorie présuppose la liaison qui renvoie à son tour à l’« unité originaire de la conscience ». Il y aurait dès lors lieu de se poser la question suivante : qu’en est-il de la déduction métaphysique qui recherche la genèse des catégories, en perspective kantienne ? Une réponse ne peut que s’élaborer à partir de l’analytique transcendantale de la Critique de la raison pure : l’unité systématique des concepts réside dans l’unité synthétique originaire de l’aperception transcendantale. C’est l’Ich denke qui se trouve à l’origine du schéma catégoriel ; l’Ich denke, à savoir l’instance suprême qui « doit pouvoir accompagner toutes mes représentations ». L’acte de décomposition dans lequel s’exprime l’essentiel de l’analyse est de ce fait rendu possible par une synthèse préalable : « denn wo der Verstand nichts verbunden hat, da kann er auch nichts auflösen » – là où l’entendement n’a auparavant introduit aucune liaison, il ne peut non plus rien dissocier [26]. Relevons au passage la similitude entre les usages de la notion de Zergliederung qui désigne chez Kant aussi bien que chez Trendelenburg le processus analytique de décomposition [27]. À l’encontre d’une interprétation hâtive qui limiterait l’analytique à une forme de jugement régie par le principe d’identité élémentaire en vertu de l’inclusion du sujet dans le prédicat, d’autres lieux du criticisme montrent que l’analyse ne saurait se réduire à un simple procédé logique de décomposition [28]. Dans un célèbre texte de la Critique de la raison pure, Kant lui-même définit l’analytique des concepts dans les termes d’une « décomposition, encore rarement tentée, du pouvoir même de l’entendement, pour explorer la possibilité des concepts a priori en les cherchant dans l’entendement seul, leur lieu de naissance [Geburtsorte] [29] ». Le long de la trajectoire métaphysique du Leitfaden, l’analyse kantienne procède à la recherche des « premiers germes » d’où les concepts prennent naissance [30]. Que rencontrons-nous au bout de cette trajectoire ? Le lieu de l’origine n’est que l’origine d’une synthèse et l’unité systématique des concepts repose sur l’unité synthétique de l’aperception transcendantale. Par conséquent, l’unité analytique des concepts dépendra également d’une unité synthétique préliminaire :
Aussi l’unité synthétique de l’aperception est-elle le point le plus élevé auquel on doit rattacher tout usage de l’entendement, ainsi même que la logique entière et, à la suite de celle-ci, la philosophie transcendantale ; mieux : ce pouvoir est l’entendement même [31].
15Pour Kant, le fondement a un nom : Ich denke. Présupposée par les catégories, la synthèse est à la fois précédée de l’aperception (ursprüngliche Apperzeption) qui spontanément prescrit au divers de l’intuition sensible son unité :
Tout le divers de l’intuition entretient une relation au : je pense […]. Mais cette représentation est un acte de la spontanéité, c’est-à-dire qu’elle ne peut pas être considérée comme appartenant à la sensibilité [32].
17La table kantienne des catégories plonge ses racines dans la spontanéité d’une synthèse – Ich denke – qui œuvre par le biais d’une liaison entre sujet (Ich) et prédicat (denke). Sur la base de l’équivalence entre pensée et jugement, Kant rapporte l’origine de la synthèse à l’activité spontanée du sujet transcendantal. Et c’est ici que se situe le plus clairement l’écart entre le criticisme et l’aristotélisme de Trendelenburg. Pour en apprécier d’un seul coup la portée, il suffit de s’interroger sur le rapport entre langage et être : quel critère garantit – à l’homme, λόγον δὲ µόνον ἂνθροπος ἐχει τῶν ζῴων – la possibilité du dire vrai ? Contrairement à Kant, Trendelenburg vise à repérer l’effectuation d’une synthèse à l’œuvre antérieurement à toute activité subjective, dans la liaison propositionnelle. Considérons les exemples par lesquels s’ouvre le traité sur les Catégories : « L’homme court, l’homme est vainqueur […]. » Il s’agit de phrases ordinaires organisées par la liaison entre un sujet ou, mieux, un substrat (ὑποκείµενον) et un prédicat (κατηγορουµένον). Sur quoi portent exactement ces exemples ? Qu’est-ce qui nous donne à voir la dimension ordinaire du langage ? L’ordre d’une liaison qui affirme ce qui est ou, corrélativement, nie ce qui n’est pas, comme un homme qui court ou un homme qui est vainqueur, etc. En ce sens, la συµπλοκή s’avère essentiellement orientée vers le réel. C’est la raison pour laquelle Aristote n’établit jamais une distinction précise entre proposition et jugement : la proposition (φάσις) est un jugement, c’est-à-dire une affirmation (κατάφασις) ou une négation (ἀπόφασις) qui s’avère vrai ou fausse en fonction de sa référence (Bezug) à la réalité [33]. Le langage reproduit intérieurement, en termes morphologiques et syntaxiques, la structure du réel par l’union et la séparation de ce qui est effectivement uni ou séparé :
La proposition [der Satz] entend tout d’abord imiter [nachbilden] le réel [das Wirkliche] dans sa liaison ou sa séparation [in seiner Verbindung oder Trennung] [34].
19La référence au passage de Metaph., Θ 10 est manifeste et Trendelenburg n’hésite pas à l’expliciter :
Le vrai et le faux […] dépendent, pour ce qui concerne les choses, de leur union ou de leur séparation [συγκεῖσθαι ἢ διῃρῆσθαι], de sorte qu’être dans le vrai, c’est penser que ce qui est séparé est séparé et que ce qui est uni est uni, et être dans le faux, c’est penser contrairement à la nature des choses [35].
