Couverture de LEPH_053

Article de revue

Le traitement des constitutions non idéales dans le politique

Pages 385 à 400

Notes

  • [1]
    Voir Rowe (2001).
  • [2]
    J’utilise le texte de Burnet (Oxford Classical Texts).
  • [3]
    Voir l’Annexe, et les deux traductions alternatives du passage, à la fin du présent article.
  • [4]
    Cf., par exemple, la traduction de L. Brisson et J.-F. Pradeau (2003, p. 181) qui considèrent néanmoins, et à juste titre, que eis dunamin porte sur gegrammena et non sur para tôn eidotôn.
  • [5]
    Cf. Samaras (2002). Le compte rendu de cet ouvrage par Malcolm Schofield est disponible dans le troisième numéro du Journal of the International Plato Society, à l’adresse internet suivante : wwww. nd. edu/ plato.
  • [6]
    Samaras (2002), p. 177.
  • [7]
    Pour l’argument et le logique du passage, voir mon commentaire à 301 e 8 - 302 a 2, dans Rowe (1995), note ad loc.
  • [8]
    Parmi ces kaka figurerait, semble-t-il, une attitude peu accueillante envers la recherche de la vérité et envers ceux qui s’y livrent. C’est une des conséquences que l’Étranger a tirée en 299 b-d de l’examen d’une médecine ou d’une navigation exercées kata grammata, en faisant de claires allusions – qui, après 299 b-d, sont également présentes ici, en 301 e - 302 a – aux régimes politiques de son temps, et à l’un en particulier, celui qui mit à mort Socrate. Il n’y aurait rien de très surprenant à ce que cet événement-ci fût considéré comme un kakon, à supposer que la recherche de Socrate ait pu aboutir à guérir la cité de cette ignorance qui, à terme, la fera sombrer. À moins que Platon ait changé d’avis sur Socrate et ait décidé de disculper Athènes ? Ce n’est absolument pas le cas, comme je l’ai montré dans Rowe (2001).
  • [9]
    Faut-il voir dans cette opinion vraie « la connaissance dans la mesure du possible » (voir, ci-dessus, p. 387) ?
  • [10]
    Samaras (2002), n. 16, p. 195.
  • [11]
    Voir Annas et Waterfield (1995).
  • [12]
    Selon les propres mots de J. Annas, le Politique est « ce dialogue inégal, souvent déroutant, mais toujours suggestif » : voir Annas et Waterfield (1995), p. 22.
  • [13]
    « Et même confus » (ibid.).
  • [14]
    Comme, par exemple, à Marathon (voir le Menexène ?) ?
  • [15]
    Et donc serait capable, s’il voulait le faire, d’écrire des mimêmata tês alêtheias, ou de conseiller ceux qui voudraient le faire : 300 c 4-6.
  • [16]
    Et pareillement au gouvernement d’un individu qui gouverne sans connaissance (301 a 9-b3). Mais l’Étranger traite séparément le cas du gouvernement monarchique en partie parce qu’il est plus complexe, embrassant trois types au lieu de deux, comme dans les autres cas (aristocratie/oligarchie, les deux types de démocratie) : le gouvernement du roi idéal, du roi non idéal et du tyran – dont la description en 301 b-c complète l’argumentation, et ce, convenablement, parce qu’en retournant au thème de 300 b 1-6 (les maux des régimes qui n’obéissent pas du tout aux lois, dont la tyrannie est le plus mauvais exemple), qui sera développé dans ce qui suit. Voir ci-dessous.
  • [17]
    Cette analyse me semble meilleure que celle qu’on trouve soit dans mon commentaire du Politique (Rowe, 1995), soit dans mon article « Killing Socrates » (Rowe, 2001) ; voir le diagnostic des causes du naufrage des cités en 302 a-b, évoqué plus haut.
  • [18]
    Je traduis mimoumenos ton epistêmona par « imitant ainsi... », pour expliciter l’objet exact sur lequel porte l’imitation. Ce choix peut se justifier par ce qui a été dit en 300 e 11 - 301 a 4 sur les régimes observant la loi et par le fait que, comme je l’ai montré, la bonne imitation consiste exclusivement à ne pas changer les lois ; mais strictement – peut-être – il faudrait retirer le « ainsi » de la traduction.
  • [19]
    Je voudrais remercier ici les deux auditoires devant lesquels j’ai à l’origine présenté cet article en 2003, d’abord, et de façon plutôt incomplète, à l’École normale supérieure, puis, plus clairement, à la réunion du Collegium Politicum, à Nanterre et à Paris I - Panthéon-Sorbonne. Je remercie particulièrement Monique Dixsaut, Denis O’Brien et Étienne Helmer, qui traduisit un premier jet du présent article, pour leurs questions qui m’ont permis de rendre mon argument plus clair ; Dimitri El Murr, qui organisa la conférence à l’École normale et qui m’a aidé à mettre en bon français l’ultime version ; enfin, Malcolm Schofield qui m’épargna ici une erreur que je n’avais pas commise dans mon commentaire sur le Politique.
  • [20]
    Voir Skemp (1992).
  • [21]
    Voilà ce que je qualifierai de « mauvaise imitation » de la constitution la meilleure.
  • [22]
    Et produire ainsi une « bonne imitation ».
  • [23]
    Pour cet usage (looser progressive) d’oukoun, voir Denniston (1954), p. 454. Dans la lecture du passage proposée, oukoun appartient au troisième des quatre types d’oukoun « non inférentiel » reconnus par Denniston : « ... proceeding to a new point, or a new step in the argument ».
  • [24]
    Pour l’emploi apparemment redondant de einai après eis dunamin, voir LSJ, s.v. eimi [sum], qui, de fait, cite ce passage ( « l’infinitif paraît fréquemment redondant » ).
  • [25]
    Voir la note 2 ci-dessus.
  • [26]
    Encore oukoun (mais ici inférentiel).
English version

1L’interprétation que je vais donner ici du passage à mon sens capital pour comprendre le thème des constitutions non idéales dans le Politique reprend celle que j’ai exposée récemment dans un article du Journal of Hellenic Studies intitulé « Killing Socrates » [1]. Elle constituera le point de départ de cet article. Selon moi, quand l’Étranger d’Élée dit en 300 c 5-7 [2] ou, plutôt, demande : « Oukoun mimêmata men an hekastôn tauta eiê tês alêtheias, ta para tôn eidotôn eis dunamin einai gegrammena ? », et s’attend de toute évidence à s’entendre répondre « oui », il ne s’agit pas, contrairement à ce que prétend l’interprétation traditionnelle, d’adhérer aux lois en général, comme si tauta renvoyait aux nomous kai sungrammata de c 1-2 ; il s’agit plutôt de faire référence à un ensemble idéal de lois : tauta renvoie à ce qui vient après, c’est-à-dire à ta para tôn eidotôn eis dunamim einai gegrammena, et parmi les législateurs d’hier et d’aujourd’hui aucun n’est eidôs [3]. (Bien que le démonstratif houtos renvoie en général à ce qui précède, il peut aussi renvoyer à ce qui suit.) Le but que l’Étranger s’est proposé, dans cette partie du Politique, est de persuader le jeune Socrate que, faute d’un politikos idéal, la solution la meilleure pour les cités consistera à s’en tenir aux lois qui sont les leurs, la solution alternative étant cette solution de facilité consistant à négliger progressivement les lois, et à abandonner le gouvernement à des considérations de profit ou d’intérêt personnel (300 a 1-7). Ou plutôt – et c’est là le point crucial – l’Étranger tente de persuader le jeune Socrate que s’en tenir aux lois n’est justement rien de mieux qu’un pis-aller. Il sera préférable pour une cité où le véritable politique fait défaut de s’en tenir à ses lois plutôt de vivre sans lois. (Mais s’en tenir fidèlement aux lois établies aura des conséquences fâcheuses, parmi lesquelles l’interdiction de toute recherche et l’exécution de quiconque s’essaie à chercher : cf. 299 b-e.) Dans mon interprétation, les « imitations de vérité » évoquées en 300 c 5 sont les lois idéales, ou plutôt des lois qui sont aussi bonnes que des lois peuvent l’être : même dans ce cas, poursuit l’Étranger (300 c 9 - d 2), le véritable politikos ne s’y tiendra pas, car, malgré tout, les lois sont nécessairement imparfaites, et l’art de gouverner sera toujours capable de faire mieux, en toute situation. (C’est ce qui explique le eis dunamin einai gegrammena, 300 c 6-7 : les gegrammena, les lois écrites, ne peuvent jamais exprimer la connaissance du vrai politique – même si elles avaient été écrites par ce politique : comme l’Étranger l’a souligné auparavant, les lois, même les lois les meilleures, ne peuvent qu’être imparfaites.)

