Couverture de LEPH_013

Article de revue

Schlick et Popper.

Signification et vérité

Pages 349 à 370

Notes

  • [1]
    Voir ses intéressantes Questions d?éthique, trad. C. Bonnet (avec Volonté et motif, de F. Waismann), PUF, coll. « Philosophie morale », 2000. Popper ne les cite pas, alors qu?il fait grand cas de Moral, Wille und Weltgestaltung, de K. Menger (1935), « l'un des premiers auteurs à développer les fondements d?une logique des normes » (The Open Society and its Enemies, Londres, Routledge, 1966 (1re éd., 1945), vol. I, p. 234 (la « traduction » française (Seuil) est totalement inutilisable)). La confrontation entre les importantes conceptions morales de Schlick et de Popper (toutes deux négligées) ne pourrait donc reposer sur aucun texte de ce dernier portant sur celle du premier.
  • [2]
    Cf. H. Feigl, « Moritz Schlick », Erkenntnis 7, traduit en anglais in M. Schlick, Philosophical Papers, I, p. XV-XXXVIII. Je remercie David Miller et Élie Zahar pour leurs commentaires sur une première version de cet article.
  • [3]
    « Schlick on the Foundations of Knowing », Schlick und Neurath, R. Haller (ed.), p. 149. On trouvait en fait cette thèse déjà chez Neurath, lequel glorifiait l'Autriche d?avoir pu se passer de l' « intermède kantien », liant de manière assez amusante cette opposition à la différence entre catholicisme et protestantisme. Voir l'excellent recueil Otto Neurath, un philosophe entre science et guerre, in Cahiers de philosophie du langage, no 2, L?Harmattan, 1997, p. 58 (art. de Jan Sebestik). Ni Schlick ni Popper n?ont soutenu une telle thèse.
  • [4]
    Comme l'étaient paradoxalement certains « austro-marxistes », tel Otto Bauer, dont se sentait proche l'autre Otto, Neurath, ancien membre du gouvernement révolutionnaire de Munich en 1919.
  • [5]
    Cela est confirmé par Alfred Ayer, Le « Cercle de Vienne », Le Cercle de Vienne. Doctrines et controverses, textes présentés par J. Sebestik et A. Soulez, Méridiens-Klincksieck, 1986, p. 78. Ayer, dans cet article fort intéressant, parle de Schlick comme d?un homme d?une parfaite urbanité, le comparant même à « un sénateur américain dans un film d?avant la guerre ». Il évoque Popper, avouant qu?il ignore pourquoi il ne fut jamais invité chez Schlick, soupçonnant peut-être que le caractère notoirement difficile de Karl n?y était pas pour rien. Il réitère aussi son refus, largement partagé à l'heure actuelle, d?accorder que Popper ait résolu le « problème de Hume ».
  • [6]
    À l'exception notable du remarquable article de J. Bouveresse, « La théorie et l'observation dans la philosophie des sciences du positivisme logique », in Histoire de la philosophie, sous la dir. F. Châtelet, vol. 8, 1973. Voir aussi l'ouvrage important d?Alberto Coffa, The Semantic Tradition from Kant to Carnap, Cambridge University Press, 1991. Coffa confond cependant la position de Popper avec celle de Neurath : cf. D. Miller, « Popper and Tarski », Popper?s Open Society after 50 years, I. Jarvie & S. Pralong (eds), Routledge, 1999, p. 64.
  • [7]
    Cf. Unended Quest (La Quête inachevée), § 17 : « Who killed Logical Positivism ? » On peut être excédé par la vanité du vieil homme, sa propension à fustiger les hégéliens et les wittgensteiniens et à répondre brutalement à ses contradicteurs, mais méconnaître l'humour de Sir Karl est impossible. Voir ainsi, dans Conjectures et réfutations (Payot, 1985, chap. 14), le dialogue où Théétète explique l'autoréférence et les théorèmes de Gœdel et de Tarski au vieux Socrate : « Socrate : ?Mais enfin, qui sont ces gens ? Théodore ne m?en a jamais parlé !? Théétète : ?Des barbares, Socrate, mais ils sont très forts !? » Kleene cite ce dialogue dans son manuel Logique mathématique (Colin). Voir aussi la « Préface de 1956 » du Réalisme et la science, Hermann, 1990, « Sur la non-existence de la méthode scientifique », où l'on compte une foule de tournures malicieuses.
  • [8]
    « Popper and the Vienna Circle », in The Philosophy of Karl Popper, I, p. 200. Voir aussi la réponse de Popper, à la fin du vol. II. Kraft avait proposé à ce dernier de reprendre en 1948 la prestigieuse chaire de Schlick. Popper déclina l'invitation, en estimant qu?il se devait de rester en Angleterre, à la LSE. Ce fut Kraft lui-même qui l'occupa, en fin de compte. Karl Menger rapporte dans ses Mémoires, en appendice de son recueil Morality, Decision and Social Organization. Towards a Logic of Ethics, Reidel, Vienna Circle Collection, 1974, que la dernière chose que Viktor Kraft écrivait la veille de sa mort, en 1975, était une lettre à Popper.
  • [9]
    Voir les tables des matières de ces travaux (non publiés) à la fin du deuxième volume de The Philosophy of Karl Popper, Schilpp (ed.), 1974.
  • [10]
    Fils de Carl Menger (1840-1921), le fondateur du marginalisme et de l'« individualisme méthodologique » (avant Max Weber), selon l'expression de l'économiste autrichien Schumpeter, reprise par L. von Mises et Popper. K. Menger, mathématicien et théoricien de la « logique des normes », est aussi l'auteur du « principe de tolérance » en logique, repris par Carnap (et attribué depuis à ce dernier).
  • [11]
    Frère de Ludwig von Mises, lui-même continuateur de... Carl Menger, et maître de Hayek, lequel devint proche de Popper, à Londres, en 1936, où Karl fit également la connaissance d?un autre de ses compatriotes, le grand historien de l'art Ernst Gombrich. Notons qu?il y a eu incontestablement une « école autrichienne » en économie.
  • [12]
    Comme sur la question de l'induction. Popper (LDS, I, 1, n. 5) cite Liebig, Duhem et Kraft en tant qu? « anti-inductivistes ». Le résumé de son livre de 1925, Die Grundformen der wissenschaftlichen Methoden, que l'on trouve dans l'importante bibliographie de l'excellent recueil de A. Soulez et J. Sebestik, Manifeste du Cercle de Vienne et autres écrits, p. 136, est très clair sur ce point. Schlick n?a jamais pris l'idée de « méthode inductive » très au sérieux, mais il allait jusqu?à penser que le problème de Hume était lui-même un « pseudo-problème », ce qui ne pouvait satisfaire Popper. De même, Wittgenstein considérait (à tort) que le problème hilbertien de la preuve finitiste de la consistance de l'arithmétique était un faux problème.
  • [13]
    Voir l'émouvante Introduction du chap. 11 de Conjectures et réfutations, Payot, 1985, consacré à Carnap.
  • [14]
    Cf. Popper, Un univers de propensions, L?Éclat, 1992, p. 23.
  • [15]
    From a Logical Point of View, New York, Harper & Row, 1951, p. 79.
  • [16]
    Ce que lui reprochera en 1959 Herbert Simon, ancien élève de Carnap à Chicago et l'un des inventeurs de l'intelligence artificielle. Voir mon article « D?où viennent les idées justes ? », in Introduction à la lecture de K. Popper, PENS, 1994. L?attitude de Popper à l'égard de la métaphysique devait évoluer dans les années 1940, dans un sens encore plus anti-positiviste : alors qu?il ne lui accordait au plus que du sens dans les années trente, en la situant hors du domaine du rationnellement discutable, et donc dans celui de la « foi », il finit par admettre qu?elle pouvait être rationalisée, et que des « conjectures métaphysiques » pouvaient appartenir de droit au domaine de la discussion rationnelle.
  • [17]
    Cf. La Connaissance objective, chap. 6 ( « Des nuages et des horloges » ), § 10.
  • [18]
    Cf. K. Popper et J. Eccles, The Self and its Brain, Berlin, Springer, en part. p. 83, sur la « théorie de l'identité » de Feigl, anticipée par Schlick, et à laquelle Popper attribue curieusement des origines kantiennes et schopenhaueriennes. On ne peut pas dire que sa propre tentative de solution ( « interactionnisme néo-cartésien » ) de ce problème redoutable (le corps et l'esprit) ait obtenu un franc succès. Mais il avait eu le mérite de mettre l'accent sur les difficultés de toutes les réductions mécanistes-matérialistes, sur l'impossibilité de séparer étude de l'esprit et étude de l'environnement sociolinguistico-culturel ( « Troisième Monde » ), et sur le caractère crucial de la notion de conscience, devenu depuis manifeste au sein du courant naturaliste lui-même. Croire qu?on a « expliqué la conscience » est une illusion.
  • [19]
    Voir Manifeste du Cercle de Vienne, où le résumé de l'Erkenntnislehre (p. 141) signale que sur la question de la « réalité » Schlick a désormais (1929) adopté les positions (positivistes) « de Wittgenstein et Carnap »...
  • [20]
    Ce texte ne sera publié qu?en 1979. Voir l'excellente traduction française de C. Bonnet, Hermann, 1999, 460 p. Allez écrire un livre comme cela, à trente ans, en donnant une quinzaine d?heures de cours de maths et de physique par semaine, allez deux ans après publier la LdF, puis vous exiler par force (vous êtes d?origine « juive ») en Nouvelle-Zélande en 1937, avec votre piano, et, tout en donnant quinze heures de cours de logique et de philosophie des sciences par semaine, allez écrire The Poverty of Historicism et The Open Society, défendant en 1942 la démocratie libérale et le réformisme contre tous les totalitarismes. Et en sus, proposez une critique de la dialectique (1937), une axiomatisation du calcul des probabilités (1938) et un système de déduction naturelle (1945)... Alors, si vous ne commettez aucun excès ni aucune erreur (Popper en a commis un assez grand nombre !), et si vous ne tirez aucune fierté excessive de votre travail, c?est que vous n?êtes pas un être fini.
  • [21]
    Cette lettre est publiée en appendice de l'édition anglaise de la LDS. Einstein, qui avait eu connaissance de ce livre grâce à Mme Buch, critique l'expérience de pensée proposée par Popper contre l'interprétation de Heisenberg, et il explique à cet illustre inconnu qu?il n?a pas d?exemplaires d?un article qu?il vient d?écrire « avec MM. Rosen et Podolski », mais qu?il va lui expliquer en deux pages de quoi il retourne. Imaginez : un jeune professeur de physique dans un collège qui reçoit une lettre d?Einstein lui expliquant le « paradoxe EPR »... (Le manuscrit en est reproduit dans l'édition de la LSD, pas dans celle de la LDS (en français).) On note qu?à la même époque Schlick continuait à penser l'œuvre d?Einstein en termes « machiens » : « The introduction of relative simultaneity conforms to the principle according to which only observables are to be included in the formulation of the laws of nature » (Philosophy of Nature, New York, Greenwood Press, 1948, p. 57. Il s?agit d?un cours donné à Vienne en 1933).
  • [22]
    Ak. VIII, 152, traduit par P.-H. Tavoillot, Le crépuscule des lumières, Cerf, 1995, p. 276.
  • [23]
    Schlick se réclame de Socrate, que Popper, sur ce point, déclare ne pas suivre. Schlick se référait déjà, en 1917, à la définition (anti-deleuzienne !) de la philosophie par Herbart, comme n?étant pas une « création » mais une « élaboration des concepts » (Bearbeitung der Begriffe) (« Erscheinung und Wesen », Kant-Studien, 1918, traduit en anglais in Philosophical Papers, I, p. 270), que Popper n?aurait pas acceptée. Il se refusait d?ailleurs à donner une définition de la « nature » de quoi que ce soit ( « anti-essentialisme » ).
  • [24]
    Les deux problèmes, p. 313. On sait qu?en philosophie la joute métaphorique est d?importance. Vous pouvez peut-être déterminer votre « tempérament » philosophique en vous demandant lesquels des deux « Viennois » (lato sensu) l'a en l'occurrence emporté...
  • [25]
    Le... Hongrois Imre Lakatos en fera la base de son intéressante théorie des « programmes scientifiques de recherche », alors que son maître Popper avait parlé, plus vaguement, mais à plus juste titre, de « programmes métaphysiques de recherche » (par ex. : le mécanisme cartésien).
  • [26]
    Voir J. Bouveresse, « Schlick et le synthétique a priori ?, Le formalisme en question. Le tournant des années trente, sous la direction de F. Nef et D. Vernant, Vrin, 1998.
  • [27]
    Kritizistich oder empiristische Deutung der neuen Physik ?, Kant-Studien 26 (1921), trad. angl., Philosophical Papers, vol. I, chap. 13. Pour complexifier un peu le débat sur le criticisme entre 1920 et 1935 au sein de la philosophie de langue allemande, je propose donc de ne pas le réduire à une célèbre station de ski suisse, et d?introduire la valse viennoise dans la gigantomachie du phénomène ; on obtient ainsi au moins trois estocades entre au moins quatre protagonistes : Schlick/Cassirer ; Heidegger/Cassirer ; Popper/Schlick.
  • [28]
    Introduction à la métaphysique, Gallimard, 1967, I, p. 63. Popper juge néanmoins que certains problèmes philosophiques peuvent recevoir des solutions, comme ceux de la démarcation et de l'induction. Peu de philosophes pensent à dire vrai qu?il les ait résolus, mais il me paraît difficile de nier qu?il a fait évoluer ces questions, une solution de problème, selon sa propre thèse, engendrant nécessairement l'émergence de nouveaux problèmes.
  • [29]
    Cf. « Das Wesen der Wahrheit nach der modernen Logik » (1910), trad. angl. in Philosophical Papers, I, chap. 3. Il y est en fait paradoxalement très peu question de la logique « moderne » (Frege-Russell).
  • [30]
    Laquelle, confondant le faux et l'ambigu, ne permet pas de comprendre le vague et la référence multiple : La connaissance objective, chap. 8, § 4 ( « Le réalisme en logique » ). Selon Popper, la théorie wittgensteinienne de l'image (Bild) ou de la « projection » (le fameux grammophone de 4 . 014) est... « encore pire », ce qui me paraît exagéré. La « réfutation » humoristique qu?il en donne laisse le lecteur sur sa faim.
  • [31]
    À cause de la connotation fondationniste de la notion de « base » (Basis). En dehors du bateau de Neurath, est-il de plus suggestive métaphore de l'anti-fondationnisme que celle qu?offre Popper à la fin du chapitre de la LdF consacré à la base empirique (construction sur pilotis) ?
  • [32]
    Ou plutôt : au jeune membre d?un singleton, le Poppers Kreis.
  • [33]
    Cf., du premier, « Schlick and Neurath : Meaning and Truth », in Schlick und Neurath, p. 49-63, qui se réclame du « faillibilisme », et voit néanmoins une « forte similarité » (p. 52) entre les positions de Schlick et de Popper, et, du second, « Empirical Content » (ibid., p. 471-489), qui se situe dans la lignée du « naturalisme » quinien.
  • [34]
    Science and Scepticism, Princeton, 1984 ; voir le chap. 7 de mon Introduction à la lecture de K. Popper, « L?énigme épistémologique ».
  • [35]
    Par ex. : Monisme ou dualisme ? La base est-elle phénoméniste ou physicaliste ? subjective ou objective ? faillible ou infaillible ? Vérité-correspondance ou cohérence ? Fondationnisme ou anti-fondationnisme ? La base est-elle seule douée de sens cognitif ? Holisme radical ou non ?...
  • [36]
    C?est ainsi que le comprendront Popper, Schlick et Russell ; Neurath et Hempel se défendront d?avoir soutenu une telle thèse, fort peu empiriste : Hempel (1945) considère que Neurath et lui-même (en 1935-1936) soutenaient simplement une réduction de la vérité à la vérification, et une conception holistique de l'acceptation des énoncés.
  • [37]
    Carnap recevra, semble-t-il, à cette occasion une lettre virulente de Wittgenstein, l'accusant de lui avoir « volé » l'idée du physicalisme : il aurait d?ailleurs dû s?attaquer à Neurath. La réaction de celui qu?on appelait l' « éléphant » eût été sans doute moins modérée que celle de l'aimable Rudolf.
  • [38]
    Russell (1940) a de bonne foi accrédité la thèse selon laquelle l'expression basic statements serait la traduction par Ayer, dans son célèbre manifeste positiviste (Logic, Language and Truth (1936)), de l'expression carnapienne de Protokollsätze, alors que Ayer n?avait guère pu ne pas avoir connaissance de la terminologie poppérienne (1934), même s?il n?a rencontré Popper qu?en 1936 en Angleterre.
  • [39]
    Il faut noter que la question de l'acceptation des EB jouera dans les années 1960 un rôle important dans la querelle entre Habermas, encore néo-marxiste, et Hans Albert.
  • [40]
    L?article de Chisholm cité plus haut est par ailleurs fort intéressant. Il rapproche les Konstatierungen de Schlick des « perceptions internes » de Brentano, et des « autoprésentations » de Meinong, faisant remarquer que ces énoncés doivent être construits comme des « énoncés cogito », à l'encontre de ce que cherchait à faire l'anti-cartésien Schlick.
  • [41]
    La note 1* du § 84 soutient explicitement que Tarski a réduit la notion de « correspondance » à celle de « satisfaction ». On ne souligne pas assez cette remarque. Popper aurait dû le faire lui-même ! Il avait soutenu dès les années 1940 que « certaines des intentions de Wittgenstein et de Schlick lorsqu?ils demandent une philosophie du sens (meaning) sont remplies par la théorie logique que Tarski a appelée ?Sémantique? » (The Open Society, II, p. 298).
  • [42]
    Élie Zahar considère que la théorie correspondantiste doit intervenir au niveau des énoncés de base « phénoménologiques », entre eux et les vécus, car c?est seulement dans ce cas que la correspondance est pour ainsi dire garantie, tout le reste étant faillible. Sa position se rapproche dès lors de celle de Schlick.
  • [43]
    « On the Logical Positivists? Theory of Truth », Analysis, 2. Voir aussi le texte tardif (1982) de cet important et cependant modeste penseur, « Schlick und Neurath : Fundierung versus Kohärenz in der wissenschaftlichen Erkenntnis », Schlick und Neurath (op. cit.), p. 1-18, où il est également question de l'influence de Popper, lequel ne voulait ni de la fondation, ni de la (vérité-)cohérence.
  • [44]
    Je n?arrive pas tout à fait à me départir du sentiment que Schlick est peut-être plus « romantique » que ne pourraient le faire accroire ses proclamations scientistes. Je demeure ainsi assez dubitatif face à son projet de « philosophie de la jeunesse ». Voir aussi l'importance de la « joie » de la vérification, ce « sentiment noble d?avoir deviné juste » (« Sur le fondement de la connaissance », § VI). Popper est plus méphistophélique.
  • [45]
    Voir mon article « L?exil et ses raisons », in Cahiers de philosophie de l'Université de Caen, Raison et émigration, 1996, no 30.
  • [46]
    « Studies in the Logic of Confirmation », Mind, repris in Aspects..., chap. 1, n. 49 et 50.
  • [47]
    Quine, on ne le signale pas suffisamment, est par ailleurs favorable au « falsificationnisme » poppérien, qui permet, selon lui, de résoudre le « paradoxe de Hempel » (mais pas celui de Goodman) : « On Popper?s Negative Methodology », The Philosophy of K. Popper, I, p. 218-220. La couleur des émeraudes est certes plus difficile à traiter que celle des corbeaux.
  • [48]
    Voir son ouvrage Critical Rationalism. A Restatement and Defence, Open Court, 1994. Popper a continué à soutenir que cette idée était néanmoins intuitivement nécessaire, en particulier lorsque l'on utilise des « modèles ».
  • [49]
    Cf. Against Method, Outline of an Anarchistic Theory of Knowledge, Londres, NLB, 1975, chap. 14, in fine. Cet ouvrage devait être accompagné d?une réponse « pour la méthode » de son ami Lakatos, lui aussi poppérien dissident ; mais Lakatos est mort subitement, en 1974.
  • [50]
    Truth, Verification and Verisimilitude, The Philosophy of K. Popper, vol. 2, p. 684-691. Ce texte est daté de 1967. Il faut lire la réponse, par ailleurs peu chaleureuse, de Popper, ibid., p. 1110-1114. J. Watkins y lisait une acceptation par Popper des thèses de Ayer, et donc une renonciation à son anti-inductivisme, ce qui est discutable. Popper s?appuie sur la théorie de l'évolution pour affirmer la relative fiabilité de nos sens. Mais la théorie de l'évolution doit elle-même être testée. Quine accepterait sans doute lui aussi cette circularité, récusée par Ayer, Watkins et Zahar.
  • [51]
    D?où bien des malentendus, à cause d?une phrase du premier paragraphe du § 84 de LdF ( « Remarques concernant l'usage des concepts de ?vérité? et de ?corroboration? » ), où Popper affirmait que la théorie de la science qu?il proposait pouvait se dispenser d?utiliser les termes « vrai » et « faux », et se contenter de parler de relations logico-syntaxiques entre théories et énoncés acceptés intersubjectivement grâce à une décision conventionnelle, ce qui est trompeur, alors même que la suite du texte indique que l'on peut utiliser ces mêmes concepts et qu?en tout cas il ne faut pas les confondre avec ceux de « corroboré » et « non corroboré », comme le font les pragmatistes : « On peut dire d?une théorie qu?elle est à peine corroborée, ou toujours pas corroborée, mais pas qu?elle est encore à peine vraie, ou qu?elle n?est toujours pas fausse. » Cela ressemble un peu à la critique par Moore de la définition utilitariste du Bien.
  • [52]
    Ni du reste Russell (1940), qui attaque Neurath et Hempel sans citer Schlick (1934).
  • [53]
    Alors même que, disciple de Bühler, il n?a cessé d?accorder au langage des fonctions considérables dans la constitution même de l'humanité comme produit de son produit, le « savoir objectif » (Objective Knowledge), en particulier grâce à ce qu?il a appelé sa « fonction argumentative ». Le point important, c?est la fonction (métalinguistique) critique du langage : le fait de pouvoir contester une description jugée fausse.