21Le discours apophantique reproduit en son sein la disposition d’un ordre antérieur : dire est avant tout dire… quelque chose dans le sens du λέγειν τι κατά τινος, originairement tourné vers l’être. La synthèse grammaticale s’organise à partir d’un ordre factuel précédant toute activité du sujet qui juge. Dans le lexique de Trendelenburg, le concept de « jugement » ne correspond pas à l’Urteilskraft kantienne, mais doit se traduire avec Aussage, enunciatio ; il n’indique pas une capacité subjective, mais une conformité – adaequatio – où ce qui s’exprime est précisément le sens d’un renvoi :
Seule l’énonciation du jugement [die Aussage des Urtheils] confère un tel rapport au réel [bringt diesen Bezug auf das Wirkliche]. La liaison ou la séparation du sujet et du prédicat, le jugement affirmatif ou négatif correspond [entspricht] à la liaison ou à la séparation dans les choses [36].
23La fonction du renvoi (Bezug) détermine l’orientation de la signification qui permet à la proposition d’exprimer quelque chose. C’est l’enracinement de la grammaire dans la logique apophantique qui garantit aux catégories de la prédication une signification objective (objective Bedeutung) [37]. Dans le jugement (κατάφασις/ἀπόφασις), les concepts singuliers (ἄνθρωπος, βοῦς, τρέχει, νικᾷ) bénéficient d’un ancrage – ou, pourrions-nous dire, d’un « remplissement » – à même d’en fixer l’intention signifiante (φάσις). La vérité de la proposition dépend ainsi de sa référence au réel, qui est l’apanage exclusif du jugement (reale Beziehung des Urtheils), comme Trendelenburg remarque au demeurant : « Ce n’est qu’avec le jugement, qui a pour but de représenter mentalement [geistig] le réel, qu’apparaît l’instance de vérité [38]. »
Dire l’être
24D’un point de vue systématique, il ne fait pas de doute que l’objectif de l’Aristoteles Kategorienlehre est d’assurer aux catégories une portée ontologique de manière à permettre à la prédication (κατηγορεῖν) d’exprimer « le point de vue de la chose qui va au-delà de la forme grammaticale [39] ». Exégèse philologique et réflexion philosophique vont de pair. En faisant du jugement le lieu éminent de la vérité, Trendelenburg est toutefois amené à attribuer une importance particulière à une indication quelque peu ambiguë que l’on retrouve en incipit de Metaph., Θ 10, où, parmi les multiples significations de l’être, le primat est attribué à l’être en tant que vrai ‒ τὸ δὲ κυριώτατα ὂν ἀληθὲς [40]. Les éditeurs contemporains de la Métaphysique suppriment généralement cette expression, en la considérant comme erronée ou, du moins, hors de propos [41]. Nous connaissons également la célèbre critique que Heidegger adresse à la logique apophantique accusée d’avoir confiné la vérité dans la dimension du jugement, au détriment de la co-appartenance originaire du λόγος et du ὄν [42]. Trendelenburg, en assumant une posture par trop classique, opterait de ce fait pour une théorie correspondantiste de la vérité, platement entendue dans les termes d’une adaequatio rei et intellectus. Il n’est toutefois pas illégitime, à notre avis, de voir certains éléments d’affinité avec les intentions de l’analytique existentiale heideggérienne dans les raisons sous-jacentes à l’identification du ἀληθὲς ἢ ψεῦδος comme signification directrice de l’être. Il est en effet possible d’identifier l’union et la séparation (συγκεῖσθαι ἢ διῃρῆσθαι) résultant de la synthèse opérée par le jugement comme modalités originaires de la référence au réel en s’appuyant sur le pacte apophantique entre les deux dimensions du logique et de l’ontologique [43]. Le geste à la fois exégétique et systématique est plus précisément le suivant : plutôt que corroborer la lectio facilior qui tend à rabattre le contenu de Metaph., Θ 10 (1051 b 2-6) sur le texte de Metaph., E 4 (1027 b 29), où il est dit que « la liaison et la séparation sont dans la pensée et non dans les choses », Trendelenburg met en parallèle le primat que Metaph., Θ 10 (1051 b 1-2) confère à l’ἀληθὲς ἢ ψεῦδος – en tant que τὸ κυριώτατα ὂν – avec les indications provenant des Analytiques seconds (I, 22). Ici, Aristote distingue deux modalités prédicatives : l’une authentique (ἀπλῶς κατεγορέιν) et l’autre accidentelle (κατὰ συµβεβεκὸς κατηγορείν). La délimitation est donnée par la relation d’inhérence entre le substrat et le prédicat [44]. Lorsque le prédicat, « blanc » par exemple, est inhérent à l’essence du substrat, « bois », le type de prédication qui en résulte est authentique : « le bois est blanc ». Lorsque, en revanche, le rapport d’inhérence se trouve inversé, la prédication devient accidentelle : « le blanc est bois ». Aristote affirme :
[…] ce n’est pas en étant l’essence du blanc ou d’une espèce de blanc que la chose est devenue [ἐγένετο] du bois, de sorte que le blanc n’est bois que par accident. […] mais bien que le bois est le substrat qui, dans son essence, est devenu [ὃπερ καὶ ἐγένετο] blanc, n’étant pas autre chose que l’essence même du bois ou d’une sorte de bois [45].