2Le point fondamental – proposé-je – c’est que seules les lois qui ont été écrites, ou dont l’écriture a été contrôlée (300 c 6 : para ?), par ce politique idéal peuvent être décrites comme mimêmata tês alêtheias. Car, faute de véritable politique, de celui qui possède la basilikê technê, la connaissance fera défaut elle aussi. Aussi, sans lui, et sans la connaissance, comment pourrait-il y avoir des para tôn eidotôn... gegrammena, quels qu’ils soient ? En tout cas, il est évident que les lois qui existent ne sont pas rédigées par ceux qui possèdent la connaissance. C’est donc que la référence aux lois doit concerner non les lois existantes, mais des lois idéales. Ce point est évidemment capital : selon l’interprétation traditionnelle, ce passage constituerait un argument de poids en faveur des lois des constitutions existantes (conçues comme des mimêmata tês alêtheias) ; selon la mienne, l’Étranger d’Élée ne fait rien d’autre que concéder que les constitutions régies par des lois sont meilleures que celles qui en sont dépourvues. (En réalité, comme je vais le montrer, même cette concession aux lois ne se fait pas sans réserve.)

3J’ai toujours reconnu que le texte grec autorisait ces deux lectures. On peut en effet traduire le passage 300 c 5-7 des deux façons suivantes :

1 / Eh bien, ces lois [s.e. celles mentionnées en c 1-2], dont la rédaction émane de ceux qui, dans la mesure du possible, possèdent le savoir, ne seraient-elles pas que des imitations de ce qui est en chaque matière la vérité [4] ?
2 / Eh bien, ne seraient-elles pas dans chaque domaine des imitations de la vérité, ces choses qui émanent de ceux qui savent et qui ont dans la mesure du possible été mises par écrit ?

4Le second type de traduction est celui que je préfère, et que j’ai préféré, par exemple dans les Œuvres complètes de Platon publiées chez Hackett ; le premier est celui que John Cooper, éditeur du livre, a tenu à faire figurer en note de bas de page (bien qu’en vérité il s’agisse plutôt d’une paraphrase), à titre d’alternative à ma propre traduction qu’il ne soutenait pas. Cette traduction, celle que préfère Cooper, est absolument traditionnelle ; et elle contient déjà, ou prétend contenir, la réponse à l’objection que j’adresse à l’interprétation traditionnelle : à savoir, si c’est aux situations non idéales qu’il est fait référence, alors aucun eidôs, aucun homme doué de connaissance, n’est disponible. En fait, selon cette traduction traditionnelle, que je voudrais voir abandonnée, il n’y a que « ceux qui savent dans la mesure du possible » (sous-entendu : la connaissance elle-même n’existe pas, n’est pas possible pour les êtres humains). Selon moi, Platon admettrait sans doute difficilement qu’on connaisse seulement « dans la mesure du possible » ; je reconnais néanmoins que la traduction proposée respecte le texte grec.

5Dans un passage de son excellent Plato and Democracy, publié récemment [5], Thanassis Samaras critique sur un ton amical mon interprétation de l’argument politique du Politique. Le passage suivant, extrait de son livre, peut servir d’introduction à l’interprétation traditionnelle :

(...) la loi est une bonne solution de second rang (...) au sens où, en l’absence de sagesse philosophique, elle possède une valeur intrinsèque... D’où vient cette valeur ? La réponse est donnée en 300 b : « Les lois (...) ont été instituées à la suite d’une ample expérience [peiras], tels ou tels conseillers ayant donné, sur chaque sujet, des conseils de manière attrayante et ayant persuadé la masse du peuple de les promulguer. » Cette procédure confère une certaine autorité à la loi. Les conseillers en question ne possèdent pas une pleine et entière connaissance. Mais l’on peut considérer leur succès dans l’institution des lois comme une indication qu’ils possèdent au moins l’opinion vraie ; et, comme nous le verrons, dans les dernières pages du Politique, Platon admet l’utilité pratique de l’opinion. De plus, l’événement décrit ici ayant eu lieu autrefois, les lois ont pour elles le bénéfice de la tradition. Ces traits ne font pas de la loi la source légitime de l’autorité politique au même titre que les décisions ou même les lois prises par le gouvernant idéal. Cependant, en l’absence probable de ce politique idéal, elles fournissent un cadre constitutionnel qui ne vaut pas simplement mieux que n’importe quelle autre alternative, mais qui est également la manière la plus rationnelle pour une cité d’organiser sa vie politique en l’absence de ce politique idéal. En 302 a, Platon reconnaît le succès de cette recette : « Les cités ont déjà subi ces maux-là [en raison de l’absence de connaissance politique véritable] pendant un temps infini, néanmoins il y en a certaines parmi elles qui les supportent et n’en ont pas pour autant été renversées. » Si l’on ne veut pas que la stabilité de ces cités soit le fruit du hasard, force est de reconnaître que ce succès est dû à une propriété intrinsèque à leur constitution. La loi et l’obéissance à la loi sont bien sûr les candidats tout désignés pour jouer ce rôle [6].