1On parle volontiers, depuis quelque temps, de « philosophie autrichienne », la clarté réaliste du Sud-Est étant opposée aux brumes obscures du Nord allemand. Cette expression, partiellement justifiable, me paraît à plusieurs égards devoir être utilisée malgré tout avec circonspection. Les seules déterminations non doctrinales qui puissent vraiment avoir un sens non trivial en philosophie sont celles de l'époque et de la langue. Le nationalisme est toujours à mes yeux quelque chose de dangereux, en particulier dans le domaine de la recherche de la vérité. L?Aquinate était incontestablement italien : appartient-il à la « philosophie italienne » ? Rousseau et Benjamin Constant, à la « philosophie suisse » ? L?un des paradoxes qu?induit cette formule de « philosophie autrichienne » est qu?en général on y inclut le grand Moritz Schlick, autour duquel, malgré qu?il en eût, se constitua le célébrissime Wiener Kreis, le Cercle de Vienne (CV). Or, le successeur de Mach et de Boltzmann était tout ce qu?il y a de plus allemand, et il n?arriva à Vienne qu?à la fin de l'année 1922, à l'âge de 40 ans, après avoir étudié la physique (avec Max Planck !) et la philosophie à Heidelberg et Göttingen, puis enseigné à Rostock... Ce penseur exceptionnel aurait pu atteindre une notoriété plus grande encore que celle qu?il a reconquise de nouveau à juste titre, dans le domaine épistémologique comme dans le domaine éthique [1], mais son assassinat absurde, alors qu?il n?avait que 54 ans, assassinat non directement politique, mais commis néanmoins dans des conditions d?extraordinaire violence politique, nous a privé, à n?en pas douter, de l'accomplissement d?une œuvre philosophique de premier plan. Comme le disait son ami Herbert Feigl en 1938, ce meurtre « nous a privé bien trop tôt d?un grand penseur, d?un très cher ami, d?un enseignant extraordinaire, d?un être humain merveilleux » [2].

2L?un des partisans de l'idée de « philosophie autrichienne », l'excellent R. Chisholm, n?hésite pas à écrire ceci :

L?une des choses remarquables avec Moritz Schlick est qu?il nous fournit un pont entre les conceptions des membres du CV et celles de l'école de Brentano. Et confirme donc la thèse du Pr. Haller sur l'essentielle unité de la philosophie autrichienne [3].