26L’attention de Trendelenburg se focalise principalement sur le lien qui paraît s’instaurer entre la prédication et le devenir : « Ce n’est pas en étant l’essence du blanc […] que la chose est devenue du bois […] mais bien que le bois est le substrat qui, dans son essence, est devenu blanc, n’étant pas autre chose que l’essence même du bois [46]. » Le discours est vrai de la même manière dont les choses sont vraies, à l’encontre d’une conception prétendant différencier d’une façon artificiellement tranchée les relations grammaticales et les relations réelles. La logique aristotélicienne n’est pas purement formelle, mais présuppose un rapport de correspondance entre les formes de la pensée et de la réalité [47]. La logique, pour le dire autrement, est avant tout onto-logique. Et Trendelenburg de conclure :
Ce qui est la mesure de cette détermination de l’énonciation originaire [der urprünglichen Aussage], c’est le processus de la chose [ist der Vorgang der Sache das Maass]. La substance génératrice (ὑποκείµενον) est le véritable sujet du jugement, tout le reste n’est qu’accessoire ; et telles que la chose ou la propriété sont nées dans le réel, telles elles doivent être énoncées dans le prédicat. Comme il le dit clairement, Aristote a ici en vue ce qui est génétique [das Genetische] (ὅπερ καὶ ἐγένετο) [48].
28Reconnaître que la forme du jugement se façonne directement sur la structure du devenir revient à admettre que le fondement de la synthèse réside dans l’être et non dans le sujet qui juge. La synthèse est réelle et le jugement se désubjectivise, tout en s’affranchissant de l’activité d’une conscience constituante [49]. Nous pourrions affirmer, en revenant à Kant, que là où le Leitfaden transcendantal décrit un mouvement ascendant et trouve la garantie de sa légalité dans la pureté du Je pense, le Leitfaden métaphysique suit un mouvement descendant et découvre son lieu d’origine en-deçà de toute subjectivité. C’est la contribution sans doute la plus remarquable de l’Aristoteles Kategorienlehre, insuffisamment relevée par une lecture généralement admise qui en réduit l’originalité à la tentative de déduction de la table des catégories [50]. Le mérite principal de Trendelenburg est au contraire d’avoir su combiner grammaire et recherche de l’être, en conférant à la grammaire une dimension proprement philosophique qui dépasse à la fois le cadre de la philologie et de la logique formelle. C’est en poursuivant les lignes directrices d’un projet similaire que Heidegger pourra, à l’époque de Sein und Zeit, annoncer la « libération de la grammaire » (Befreiung der Grammatik) du domaine de la logique, en vue d’une compréhension des structures fondamentales et a priori du langage, en perspective existentielle [51].
29La réception de l’Aristoteles Kategorienlehre, comme nous le savons, a pourtant tendanciellement déploré l’incapacité de Trendelenburg à relever la nature ontologique des catégories. Il aurait pourtant suffit de considérer avec l’attention requise la formule clôturant l’œuvre de 1846 pour atténuer cette sentence : die grammatische Gestalt leitet, aber entscheidet nicht [52]. Si la forme grammaticale guide mais ne décide pas, c’est parce qu’en un sens la décision a déjà été prise. Pour Trendelenburg, il s’agit en effet de saisir le lien entre le dire et ce qui est dit dans le langage, conformément aux deux acceptions du verbe λέγεσθαι. Dire signifie avant tout dire l’être et, corrélativement, la multiplicité de l’être – τὸ ὂν λέγεται πολλαχῶς – ne saurait se dire qu’en fonction de l’unité d’un discours. C’est d’une telle manière que Heidegger, encore une fois, apercevra dans le langage une modalité propre de l’existence [53]. Le langage ne se limite pas à énoncer ; il ne se réduit pas à un simple instrument d’expression, mais s’avère indispensable à la constitution de l’être [54]. L’ὄν se manifeste dans le λόγος et le λόγος se fonde sur l’ὄν. Pour l’Aristote de Trendelenburg la même chose s’applique : l’entrelacs entre le dire et l’être constitue un fait originaire, sur lequel il n’y a rien à décider. Les catégories trouvent leur « mesure » (Maass) dans la liaison propositionnelle laquelle trouve sa mesure dans le « processus de la chose » (Vorgang des Sache) [55]. Le fil est double : l’enracinement des catégories dans la dimension apophantique assure à la vérité un sens ontologique et, en retour, l’être se constitue ou, mieux, se dit dans les termes d’un discours grammaticalement articulé [56]. Voilà pourquoi la proposition est en définitive apte à reproduire (nachbilden) grammaticalement le réel, à l’aide de ses connexions syntaxiques.