6Ce dernier point n’est pas sans force. Dans le petit extrait du Politique mentionné par Samaras, l’Étranger commence par déclarer que c’est parce que les cités sont gouvernées « conformément à des lois écrites et à des coutumes, sans connaissance » qu’elles endurent les maux qui sont les leurs : « Devons-nous alors nous étonner, Socrate, de tous les maux qui surviennent dans de telles constitutions et de tous ceux qui viendront à se produire pour elles, étant donné le genre de fondement sur lequel elles reposent et qui consiste à ce qu’elles remplissent leurs fonctions en s’appuyant sur des règles écrites et des coutumes sans connaissance [kata grammata kai ethê mê meta epistêmês], qui, utilisées par une autre compétence, détruiraient manifestement tout ce qui se produit au moyen de cette compétence ? » (301 e 6 - 302 a 2). Dans ce passage, l’Étranger reprend les conclusions antérieures auxquelles l’ont conduit les expériences de pensée menées à propos de la navigation et de la médecine, en 299 e 5-9 ( « Il est évident que non seulement on verrait la ruine complète de toutes les compétences techniques (arts), mais qu’en plus celles-ci ne renaîtraient jamais, et ce en raison de cette loi interdisant toute recherche ; à tel point que la vie, qui est rude même à présent, deviendrait alors absolument invivable » ) ; et de même que, selon l’interprétation traditionnelle (et celle de Samaras), ce jugement apparemment négatif sera atténué par la comparaison entre les régimes totalement soumis à la loi et ceux dépourvus de lois, de même, force est de supposer malgré tout qu’en 302 a l’Étranger soutient la valeur de la loi. Si, selon ses propres mots, la cité est un être d’une résistance surprenante (« Ou bien devrions-nous plutôt nous étonner d’autre chose : d’à quel point une cité est par nature quelque chose de résistant ? » [302 a 2-3]), à quoi d’autre le doit-elle qu’à sa constitution et à ses lois ?

7Mais faire cette concession n’est pas décisif, et ne saurait suffire à donner raison à Samaras et aux autres partisans de l’interprétation traditionnelle. Car, même si l’obéissance à un code de lois préserve une cité du naufrage pendant une longue période de temps, fût-elle plus longue que prévue, tout le passage (301 e - 302 b) montre que l’observance rigoureuse des lois a néanmoins deux conséquences :
1 / elle cause de nombreux maux (kaka) ;
2 / elle provoque tôt ou tard le naufrage de la cité.

8Ce n’est donc pas une garantie contre le dépérissement.

Car, c’est un fait, même si, à l’heure où nous parlons, les cités ont déjà subi ces maux-là pendant un temps infini, il y en a néanmoins certaines parmi elles qui les supportent et n’en ont pas pour autant été renversées ; cependant, nombre d’entre elles, de temps à autre, coulent comme des navires et périssent, et ont péri, et périront à l’avenir en raison de la perversité du capitaine et des marins, qui ont acquis la plus grande ignorance sur les choses les plus importantes, et qui, bien qu’ils n’aient en aucun cas une connaissance de ce qui est propre à l’art politique, pensent qu’ils ont acquis un tel art dans tous ses détails, avec plus d’exactitude que toute autre compétence (302 a 3 - b 3).

9Les capitaines et les matelots pervers sont sans doute les gouverneurs et les citoyens des cités sans lois ; mais le passage implique très clairement que même les autres cités, celles qui obéissent à la loi, souffrent, et que, si elles ne périssent pas, c’est en dépit de cette obéissance. Conclusion : obéir aux lois, c’est avoir une chance de sauver la cité du naufrage (s.e. : dans la mesure où ne pas y obéir, et laisser la cité être gouvernée par les intérêts personnels de ses gouvernants ignorants, c’est la conduire au naufrage). Mais obéir aux lois n’est pas une garantie de survie, et il y a d’autres maux que cause une politique de ce genre [7]. On peut donc raisonnablement se demander : si ces régimes qui observent la loi sont, reposent sur, « des imitations de la vérité », pourquoi n’auraient-ils pas pu prétendre être plus que de simples conditions de survie, avec leur inévitable cortège de maux (kaka), qui restent ici indéterminés [8] ?

10Cependant, là n’est pas l’objection principale que je souhaiterais adresser aux arguments avancés par Samaras pour soutenir l’interprétation traditionnelle. Ma principale objection porte sur la réponse qu’il apporte à l’origine de la « valeur intrinsèque » de la loi (évoquée selon lui en 300 c 5-7). Je cite à nouveau le passage, qui présente avec une remarquable clarté l’un des éléments fondamentaux de l’interprétation traditionnelle :

(...) la loi [selon cette interprétation] est une bonne solution de second rang (...) au sens où, en l’absence de sagesse philosophique, elle possède une valeur intrinsèque... D’où vient cette valeur ? La réponse [dit Samaras] est donnée en 300 b : « Les lois (...) ont été instituées à la suite d’une ample expérience [peiras], tels ou tels conseillers ayant donné, sur chaque sujet, des conseils de manière attrayante et ayant persuadé la masse du peuple de les promulguer. » Cette procédure confère une certaine autorité à la loi. Les conseillers en question ne possèdent pas une pleine et entière connaissance. Mais l’on peut considérer leur succès dans l’institution des lois comme une indication qu’ils possèdent au moins l’opinion vraie [9] ; et, comme nous le verrons, dans les dernières pages du Politique, Platon admet l’utilité pratique de l’opinion. De plus, l’événement décrit ici ayant eu lieu autrefois, les lois ont pour elles le bénéfice de la tradition. Ces traits ne font pas de la loi la source légitime de l’autorité politique au même titre que les décisions ou même les lois prises par le gouvernant idéal...

11Même si l’on accorde que peira signifie « expérience » plutôt qu’ « expérimentation » (traduction qui a ma préférence), la recommandation évoquée en 300 b 1-6 ne manque pas d’être étrange : si l’expérience constitue une aide véritable, pourquoi ne faire référence qu’à « quelques conseillers » ? Dans l’expérience de pensée antérieure, l’Étranger a précisé que l’assemblée qui fixe les règles de la médecine et de la navigation comprendra aussi bien des non-spécialistes de ces domaines que des spécialistes ; si, dans notre passage, il avait voulu reconnaître à ces conseillers un tant soit peu de compétence, même approximative (peut-être « la connaissance dans la mesure du possible »), pourquoi n’a-t-il mentionné que « quelques » conseillers ? Et, n’en déplaise à Samaras, la position du Politique sur les « capacités intellectuelles des gens ordinaires » [10] est parfaitement claire. Un peu auparavant, l’Étranger a estimé qu’on ne pouvait rien objecter à l’idée qu’une « masse d’hommes, quels qu’ils soient, ne sera jamais capable d’acquérir ce type de compétence et donc de gouverner une cité avec intelligence » (297 b 7 - c 1). Il est donc difficile de supposer que, trois pages plus loin, Platon soutiendrait l’idée qu’une « masse d’hommes, quels qu’ils soient », puisse avoir quoi que ce soit d’utile à apporter à la question du gouvernement, a fortiori qu’elle puisse « connaître dans la mesure du possible ». (Ou, pour le dire à la façon de Samaras, pourquoi devrait-on soudain croire cette masse capable d’opinion vraie, alors que rien ne vient atténuer le jugement net et sans appel énoncé plus haut à son sujet ? Et, faute d’opinion vraie, quel poids accorder à ce que recommande cette masse ?) Même en laissant de côté les implications de l’adverbe kharientôs (300 b 2 : « En chaque cas sur les conseils donnés de manière attrayante par tels ou tels conseillers », comme je préfère le traduire), l’ensemble du passage se montre réservé sur les sources de l’autorité que détient ce type de lois, même selon la lecture qui leur est le plus favorable. Cela est parfaitement compatible avec l’idée de l’Étranger selon laquelle même des lois de ce genre ont quelque valeur, lorsqu’on compare une cité fondée sur ces lois et une cité qui s’est complètement débarrassée de ses propres lois ; mais cela n’autorise pas à donner pour origine à ces lois la « connaissance dans la mesure du possible ». Tout se passe comme si ces propos permettaient à l’Étranger de ne pas se prononcer sur la valeur intrinsèque des lois établies dans ces conditions (c’est-à-dire en l’absence de connaissance véritable), tout en pouvant leur reconnaître une certaine utilité qui, pour ce qui est du Politique, se limite, selon moi, à donner à la cité une certaine stabilité.