3Outre le fait que Brentano lui-même est né en Allemagne (alors que Husserl est né dans l'Empire austro-hongrois), on notera que l'analyse critique des thèses du promoteur moderne de l'intentionnalité que Chisholm cite ensuite est empruntée à Allgemeine Erkenntnislehre, parue en Allemagne en 1918, quatre ans avant l'arrivée de son auteur à Vienne... Il convient donc à mon sens plutôt de parler d?une éventuelle unité (plurielle) de la philosophie de langue allemande, philosophie traversée depuis l'origine (grosso modo depuis l'époque de Kant) par différents courants, idéalistes, certes, mais aussi empiristes, psychologistes, réalistes, logicistes, matérialistes, ou hors catégories (Nietzsche)... Rappelons que Frege était Prussien, et passablement anticatholique, et que Rudolf Carnap et donc Moritz Schlick, deux des trois plus grandes figures du CV, avec Otto Neurath, étaient également Allemands. De toute façon, il n?est pas nécessaire d?être partisan de l?Anschlu [4] pour savoir qu?Autrichiens et Allemands sont des cousins germains. Le « Cercle de Berlin » (avec Hans Reichenbach, Carl Hempel et le mathématicien (autrichien) Richard von Mises) était du reste lui aussi fondamentalement « empiriste logique ». Les Autrichiens du CV étaient en fait Otto Neurath, Herbert Feigl, Viktor Kraft, Hans Hahn, Friedrich Waismann, l'assistant de Schlick, et le physicien Philip Franck, biographe d?Einstein (Kurt Gœdel, d?ailleurs Morave, ne saurait être caractérisé comme un partisan des thèses du CV [5]).

4En revanche, Karl Raimund Popper était, lui, bel et bien Autrichien, et même Viennois, sans pour autant avoir jamais été membre du CV. Mais il est étonnant de voir combien son nom est occulté par la plupart des partisans de la notion de « philosophie autrichienne », comme par nombre d?historiens du CV [6]. À lire certains d?entre eux, il n?aurait même tout simplement pas existé. En forçant nettement le trait, on pourrait aller jusqu?à suggérer que cela donne parfois la même impression que ces fameuses photos de Lénine haranguant la foule en 1918, retouchées dans les années 1930, où l'on voit derrière lui Staline, mais sur lesquelles il manque manifestement un personnage entre les deux : Trotsky... Or, il est simplement honnête de reconnaître que si Popper n?aurait peut-être pas dû, comme il l'a fait en 1974, « admettre sa responsabilité » dans la mort avérée du positivisme logique [7], il n?en demeure pas moins que son rôle dans l'évolution des positions de certains empiristes logiques éminents, tels Carnap et Hempel, fut déterminant. On ne peut guère plus comprendre l'évolution du CV sans prendre en compte son apport que l'on ne peut décemment faire l'histoire de la révolution bolchevique sans citer Trotsky, point d?histoire qu?aurait certainement accordé le logicien Jean van Heijenoort, garde du corps du dirigeant communiste dans les années 1930... Les « anciens » du CV ont, quant à eux, toujours reconnu cette importance, que ce soient Carnap, Hempel, Feigl ou Viktor Kraft, lequel n?écrivait en 1968 rien de moins que ceci :

Popper replaced Wittgenstein in his influence on the Vienna Circle (...) (which) owes Popper gratitude for an essential contribution to this development outside its own forces [8].

5Karl Raimund Popper, né en 1902, soit vingt ans après Schlick et Neurath, avait poursuivi à Vienne des études dans plusieurs domaines : psychologie, musique, mathématiques, physique, et même philosophie. Il s?intéressait par ailleurs de près à la politique, ayant été un temps marxiste révolutionnaire (en 1919), et à la psychanalyse, ayant travaillé dans la banlieue ouvrière de Vienne auprès de jeunes inadaptés, sous la direction d?Alfred Adler, au début des années 1920. En 1927, il soutient une thèse de « pédagogie » (Gewohnheit und Gesetzerlebnis), où il critiquait la psychologie associationniste, puis, en 1928, une Dissertation, « La question de la méthode en psychologie de la pensée », dans la lignée de l'école de Würzburg, où il critiquait le « physicalisme », soutenait la possibilité d?une « pensée sans images », l'importance de la notion de « résolution de problèmes » et de celle d?« aspect ». Une autre thèse, portant sur l'axiomatisation de la géométrie, apparemment de nature plus historico-philosophique que technique [9], lui permet de devenir professeur de mathématiques et de physique dans un collège, poste qu?il continuera à occuper jusqu?en 1935. Il passe aussi des examens de mathématiques avec Hans Hahn ( « un merveilleux professeur » ), de psychologie avec le grand linguiste et psychologue de l'enfant Karl Bühler, et d?histoire de la philosophie avec... Moritz Schlick, lequel l'interrogea sur Leibniz. Comme il le narre lui-même dans son autobiographie intellectuelle (Unended Quest), Popper croyait avoir été fort mauvais, mais il obtint finalement son diplôme. Tout se passe d?ailleurs comme si Schlick n?avait jamais cessé de regarder Popper comme un jeune étudiant, non comme un interlocuteur authentique. Tout en ayant accepté (sous l'insistance de son coéditeur, P. Franck, ainsi que sur celle de Carnap, mais au dam de Reichenbach) de publier la Logik der Forschung dans sa prestigieuse collection en 1933 (l'éditeur ayant demandé de nouvelles coupures, l'ouvrage ne paraîtra que fin 1934), il ne cite son nom, à ma connaissance, qu?une fois, dans son justement célèbre article de 1934 sur le « fondement de la connaissance ». Il y identifie la position de Popper sur les énoncés protocolaires à celle de Carnap et de Neurath, ce qui d?ailleurs, on le verra, peut dans une certaine mesure se comprendre. Alors que la LdF provoqua, sous forme de comptes rendus dans Erkenntnis, les réactions de Carnap et Hempel (plutôt positives) et celles de Neurath et Reichenbach (extrêmement négatives), Schlick apparemment n?en dit rien. Popper ne fut publiquement jamais même invité au CV, alors qu?il le fut au fort prestigieux mathematisches Colloquium de son ami Karl Menger [10], membre apparenté du CV, pour y parler de ses thèses concernant l'axiomatisation des probabilités et les « collectifs » de Richard von Mises [11]. Il affirme d?ailleurs que le CV, à l'époque, était plutôt appelé le Schlicks Kreis : il s?agissait de réunions informelles ayant lieu le jeudi soir dans les appartements mêmes de Moritz. Or, Popper avait fait indépendamment la connaissance de Carnap en 1930, grâce à Feigl et Kraft. Ces derniers le poussaient à rédiger ses idées originales, mais qui sur certains points [12] se rapprochaient des leurs plus que de la doctrine officielle du CV, telle qu?exprimée dans le fameux « manifeste » du Cercle, rédigé essentiellement par Neurath, mais aussi par Carnap et Hahn, en l'honneur de Schlick. Carnap n?hésita pas à devenir ami de son cadet, au point de faire de l'alpinisme avec lui dans le Tyrol [13], et surtout de présenter certaines de ses thèses au CV, en son absence. C?est ainsi que le nom de l'auteur de La Connaissance objective fit son entrée dans le troisième monde philosophique dès la fin de l'année 1932, mais ce dans un article de Carnap, paru dans la fameuse revue du CV, Erkenntnis ! Popper lui-même distinguera deux groupes de membres du CV (ou apparentés), selon qu?ils étaient hostiles ou plutôt disposés à entendre ses propositions : au deuxième groupe appartenaient Menger, Feigl, Waismann, Kraft, Hempel, Franck et Carnap. Au premier, avant tout Neurath et Reichenbach, mais aussi, à un moindre degré, Schlick. Les rapports humains étant, Dieu merci, loin d?être réductibles à la rationalité argumentative, ni non plus aux clivages politiques, il n?est guère aisé a priori de comprendre la logique de cette dichotomie : Neurath était vigoureusement socialiste-planiste-dirigiste ; Schlick, conservateur ; Carnap, plutôt socialiste ; et Popper, social-démocrate-libéral... Par ailleurs, Carl Hempel était à l'époque « neurathien », et donc « antischlickien » sur la question de la vérité et du fondement de la connaissance. Waismann était fasciné par Wittgenstein (lequel le traita d?ailleurs de manière passablement brutale), mais ami de Popper, lequel partageait en revanche la méfiance de Neurath envers l'auteur du Tractatus, mais sur des bases fort différentes. Par ailleurs, Schlick et Neurath ne s?intéressaient guère, quant à eux, à la logique inductive probabiliste, alors que c?était l'un des principaux apports supposés de Reichenbach, critiqué fortement sur ce point par Popper : Hans Reichenbach, non content d?avoir rédigé un compte rendu très négatif de la LdF, ira, semble-t-il, jusqu?à refuser de serrer la main de son auteur au Congrès de Prague de 1934, alors qu?il avait été invité « aimablement » par Neurath [14]. À Paris, en 1935, Popper évoqua la théorie tarskienne de la vérité, en présence du logicien polonais lui-même, ce qui amena par ailleurs Neurath à demander au Danois Arne Naess d?effectuer une enquête empirique visant à réfuter la Convention T ! Lors de ce même Congrès, Otto, dont pourtant Karl approuvait l'antifondationnisme, en applaudissant, comme W. v. O. Quine [15], sa célèbre et belle métaphore du bateau, avait appelé l'auteur de la Logik der Forschung « l'opposition officielle » de Sa Majesté le CV. Il s?insurgea dans Erkenntis en 1935 contre ce qu?il appela le « pseudo-rationalisme de la falsification », qu?il jugeait (correctement) comme n?étant pas suffisamment empiriste, nominaliste et antimétaphysique.

6Mais l'approbation et le soutien de Carnap – homme d?une rigueur, d?une amabilité et d?une honnêteté intellectuelle peu communes, comme l'a reconnu Popper – reposait en partie sur un malentendu : Rudolf a toujours pensé que Karl exagérait leurs différences, et que son attitude « non négative » envers la métaphysique ne devait pas être prise très au sérieux. En revanche, « seuls Neurath et Schlick prirent mon attitude envers la métaphysique au sérieux », affirmera Popper, d?où leur hostilité : l'opposition officielle n?était-elle pas la cinquième colonne de l'ennemi héréditaire commun, celui qui faisait négativement l'unité de ce groupe merveilleux, mais en fait passablement hétérogène, à savoir le « métaphysicien » ? Popper n?allait-il pas jusqu?à dire que la métaphysique pouvait avoir du sens et de l'importance du point de vue heuristique, et que la création des théories scientifiques avait quelque chose de « bergsonien » [16] ?

7Abordons maintenant le fond des problèmes. Il conviendrait de confronter les pensées de Schlick et de Popper sur les points suivants, qui tous peuvent être rattachés à une citation explicite de Schlick par Popper, lequel, lui, a eu la chance, après bien des épreuves, de pouvoir continuer sa carrière philosophique (en langue anglaise) jusqu?en 1994.

8 1) La question du fondement.

9 2) Le problème de la vérité.

10 3) Le réalisme.

11 4) Le statut de la métaphysique.

12 5) Les lois de la nature et la vérification.

13 6) La question du « tournant » linguistique.

14 7) La « base empirique ».

15 8) L?induction.

16 9) La question du déterminisme [17].

1710) Le problème de l'âme et du corps [18].

18On admettra que ce serait une gageure que d?entreprendre de traiter de la totalité de ces questions, fût-ce en se restreignant aux seules pensées de nos deux philosophes. Mais ces problèmes sont tellement intriqués les uns avec les autres qu?il nous sera difficile de ne pas les évoquer tous plus ou moins (sauf les deux derniers). Nous insisterons sur la question de la vérité et du sens, puis sur celle de la base empirique.