Conclusions
30Si la fertilité d’une pensée se laisse apprécier en termes de Wirkungsgeschichte – à partir de sa capacité à produire des effets, à créer une filiation, à transmettre un legs –, une donnée fondamentale émerge pour le moins de l’Aristote de Trendelenburg, marquant l’héritage philosophique à venir : la refonte du problème des catégories, dont le sens se trouve du coup profondément renouvelé. Le Stagirite est élu protecteur d’un projet de grande envergure qui répond à un objectif d’ordre systématique : la fondation métaphysique de la logique. L’alliance inédite entre herméneutique et spéculation que Trendelenburg stipule, vise à ancrer dans l’être le langage conçu à travers la complexité de toutes ses dimensions – logique, syntaxique, grammaticale. Ici se situe l’enseignement le plus remarquable de l’Aristoteles Kategorienlehre : l’adéquation régissant le rapport de vérité entre le langage et le réel, œuvre à l’instar d’une µίµησις (Nachbildung). La nature apophantique du discours reproduit ou, mieux, imite syntaxiquement la structure du réel. Et c’est la portée ontologique des catégories, ouvertement reconnue par Trendelenburg, qui justifie l’emploi d’un fil conducteur linguistique ; qui permet que l’on puisse entrevoir dans la grammaire « le point de vue de la chose qui va au-delà de la simple forme grammaticale ». Sur le plan exégétique, devient en même temps intelligible l’importance stratégiquement accordée au traité des catégories. L’incipit de la Prolusio est à cet égard on ne peut plus clair : « Aristoteles, quum logicam et primam philosophiam arctissime inter se cohaerere vellet, categorias fortasse inter utramque quasi internodium posuit [57] ». Les catégories se conçoivent à l’image d’un internodium, une zone frontalière entre logique et philosophie première ; leur caractère intermédiaire justifie le privilège qui leur est attribué, en le positionnant au « premier rang » de toute lecture systématique : « Inter Aristotelis libros categoriae quasi philosophiae vestibulum primo loco positae sunt. » La problématique génétique du Leitfaden prescrit donc à l’analyse une tendance dynamique qui fait entrer le traité sur les catégories en résonnance avec l’ensemble du corpus aristotelicum, tout en lui reconnaissant une fonction introductive en raison d’un ordre de lecture tourné vers l’accompagnement pédagogique du lecteur à l’étude de la métaphysique.
31Cette originalité, bien entendu, ne dissipe pas pour autant l’une des apories majeures à laquelle l’exégèse de l’Aristoteles Kategorienlehre s’expose, et qui motive dans une large mesure les perplexités persistantes de sa réception. Si « la forme grammaticale ne décide pas », c’est aussi parce que chez Aristote le rapport entre la subsomption logique et la genèse réelle reste problématiquement irrésolu. Trendelenburg, pour sa part, n’hésite pas à le reconnaître : « Un plus grand inconvénient est qu’Aristote ne s’est pas exprimé, pour autant qu’on le sache, sur le fondement du schéma des catégories et sur son articulation en dix concepts et c’est pourquoi on ne peut vérifier sa justesse dans le point le plus essentiel, dans l’approche initiale [58]. » Il manque chez Aristote une superposition parfaite entre les catégories et les principes de manière à ce que le parallélisme entre la prédication et l’antériorité par nature soit à même de faire remonter les catégories aux quatre causes ou fondements. Face au silence du Stagirite, Trendelenburg ne peut que scruter les signes d’une exigence plus fondamentale qui indiqueraient à rebours les lignes directrices d’un nouveau programme de recherche : « La doctrine des catégories ne trouvera son accomplissement que lorsque l’origine des concepts et la génération des choses procéderont ensemble [59]. » Le finale de l’œuvre résonne à l’intérieur de la Grundfrage d’où nous sommes partis : « Wie kommt das Denken zum Sein? » Ainsi s’énonçait l’intention programmatique des Logische Untersuchungen, dont l’ambition visait à rétablir un contact originaire entre la pensée et l’être, en remontant à la source jaillissante d’où le schéma catégoriel prend forme. Et c’est à la lumière du pacte apophantique entre logique et métaphysique que l’originalité aussi bien que les limites du geste de Trendelenburg prennent tout leur sens, si nous les considérons justement comme il se doit : en fonction d’une philosophie fondamentale où il n’est sans doute pas illégitime de voir en perspective les prémisses d’une refondation de l’ontologie qui sera peu après connue sous le nom de « phénoménologie ».
Notes
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[1]
Cf. E. Berti, « Modelli di ermeneutica aristotelica tra Ottocento e Novecento », in Nuovi studi aristotelici, IV/2 : L’influenza d’Aristotele. Età moderna e contemporanea, Brescia, Morcelliana, 2010, p. 139-158. Cf. également G. Tonelli, « La tradizione delle categorie aristoteliche nella filosofia moderna fino a Kant », in Studi Urbinati di Storia, Filosofia e Letteratura, a. XXII, n. 1-2, 1958, p. 121-143.
-
[2]
Cf. Aristoteles graece ex recensione Immanuelis Bekkeri edidit Academia Regia Borussica, volumen prius, Berolini apud Georgium Reimerum, a. 1831, ex officina Academia. Bekker attribue l’initiative du projet à Schleiermacher, comme l’on peut lire dans la préface à l’édition de 1831 : « Academia Berolinensis cum Friderico Schleiermachero auctore consilium capisset Aristotelis ex diutino situ excitandi novaque editione celebrandi, operae pretium se non facturam videata, nisi plures quam adhunc manassent et ubiores lectionis Aristotelis fontes aperiret. » Pour un approfondissement, voir D. Thouard, « Aristote au xixe siècle : la résurrection d’une philosophie », in D. Thouard (éd.), Aristote au xixe siècle, Lille, Presses universitaires du Septentrion, 2004, p. 10-11.