12Pourquoi tout ce débat ? Son enjeu est bien évidemment d’importance, car, si l’interprétation traditionnelle était vraie, cela signifierait que Platon aurait radicalement changé de position sur les constitutions non idéales (je dis cela en supposant, comme le font la plupart des spécialistes aujourd’hui, que La République est antérieure au Politique). La République considère même la timocratie comme une constitution « malade » (VIII, 544 c) ; et voici le Politique – comme beaucoup ont tendance à le soutenir – qui considère tout code législatif comme une « imitation de la vérité ». Il faudrait alors admettre que ce changement n’est que partiel, car ce même Politique traite

ceux qui participent à toutes ces constitutions, à l’exception de celle qui repose sur la connaissance, comme n’étant pas des hommes politiques [politikous], mais des experts en dissension [stasiastikous], et nous devons dire que, présidant aux plus grands simulacres [eidôla], ils sont eux-mêmes de pareille sorte, et que, étant les plus grands imitateurs et les plus grands magiciens [goètas], ils se trouvent être les plus grands sophistes parmi les sophistes (303 b 8 - c 5).

13Les lignes qui suivent ce passage accentuent sans ambiguïté le jugement négatif porté sur ceux qui participent à tous ces régimes non idéaux. (Rien dans le texte ne permet de supposer que les législateurs fondateurs de ces constitutions aient mieux valu que les stasiastikoi d’aujourd’hui – idée par laquelle est introduite la notion de tradition, si chère aux partisans de la valeur de la loi [constitutionalists]. Samaras croit la voir déjà en 300 b ; mais pour ma part, à moins de la déceler derrière la référence à l’ « expérience » ou à l’ « expérimentation » [peira], je ne parviens pas à la trouver. En réalité, cette référence à la peira pourrait elle-même servir à saper la valeur de la tradition : car quelle valeur peut avoir une expérience ou un essai, sans la connaissance nécessaire pour s’en servir ?)

14S’il faut donc comprendre le passage 300 c selon l’interprétation traditionnelle, tout au moins faut-il supposer que la voix de l’Étranger dans le Politique se démultiplie. Deux possibilités s’offrent alors à nous. Soit : 1 / l’on suit l’interprétation avancée par Julia Annas, dans son introduction au dialogue [11], qui consiste à prendre le Politique pour « a record of entanglements » (c’est-à-dire d’incohérences ; mais d’incohérences pleines de bonnes intentions) [12]. Soit : 2 / l’on remet en question l’interprétation traditionnelle du passage en 300 c. Et puisque, à mon sens, 300 c se prête à une interprétation qui élimine les incohérences (ou les « tensions »), la seconde voie paraît immédiatement plus attirante, et à juste titre.

15Mais l’enjeu de cette discussion est plus important encore. Car, après tout, pourquoi la position de Platon n’aurait-elle pas changé ? N’est-ce pas ce que font sans cesse les philosophes ? Et devrait-on leur en vouloir ? Nous serions ici en présence d’un cas typique d’amélioration (selon mes adversaires) : cette position intransigeante qui est celle du « tout ou rien » – soit la constitution idéale, soit de pâles imitations (voir les « simulacres ») – n’est-elle pas en définitive une position inutile et dont on ne peut que se réjouir de voir que Platon l’abandonne ? Je soupçonne que l’empressement avec lequel J. Annas juge ces passages du Politique « entangled » [13] repose sur un raisonnement de ce genre. Il n’en demeure pas moins que ce type d’approche est erroné. Tout d’abord parce que l’Étranger athénien des Lois est très proche de l’idée implicite du Politique : à savoir que les constitutions existantes n’en sont pas, et que ce sont des stasiôteiai plutôt que des politeiai (VIII, 832 c-d). Dans ce passage des Lois, seuls trois types de constitutions sont nommés (la démocratie, l’oligarchie et la tyrannie), et le point de comparaison entre elles diffère de celui adopté dans le Politique : il s’agit, en gros, d’opposer l’absence de consentement dans ces trois types de constitutions, et la liberté garantie par la loi dans la cité des Magnètes. Mais les Lois partagent avec le Politique une même manière de déterminer le, ou les, critères distinctifs de toute constitution, et de déclarer ensuite sans détours que tout ce qui ne répond pas à ce ou ces critères n’est pas à proprement parler une constitution du tout. Et ce pour une bonne raison : dans les deux cas, les non-constitutions sont tout simplement incapables de réaliser ce que font les constitutions, en tant que constitutions (en extrapolant sur la fonction d’un véritable politikos) : veiller sur l’intérêt véritable des citoyens pris dans leur ensemble. À quoi tient cette incapacité ? À mon sens, elle provient du fait que ces non-constitutions reposent sur l’ignorance. Voir dans le Politique une réhabilitation de la démocratie et de l’oligarchie, c’est ne pas prendre suffisamment au sérieux le problème de la connaissance, c’est-à-dire de la compétence fondée sur un savoir – curieuse omission dans un dialogue dont l’art politique est le sujet central. C’est bien le roi, j’en suis sûr, qui reste ici souverain.

16Les lignes 302 e 10-12 peuvent venir étayer ma lecture :

Eh bien, la monarchie, quand elle est soumise à de bonnes règles écrites, que nous appelons des lois, est le meilleur des six régimes ; en revanche, quand elle est sans lois, elle est difficile et ce qu’il y a de plus pesant à vivre.

17Ce que « nous appelons lois », ce sont les prescriptions écrites ; l’adjectif « bonnes » est mentionné parce que les prescriptions écrites doivent être bonnes pour que la monarchie le soit. L’Étranger ne veut pas dire que « nous » considérons seules les bonnes prescriptions comme des lois, même si l’on adopte le point de vue de l’interprétation traditionnelle ; car, pour elle, toutes les lois doivent apparemment être considérées comme bonnes, du moins toutes celles établies selon les procédés décrits en 300 b. Ces procédés sont analogues à ceux des assemblées où sont établies les prescriptions pour la médecine et la navigation, dans le passage que j’ai appelé l’ « expérience de pensée ». Car, si les lois établies par l’assemblée ou la masse (plèthos, 300 b 3) sont effectivement des « imitations de la vérité », comment pourraient-elles ne pas être bonnes ? Ou, si les partisans de l’interprétation traditionnelle devaient reconnaître que ces lois puissent être mauvaises, cela ne ruinerait-il pas l’idée que Platon propose sérieusement de réhabiliter la démocratie ou l’oligarchie ? Quoi qu’il en soit, je ne vois pas comment les lois établies de la façon décrite en 300 b (et avant ce passage) pourraient être infailliblement, et sans exception, bonnes : comment serait-ce possible, sans la connaissance ? Aussi, l’idée de tout ce passage (300 b) porte sur l’importance de la loi, qu’elle soit bonne ou (parfois ?) mauvaise. Mais notons que, au moment d’apprécier la valeur relative de chaque type de constitution, la distinction entre les constitutions qui observent la loi et celles qui ne l’observent pas ne suffit plus. Une constitution avec lois est meilleure qu’une sans lois (pour la raison que j’ai avancée : obéir aux lois procure la stabilité, même si elle ne la garantit pas). Mais que se passe-t-il si l’on compare une monarchie fondée sur de mauvaises lois et une démocratie fondée sur de bonnes lois ? (Il est fort probable qu’en 302 e, la connaissance faisant défaut, l’Étranger prend la notion de « bonnes lois » en un sens relatif. Ces lois pourraient n’être identifiables comme telles qu’à partir des circonstances, par exemple en termes de stabilité et de durabilité de la cité dans laquelle elles s’appliquaient ; dans tous les cas, elles n’en seraient pas moins distinguables des lois les plus nuisibles qui pourraient bien, selon l’interprétation que je défends, comprendre la loi envisagée en 299 b-d, interdisant ce type même de recherche pouvant mener à la connaissance faisant défaut aux cités.) Il faut alors adopter la même perspective pour pouvoir comparer les prescriptions d’un seul, de quelques-uns ou de la foule ; l’Étranger choisit sans surprise de comparer les constitutions de toutes sortes (avec lois) en partant du principe qu’elles disposent toutes de lois (relativement) bonnes.