19Au fond, Popper admire plus le premier Schlick, celui de « l'admirable » Allgemeine Erkenntnislehre, que le second, l'animateur du CV, et la coupure épistémologique, si l'on peut dire, est à mettre au crédit, ou au débit, de la rencontre de Schlick avec la pensée de Ernst Mach d?une part, extraordinairement influente en Autriche à l'époque, et avec Ludwig Wittgenstein, de l'autre, et de la véritable fascination que l'auteur du Tractatus exerça sur de nombreux membres du CV, à l'exception notable de Neurath, très hostile à l'encontre de ce qu?il entrevoyait de « métaphysique » mystique dans la philosophie de l'oraculaire génie : Popper, pourtant ami avec le wittgensteinien Waismann, dont il a toujours dit beaucoup de bien, et tout en étant peu apprécié de Neurath, préfère la période allemande de Schlick à sa période autrichienne ! Un peu comme ceux qui préfèrent le premier Husserl (réaliste) au second (idéaliste), Popper privilégie le Schlick réaliste par rapport au Schlick positiviste, trop influencé, selon lui, par les... Autrichiens Mach et Wittgenstein [19]. Schlick demeure réaliste au niveau des énoncés empiriques singuliers, mais il tend, selon Popper, vers une position du type « moniste neutre » en épistémologie et de type « instrumentaliste » en philosophie des sciences. L?auteur du Réalisme et la science n?a jamais été tenté par aucune forme d?idéalisme, de phénoménisme, ou d?empirio-criticisme, plus proche de... Lénine sur ce point que de Mach. Il a un moment, avoue-t-il, été tenté par le « monisme neutre » (James, Mach, un Russell), mais seulement pendant environ... une demi-heure ! Avant que de s?apercevoir, dit-il avec candeur, qu?il ne s?agissait que d?une forme d?idéalisme. Une demi-heure d?idéalisme en quatre-vingt-douze ans, et encore, sans s?en rendre compte ! Quant à l'interprétation « instrumentaliste » des lois universelles, que Schlick et Waismann empruntent à Wittgenstein, il la soumet à une critique détaillée dans son premier ouvrage (1931-1932), Les deux problèmes fondamentaux de la théorie de la connaissance [20], long manuscrit (en partie perdu) qui circulera parmi les membres du CV et donnera lieu à une édition partielle et « résumée » en 1934, la LdF. Il n?y a selon lui aucune raison de ne pas étendre la capacité d?avoir une valeur de vérité aux énoncés généraux, sauf si l'on y est contraint par une théorie étriquée du sens, laquelle réserve celui-ci à ce qui est vérifiable par nous, et donc en un nombre fini d?étapes observationnelles. Cela implique que les lois universelles, non vérifiables stricto sensu, sont dénuées de sens, et doivent en conséquence être traitées comme de simples règles d?inférence, permettant d?engendrer des prédictions singulières vérifiables. Ce résultat est aux yeux de Popper catastrophique, et contraire aux intuitions rationnelles des scientifiques praticiens, dont l'idéal à ses yeux demeurera toujours les « réalistes » Boltzmann et Einstein. Celui-ci, qui avait par ailleurs apprécié la manière dont Schlick avait présenté aux philosophes la théorie de la relativité à la fin des années 1910, prendra sa plume dès 1935 pour exprimer à Popper son accord avec lui sur la question du positivisme :

Je n?aime pas du tout la tendance ?positiviste? à la mode (modische) aujourd?hui à s?accrocher à ce qui est observable [21].

20L?instrumentalisme réduit la science à un calcul sans profondeur, ce qui arrange bien les « métaphysiciens », trop contents d?entendre de la bouche même des partisans de la « vision scientifique du monde » qu?au fond « la science ne pense pas » et qu?elle se contente de la « surface des choses », comme le dira Neurath, sur des bases il est vrai plus machiennes que wittgensteiniennes. (Le néo-marxiste Neurath était par ailleurs paradoxalement plus favorable à Hegel que Popper, d?où peut-être son attachement à une forme de vérité-cohérence-systématique historicisée.) Pour Popper, il est impossible d?accorder une valeur ontologique à la distinction contingente et évolutive entre observable et non observable, et d?appauvrir notre sémantique au point de refuser toute valeur de vérité à l'énoncé universel : « Les orbites des planètes sont circulaires », que l'on sait être faux ! Singulière logique par ailleurs que celle qui autorise la prolifération d?innombrables « règles d?inférence » empiriquement faillibles.

21Plus généralement, c?est tout le « tournant » (Wende) linguistique et antimétaphysique que le jeune Popper rejette avec constance. Il refuse catégoriquement la division du travail proposée par Schlick (2) : à la science la recherche de vérité, à la philosophie la « quête du sens », thèse qui lui paraît devoir donner naissance à une « scolastique » (au sens vulgaire du terme, tient-il à préciser, car il n?a aucun préjugé antimédiéval). Comme Quine quelques années plus tard, mais dans un autre sens, il ne voit pas de différence de finalité entre la science et la philosophie, et il se méfie du terme même de « sens » et de la théorie « naturaliste » selon laquelle certains énoncés seraient « en soi » totalement dénués de sens. Il juge sévèrement la thèse wittgensteinienne, reprise par Carnap et Schlick, du caractère « définitif » (definitiv) des résultats de l'analyse logique des prétendus « pseudo-problèmes » de la philosophie, et, dans la même foulée, il s?insurge contre la réduction des problèmes philosophiques à des questions de langage ou à des questions « dénuées de sens ». L?épigraphe de la brève préface (1934) de la LdF est à la fois malicieux et audacieux, et l'on comprend que Schlick ait pu hésiter à faire paraître un tel ouvrage provocateur dans sa propre collection : se succèdent une citation fameuse de Moritz lui-même (1930), affirmant que le philosophe peut légitimement douter que la philosophie puisse jamais poser un seul authentique problème, et une réponse de... Emmanuel Kant (1786), rétorquant qu?il est d?un avis opposé, et que toute polémique philosophique, loin d?être réductible à des questions de mots, repose toujours sur des questions concernant les choses. Il se trouve que j?ai découvert dernièrement l'origine de cette citation : il s?agit d?un extrait des Remarques sur le livre de L. H. Jakob : « Examen des ?Heures matinales? de Mendelssohn » [22], où Kant, que Popper tenait en très haute estime, sans toutefois accepter du tout le « tournant » copernicien et l'idéalisme transcendantal, s?opposait à Mendelssohn, lequel soutenait déjà que « toutes les querelles philosophiques (pourraient être) de simples querelles de mots ». Kant prend comme exemple la manière dont Mendelssohn prétendait avoir montré l'inanité du problème de la liberté et de la nécessité naturelle en dénonçant l'ambiguïté de l'expression « devoir par nécessité ». Cette stratégie de « dissolution » d?une authentique et angoissante question ne saurait pas plus satisfaire Popper qu?elle ne satisfaisait l'auteur de la Critique. On a peut-être là l'indication du fait que la tentation « linguistique » n?est pas tant une « découverte » de la philosophie contemporaine, qui se veut souvent « thérapeutique », à l'instar d?une sorte de psychanalyse du concept, qu?une constante tentation de l'esprit : un « tempérament » philosophique possible [23], auquel s?opposeront toujours ceux qui pensent avec Popper que si le philosophe, « contrairement au physicien, n?est pas confronté à une structure organisée, mais plutôt à un amoncellement de ruines (qui recouvrent peut-être un trésor enseveli) (...) certains croient (néanmoins) que la philosophie peut poser des problèmes authentiques à propos des choses (...) et s?ils se trouvent par chance incapables d?accepter l'une quelconque des croyances établies, il leur reste à reprendre tout au commencement » (Préface de 1934 de la LdF).

22L?un des enjeux porte ici sur le « problème de Hume », l'autre sur le « problème de Kant », l'induction et la métaphysique (ou plutôt la « démarcation » entre science et métaphysique). Schlick avait écrit, dans le fameux article de 1930 sur le « tournant » :

La philosophie manifeste plus clairement qu?auparavant son caractère définitif. Nous pouvons (...) la considérer comme en principe achevée. Il y aura certainement encore de nombreux combats d?arrière-garde (...), mais on finira par ne plus écouter (ceux qui empruntent les chemins habituels), et ils ressembleront à des acteurs qui continuent à jouer avant que de remarquer que les spectateurs se sont peu à peu retirés.

23Ce à quoi Popper répond :

Quand l'auteur de la Théorie générale de la connaissance (ouvrage dont je suis convaincu qu?il occupera toujours une place éminente dans la littérature philosophique) défend sa conception avec une telle détermination, celui qui ne peut pas le suivre n?a plus qu?une solution : essayer de ?discuter? ces ?vieilles pseudo-questions? avec des arguments auxquels on ne puisse pas rester sourd et que l'on soit dans la nécessité d? ?écouter?. Essayer de livrer un combat d?arrière-garde, si sévère que son adversaire ne puisse pas (comme il en a l'intention) ?se retirer? mourant d?ennui, mais qu?il soit contraint de se retourner et de faire face [24].

24La situation semble paradoxale : voici un philosophe autrichien qui se réclame en partie de Kant, s?oppose fortement à toute psychologie empiriste-assiociationniste et parle de « méthode transcendantale », face à un philosophe allemand qui se proclame positiviste (antimétaphysique), empiriste radical et disciple de Mach. Popper serait-il a prioriste, et donc, comme l'ont diagnostiqué indépendamment Neurath et Schlick, « métaphysicien » ? Tout dépend de ce que l'on appelle « métaphysique ». Un adepte du « principe de vérification » radical, tel Schlick, ne peut que considérer que la métaphysique est globalement et stricto sensu « dénuée de sens », ce qui entre parenthèses facilite grandement les cours d?histoire de la métaphysique... En effet, la signification se transmet par les conséquences : toute conséquence déductive (pléonasme !) non tautologique d?un énoncé vérifiable est vérifiable. Si vous admettez que n?a de sens, et donc de prétention à l'intelligibilité cognitive et à la vérité, que ce qui est vérifiable (positivisme), alors la science est close, tout va bien, et la métaphysique éliminée, sans fleurs ni couronnes. Si, en revanche, vous n?admettez pas le principe de vérification, et que vous proposez le principe de falsification (le mot est bien formé), tout change : comme la fausseté, la falsifiabilité ne se transmet pas (elle se retransmet, de la conclusion à la conjonction (Duhem !) des prémisses) : il s?ensuit que tout énoncé falsifiable a des conséquences non falsifiables, non empiriques, « métaphysiques », au sens logique du terme, parmi lesquelles certaines se trouvent, précisément, avoir une valeur historiquement considérée aussi comme « métaphysique ». Or, si l'on admet encore une fois que le sens se transmet déductivement, ce qui paraît être un réquisit minimal de toute théorie du sens, alors une théorie empirique a nécessairement des conséquences métaphysiques douées de sens, un « noyau dur » métaphysique [25].

25La situation est de fait compliquée, car Popper approuve Schlick et tout le CV sur un point fondamental : il n?y a pas de jugements synthétiques a priori valides [26]. On peut difficilement être « kantien » orthodoxe dans ces conditions, et encore moins « métaphysicien dogmatique », si l'on entend par là le partisan de l'idée, critiquée à juste titre par Kant, selon laquelle il pourrait exister une connaissance (intuitive ou conceptuelle) a priori de l'être en soi. Mais, tout comme le fera plus tard Quine, Popper récuse le « dogme » de l'empirisme réductionniste, pour lequel la science est en principe réductible à des énoncés phénoménistes, ou même à des énoncés observationnels objectifs, le reste étant fiction, construction ou instrument. En un sens, selon lui, l'a priori est indispensable, et l'empirique a avant tout, du point de vue logique, une fonction critique. Mais il faut parler d?hypothèses (génétiquement) a priori, produits de l'imagination empirique productrice du savant se confrontant activement à des problèmes, et non de principes universels valides a priori. La leçon qu?il tire intuitivement dès 1919 de la révolution einsteinienne se rapproche en ce sens de celle qu?en tirait beaucoup plus techniquement Schlick (1) dans les mêmes années, par exemple dans sa critique de Cassirer [27].

26De cela découle une conséquence métaphilosophique importante : alors que Schlick (2) proclame la fin des polémiques philosophiques « stériles », et leur dépassement grâce à l'usage d?une « méthode » définitive, en accomplissant de fait, quoique sur de toutes autres bases, le même geste de fermeture que l'auteur de l?Annonce d?un traité de paix perpétuelle en philosophie, Popper refuse toute fermeture de ce genre, tout en accordant à Kant que les problèmes sont authentiques, mais sans accepter pour autant que le criticisme leur ait fourni des réponses « incontestables ». Ils demeurent authentiques et ouverts, quoique éventuellement solubles. Paradoxalement, c?est là un point sur lequel il aurait pu peut-être s?accorder avec Heidegger, lequel affirmait à la même époque, en 1935 :

Les questions philosophiques, de par leur nature, ne sont jamais réglées d?une façon telle qu?on puisse un jour les mettre au rencart [28].