-
[3]
Pour vérifier l’impact que Trendelenburg eut sur la philosophie de son temps, bien qu’il ne soit pas tout à fait approprié de parler d’une « école de Trendelenburg », il suffit de considérer les noms de ses élèves les plus illustres : H. Cohen, W. Dilthey, E. Dühring, R. Eucken, C. Prantl, F. Ueberweg, J. B. Mayer, E. Laas, F. Paulsen, O. Willmann, G. V. Hertilng, S. Kierkegaard. Kierkegaard lui-même dans une page de son Journal, datant de décembre 1844, définit Trendelenburg comme l’un des plus grands génies de la philosophie, tout en opposant l’effet bénéfique de la lecture des Grecs à la malhonnêteté des mensonges hégéliens. Voir Søren Kierkegaard Papier, P. A. Heiberg, V. Kuhr et E. Torsting (dir.), Copenhague, Gyldendal, 1909-1948, vol. II. Pour une étude historiographique de la pensée de Trendelenburg, en rapport avec l’aristotélisme du xixe siècle, cf. P. Petersen, Die Philosophie F. A. Trendelenburg. Ein Beitrag zur Geschichte des Aristoteles im 19 Jahrhundert, Hambourg, C. Boysen, 1913. Pour une analyse plus recente, cf. M. Magiagalli, Logica e metafisica nel pensiero di F. A. Trendelenburg, Milan, CUSL, 1983. Du même auteur, voir « Recenti studi su Friederich Adolf Trendelenburg », in Rivista di filosofia neoscolastica, Milan, Vita e Pensiero, 2006, p. 575-583. Voir également M. Antonelli, Alle radici del movimento fenomenologico Psicologia e metafisica nel giovane Franz Brentano, Bologne, Pitagora Editrice, 1996, p. 51-82. Enfin, pour une vision d’ensemble sur le paysage philosophique du xixe siècle, cf. M. Campo, Schizzo storico dell’esegesi e critica kantiana. Dal « ritorno a Kant » alla fine dell’Ottocento, Varese, Magenta, 1959 ; S. Poggi, I sistemi dell’esperienza. Psicologia, logica e teoria della scienza da Kant a Wundt, Bologne, il Mulino, 1977 ; K. Ch. Köhnke, Entstehung und Aufstieg des Neukantismus. Die Universitätsphilosophie zwischen Idealismus und Positivismus, Francfort, Suhrkamp, 1986.
-
[4]
Les références sont, respectivement, à I. Kant, Kritik der reinen Vernunft, A 81/B 107, Kants gesammelte Schriften, Berlin, Königliche Preussische Akademie der Wissenschaften, III, 1904, p. 1-552, IV, Berlin, 1903, p. 1-252 ; F. W. Hegel, Vorlesungen über die Geschichte der Philosophie (1833), vol. I, E. Moldenhauer, K. M. Michel (Hrsg.), Francfort, Suhrkamp, 1986, p. 249. Les Logische Untersuchungen de 1840 mentionnent à cet égard le jugement autant respectueux que sévère adressé par Kant à Aristote : « C’était un projet digne d’un esprit pénétrant que celui d’Aristote : rechercher ces concepts fondamentaux. Dans la mesure toutefois où il ne disposait d’aucun principe, il les collecta tels qu’il les rencontrait, et en dénicha d’abord dix, qu’il appela catégories (prédicaments) », (trad. fr. A. Renaut, Paris, Aubier, 1997).
-
[5]
Voir à ce propos l’analyse de J.-F. Courtine, « La question des catégories : le débat entre Trendelenburg et Bonitz », in D. Thouard (éd.), Aristote au xixe siècle, op. cit., p. 67 : « Ce qui me paraît tout à fait remarquable c’est que Kant définit ici – a contrario et en mode critique – ce que reprendra positivement Trendelenburg. » Cf. également M. Mangiagalli, Logica e metafisica nel pensiero di F.A. Trendelenburg, op. cit., p. 47.
-
[6]
Voir à titre d’exemple le jugement déjà formulé dans la Prolusio de 1833 : « Categoria enumerantur nec tamen, quae sit communis earum ratio et causa, explicatur. Una post alteram ponitur, sed universa series ex qua origine ducatur, non ostenditur » (F. A. Trendelenburg, De Aristotelis Categoriis, Berlin, Typis Augusti Petschii, MDCCCXXXIII, p. VI). Cf. également le chapitre conclusif de l’Aristoteles Kategorienlehre, in Geschichte der Kategorienlehre. Zwei Abhandlungen, Berlin, Bethge, 1846 (Olms, 1979), p. 180 : « […] nous n’avons pas plus qu’un fil conducteur, seulement un point de vue général et synthétique, et nous restons à cet égard incertains quant à des questions qui sont de la plus grandes importances pour notre problème et pour la manière de considérer propre à Aristote » (F. A. Trendelenburg, La Doctrine des catégories d’Aristote. Une enquête, trad. P. Cerutti, E Mariani et L. Villevielle, Paris Vrin, [à paraître]). Concernant les hésitations d’Aristote au sujet du nombre des catégories, nous renvoyons au tableau établi par C. Prantl, Geschichte der Logik im Abendlande, vol. I : Die Entwicklung der Logik im Altertum, Leipzig, S. Hirzel, 1855, p. 207. Cf. également le tableau de O. Apelt, Die Kategorienlehre des Aristoteles, in Beiträge zur Geschichte der griechischen Philosophie, Leipzig, Teubner, 1891, p. 140 sq.
-
[7]
Cf. F. A. Trendelenburg, Aristoteles Kategorienlehre, op. cit., p. 23 sq. La source de la référence aux stoïciens, telle que Trendelenburg l’explicite, se trouve dans le livre VII de Diogène Laërce, Vies et doctrines des philosophes illustres.
-
[8]
Cf. à cet égard l’essai de V. Cicero, « L’interpretazione linguistica delle categorie aristoteliche in É. Benveniste », in A. Trendelenburg, La dottrina delle categorie in Aristotele, a cura di G. Reale, Milan, Vita e Pensiero, 1994, p. 287-353.
-
[9]
H. Bonitz, « Über die Kategorien des Aristoteles », in Sitzungsberichte der Kais. Akademie der Wissenschaften in Wien. Philos. –hist. Klasse, Bd. X, Heft 5 (1853), p. 591-645. Pour un approfondissement, voir à cet égard les analyses de L. Villevielle, « Du “Je parle” au “Je pense” : l’origine des catégories selon Trendelenburg et Brentano », in Philosophie, 2, 2018, p. 39-54.