18La question qui s’impose ensuite est de savoir pourquoi l’Étranger établit la hiérarchie qu’il propose. C’est ce qu’expose la suite du passage (303 a 2 - b 5), après que le jeune Socrate a répondu : « C’est possible » (kinduneuei) aux propos tenus en 302 e 10-12 ( « Eh bien, la monarchie, quand elle est soumise à de bonnes règles écrites, que nous appelons des lois, est le meilleur des six régimes ; en revanche, quand elle est sans lois, elle est difficile et ce qu’il y a de plus pesant à vivre » ) :

Quant au gouvernement de ceux qui ne sont pas nombreux [plèthos], de même que quelques-uns est intermédiaire entre un seul et un grand nombre, considérons-le comme un moyen terme entre deux extrêmes ; alors que le gouvernement de la masse [plèthos], nous pouvons, à son tour, le considérer comme faible à tous points de vue et incapable de rien faire de notable, tant en bien qu’en mal, en comparaison des deux autres, et ce parce que, dans celui-ci, les tâches sont réparties en menues parcelles entre un grand nombre de personnes. Pour cette raison, si tous les types de constitution respectent la loi [nomimôn], il se trouve être le pire de tous, mais si aucun d’entre eux ne le fait, il est le meilleur ; et si aucun d’eux n’est déréglé (akolastôn), c’est à la vie en démocratie que revient la victoire, mais si les autres régimes sont bien réglés, c’est en elle que la vie est la moins vivable, et, en premier, et de loin la meilleure, sera la vie sous le premier régime, réserve faite du septième ; car, de tous, c’est celui que nous devons mettre à part des autres constitutions, comme on met un dieu à part des hommes.
LE JEUNE SOCRATE — Cela semble procéder et être ainsi que tu le dis, et nous devons faire comme tu le suggères (303 a 2 - b 7).

19Comparée au gouvernement de quelques-uns ou du grand nombre, la monarchie offre l’avantage évident (quand ces trois régimes sont soumis à de bonnes lois) de ne pas être affaiblie sous l’effet de la division du pouvoir. Il faut supposer que le monarque, ayant été éduqué dans un régime fondé sur de bonnes lois, sera bon et qu’il remplira sa fonction en administrant la cité conformément aux lois ; il donnera à son gouvernement une plus grande unité de direction que ne le font les régimes où le pouvoir est partagé, et où chacun l’exerce dans les limites de ses prérogatives. Derrière ce raisonnement, peut-être, il y a l’idée qu’une cité dotée de bonnes lois (en un sens relatif) aboutira, d’une manière ou d’une autre, à un résultat de quelque façon semblable à celui qui procéderait du gouvernement du véritable politique, que celui-ci utilise ou non des lois : en ce sens, une cité bonne, c’est une cité dont les citoyens sont bons, à un certain degré au moins – peut-être comme la Perse de Cyrus, décrite au livre III des Lois. Le développement de la démocratie athénienne, décrit dans ce même livre, depuis Marathon jusqu’à la période présente, pourrait également servir de point de comparaison entre les deux types de démocratie évoqués dans le Politique : l’une capable d’achever quelque chose [14] ; l’autre qui, négativement, est moins invivable que les autres formes de constitutions sans lois.

20Ce ne sont là, bien évidemment, que des hypothèses, puisque le Politique lui-même ne nous donne aucune indication claire sur ce qu’il faut entendre par de « bonnes lois ». Mais le seul moyen que l’Étranger nous offre d’en mesurer la qualité consiste à se reporter à un idéal ; dans ce contexte, « bon » doit donc être synonyme de « qui ressemble à ce qu’il y a de meilleur ». Cependant, notons bien le point suivant : il est relativement clair que, jusqu’en 302 e, la qualité des lois particulières, quelles qu’elles soient, n’a jamais été mentionnée. La seule distinction à l’œuvre a porté sur les régimes observant fidèlement leurs lois, et ceux qui en sont dépourvus. C’est ce point que je voudrais étayer dans le dernier moment de cet article.

21La comparaison avec l’idéal, toujours désignée en termes de mimêsis, commence en 300 c 5-7. Voici ma propre traduction de ce passage (je n’en propose pas d’autre, car je pense avoir suffisamment justifié la mienne) :

Eh bien : ne seraient-elles pas dans chaque domaine des imitations [mimèmata] de la vérité, ces [règles ou lois] qui émanent de ceux qui savent et qui ont dans la mesure du possible été mises par écrit ?

22L’Étranger poursuit, quelques lignes plus loin :

L’ÉTRANGER — Eh bien, pour quelque individu que ce soit, ou pour quelque grand groupe [plèthos] de gens que ce soit, pour qui des lois écrites ont bien été édictées, quelles que soient les actions qu’ils entreprennent [epikheirèsôsi] de faire qui sont différentes de, contraires à ces lois, sous prétexte que cela vaut mieux, ne font-ils pas, autant qu’il est en leur pouvoir [kata dunamin], la même chose que ce politique véritable ?
LE JEUNE SOCRATE — Parfaitement.
L’ÉTRANGER — Est-ce donc que, s’ils devaient faire quelque chose de ce genre sans posséder un savoir scientifique, ils entreprendraient [an epikheiroien] d’imiter [mimeisthai] ce qui est vrai, mais l’imiteraient vraiment mal ; et s’ils faisaient cela avec compétence, ce ne serait plus là de l’imitation [mimèma], mais ce serait cette chose-là qui est le plus véritablement ce qu’elle devrait être [auto to alèthestatôn ekeino] ? (300 d 4 - e 2).