27Soit la question de la vérité, qui, on le sait, suscita aussi quelque peu la réflexion du berger de l'être souabe. Popper déclare admirer Schlick pour son analyse très lucide des difficultés de toutes les théories classiques et modernes de la vérité : correspondance, évidence, utilité, cohérence [29], et il le félicite en outre de s?en être toujours néanmoins tenu à la définition « classique », correspondantiste. Il lui reproche simplement, d?une part, d?avoir abandonné l'idée que la vérité pouvait aussi bien s?appliquer aux énoncés théoriques généraux qu?aux énoncés observationnels particuliers, et, d?autre part, d?avoir lui-même proposé, dès l'Allgemeine Erkenntnislehre, une théorie insoutenable de la mystérieuse adequatio, en termes de correspondance biunivoque [30]. Seule la théorie tarskienne, dont il se fera dès 1935 le plus chaud propagandiste, permettra selon Popper de « réhabiliter » la conception classique, ce que Tarski prétendait effectivement avoir tenté d?accomplir (et que Gœdel avait implicitement également fait, selon Popper). La question, on le sait, est encore fort disputée.

28Cela nous amène à traiter du problème que Popper a lui-même, non sans le regretter plus tard [31], appelé celui de la « base empirique ». C?est en ce lieu à mon sens, avec celui du problème connexe de la vérification, que la procédure d?effacement de l'image de Popper dans les représentations de l'histoire du CV donne ses résultats les plus dommageables : on ne peut guère comprendre cette passionnante polémique dans le détail sans le remettre à sa place, fût-ce au deuxième rang, derrière les aînés Neurath et Schlick, mais à côté de Carnap et devant Hempel... Il s?agit de savoir comment il convient de caractériser la « base empirique » de la science, et quel rôle lui attribuer, problèmes qu?aucune épistémologie des sciences empiriques ne saurait éluder, mais qui devient crucial dans le cadre de l'empirisme, qu?il soit vérificationniste-positiviste (le CV), ou falsificationniste-négativiste (son « opposition officielle », réduite alors à un jeune singleton [32]), ou encore qu?il soit inductiviste ou hypothético-déductiviste.

29On peut distinguer une paléontologie de la question, qui nous ferait remonter au moins à Aristote (Seconds Analytiques, II, 19), une préhistoire lointaine, qui nous ferait parler de Kant et de J. Fries, une proto-histoire immédiate, où l'on devrait inclure le débat Duhem/Poincaré sur les « faits bruts », la position empiriste radicale de Mach et la théorie des Elementarsätze du Tractatus (4.21), mais aussi une postérité du débat viennois, constituée en particulier par la position modérée adoptée par Hempel dès 1945, et celle de Quine dans les années 1950 (plus proche en un sens de celle de Neurath), sans parler de celles de Keith Lehrer ou de Donald Davidson [33], ainsi qu?une actualité récente, dans le débat entre les néo-poppériens John Watkins [34] et Élie Zahar, à la suite de la critique par Paul Feyerabend (1975) et par Alfred Ayer (1974) de la solution poppérienne. L?histoire « viennoise » proprement dite (1928-1935) paraît devoir compter au moins neuf étapes et comporter cinq protagonistes principaux, à savoir, par ordre d?entrée en scène : Carnap, Neurath, Popper, Schlick, Hempel. Or il convient, me semble-t-il, de distinguer trois « Carnap » distincts, et peut-être deux « Popper », du fait de l'intervention non intentionnelle du logicien polonais Tarski, ce qui complique nécessairement le scénario de ce film à suspens. Comme il me paraît nécessaire de faire intervenir une dizaine de critères différents [35], on obtient un tableau comprenant quelque 80 cases, que je laisse au lecteur le soin de constituer lui-même, si cela lui chante. Il n?est de fait guère facile à construire, puisque certaines réponses sont difficiles à donner : ainsi Neurath soutenait-il une forme de relativisme et une simple théorie de la vérité comme cohérence organique, comme on le lui a reproché ? Voici donc simplement le résumé cavalier, et sans doute non irréprochable, des neuf étapes principales :

301 / Carnap (1), 1928 (Der logische Aufbau der Welt). Les énoncés élémentaires qui vont permettre la « constitution » de la science unifiée sont de nature phénoméniste-solipsiste, sans qu?intervienne de « correspondance » avec la « réalité ». Le positivisme strict de l'ouvrage conduit à l'idée d?une « neutralité » de la construction par rapport aux enjeux métaphysiques classiques, quant à la réalité ou à la vérité. La constitution de l'intersubjectivité et de l'objectivité que tente d?effectuer, à partir des « souvenirs de ressemblance » subjectifs et à l'aide de la logique russellienne, ce grand ouvrage ambitieux et passablement difficile, n?en est que plus problématique. Sa postérité se retrouvera d?ailleurs non pas tellement dans les travaux de Carnap lui-même que dans ceux de Nelson Goodman.

312 / Neurath (1931) : « Physicalismus », Scientia. Contre Carnap (1). À la place du « langage phénoméniste », la base est constituée d?énoncés exprimés en « langage physicaliste » (première occurrence de ce terme dans ce contexte) ou encore « behaviouriste », « langage unifié » (LU) de la « science unifiée », y compris les sciences humaines. Monisme des énoncés : seul un énoncé peut être comparé à un énoncé, seul un énoncé peut en justifier un autre. On se dirige vers le holisme et peut-être la théorie de la vérité-cohérence [36], voire vers quelque chose qui n?est pas sans évoquer pour nous l'idée de « paradigmes » (incommensurables) (T. Kuhn, La structure des révolutions scientifiques, 1962).

323 / Carnap (2) (1932) : « Die physikalische Sprache als Universalsprache der Wissenschaft », Erkenntnis. Acceptation de la critique de la méthode phénoméniste-solipsiste par Neurath. Première occurrence de l'expression « énoncés protocolaires » (EP) : ils sont physicalistes [37], objectifs, intersubjectifs, mais « originaires » (ursprünglische) et infaillibles, et conservent un rôle fondationniste.

334 / Neurath (1932) : « Protokollsätze », Erkenntnis (III, 1932-1933) ; pas de modification fondamentale par rapport à Neurath (1931), mais des précisions anti-Carnap (2), position jugée métaphysique (« ursprünglich ? !) et incohérente : les EP, étant objectifs, sont faillibles, en principe rectifiables ( « Il n?y a de Noli tangere pour aucun énoncé » ) et n?ont aucun rôle fondationniste ( « bateau de Neurath » ). Ils ne correspondent pas aux « énoncés phénoménologiquement réduits », mais ils sont néanmoins (objectivement) égocentrés : ils comportent non des « particuliers égocentriques », au sens de Russell ( « Je », « Hic », « Nunc » ), mais des indications spatio-temporelles et des noms propres objectifs, à savoir le nom de l'observateur, en l'occurrence : « Otto » ! Ils sont constitués d?énoncés enchâssés de manière complexe, à vrai dire un peu baroque. Neurath insiste sur l'aspect de « décision intersubjective » de l'acceptation des EP.

345 / Popper (1932), en tant que ses thèses sont présentées par Carnap au CV, et évoquées par ce dernier dans Erkenntnis (« Über Protokollsätze », III, 1932-1933, p. 215-228), alors qu?elles ne seront publiées par leur auteur qu?en 1934. Les « énoncés de base » (EB) (première occurrence de cette expression, adoptée ensuite par presque tout le monde [38]) sont « transcendants », objectifs, physicalistes, faillibles, ne contenant pas le nom propre de l'observateur, mais avec des coordonnées spatio-temporelles individuantes, et intersubjectivement testables par simple observation : « Il y a un cygne non blanc dans le Volksgarten de Vienne en janvier 1932 » : un EB peut ainsi fonctionner comme un « falsificateur potentiel » (FP) d?une loi universelle ( « Tous les cygnes sont blancs » ). Une théorie est empirique ssi la classe de ses FP est non vide. Les EB n?ont aucun rôle fondationniste, mais seulement un rôle de base de la mise à l'épreuve des systèmes d?hypothèses théoriques (mention étant dûment faite au passage du « problème de Duhem »). Dualisme des énoncés et des expériences vécues, contre le « monisme des vécus » de Carnap (1) et le « monisme des énoncés » de Neurath (ces expressions sont de Popper, mais il est très dommage qu?il n?ait pas insisté plus sur son propre « dualisme »). Abandon du principe de vérification, de la thèse antimétaphysique et du projet commun à tous les membres du CV de construction d?un « langage unifié de la science » (LU). Refus de la vérité-cohérence, qui fait sortir de l'empirisme. Mais Popper ne se prononce pas franchement sur la vérité-correspondance, pourtant implicite dans sa théorie « absolutiste » et dans sa proclamation de « foi » réaliste. Cette discrétion est due à la force des critiques de Neurath, et aux difficultés logiques de toute théorie de la vérité (le « Menteur »). L?acceptation (faillible) d?un EB intersubjectivement testable est en dernière instance le produit d?une « décision collective », comme chez Neurath, voire (terme sans doute malheureux), d?une « convention », ce qui peut ressembler à un refus excessif du psychologisme, propre à faire tomber dans le « sociologisme » (selon Élie Zahar). Popper discute dès 1931-1932 le problème dans le cadre de ce qu?il appelle le « trilemme de Fries », ou trilemme de la justification. Les membres du CV ne reprennent pas cette problématique, réactivée par la suite dans les années 1960 par le poppérien allemand Hans Albert ( « trilemme de Münchhausen » ), dans sa polémique avec le « fondationnisme » apélien [39]. (Ce trilemme remonte aux sophistes et aux sceptiques grecs.)

356 / Carnap (3) (1933-1936) : choisit la « procédure B » (Popper), pour des raisons pragmatiques (attitude carnapienne classique, réitérée en 1936 dans le célèbre article « Testability and Meaning »), plutôt que la « procédure A » (Neurath). Les EB conservent cependant, contrairement à la thèse de Popper, un rôle de fondement du sens des termes théoriques, et donc un rôle « antimétaphysique », dans le cadre réaffirmé du projet de construction d?un LU physicaliste (Neurath), que Popper conteste. Ils ne sont pas réduits à un rôle purement critique, mais servent de « base de confirmation », puisque le principe de vérifiabilité fort, soumis à la critique de Popper, est abandonné, au profit de ce qui deviendra dans les années 1940 le projet (antipoppérien) de construction d?une « logique inductive probabiliste », ou logique de la confirmation. Antirelativisme, mais abstention sur la question « réalisme versus instrumentalisme » (débat « dénué de sens », ramené à une question de choix conventionnel d?un langage : cette attitude sera encore celle de Carnap dans sa réponse à son disciple hérétique Quine).

367 / Schlick (1934) : « Über das Fundament der Erkenntnis », Erkenntnis, IV. Réaction violente contre Neurath, au profit d?un retour partiel à Schlick (1918) (distinction de l'Erkennen et du Kennen) et à Carnap (1), mais avec le maintien de la vérité-correspondance au seul niveau des énoncés d?observation singuliers, décrivant les « constatations » subjectives, énoncés quasi ineffables, fulgurances instantanées, à la limite du langage articulé ( « Ici, maintenant, chaud ! » ) ; Neurath, comme le dit d?ailleurs mezzo voce en même temps Popper (1934, § 26 : Neurath « jette l'empirisme par-dessus bord »), est accusé solennellement de rompre avec l'empirisme et de tomber dans le relativisme et le sociologisme. La position de Carnap (3) - Popper (1) n?est pas discutée, sans doute parce que, avant la rencontre avec Tarski, Popper avait des scrupules à employer la notion de vérité, et que Carnap croyait également, à l'époque (1934), pouvoir se passer de tout concept « sémantique », ce à quoi il renoncera, lui aussi sous l'influence de Tarski, dès 1935. Les expériences décrites par les EB (dualisme) conservent un rôle fondationniste radical. Schlick ne fait pour autant pas appel à la notion « cartésienne-husserlienne » de vécu égocentré, car le cogito est toujours considéré comme un énoncé métaphysique vide, ce qui n?est pas sans enlever quelque force à la présentation schlickienne [40]. Schlick fait donc en passant, dans cet article, une allusion à Popper, non pas cependant à la LdF, qu?il va bientôt publier (fin 1934), mais via Carnap (1932), et il le réduit au cohérentisme extrémiste des « neurathiens » (dont Carnap et surtout Hempel), qui le scandalise fortement.