-
[10]
Pour une vision d’ensemble sur les travaux exégétiques consacrés à la doctrine des catégories d’Aristote dans la seconde moitié du xixe siècle, cf. le chapitre 4, § 15, de la dissertation de 1862 de Brentano, Von der mannigfachen Bedeutung des Seienden nach Aristoteles, Fribourg-en-Brisgau, Herder, 1862. Parmi les nombreux chercheurs qui participèrent au débat, nous signalons, sans avoir la prétention d’être exhaustif : A. F. C. Kersten, Quo jure Kantius Aristotelis categorias reiecerit (Progr. des Kölln. Realgymn.), Berlin 1853 ; W. Schuppe, Die aristotelichen Kategorien, Berlin, W. Weber, 1871 (18661) ; W. Luthe, Die aristotelichen Kategorien, Ruhrort, J. Brendow, 1874 ; G. Zillgenz, De praedicamentorum quae ab Aristotele auctore categoriae nominabantur, fonte atque origine, in Festschrift Ulrichs, Wurtzbourg, Stabel’sche Universitäts-Buchhandlung, 1881, p. 83-105 ; G. Bauch, Aristotelische Studien. I: Der Ursprung der aristotelichen Kategorien ; II: Zur Karakteristik der aristotelichen Schrift κατηγορίαι, Doberan, (Progr.), 1884 ; A. Gerke, « Ursprung der aristotelichen Kategorien », in Archiv für Geschichte der Philosophie, 4, 1891, p. 424-444 ; O. Apelt, « Die Kategorienlehre des Aristoteles », in Beiträge zur Geschichte der griechischen Philosophie, Leipzig, Duncker & Humblot, 1891, p. 101-216 ; K. Wotke, « Über die Quelle der Kategorienlehre des Aristoteles », in Serta Harteliana, Vienne, F. Tempsky, 1896, p. 33 sq.
-
[11]
Cf. respectivement G. Reale, « Filo conduttore grammaticale, filo conduttore logico e filo conduttore ontologico nella deduzione delle categorie aristoteliche e significati polivalenti di esse su fondamenti ontologici », in A. Trendelenburg, La dottrina delle categorie in Aristotele, op. cit., p. 17-70 ; E. Berti, « Modelli di ermeneutica aristotelica tra Ottocento e Novecento », art. cit. ; « La dottrina aristotelica delle categorie in Trendelenburg, Brentano e Heidegger », in Nuovi Studi aristotelici, art. cit., p. 89-98 ; « La critica aristotelizzante di F. A.Trendelenburg e la concezione hegeliana del finito », in Studi aristotelici, L’Aquila, Japadre, 1975, p. 353-361. Essentiellement du même avis, bien que plus modéré dans ses conclusions, est M. Mangiagalli, Logica e metafisica nel pensiero di F. A. Trendelenburg, op. cit., p. 46.
-
[12]
F. A. Trendelenburg, Aristoteles Kategorienlehre, op. cit., p. 26.
-
[13]
Cf. ibid., p. 189 : « La doctrine des catégories » – nous lisons en 1846 – « ne trouvera son accomplissement que lorsque l’origine des concepts et la génération des choses procéderont ensemble. »
-
[14]
Cf. en particulier le chapitre 8 des Logische Untersuchungen, « Reale Kategorien aus der Bewegung », Berlin, Bethge, 1840, p. 325 ; Leipzig, Hirzel,18622 ; 18703.
-
[15]
Ibid., p. 135 : « Wie kommt das Denken zum Sein? Wie tritt das Sein in das Denken? Diese Frage bezeichnen wir als di Grundfrage. Wenn die Wahrheit für die Übereinstimmung des Denkens mit dem Sein erklärt wird, so ist diese Frage in dem Worte Übereinstimmung verdeckt. Wie bringt das Denken diese Übereinstimmung hervor und zwar auf eine solche Weise, dass es selbst der Übereinstimmung gewiss wird? »
-
[16]
Un développement magistral de cette thèse se trouve dans C. Majolino, « De la grammaire à l’ontologie et retour. Le rapport entre catégories de l’être et grammaire philosophique selon Trendelenburg et Marty », in D. Thouard (éd.), Aristote au xixe siècle, op. cit., p. 81-104.
-
[17]
Cf. F. A. Trendelenburg, Elementa logices Aristoteleae. In usum scholarum ex Aristotele excerpsit convertit illustravit F. A. Trendelenburg, Berlin, Bethge, 1836, p. 57 : « Ita Aristoteles categoriarum genera ex grammaticis fere orationis rationibus invenisse, inventas autem ita pertractavit, ut, relicta origine, ipsam notionum et rerum natura spectarent » ; cf. également ibid., p. 79.
-
[18]
Cf. F. A. Trendelenburg, Logische Untersuchungen, op. cit., p. 131-132 : « Wenn es keine Definition des Sein giebt, welche nicht in dessen Bezug zum Denken, und keine Definition des Denkens, welche nicht in dessen Bezug zum Sein hineingreifen müsste: so ist dies indirekt ein Beweis, dass das Denken und das Sein die auf einander hinweisenden Glieder des letzten und höchsten Gegensatzes sind. » Cf. également ibid., p. 367 : « Die dargestellte Gemeinschaft von Denken und Sein zeigt sich weiter darin, dass die Formen des Denkens den Formen des Seins entsprechen. »
-
[19]
F. A. Trendelenburg, Aristoteles Kategorienlehre, op. cit., p. 13.
-
[20]
Cf. ibid., p. 13.