23De toute évidence, en ce qui concerne les mauvais « imitateurs », il ne saurait être question d’imiter délibérément l’idéal (voir 301 b 10 - c 4 pour une description plus précise de cette situation). Ce n’est « qu’autant qu’il est en leur pouvoir » qu’ils font la même chose que le politique idéal. Mais cette ressemblance ne va pas loin : le seul et unique point commun entre eux et le politique idéal, c’est d’agir à l’encontre des lois. Mais cette imitation n’a, bien sûr, aucun rapport avec celle évoquée en 300 c,les lois elles-mêmes sont désignées comme des « imitations de la vérité ». À cette « mauvaise imitation » s’oppose donc une « bonne imitation » :

L’ÉTRANGER — Nous avions cependant convenu, précédemment [en 292 e], qu’aucun grand groupe [plèthos] de gens ne sera jamais capable d’acquérir quelque compétence que ce soit.
LE JEUNE SOCRATE — Oui, nous en restons d’accord.
L’ÉTRANGER — Si donc il existe une compétence royale de quelque sorte que ce soit, la masse [plèthos] des riches et la foule du peuple, tout ensemble, ne s’approprieront jamais cette compétence politique.
LE JEUNE SOCRATE — Comment le pourraient-ils ?
L’ÉTRANGER — Ce qui est requis, donc, semble-t-il, dans le cas de toutes les constitutions de cette sorte, si elles veulent bien imiter cette constitution véritable, ce gouvernement du seul compétent, dans la mesure du possible [eis dunamin], c’est qu’elles ne doivent jamais – à condition qu’elles aient leurs propres lois – rien faire qui soit contraire à ce qui est écrit et aux coutumes ancestrales [patria ethè] (300 e 4 - 301 a 4).

24Ici non plus, le contenu des lois n’est absolument pas mentionné. L’unique caractère que ces bons imitateurs semblent partager avec ce qu’il y a de meilleur consiste à ne pas changer leurs lois. En principe, le meilleur type de régime, le septième, refuserait précisément d’observer ses lois, à supposer qu’il en eût (voir 300 c-d). Mais le point important consiste surtout à éviter l’erreur des « mauvais imitateurs ». Les étapes de l’argumentation sont les suivantes :
1 / Changer ses lois sans posséder la connaissance constitue une mauvaise imitation de ce que fait le politique véritable (du fait que ce dernier est le seul à changer les choses parce qu’il possède la connaissance : 300 c 8- d 2 [15]) – que le gouvernement soit dans les mains d’un seul individu, de quelques-uns, ou de la masse (300 d 3 - e 2).
2 / Il est impossible qu’une masse (plèthos) d’hommes, quelle qu’elle soit (ou des citoyens en général, ou des riches : 300 e 8), possède la connaissance (300 e 4-5).
3 / Donc à tout gouvernement exercé par plus d’un individu fera défaut l’autorité du véritable politique pour changer les lois (300 e 11 - 301 a 3) [16].
4 / Donc tous ces gouvernements observeront les lois qui sont déjà établies.
5 / Et ils ne pourront donc aller plus loin dans leur imitation du véritable politique, de sorte que ce qu’ils réalisent est un cas de bonne imitation (kalôs mimeisthai) – sous entendu : parce qu’ils reconnaissent (implicitement ?) que la connaissance est indispensable pour changer les lois [17].

25Reste le cas de l’individu unique qui gouverne « en imitant celui qui possède la connaissance » :

L’ÉTRANGER — Et, à l’inverse [s.e. : par rapport à l’aristocratie et à l’oligarchie], si une seule personne gouverne en accord avec les lois, en imitant ainsi [mimoumenos ton epistêmona] celle qui dispose d’une connaissance, nous l’appellerons « roi », sans user d’un nom distinct pour celle qui gouverne par elle-même et avec la connaissance et pour celle qui fait de même grâce à l’opinion, en accord avec les lois [18] (301 a 10 - b 3).

26Il est important de remarquer que l’Étranger ne dit pas que le roi non idéal possède l’opinion vraie ; ce roi n’atteint que l’opinion ou la croyance (doxa), tandis que le véritable politique possède la connaissance. Rien n’aurait justifié dans ce passage l’introduction de l’opinion vraie. L’Étranger veut simplement montrer que le roi non idéal gouverne en observant les lois, mais sans la connaissance (et, s’il ne possède pas la connaissance, il possède la doxa ; ce qui, à ce moment du dialogue, n’est qu’une manière de dire : a) que son esprit n’est pas totalement vide ; b) que ce à quoi il croit possède, ou manque de, l’autorité au même degré que les assemblées de 300 a). En d’autres termes, l’imitation en question ne comporte à nouveau aucune référence au contenu ou à la qualité des lois observées pour gouverner. Au mieux, la référence n’est que négative, au sens où celui qui gouverne ne possède pas la connaissance, et où l’on n’a aucune raison de penser que les lois auxquelles lui-même se réfère sont fondées sur la connaissance (de sorte que rien ne garantit que ces lois soient bonnes, et qu’il y a de fortes chances pour qu’elles ne le soient pas). Car ce gouvernant sera lui aussi décrit peu après comme un charlatan, un magicien et un sophiste (303 b-c).

27Il s’ensuit directement, à mes yeux, que la « bonne imitation » (300 e - 301 a) est radicalement différente de l’ « imitation de la vérité » (300 c). Une lecture hâtive peut faire croire qu’il s’agit de la même chose. Mais un examen plus précis de l’argumentation de l’Étranger montre que tel n’est pas le cas. En réalité, ces régimes qui imitent le meilleur, le septième, de la bonne façon (kalôs) ne sont pas plus proches de la vérité que ceux qui l’imitent « d’une façon complètement pervertie » (pankakôs) ; ou tout au moins pas plus proches de manière fiable – car ils peuvent, semble-t-il, être (relativement) justes, même en l’absence de connaissance, mais il n’y aura pas de garantie que ce sera le cas. Telle me semble être la seule concession évidente du Politique à cette position intransigeante et qui n’est pas sans faire froid dans le dos : à savoir que la connaissance est difficile, pour ne pas dire impossible, à atteindre, mais qu’elle seule convient pourtant pour bien gouverner. Cependant, peut-être cette seule concession suffit-elle : car elle revient à reconnaître qu’il est possible de s’approcher de la vérité – de l’imiter, au sens donné en 300 c 4-6 (passage duquel nous sommes partis au début de cet article) – et elle rend légitimes les tentatives que nous faisons en ce sens.

28En d’autres termes, serions-nous prêts à suivre ce vieux Socrate qui poursuit sa recherche, ou le condamnerions-nous à mourir ? C’est ce qui rend possible l’écriture des Lois, dialogue qui jette les bases d’un code législatif fondé sur la philosophie. Mais je laisse ce sujet pour une autre occasion [19].

ANNEXE

29Les deux traductions alternatives de Platon, Politique, 300 a - 301 a

A) Traduction de J. B. Skemp [20]

30J’utilise cette traduction parce que la version donnée ci-dessous (ou, plutôt, la traduction originale par Skemp) est celle qui a été le plus utilisée dans les pays anglophones depuis sa première publication en 1952. Même si elle n’a pas réussi à faire le consensus, elle y a contribué en partie. (Dans la traduction du passage platonicien donné ci-dessous, le texte français suit dans la mesure du possible la structure de la version anglaise.)

31300 a

32L’ÉTRANGER — Oui, mais il faut considérer une autre dégradation possible. Supposons que nous asservissions à la lettre écrite la pratique de chacun de ces arts, et imposions ce code de commandement au chef que l’élection ou le sort désignera ; et supposons que celui-ci ne fasse aucun cas de la lettre écrite et entreprenne, par amour du gain ou par caprice personnel, d’agir contre la teneur de la lettre, lui qui ne sait rien : ne sera-ce pas là un mal encore plus grand que le précédent ?

33LE JEUNE SOCRATE — En toute vérité.