378 / Popper amendé Tarski. Rencontrant le grand logicien à Prague en août 1934 puis à Vienne en 1935, Popper n?éprouvera plus aucun scrupule « neurathien » à utiliser librement le concept de vérité-correspondance, et le terme ambigu de « convention » tendra à disparaître de son vocabulaire sur ce point. L?acceptation d?un EB demeure, logiquement parlant, une « décision », mais elle est prise à la lumière de ce que la communauté scientifique juge « vrai », à partir, évidemment, des observations concordantes des individus qui la composent. Cette évolution ne sera néanmoins manifeste que bien plus tard (avec les notes de l'édition anglaise de la LdF, qui devient en 1959 la LSD [41]). Le « dualisme » lui permet de dire que les expériences ne peuvent en tant que telles pas impliquer des énoncés, mais seulement les causer ou les motiver [42] : parce ce qu?ils sont considérés (failliblement) comme des descriptions objectivement vraies, rendant compte des observations, et intersubjectivement contrôlables, ce qui suppose qu?un accord intersubjectif sur un EB peut être considéré à certaines conditions comme un indice d?objectivité. Les EB sont toujours « chargés de théorie » (theory-laden). Notons que Neurath refusera toujours la théorie tarskienne, et avec elle la sémantique carnapienne (1942), qu?il jugera éminemment métaphysique, car non nominaliste. Quine s?en souviendra peut-être.

389 / Carl Hempel (1) (1935-1936) [43] soutient Neurath contre Schlick, et accuse ce dernier (à cause du dualisme, du fondationnisme et de la vérité-correspondance) d?être « métaphysicien ou poète ».

39Remarque marginale : le débat semble s?être focalisé autour de l'opposition Neurath/Schlick, les deux « aînés » du CV. Mais, à y regarder de près, ce ne sont point eux qui ont effectué le travail technique le plus important, mais ce sont bel et bien Carnap et Popper qui l'ont fait. Neurath était un sociologue-économiste de formation, à l'esprit plus pratique et encyclopédique que formaliste, et Schlick un physicien. Mais il est remarquable que son œuvre, à l'exemple de sa contribution cruciale de 1934 au débat sur la base empirique, soit tout à fait non formalisée. Ses interventions sont le plus souvent exprimées dans le langage courant, et ce parfois non sans une certaine candeur [44]. Rien à voir avec la LdF, et encore moins avec la Syntaxe logique du langage de Carnap (1934). Le « formalisme » n?est donc pas consubstantiel à l'empirisme logique, auquel celui-ci est souvent réduit.

40Résumé des épisodes suivants : intervention de l'absurde et de la contingence extra-logique, à savoir : assassinat de Schlick sur les marches de l'Université de Vienne par un étudiant nazi et psychopathe, exil de Popper en Nouvelle-Zélande (1937), de Neurath en Hollande (1935) puis en Grande-Bretagne (1940), de Waismann en Angleterre, de Carnap, Hempel et Tarski aux États-Unis, où ils retrouvent Ernst Nagel, Feigl et Quine [45]. Le grand Bertrand Russell s?en prend vertement à Neurath et Hempel (1) (1940, chap. X), au nom de l'empirisme et du bon sens, et semble plus proche de Schlick, dont il critique cependant fortement le principe de vérification, l'accusant même de commettre un « sophisme » (chap. XXII). Proche en cela de Tarski et de Popper, mais indépendamment d?eux, il critique sévèrement le pragmatisme et la théorie de « l'assertabilité garantie » de Dewey (chap. XXIII) et défend la « correspondance ». Mort subite de Neurath (1945). Hempel (2) (1945 [46]) affirme que la polémique entre lui-même et Schlick était fondée sur un malentendu de langage (influence de Carnap ?), et s?appuie, comme Carnap et Popper, sur la réhabilitation de la vérité-correspondance par Tarski. Hempel affirme que, contrairement aux apparences, Neurath et lui n?auraient jamais nié le dualisme, consubstantiel à l'empirisme. Il récuse en revanche l'assimilation qu?il faisait en 1935 entre vérité et confirmation, que Carnap, après Popper, avait déjà abandonnée (1935 : « Truth and Confirmation »). Hempel emprunte à Popper (1934) l'idée du modèle de l'explication « nomologique-déductive », et le développe considérablement, ce qui fait qu?il est appelé désormais « modèle de Hempel ». La position officielle de l'empirisme logique paraît désormais se stabiliser autour de la conception de Carnap (3), « amendée Tarski ». Quine (1951) critique le fondationnisme et l'isolationnisme, si l'on peut dire, de Carnap, au profit d?un retour au faillibilisme et au holisme de Neurath, sans en conclure à la nécessité d?une théorie de la vérité-cohérence, ni au relativisme [47]. Quine propose une interprétation plus prudente de la théorie de la vérité de Tarski que celle de Popper (et même que celle de Carnap et de Tarski lui-même), car sa position tend vers un certain pragmatisme (non peircien : il récuse l'idée d?approximation de la vérité-asymptote, qu?au contraire Popper tentera (vainement) de formaliser en 1960 : sa théorie de la « vérisimilitude » sera réfutée en 1974 par son disciple David Miller [48]).

41En 1975, l'Autrichien Paul Feyerabend, ancien disciple de Popper, critiquant violemment son « père » spirituel, se réclame au contraire de Neurath (et de Kuhn) pour appuyer son relativisme radical contre le rationalisme antirelativiste de Popper [49]. Indépendamment, Alfred Ayer [50], ci-devant positiviste « schlickien », prenant à la lettre la LdF (1934), texte qui demeurait, on l'a dit, en retrait sur la question « métaphysique » de la vérité [51], affirme que la conception « conventionnaliste » des EB de Popper est en fin de compte sceptique, et conduit à une régression à l'infini vicieuse, contrairement à ce qu?affirmait Popper dans sa solution du « trilemme de Fries ».

42John Watkins et Élie Zahar, prenant au sérieux la critique de Ayer, suggèrent indépendamment, au début des années 1980, que le « conventionnalisme » des EB conduit peu ou prou à l'anarchisme épistémologique de Feyerabend, ce qu?aurait d?ailleurs sans doute nié le « dadaïste » en question, devenu pour le moins hostile à son ancien maître... Zahar propose donc de radicaliser et de complexifier le dualisme en empruntant, comme le suggérait aussi Chisholm, le concept d? « énoncé réduit » à la phénoménologie brentanienne, ce qui permet selon lui de mettre fin à la régression à l'infini des énoncés testables, jugée potentiellement dangereuse (relativisme). Comme l'avait fait remarquer Schlick, les énoncés d?observation « privés » sont les seuls énoncés synthétiques pour lesquels la compréhension de leur sens s?identifie à l'aperception de leur vérité (mit dem Sinne erfasse ich zugleich die Wahrheit). Popper avait tenté de s?en passer : il se contentait d?un dualisme radical entre expériences subjectives ineffables d?une part, et énoncés objectifs physicalistes intersubjectivement discutables de l'autre, jugeant les énoncés « zéro », dans le langage de John Watkins, redondants ( « Il me semble que je vois du rouge » ). Élie Zahar, tout en demeurant falsificationniste et antipositiviste, revient partiellement à la thèse de Schlick, selon laquelle le point qui rend nécessaire de construire la base-test des théories (interprétées en un sens poppérien-réaliste et, donc, antischlickien (2)) en termes d?énoncés égocentrés portant sur des vécus, et non en termes d?énoncés objectifs-intersubjectifs, est que c?est seulement dans le cas des « énoncés-zéro » (« videor videre ?, comme disait Cartesius irrefutabilis) que la vérité-correspondance est immédiatement et (quasi) infailliblement garantie. Toute la question est dans la nature de ce « quasi » : la seule formulation linguistique, Schlick n?est pas loin de le reconnaître, n?introduit-elle pas un minimum d?incertitude par rapport à l'immédiateté de l'expérience vécue ? Citant Reininger (Das psycho-physische Problem (1916)), Popper (LDS, § 30, n. 4) paraissait en somme s?opposer à l'avance à l'idée de la nécessité du recours à des « énoncés zéro » : « Spricht die Seele, so spricht, ach ! schon die Seele nicht mehr » (Si l'âme parle, alors, hélas, ce n?est plus l'âme qui parle). L?expression linguistique introduit nécessairement une distance par rapport au vécu, distance minime qui nous éloigne néanmoins de l'absolu. Les hésitations terminologiques de Schlick sur l'expression exacte des « constatations », quasi ineffables, renvoient, à mon sens, à ce problème de la « différence épistémologique », celle qui sépare l'expérience immédiate indubitable de son expression linguistique, fût-elle « privée ». Ce problème nous vient, bien sûr, du cogito. Au fond, chez Popper, moins encore que chez Neurath, il n?y a pas de « langage privé », ou du moins il n?est pas nécessaire d?en imaginer un (le langage courant n?est d?ailleurs guère solipsiste). C?est un fait, simplement, que la communauté scientifique arrive en général assez rapidement à un consensus sur les EB. Sinon, ce serait « un échec du langage comme moyen de communication, une nouvelle Tour de Babel » et l'édifice entier de la connaissance objective tomberait en ruine (LDS, § 29). Le lien entre l'expérience privée et l'assertion et surtout l'acceptation collective d?un énoncé de base intersubjectif demeure néanmoins chez Popper quelque peu mystérieux. L?existence des expériences perceptives privées elles-mêmes comme « causes » ou comme « fondements » de nos jugements empiriques n?est guère niable. Popper tient qu?elles « motivent », mais ne « fondent » pas nos connaissances, car il voit dans le fondationnisme un réductionnisme et un dogmatisme. Mais on peut donner un autre sens à l'expression schlickienne de Fundament : les « constatations » sont les points d?arrêt ultimes de la procédure de contrôle des théories, qui ne sont ni réductibles à elles ni « garanties » et « justifiées » par elles et demeurent par conséquent ouvertes à la révision, contrairement aux pures constatations égologiques immédiates.

43Le débat entre Schlick et Popper n?a pas vraiment eu lieu, pour des raisons à la fois contingentes et profondes. Leur appartenance commune à la tradition des Lumières, leur attachement à la valeur de la clarté et à la nouveauté de la science contemporaine les rapprochaient suffisamment pour que ce débat avorté puisse être considéré comme une « querelle de famille », pour parler comme Habermas évoquant son débat avec Rawls. Il est, cela dit, dommage que Popper [52] n?ait pas pris la peine de situer sa position au moment du « débat » très virulent entre Schlick et Hempel (1934-1935), considérant sans doute qu?il avait suffisamment réglé la question dans la LdF, ce qui n?est pas exact, y compris de son propre point de vue. En effet, la rencontre avec Tarski l'a amené à modifier de manière conséquente sa conception dite « conventionnaliste » de la base, laquelle pouvait faire croire à Schlick que sa position ne différait pas essentiellement de celle de Neurath, alors même que Popper dans la LdF avait affirmé que la conception neurathienne conduirait à « jeter l'empirisme par-dessus bord » (§ 26). Il ne mentionnera même pas, à ma connaissance, l'article de Schlick sur le « fondement de la connaissance », pourtant si important, mais dont le titre même devait le rebuter. Il y a d?ailleurs là comme un chiasme assez étonnant : le positiviste antimétaphysique Schlick est « fondationniste », alors que l'antipositiviste Popper est aussi antifondationniste... Quoi qu?il en soit, le fait que Popper, fort isolé en cela, n?ait jamais accepté le « tournant » linguistique annoncé audacieusement par Schlick, sous l'influence conjuguée de Wittgenstein et de Carnap [53], ce fait explique en grande partie leur désaccord foncier sur le statut même de la philosophie et des questions métaphysiques. En revanche, le passionnant débat sur la base empirique, auquel ils ont tous deux fortement contribué, sans se répondre l'un l'autre, malheureusement, est en un sens exemplaire d?une manière collective de philosopher, d?argumenter, non sans passion ni incompréhensions, manière qui explique peut-être en partie notre nostalgie pour la grandeur de cette période « viennoise » de la philosophie théorique, mais qui montre aussi peut-être combien le diagnostic inaugural de Schlick (1930) sur l'achèvement des discussions philosophiques était prématuré.