-
[21]
Trad. fr. J Tricot, Paris, Vrin, 2014. Ce passage est cité en ouverture du quatrième chapitre de la Kategorienlehre, dont le titre est justement « Origine des catégories aristotéliciennes ».
-
[22]
F. A. Trendelenburg, Aristoteles Kategorienlehre, op. cit., p. 11-12. Pour ce qui concerne Platon, la référence est à : Banquet, 191 A 7 ; Sophiste, 262 D 4 ; 262 C 5-10 ; Théétète, 202 B 3-5.
-
[23]
F. A. Trendelenburg, Aristoteles Kategorienlehre, op. cit., p. 12.
-
[24]
Cf. K. F. Becker, Organism der Sprache, 2e éd. révisée, Francfort, Kettembeil, 1841. Les motifs de l’influence de Becker sur Trendelenburg se donnent en toute évidence à voir dès l’introduction à la première édition de l’ouvrage, Organism der Sprache, en 1827. L’idée à la base de la grammaire philosophique de Becker est pour l’essentiel de concevoir la langue comme « ein organisches Erzeugnis der menschlichen Natur […], ein in allen seine Theilen und Verhältnissen organisch gegliedertes Ganze » (p. VI-VIII). Héritier en un sens de la grammaire universelle de Port-Royal, Becker introduit dans le domaine de la philologie comparée une méthode de déduction justifiée par l’hypothèse d’une structure logique universelle, sous-jacente à toute langue naturelle. L’« ensemble organique » (organisches Ganze) des différentes parties linguistiques s’organiserait en fonction d’une opposition polaire entre l’« activité » et l’« être », dont le trait d’union est situé par Becker dans le concept de « mouvement ». De cette polarité originaire découlent ensuite les trois principales formes syntaxiques (Satzverhältnisse) permettant la composition de toute forme grammaticale : la liaison prédicative, attributive et objective. Pour un approfondissement, voir G. Gaffi, 200 Years of Syntax: A critical survey, Amsterdam/Philadelphie, John Benjamins Publishing Company, 2001, p. 15-40.
-
[25]
I. Kant, Kritik der reinen Vernunft, B 130-131.
-
[26]
Ibid., B 130.
-
[27]
Pour la notion de « Zergliederung » chez Kant, voir surtout A 64/B 89. Pour ce qui concerne la définition de l’« analytique » dans les termes d’un processus de décomposition finalisé à identifier le fondement génératif de la démonstration, Trendelenburg renvoie à la distinction aristotélicienne de An. post., 22, 84 a 11 tra λογικῶς e ἀναλυτικιῶς. Cf. Aristoteles Kategorienlehre, op. cit., p. 17 : « Car ἀναλυτικῶς désigne ici, par opposition à la considération générale du concept (λογικῶς), la fondation de la preuve qui résulte de la mise en rapport du contenu [Inhalt] et de l’extension [Umfang] des concepts ».
-
[28]
Pour une reconstruction historique du concept d’analyse, voir O. Dubouclez, Descartes et la voie de l’analyse, Paris, Puf, 2013.
-
[29]
I. Kant, Kritik der reinen Vernunft, A 66/B 91.
-
[30]
Ibid. : « Wir werden also die reinen Begriffe bis zu ihren ersten Keimen. »
-
[31]
Ibid., B 134.
-
[32]
Ibid.
-
[33]
F. A. Trendelenburg, Aristoteles Kategorienlehre, op. cit., p. 13.
-
[34]
Ibid., p. 18.
-
[35]
Aristote, Metaph., Θ 10, 1051 b 1-6 ; trad. J. Tricot, Paris, Vrin, 2004. Cf. également F. A. Trendelenburg, Aristoteles Kategorienlehre, op. cit., p. 13.
-
[36]
F. A. Trendelenburg, Aristoteles Kategorienlehre, op. cit., p. 13-14. Cf. également F. A. Trendelenburg, Elementa logices Aristoteleae, op. cit., Cap. XIII : « Quoniam logica in cognoscendi natura investigando versatur, cognoscitur autem verum et falsum: logices initium inde dicitur ubi primum verum et falsum locum habet h.e. ab enunciatione. »
-
[37]
Cf. F. A. Trendelenburg, Aristoteles Kategorienlehre, op. cit., p. 17 : « […] c’est seulement avec le jugement qu’apparaît la possibilité d’un énoncé vrai ou faux, et des concepts pris isolément, comme les catégories, viennent au premier plan sans une telle relation ».
-
[38]
Ibid., p. 13.
-
[39]
Ibid., p. 23 : « […] der über die grammatischer Form hinausgehende Gesichtspunkt der Sache ».
-
[40]
Aristotele, Metaph., Θ 10, 1051 b 1-2. Cf. F. A. Trendelenburg, Aristoteles Kategorienlehre, op. cit., p. 14 : « L’étant au sens le plus propre [Das Seiende im eigentlichsten Sinne] est vrai ou faux ; cela dépend de l’union ou de la séparation des choses ».
-
[41]
Voir, par exemple, l’édition Ross (Metaph. II, p. 274 sq.). Ce jugement est partagé entre autres par G. Reale, Aristotele. Metafisica: introduzione, traduzione e commento, Milan, Bompiani, 2004, p. 1144 : « Il testo della vulgata suona : τὀ δὲ κυριώτατα ὄν ἀληθὲς ἠ ψεῦδος, κτλ., dove κυριώτατα o è errato e da espungere, o fuori posto ».