34300 b

35L’ÉTRANGER —– Les lois qui ont été édictées sont le fruit d’une longue expérience – c’est ce que l’on doit admettre. Chaque article n’a été posé par l’assemblée du peuple que sur l’avis éclairé de certains conseillers qui l’ont persuadée de l’accepter. Celui qui osera par ses actions enfreindre ces lois commettra une faute cent fois pire que la faute commise par des lois strictes, parce qu’une telle transgression, si elle était tolérée, anéantirait toute activité plus sûrement encore que ne faisait la lettre écrite.

36LE JEUNE SOCRATE — Comment en douter ?

37300 c

38L’ÉTRANGER — Par conséquent, dans quelque domaine que l’on établisse des lois et des codes écrits, ce qui s’impose comme second choix, c’est de ne jamais permettre ni à un individu ni à aucun groupe de rien faire qui puisse les enfreindre en quoi que ce soit.

39LE JEUNE SOCRATE — C’est juste.

40L’ÉTRANGER — Les lois, comme il semble, en chaque domaine seraient donc des imitations écrites de la vérité, fondées autant que faire se peut sur des enseignements dispensés par ceux qui possèdent vraiment la vérité sur ces choses ?

41LE JEUNE SOCRATE — Sans aucun doute.

42L’ÉTRANGER — Et pourtant on ne doit jamais perdre de vue ce que nous avons établi auparavant. L’homme qui possède la connaissance véritable, le véritable politique, s’inspirera, dans bien des cas, uniquement de son art et, pour sa propre pratique, ne se souciera aucunement de la lettre écrite, s’il trouve qu’une façon nouvelle d’agir 300 d vaut mieux que les prescriptions rédigées par lui et promulguées quand il ne pouvait être là pour surveiller personnellement ces prescriptions.

43LE JEUNE SOCRATE — Nous l’avons dit, en effet.

44L’ÉTRANGER — Ainsi, tout individu ou tout groupe qui possèdent un code de lois, mais qui entreprennent d’agir contre leur texte, croyant mieux agir, ne font-ils donc pas, autant qu’il est en leur pouvoir, selon ce qui leur convient, la même chose que ce politique véritable ?

45LE JEUNE SOCRATE — Oui.

46L’ÉTRANGER — Mais, s’ils agissaient ainsi alors que leur esprit n’est pas éclairé par la connaissance, ils chercheraient en effet à copier l’original, mais ils l’imiteraient tout de travers [21]. Si, d’un autre côté, ils possédaient 300 e une connaissance scientifique, il ne s’agira plus de l’imitation ; ce serait la vérité véritable et originale dont nous parlerions.

47LE JEUNE SOCRATE — Absolument.

48L’ÉTRANGER — Or c’est un argument qu’on a déjà avancé et dont nous sommes convenus, qu’un grand nombre ne serait jamais capable de s’assimiler quelque art que ce soit.

49LE JEUNE SOCRATE — Cela reste bien convenu.

50L’ÉTRANGER — Si donc il existe un art royal, la masse des riches ou la foule du peuple ne s’approprieront jamais cette science politique.

51LE JEUNE SOCRATE — Comment le pourraient-ils ?

52L’ÉTRANGER — Il semble s’ensuivre que ces constitutions, qui sont des imitations, doivent suivre une règle invariable, si elles veulent imiter 301 a le plus parfaitement possible, cette seule constitution véritable [22] qui est le gouvernement du seul véritable politique usant de la véritable compétence. Elles doivent s’en tenir strictement aux lois, dès lors que ces lois ont été édictées, et ne jamais rien faire contre la lettre écrite et contre les coutumes ancestrales établies.

B) Traduction de Christopher Rowe

53300 a

54L’ÉTRANGER — Et que dis-tu de la considération suivante ? Quand nous aurons asservi à la lettre écrite la pratique de chacun de ces arts, et imposé au chef que l’élection ou le sort désignera l’obligation de surveiller ces règles écrites qui sont les nôtres, supposons que celui-ci ne fasse aucun cas de la lettre écrite et entreprenne, par amour d’un gain quelconque, ou pour accorder une faveur à quelqu’un, de faire autre chose, contre la teneur de la lettre, lui qui ne sait rien : ne sera-ce pas là un mal encore plus grand que le précédent ?

55LE JEUNE SOCRATE — En toute vérité.

56300 b

57L’ÉTRANGER — Oui, car, j’imagine, si, contrairement aux lois qui ont été édictées sur la base d’une grande expérience, après que des conseillers, quels qu’ils soient, ont donné leur avis sur chaque point d’une manière séduisante, et ont persuadé la majorité de voter sur ces lois – si, dis-je, quelqu’un osait agir à l’encontre de ces lois, il commettrait une faute cent fois pire que la première, et anéantirait toute activité plus sûrement encore que ne le faisait la lettre écrite.

58LE JEUNE SOCRATE — Comment en douter ?

59300 c

60 L’ÉTRANGER — Par conséquent, dans quelque domaine que l’on établisse des lois et des codes écrits, ce qui s’impose comme second parti, c’est de ne jamais permettre ni à un individu ni à la foule de rien faire qui puisse les enfreindre en quoi que ce soit.

61LE JEUNE SOCRATE — C’est juste.

62300 c 5

63L’ÉTRANGER — Eh bien [23] : ne seraient-elles pas dans chaque domaine des imitations de la vérité, ces choses qui émanent de ceux qui savent et qui ont dans la mesure du possible été mises par écrit [24] ?

64LE JEUNE SOCRATE — Sans aucun doute.

65L’ÉTRANGER — Alors nous avons dit, s’il nous en souvient, que celui qui sait, celui qui possède véritablement l’art politique, fera beaucoup de choses en fonction de son savoir sans prendre en considération les lois écrites quand d’autres choses lui sembleront être meilleures, même si elles vont contre les choses qui ont été écrites par lui et édictées comme des ordres à des gens qui ne sont pas là.

66LE JEUNE SOCRATE — Nous l’avons dit, en effet.

67L’ÉTRANGER — Eh bien [25] : pour quelque individu que ce soit, ou pour quelque grand groupe de gens que ce soit, pour qui des lois écrites ont bien été édictées, quelles que soient les actions qu’ils entreprennent de faire qui sont différentes de, contraires à ces lois, sous prétexte que cela vaut mieux, 300 d ne font-ils pas, autant qu’il est en leur pouvoir, la même chose que ce politique véritable ?

68LE JEUNE SOCRATE — Parfaitement.

69L’ÉTRANGER — Est-ce donc que, s’ils devaient faire quelque chose de ce genre sans posséder un savoir scientifique, ils entreprendraient d’imiter ce qui est vrai, mais l’imiteraient vraiment mal ? Et s’ils faisaient cela 300 e avec compétence, ce ne serait plus là de l’imitation, mais ce serait cette chose-là qui est le plus véritablement ce qu’elle devrait être ?

70LE JEUNE SOCRATE — Je suis parfaitement d’accord – je crois.

71L’ÉTRANGER — Nous avions cependant convenu, précédemment, qu’aucun grand groupe de gens ne sera jamais capable d’acquérir quelque compétence que ce soit.

72LE JEUNE SOCRATE — Oui, nous en restons d’accord.

73L’ÉTRANGER — Si donc [26] il existe une compétence royale de quelque sorte que ce soit, la masse des riches et la foule du peuple, tout ensemble, ne s’approprieront jamais cette compétence politique.

74LE JEUNE SOCRATE — Comment le pourraient-ils ?