Bibliographie

Bibliographie

  • Hempel Carl, Aspects of Scientific Explanation, The Free Press, 1965.
  • Popper Karl, Les deux problèmes fondamentaux de la théorie de la connaissance, trad. C. Bonnet, Hermann, 1999 ; La logique de la découverte scientifique (LDS), trad. P. Devaux, préface de J. Monod, Payot, 1973 ; La connaissance objective, trad. J.-J. Rosat, Aubier, 1991 ; La quête inachevée, trad. R. Bouveresse, Agora, 1989.
  • Russell Bertrand, An Inquiry into Meaning and Truth, Londres, Allen & Unwin, 1940 ; trad. fr. P. Devaux, Signification et vérité, Flammarion, 1969.
  • Schlick Moritz, Philosophical Papers, 2 vol., Reidel, Vienna Circle Collection, 1979 ; Allgemeine Erkenntnislehre, Berlin, Springer, 1918 (trad. angl. General Theory of Knowledge, New York, 1974) ; « Les énoncés scientifiques et la réalité du monde extérieur », trad. du général Vouillemin, Hermann, Actualités scientifiques et industrielles, 1934 ; Sur le fondement de la connaissance, ibid., 1936 : cette monographie (à rééditer !) contient aussi les deux réponses à Hempel (1935).
  • Zahar Élie, Essai d?épistémologie réaliste, Vrin, coll. « Mathesis », 2000.
  • Schlick und Neurath. Ein Symposium, herausgegeben von Rudolf Haller, Amsterdam, Rodopi, 1982.
  • Logical Positivism, A. J. Ayer (ed.), The Free Press, 1959.
  • The Philosophy of Karl Popper, P. A. Schilpp (ed.), 2 vol., La Salle, Ill., 1974.
  • Manifeste du Cercle de Vienne et autres écrits, sous la direction d?Antonia Soulez, PUF, coll. « Philosophies d?aujourd?hui », 1985.
  • Le formalisme en question. Le tournant des années trente, F. Nef et D. Vernant (éd.), Vrin, coll. « Problèmes et controverses », 1998.