-
[42]
Cf. M. Heidegger, Sein und Zeit, Ga. 2, § 7 b) ; § 33.
-
[43]
Cf. à cet égard les analyses de P. Aubenque, Le Problème de l’être chez Aristote, Paris, Puf, 1962, p. 106-134. Voir également Studi sulle categorie di Aristotele, éd. M. Bonelli et F. Guadalupe Masi, Amsterdam, Hakkert, 2011, p. 371-402 ; W Cavini, « Categorie e predicazione in Aristotele », université de Florence, Annali dell’Istituto di Filosofia, I, 1979, p. 1-16.
-
[44]
Cf. Aristote, An. post., I, 22, 83 a 17 ; trad. J. Tricot, Paris, Vrin, 1992 : « […] admettons donc que l’attribut soit comme le blanc, et le sujet comme le bois. Posons alors que le prédicat est attribué au sujet toujours au sens propre, et non par accident, car c’est par une attribution de ce genre que les démonstrations démontrent. Il s’ensuit que la prédication porte soit sur l’essence, soit sur la qualité, la quantité, la relation, l’action, la passion, le lieu ou le temps lorsqu’un seul prédicat est attribué à un seul sujet ».
-
[45]
An. post., I, 22, 83 a 11 sq.
-
[46]
Cf. également Trendelenburg, Aristoteles Kategorienlehre, op. cit., p. 14 : « La manière dont Aristote détermine l’énonciation du jugement, le κατηγορεῖν au sens propre, suivant les rapports de la chose en devenir, apparaît en particulier dans un chapitre important des Seconds Analytiques (I, 22). Il s’agit là d’établir que, dans les séries des affirmations ascendantes et descendantes vers l’universel et l’individuel, il existe un terme ultime où la preuve s’arrête, et c’est à cette fin que le concept du κατηγορεῖν proprement dit, et par là le jugement dans sa forme originaire, se trouvent déterminés. »
-
[47]
Cf. ibid., p. 146 : « Aujourd’hui, nous sommes habitués à poser comme rigoureusement distincts le point de vue du discours et celui de la chose, celui des rapports grammaticaux et celui des rapports réels. Chez Aristote, cependant, une telle distinction ne se trouve pas encore en ces termes. Il dit en effet que le discours est vrai de la manière dont les choses sont vraies. Toute la logique aristotélicienne a un caractère similaire, en tant qu’elle n’est pas purement formelle, mais lie les formes et les activités logiques à la réalité par le biais de relations de correspondance ». Cf. également Elementa logices Aristoteleae, op. cit., § 63 ; Logische Untersuchungen, op. cit., p. 18 sq., et en particulier tout le chapitre « Die formale Logik », p. 15-26.
-
[48]
F. A. Trendelenburg, Aristoteles Kategorienlehre, op. cit., p. 15-16.
-
[49]
Cf. à ce sujet les analyses de C. Majolino, « De la grammaire à l’ontologie et retour. Le rapport entre catégories de l’être et grammaire philosophique selon Trendelenburg et Marty », art. cit., p. 86.
-
[50]
Lecture qui trouve une confirmation exemplaire dans l’essai de G. Reale, « Filo conduttore grammaticale, filo conduttore logico e filo conduttore ontologico nella deduzione delle categorie aristoteliche e significati polivalenti di esse su fondamenti ontologici », in F. A. Trendelenburg, La dottrina delle categorie in Aristotele, op. cit., p. 17-70.
-
[51]
Cf. M. Heidegger, Sein und Zeit, op. cit., p. 165 : « Aufgabe einer Befreiung der Grammatik von der Logik bedarf vorrangig eines positiven Verständnisses der apriorischen Grundstruktur von Rede überhaupt als Existenzial. »
-
[52]
F. A. Trendelenburg, Aristoteles Kategorienlehre, op. cit., p. 26.
-
[53]
Cf. M. Heidegger, Sein und Zeit, op. cit., p. 165 : « Der Mensch zeigt sich als Seiendes, das redet. Das bedeutet nicht, dass ihm die Möglichkeit der stimmlichen Verlautbarung eignet, sondern daß dieses Seiende ist in der Weise des Entdeckens der Welt und des Daseins selbst ».
-
[54]
Voir à ce propos le commentaire de P. Aubenque, Le Problème de l’être chez Aristote, op. cit., p. 133 : « La théorie aristotélicienne du langage présuppose donc une ontologie. Mais inversement l’ontologie ne peut faire abstraction du langage, et cela non seulement pour cette raison générale que toute science a besoin de mots pour s’exprimer, mais pour une raison qui lui est propre : ici le langage n’est pas seulement nécessaire à l’expression de l’objet, mais aussi à sa constitution […]. Le besoin d’une ontologie ne serait jamais apparu sans l’étonnement du philosophe devant le discours humain ».
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[55]
Cf. F. A. Trendelenburg, Aristoteles Kategorienlehre, op. cit., p. 12 sq.
-
[56]
Cf. encore une fois C. Majolino, « De la grammaire à l’ontologie et retour. Le rapport entre catégories de l’être et grammaire philosophique selon Trendelenburg et Marty », art. cit., p. 87-88 : « […] Seules les langues qui ont pensé une grammaire ont pu penser une science de l’être en tant que tel ».
-
[57]
F. A. Trendelenburg, De Aristotelis categoriis, op. cit., p. 4.
-
[58]
F. A. Trendelenburg, Aristoteles Kategorienlehre, op. cit., p. 180.
-
[59]
Ibid., p. 189.