75L’ÉTRANGER — Ce qui est requis, donc, semble-t-il, dans le cas de toutes les constitutions de cette sorte, si elles veulent bien imiter 301 a cette constitution véritable, ce gouvernement du seul compétent, dans la mesure du possible, c’est qu’elles ne doivent jamais – à condition qu’elles aient leurs propres lois – rien faire qui soit contraire à ce qui est écrit et aux coutumes ancestrales.

Bibliographie

RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES

  • Annas J. et Waterfield R. (1995), Plato : Statesman, introduction by J. Annas and translation by R. Waterfield, Cambridge, Cambridge University Press.
  • Brisson L. et Pradeau J.-F. (2003), Platon, le « Politique », prés., trad. et notes, Paris, Flammarion, « GF ».
  • Denniston J. (1954), The Greek Particles, 2e éd., Oxford, Clarendon Press.
  • Rowe C. J. (1995), Plato : Statesman, Warminster, Aris & Phillips.
  • Rowe C. J. (2001), « Killing Socrates : Plato’s later thoughts on democracy », Journal of Hellenic Studies, 121, p. 63-76 ; trad. franç. par L. Brisson avec D. El Murr, « Mettre Socrate à mort. La position de Platon sur la démocratie dans les derniers dialogues », dans M. Fattal (dir.), La philosophie de Platon, t. 2, Paris, L’Harmattan, p. 299-325.
  • Samaras T. (2002), Plato and Democracy, New York, Peter Lang.
  • Skemp J. B. (1992), Plato’s Statesman, translation by J. B. Skemp, nouvelle édition avec une introduction par M. Ostwald, Indianapolis.

Date de mise en ligne : 01/09/2005.

https://doi.org/10.3917/leph.053.0385

Notes

  • [1]
    Voir Rowe (2001).
  • [2]
    J’utilise le texte de Burnet (Oxford Classical Texts).
  • [3]
    Voir l’Annexe, et les deux traductions alternatives du passage, à la fin du présent article.
  • [4]
    Cf., par exemple, la traduction de L. Brisson et J.-F. Pradeau (2003, p. 181) qui considèrent néanmoins, et à juste titre, que eis dunamin porte sur gegrammena et non sur para tôn eidotôn.
  • [5]
    Cf. Samaras (2002). Le compte rendu de cet ouvrage par Malcolm Schofield est disponible dans le troisième numéro du Journal of the International Plato Society, à l’adresse internet suivante : wwww. nd. edu/ plato.
  • [6]
    Samaras (2002), p. 177.
  • [7]
    Pour l’argument et le logique du passage, voir mon commentaire à 301 e 8 - 302 a 2, dans Rowe (1995), note ad loc.
  • [8]
    Parmi ces kaka figurerait, semble-t-il, une attitude peu accueillante envers la recherche de la vérité et envers ceux qui s’y livrent. C’est une des conséquences que l’Étranger a tirée en 299 b-d de l’examen d’une médecine ou d’une navigation exercées kata grammata, en faisant de claires allusions – qui, après 299 b-d, sont également présentes ici, en 301 e - 302 a – aux régimes politiques de son temps, et à l’un en particulier, celui qui mit à mort Socrate. Il n’y aurait rien de très surprenant à ce que cet événement-ci fût considéré comme un kakon, à supposer que la recherche de Socrate ait pu aboutir à guérir la cité de cette ignorance qui, à terme, la fera sombrer. À moins que Platon ait changé d’avis sur Socrate et ait décidé de disculper Athènes ? Ce n’est absolument pas le cas, comme je l’ai montré dans Rowe (2001).
  • [9]
    Faut-il voir dans cette opinion vraie « la connaissance dans la mesure du possible » (voir, ci-dessus, p. 387) ?
  • [10]
    Samaras (2002), n. 16, p. 195.
  • [11]
    Voir Annas et Waterfield (1995).
  • [12]
    Selon les propres mots de J. Annas, le Politique est « ce dialogue inégal, souvent déroutant, mais toujours suggestif » : voir Annas et Waterfield (1995), p. 22.
  • [13]
    « Et même confus » (ibid.).
  • [14]
    Comme, par exemple, à Marathon (voir le Menexène ?) ?
  • [15]
    Et donc serait capable, s’il voulait le faire, d’écrire des mimêmata tês alêtheias, ou de conseiller ceux qui voudraient le faire : 300 c 4-6.
  • [16]
    Et pareillement au gouvernement d’un individu qui gouverne sans connaissance (301 a 9-b3). Mais l’Étranger traite séparément le cas du gouvernement monarchique en partie parce qu’il est plus complexe, embrassant trois types au lieu de deux, comme dans les autres cas (aristocratie/oligarchie, les deux types de démocratie) : le gouvernement du roi idéal, du roi non idéal et du tyran – dont la description en 301 b-c complète l’argumentation, et ce, convenablement, parce qu’en retournant au thème de 300 b 1-6 (les maux des régimes qui n’obéissent pas du tout aux lois, dont la tyrannie est le plus mauvais exemple), qui sera développé dans ce qui suit. Voir ci-dessous.
  • [17]
    Cette analyse me semble meilleure que celle qu’on trouve soit dans mon commentaire du Politique (Rowe, 1995), soit dans mon article « Killing Socrates » (Rowe, 2001) ; voir le diagnostic des causes du naufrage des cités en 302 a-b, évoqué plus haut.
  • [18]
    Je traduis mimoumenos ton epistêmona par « imitant ainsi... », pour expliciter l’objet exact sur lequel porte l’imitation. Ce choix peut se justifier par ce qui a été dit en 300 e 11 - 301 a 4 sur les régimes observant la loi et par le fait que, comme je l’ai montré, la bonne imitation consiste exclusivement à ne pas changer les lois ; mais strictement – peut-être – il faudrait retirer le « ainsi » de la traduction.
  • [19]
    Je voudrais remercier ici les deux auditoires devant lesquels j’ai à l’origine présenté cet article en 2003, d’abord, et de façon plutôt incomplète, à l’École normale supérieure, puis, plus clairement, à la réunion du Collegium Politicum, à Nanterre et à Paris I - Panthéon-Sorbonne. Je remercie particulièrement Monique Dixsaut, Denis O’Brien et Étienne Helmer, qui traduisit un premier jet du présent article, pour leurs questions qui m’ont permis de rendre mon argument plus clair ; Dimitri El Murr, qui organisa la conférence à l’École normale et qui m’a aidé à mettre en bon français l’ultime version ; enfin, Malcolm Schofield qui m’épargna ici une erreur que je n’avais pas commise dans mon commentaire sur le Politique.
  • [20]
    Voir Skemp (1992).
  • [21]
    Voilà ce que je qualifierai de « mauvaise imitation » de la constitution la meilleure.
  • [22]
    Et produire ainsi une « bonne imitation ».
  • [23]
    Pour cet usage (looser progressive) d’oukoun, voir Denniston (1954), p. 454. Dans la lecture du passage proposée, oukoun appartient au troisième des quatre types d’oukoun « non inférentiel » reconnus par Denniston : « ... proceeding to a new point, or a new step in the argument ».
  • [24]
    Pour l’emploi apparemment redondant de einai après eis dunamin, voir LSJ, s.v. eimi [sum], qui, de fait, cite ce passage ( « l’infinitif paraît fréquemment redondant » ).
  • [25]
    Voir la note 2 ci-dessus.
  • [26]
    Encore oukoun (mais ici inférentiel).
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