Notes

  • [1]
    Voir ses intéressantes Questions d?éthique, trad. C. Bonnet (avec Volonté et motif, de F. Waismann), PUF, coll. « Philosophie morale », 2000. Popper ne les cite pas, alors qu?il fait grand cas de Moral, Wille und Weltgestaltung, de K. Menger (1935), « l'un des premiers auteurs à développer les fondements d?une logique des normes » (The Open Society and its Enemies, Londres, Routledge, 1966 (1re éd., 1945), vol. I, p. 234 (la « traduction » française (Seuil) est totalement inutilisable)). La confrontation entre les importantes conceptions morales de Schlick et de Popper (toutes deux négligées) ne pourrait donc reposer sur aucun texte de ce dernier portant sur celle du premier.
  • [2]
    Cf. H. Feigl, « Moritz Schlick », Erkenntnis 7, traduit en anglais in M. Schlick, Philosophical Papers, I, p. XV-XXXVIII. Je remercie David Miller et Élie Zahar pour leurs commentaires sur une première version de cet article.
  • [3]
    « Schlick on the Foundations of Knowing », Schlick und Neurath, R. Haller (ed.), p. 149. On trouvait en fait cette thèse déjà chez Neurath, lequel glorifiait l'Autriche d?avoir pu se passer de l' « intermède kantien », liant de manière assez amusante cette opposition à la différence entre catholicisme et protestantisme. Voir l'excellent recueil Otto Neurath, un philosophe entre science et guerre, in Cahiers de philosophie du langage, no 2, L?Harmattan, 1997, p. 58 (art. de Jan Sebestik). Ni Schlick ni Popper n?ont soutenu une telle thèse.
  • [4]
    Comme l'étaient paradoxalement certains « austro-marxistes », tel Otto Bauer, dont se sentait proche l'autre Otto, Neurath, ancien membre du gouvernement révolutionnaire de Munich en 1919.
  • [5]
    Cela est confirmé par Alfred Ayer, Le « Cercle de Vienne », Le Cercle de Vienne. Doctrines et controverses, textes présentés par J. Sebestik et A. Soulez, Méridiens-Klincksieck, 1986, p. 78. Ayer, dans cet article fort intéressant, parle de Schlick comme d?un homme d?une parfaite urbanité, le comparant même à « un sénateur américain dans un film d?avant la guerre ». Il évoque Popper, avouant qu?il ignore pourquoi il ne fut jamais invité chez Schlick, soupçonnant peut-être que le caractère notoirement difficile de Karl n?y était pas pour rien. Il réitère aussi son refus, largement partagé à l'heure actuelle, d?accorder que Popper ait résolu le « problème de Hume ».
  • [6]
    À l'exception notable du remarquable article de J. Bouveresse, « La théorie et l'observation dans la philosophie des sciences du positivisme logique », in Histoire de la philosophie, sous la dir. F. Châtelet, vol. 8, 1973. Voir aussi l'ouvrage important d?Alberto Coffa, The Semantic Tradition from Kant to Carnap, Cambridge University Press, 1991. Coffa confond cependant la position de Popper avec celle de Neurath : cf. D. Miller, « Popper and Tarski », Popper?s Open Society after 50 years, I. Jarvie & S. Pralong (eds), Routledge, 1999, p. 64.
  • [7]
    Cf. Unended Quest (La Quête inachevée), § 17 : « Who killed Logical Positivism ? » On peut être excédé par la vanité du vieil homme, sa propension à fustiger les hégéliens et les wittgensteiniens et à répondre brutalement à ses contradicteurs, mais méconnaître l'humour de Sir Karl est impossible. Voir ainsi, dans Conjectures et réfutations (Payot, 1985, chap. 14), le dialogue où Théétète explique l'autoréférence et les théorèmes de Gœdel et de Tarski au vieux Socrate : « Socrate : ?Mais enfin, qui sont ces gens ? Théodore ne m?en a jamais parlé !? Théétète : ?Des barbares, Socrate, mais ils sont très forts !? » Kleene cite ce dialogue dans son manuel Logique mathématique (Colin). Voir aussi la « Préface de 1956 » du Réalisme et la science, Hermann, 1990, « Sur la non-existence de la méthode scientifique », où l'on compte une foule de tournures malicieuses.
  • [8]
    « Popper and the Vienna Circle », in The Philosophy of Karl Popper, I, p. 200. Voir aussi la réponse de Popper, à la fin du vol. II. Kraft avait proposé à ce dernier de reprendre en 1948 la prestigieuse chaire de Schlick. Popper déclina l'invitation, en estimant qu?il se devait de rester en Angleterre, à la LSE. Ce fut Kraft lui-même qui l'occupa, en fin de compte. Karl Menger rapporte dans ses Mémoires, en appendice de son recueil Morality, Decision and Social Organization. Towards a Logic of Ethics, Reidel, Vienna Circle Collection, 1974, que la dernière chose que Viktor Kraft écrivait la veille de sa mort, en 1975, était une lettre à Popper.
  • [9]
    Voir les tables des matières de ces travaux (non publiés) à la fin du deuxième volume de The Philosophy of Karl Popper, Schilpp (ed.), 1974.
  • [10]
    Fils de Carl Menger (1840-1921), le fondateur du marginalisme et de l'« individualisme méthodologique » (avant Max Weber), selon l'expression de l'économiste autrichien Schumpeter, reprise par L. von Mises et Popper. K. Menger, mathématicien et théoricien de la « logique des normes », est aussi l'auteur du « principe de tolérance » en logique, repris par Carnap (et attribué depuis à ce dernier).
  • [11]
    Frère de Ludwig von Mises, lui-même continuateur de... Carl Menger, et maître de Hayek, lequel devint proche de Popper, à Londres, en 1936, où Karl fit également la connaissance d?un autre de ses compatriotes, le grand historien de l'art Ernst Gombrich. Notons qu?il y a eu incontestablement une « école autrichienne » en économie.
  • [12]
    Comme sur la question de l'induction. Popper (LDS, I, 1, n. 5) cite Liebig, Duhem et Kraft en tant qu? « anti-inductivistes ». Le résumé de son livre de 1925, Die Grundformen der wissenschaftlichen Methoden, que l'on trouve dans l'importante bibliographie de l'excellent recueil de A. Soulez et J. Sebestik, Manifeste du Cercle de Vienne et autres écrits, p. 136, est très clair sur ce point. Schlick n?a jamais pris l'idée de « méthode inductive » très au sérieux, mais il allait jusqu?à penser que le problème de Hume était lui-même un « pseudo-problème », ce qui ne pouvait satisfaire Popper. De même, Wittgenstein considérait (à tort) que le problème hilbertien de la preuve finitiste de la consistance de l'arithmétique était un faux problème.
  • [13]
    Voir l'émouvante Introduction du chap. 11 de Conjectures et réfutations, Payot, 1985, consacré à Carnap.
  • [14]
    Cf. Popper, Un univers de propensions, L?Éclat, 1992, p. 23.
  • [15]
    From a Logical Point of View, New York, Harper & Row, 1951, p. 79.
  • [16]
    Ce que lui reprochera en 1959 Herbert Simon, ancien élève de Carnap à Chicago et l'un des inventeurs de l'intelligence artificielle. Voir mon article « D?où viennent les idées justes ? », in Introduction à la lecture de K. Popper, PENS, 1994. L?attitude de Popper à l'égard de la métaphysique devait évoluer dans les années 1940, dans un sens encore plus anti-positiviste : alors qu?il ne lui accordait au plus que du sens dans les années trente, en la situant hors du domaine du rationnellement discutable, et donc dans celui de la « foi », il finit par admettre qu?elle pouvait être rationalisée, et que des « conjectures métaphysiques » pouvaient appartenir de droit au domaine de la discussion rationnelle.
  • [17]
    Cf. La Connaissance objective, chap. 6 ( « Des nuages et des horloges » ), § 10.
  • [18]
    Cf. K. Popper et J. Eccles, The Self and its Brain, Berlin, Springer, en part. p. 83, sur la « théorie de l'identité » de Feigl, anticipée par Schlick, et à laquelle Popper attribue curieusement des origines kantiennes et schopenhaueriennes. On ne peut pas dire que sa propre tentative de solution ( « interactionnisme néo-cartésien » ) de ce problème redoutable (le corps et l'esprit) ait obtenu un franc succès. Mais il avait eu le mérite de mettre l'accent sur les difficultés de toutes les réductions mécanistes-matérialistes, sur l'impossibilité de séparer étude de l'esprit et étude de l'environnement sociolinguistico-culturel ( « Troisième Monde » ), et sur le caractère crucial de la notion de conscience, devenu depuis manifeste au sein du courant naturaliste lui-même. Croire qu?on a « expliqué la conscience » est une illusion.
  • [19]
    Voir Manifeste du Cercle de Vienne, où le résumé de l'Erkenntnislehre (p. 141) signale que sur la question de la « réalité » Schlick a désormais (1929) adopté les positions (positivistes) « de Wittgenstein et Carnap »...
  • [20]
    Ce texte ne sera publié qu?en 1979. Voir l'excellente traduction française de C. Bonnet, Hermann, 1999, 460 p. Allez écrire un livre comme cela, à trente ans, en donnant une quinzaine d?heures de cours de maths et de physique par semaine, allez deux ans après publier la LdF, puis vous exiler par force (vous êtes d?origine « juive ») en Nouvelle-Zélande en 1937, avec votre piano, et, tout en donnant quinze heures de cours de logique et de philosophie des sciences par semaine, allez écrire The Poverty of Historicism et The Open Society, défendant en 1942 la démocratie libérale et le réformisme contre tous les totalitarismes. Et en sus, proposez une critique de la dialectique (1937), une axiomatisation du calcul des probabilités (1938) et un système de déduction naturelle (1945)... Alors, si vous ne commettez aucun excès ni aucune erreur (Popper en a commis un assez grand nombre !), et si vous ne tirez aucune fierté excessive de votre travail, c?est que vous n?êtes pas un être fini.
  • [21]
    Cette lettre est publiée en appendice de l'édition anglaise de la LDS. Einstein, qui avait eu connaissance de ce livre grâce à Mme Buch, critique l'expérience de pensée proposée par Popper contre l'interprétation de Heisenberg, et il explique à cet illustre inconnu qu?il n?a pas d?exemplaires d?un article qu?il vient d?écrire « avec MM. Rosen et Podolski », mais qu?il va lui expliquer en deux pages de quoi il retourne. Imaginez : un jeune professeur de physique dans un collège qui reçoit une lettre d?Einstein lui expliquant le « paradoxe EPR »... (Le manuscrit en est reproduit dans l'édition de la LSD, pas dans celle de la LDS (en français).) On note qu?à la même époque Schlick continuait à penser l'œuvre d?Einstein en termes « machiens » : « The introduction of relative simultaneity conforms to the principle according to which only observables are to be included in the formulation of the laws of nature » (Philosophy of Nature, New York, Greenwood Press, 1948, p. 57. Il s?agit d?un cours donné à Vienne en 1933).
  • [22]
    Ak. VIII, 152, traduit par P.-H. Tavoillot, Le crépuscule des lumières, Cerf, 1995, p. 276.
  • [23]
    Schlick se réclame de Socrate, que Popper, sur ce point, déclare ne pas suivre. Schlick se référait déjà, en 1917, à la définition (anti-deleuzienne !) de la philosophie par Herbart, comme n?étant pas une « création » mais une « élaboration des concepts » (Bearbeitung der Begriffe) (« Erscheinung und Wesen », Kant-Studien, 1918, traduit en anglais in Philosophical Papers, I, p. 270), que Popper n?aurait pas acceptée. Il se refusait d?ailleurs à donner une définition de la « nature » de quoi que ce soit ( « anti-essentialisme » ).
  • [24]
    Les deux problèmes, p. 313. On sait qu?en philosophie la joute métaphorique est d?importance. Vous pouvez peut-être déterminer votre « tempérament » philosophique en vous demandant lesquels des deux « Viennois » (lato sensu) l'a en l'occurrence emporté...
  • [25]
    Le... Hongrois Imre Lakatos en fera la base de son intéressante théorie des « programmes scientifiques de recherche », alors que son maître Popper avait parlé, plus vaguement, mais à plus juste titre, de « programmes métaphysiques de recherche » (par ex. : le mécanisme cartésien).
  • [26]
    Voir J. Bouveresse, « Schlick et le synthétique a priori ?, Le formalisme en question. Le tournant des années trente, sous la direction de F. Nef et D. Vernant, Vrin, 1998.
  • [27]
    Kritizistich oder empiristische Deutung der neuen Physik ?, Kant-Studien 26 (1921), trad. angl., Philosophical Papers, vol. I, chap. 13. Pour complexifier un peu le débat sur le criticisme entre 1920 et 1935 au sein de la philosophie de langue allemande, je propose donc de ne pas le réduire à une célèbre station de ski suisse, et d?introduire la valse viennoise dans la gigantomachie du phénomène ; on obtient ainsi au moins trois estocades entre au moins quatre protagonistes : Schlick/Cassirer ; Heidegger/Cassirer ; Popper/Schlick.
  • [28]
    Introduction à la métaphysique, Gallimard, 1967, I, p. 63. Popper juge néanmoins que certains problèmes philosophiques peuvent recevoir des solutions, comme ceux de la démarcation et de l'induction. Peu de philosophes pensent à dire vrai qu?il les ait résolus, mais il me paraît difficile de nier qu?il a fait évoluer ces questions, une solution de problème, selon sa propre thèse, engendrant nécessairement l'émergence de nouveaux problèmes.
  • [29]
    Cf. « Das Wesen der Wahrheit nach der modernen Logik » (1910), trad. angl. in Philosophical Papers, I, chap. 3. Il y est en fait paradoxalement très peu question de la logique « moderne » (Frege-Russell).
  • [30]
    Laquelle, confondant le faux et l'ambigu, ne permet pas de comprendre le vague et la référence multiple : La connaissance objective, chap. 8, § 4 ( « Le réalisme en logique » ). Selon Popper, la théorie wittgensteinienne de l'image (Bild) ou de la « projection » (le fameux grammophone de 4 . 014) est... « encore pire », ce qui me paraît exagéré. La « réfutation » humoristique qu?il en donne laisse le lecteur sur sa faim.
  • [31]
    À cause de la connotation fondationniste de la notion de « base » (Basis). En dehors du bateau de Neurath, est-il de plus suggestive métaphore de l'anti-fondationnisme que celle qu?offre Popper à la fin du chapitre de la LdF consacré à la base empirique (construction sur pilotis) ?
  • [32]
    Ou plutôt : au jeune membre d?un singleton, le Poppers Kreis.
  • [33]
    Cf., du premier, « Schlick and Neurath : Meaning and Truth », in Schlick und Neurath, p. 49-63, qui se réclame du « faillibilisme », et voit néanmoins une « forte similarité » (p. 52) entre les positions de Schlick et de Popper, et, du second, « Empirical Content » (ibid., p. 471-489), qui se situe dans la lignée du « naturalisme » quinien.
  • [34]
    Science and Scepticism, Princeton, 1984 ; voir le chap. 7 de mon Introduction à la lecture de K. Popper, « L?énigme épistémologique ».
  • [35]
    Par ex. : Monisme ou dualisme ? La base est-elle phénoméniste ou physicaliste ? subjective ou objective ? faillible ou infaillible ? Vérité-correspondance ou cohérence ? Fondationnisme ou anti-fondationnisme ? La base est-elle seule douée de sens cognitif ? Holisme radical ou non ?...
  • [36]
    C?est ainsi que le comprendront Popper, Schlick et Russell ; Neurath et Hempel se défendront d?avoir soutenu une telle thèse, fort peu empiriste : Hempel (1945) considère que Neurath et lui-même (en 1935-1936) soutenaient simplement une réduction de la vérité à la vérification, et une conception holistique de l'acceptation des énoncés.
  • [37]
    Carnap recevra, semble-t-il, à cette occasion une lettre virulente de Wittgenstein, l'accusant de lui avoir « volé » l'idée du physicalisme : il aurait d?ailleurs dû s?attaquer à Neurath. La réaction de celui qu?on appelait l' « éléphant » eût été sans doute moins modérée que celle de l'aimable Rudolf.
  • [38]
    Russell (1940) a de bonne foi accrédité la thèse selon laquelle l'expression basic statements serait la traduction par Ayer, dans son célèbre manifeste positiviste (Logic, Language and Truth (1936)), de l'expression carnapienne de Protokollsätze, alors que Ayer n?avait guère pu ne pas avoir connaissance de la terminologie poppérienne (1934), même s?il n?a rencontré Popper qu?en 1936 en Angleterre.
  • [39]
    Il faut noter que la question de l'acceptation des EB jouera dans les années 1960 un rôle important dans la querelle entre Habermas, encore néo-marxiste, et Hans Albert.
  • [40]
    L?article de Chisholm cité plus haut est par ailleurs fort intéressant. Il rapproche les Konstatierungen de Schlick des « perceptions internes » de Brentano, et des « autoprésentations » de Meinong, faisant remarquer que ces énoncés doivent être construits comme des « énoncés cogito », à l'encontre de ce que cherchait à faire l'anti-cartésien Schlick.
  • [41]
    La note 1* du § 84 soutient explicitement que Tarski a réduit la notion de « correspondance » à celle de « satisfaction ». On ne souligne pas assez cette remarque. Popper aurait dû le faire lui-même ! Il avait soutenu dès les années 1940 que « certaines des intentions de Wittgenstein et de Schlick lorsqu?ils demandent une philosophie du sens (meaning) sont remplies par la théorie logique que Tarski a appelée ?Sémantique? » (The Open Society, II, p. 298).
  • [42]
    Élie Zahar considère que la théorie correspondantiste doit intervenir au niveau des énoncés de base « phénoménologiques », entre eux et les vécus, car c?est seulement dans ce cas que la correspondance est pour ainsi dire garantie, tout le reste étant faillible. Sa position se rapproche dès lors de celle de Schlick.
  • [43]
    « On the Logical Positivists? Theory of Truth », Analysis, 2. Voir aussi le texte tardif (1982) de cet important et cependant modeste penseur, « Schlick und Neurath : Fundierung versus Kohärenz in der wissenschaftlichen Erkenntnis », Schlick und Neurath (op. cit.), p. 1-18, où il est également question de l'influence de Popper, lequel ne voulait ni de la fondation, ni de la (vérité-)cohérence.
  • [44]
    Je n?arrive pas tout à fait à me départir du sentiment que Schlick est peut-être plus « romantique » que ne pourraient le faire accroire ses proclamations scientistes. Je demeure ainsi assez dubitatif face à son projet de « philosophie de la jeunesse ». Voir aussi l'importance de la « joie » de la vérification, ce « sentiment noble d?avoir deviné juste » (« Sur le fondement de la connaissance », § VI). Popper est plus méphistophélique.
  • [45]
    Voir mon article « L?exil et ses raisons », in Cahiers de philosophie de l'Université de Caen, Raison et émigration, 1996, no 30.
  • [46]
    « Studies in the Logic of Confirmation », Mind, repris in Aspects..., chap. 1, n. 49 et 50.
  • [47]
    Quine, on ne le signale pas suffisamment, est par ailleurs favorable au « falsificationnisme » poppérien, qui permet, selon lui, de résoudre le « paradoxe de Hempel » (mais pas celui de Goodman) : « On Popper?s Negative Methodology », The Philosophy of K. Popper, I, p. 218-220. La couleur des émeraudes est certes plus difficile à traiter que celle des corbeaux.
  • [48]
    Voir son ouvrage Critical Rationalism. A Restatement and Defence, Open Court, 1994. Popper a continué à soutenir que cette idée était néanmoins intuitivement nécessaire, en particulier lorsque l'on utilise des « modèles ».
  • [49]
    Cf. Against Method, Outline of an Anarchistic Theory of Knowledge, Londres, NLB, 1975, chap. 14, in fine. Cet ouvrage devait être accompagné d?une réponse « pour la méthode » de son ami Lakatos, lui aussi poppérien dissident ; mais Lakatos est mort subitement, en 1974.
  • [50]
    Truth, Verification and Verisimilitude, The Philosophy of K. Popper, vol. 2, p. 684-691. Ce texte est daté de 1967. Il faut lire la réponse, par ailleurs peu chaleureuse, de Popper, ibid., p. 1110-1114. J. Watkins y lisait une acceptation par Popper des thèses de Ayer, et donc une renonciation à son anti-inductivisme, ce qui est discutable. Popper s?appuie sur la théorie de l'évolution pour affirmer la relative fiabilité de nos sens. Mais la théorie de l'évolution doit elle-même être testée. Quine accepterait sans doute lui aussi cette circularité, récusée par Ayer, Watkins et Zahar.
  • [51]
    D?où bien des malentendus, à cause d?une phrase du premier paragraphe du § 84 de LdF ( « Remarques concernant l'usage des concepts de ?vérité? et de ?corroboration? » ), où Popper affirmait que la théorie de la science qu?il proposait pouvait se dispenser d?utiliser les termes « vrai » et « faux », et se contenter de parler de relations logico-syntaxiques entre théories et énoncés acceptés intersubjectivement grâce à une décision conventionnelle, ce qui est trompeur, alors même que la suite du texte indique que l'on peut utiliser ces mêmes concepts et qu?en tout cas il ne faut pas les confondre avec ceux de « corroboré » et « non corroboré », comme le font les pragmatistes : « On peut dire d?une théorie qu?elle est à peine corroborée, ou toujours pas corroborée, mais pas qu?elle est encore à peine vraie, ou qu?elle n?est toujours pas fausse. » Cela ressemble un peu à la critique par Moore de la définition utilitariste du Bien.
  • [52]
    Ni du reste Russell (1940), qui attaque Neurath et Hempel sans citer Schlick (1934).
  • [53]
    Alors même que, disciple de Bühler, il n?a cessé d?accorder au langage des fonctions considérables dans la constitution même de l'humanité comme produit de son produit, le « savoir objectif » (Objective Knowledge), en particulier grâce à ce qu?il a appelé sa « fonction argumentative ». Le point important, c?est la fonction (métalinguistique) critique du langage : le fait de pouvoir contester une description jugée fausse.
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